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L'art du contretemps. DEPARTS, journal des normaliens de Nîmes, sort son N° 1 en juin 1939 sous l'égide du pacifiste Romain Rolland

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DEPARTS, revue de l'ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS DE NIMES

Je continue mon recensement des revues languedociennes.
En attendant de m'attaquer à un plus gros morceau, voici ma dernière trouvaille, achetée ce matin. 

DEPARTS
REVUE DES JEUNES - FONDEE PAR LES CONQUISTADORES
ECOLE NORMALE DE NÎMES 
N° 1, Juin 1939;
28 cm, 12 pages
Gérant : M. Pevel. Imprimeur : Marcel Gueidan, Nîmes. 
La couverture porte une phrase de Romain Rolland :  "Ce n'est pas rien, d'avoir vingt ans et de partir à la chasse des secondes d'éternité.". La page 1 porte un message du même acceptant de parrainer la revue.

Editorial de L. TRICHAUD : "Notre revue sera notre vie".
L'éditorial, signé L. TRICHAUD, ressasse une seule idée, respectable mais limitée : Nous avons 20 ans, nous aimons la vie, et celle-ci est devant nous. Luttons pour notre idéal. Or, quel est cet idéal, nous ne le saurons jamais.
Aucune trace de l'actualité brulante : la guerre sera officiellement déclarée le 3 septembre 1939.
Le parrainage de Romain Rolland mériterait au moins une allusion à cette guerre, et aux différentes options qu'elle offre : engagement, pacifisme, etc...  Rien de tout ça.
Est-ce que ces jeunes n'avaient aucun idéal? Est-ce au contraire qu'ils en avaient trop, certains à droite, d'autres à gauche, d'autres, comme Rolland "Au dessus de la mélée", cette diversité entrainant ces normaliens vers un degré zéro?
Nous ne le saurons sans doute jamais.
Aucun des participants identifiés n'a laissé d'oeuvre littéraire postérieure identifiable. Citons les :  L. TRICHAUD , A. GUERIN, G. RAYMOND, ROVER (?) , S. FIESCHI.
A moins que les pseudonymes de  LU, de RAFAELO, d'EKO cachent des talents futurs. Mais le seul article qui fasse un peu sourire est celui de Rafaelo sur LE STOMA. Voir ci dessous.

LA LITTERATURE A L'ESTOMAC
Quelle idée, pour des élèves instituteurs de sortir le N°1 d'une revue à la veille des vacances scolaires, et à 3 mois d'une déclaration de guerre !!
Je suis sûr qu'il n'y a pas eu de N° 2 .

ERREUR !! 
UN LECTEUR QUE JE REMERCIE INFINIMENT M'ENVOIE LE MESSAGE SUIVANT : 
En réalité il existe au moins le numéro 2 de la revue publiée le 1er juillet 1939, avec la même couverture mais un liseré bleu. On y trouve une réponse à Giono de A. Guerin, Giono qui avait promis de collaborer à la revue mais qui est gêné par le parrainage de Romain Rolland qui n'est pas un pacifiste intransigeant 



Un gros cabinet de lecture à Montpellier : Gabon, libraire en 1822. Les surprises d'un catalogue de 10 000 volumes

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CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822

CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE de GABON et Cie LIBRAIRES, Grand'Rue, n° 321 et 322, à MONTPELLIER. 
1822 - (Imprimerie de Jean Martel le jeune). 
90 pages - In 4° - 2767 titres (très souvent en plusieurs volumes). 

Je présente aujourd'hui quelques surprises ou notices amusantes tirées de ce catalogue .
Il ne convient pas de dire que cette liste reflète la lecture à Montpellier pendant la Restauration. Bien des bibliothèques, privées ou publiques, constituées à la même époque, montreraient le contraire.
Il s'agit de ce qui se lit dans le cadre d'un cabinet de lecture et de prêt de livres.
La catégorie des romans y est sur-représentée.  Je n'ai pas fait de statistique, mais disons que les 3/3 des livres prêtés sont des romans.
La surprise, c'est que les 90% au moins de ces romans n'ont laissé aucune trace dans la mémoire littéraire.
Paradoxalement, les plus connus sont les étrangers, allemands comme Goethe, mais surtout anglais : Fielding, Scott, Sterne, et tant d'autres. L'anglomanie de la Restauration n'est pas une légende.
Chez les français contemporains, c'est à peine si on aperçoit Lamartine ou Charles Nodier, écrasés par Chateaubriand qui joue, il est vrai sur tous les tableaux.
Les classiques français sont réduits a minima.  Mais les philosophes sont là : Montesquieu, Rousseau, Voltaire, Diderot, Condorcet ont là leurs oeuvres complètes, tout comme Nicolas Restif de La Bretonne.
Les récits de voyage sont la seconde catégorie en nombre.
A noter enfin un petit lot, mais très significatif, d'histoire contemporaine : toute une littérature napoléonienne ou au contraire anti-buonapartiste, et des apologies des Bourbons
Quelques almanachs, quelques livres techniques, par exemple de stratégie militaire complètent la collection. 
Notons l'absence TOTALE de toute publication régionale ou régionaliste. Rien sur l'histoire de Montpellier ou du Languedoc (alors qu'il en paraît alors à foison). Aucune trace de littérature occitane. Ni Goudouli, ni l'abbé Fabre, et, a fortiori, aucun autre écrivain de langue d'oc, fussent-ils montpelliérains comme Tandon.
Aucun livre religieux non plus. Pas même une Bible.
CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822

Finalement, la plus grosse surprise, dans cette France de la réaction catholique et de l'ordre moral, c'est la présence de 2 romans de SADELa Marquise de Ganges, en 2 volumes , et surtout les 8 tomes illustrés de  "Aline et Valcour, ou Le roman philosophique écrit à la Bastille un an avant la révolution de France par le marquis de Sade."

Mais voici quelques PERLES et SURPRISES cueillies au fil des pages .
Je cite tel que, sans commentaires.
Il y a souvent des sourires,parfois même des rires à lire ces listes. 
CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822


TITRES BIZARRES : en fait, c'est l'époque du sous-titre roi, c'est là où s'exhibe l'esprit de l'auteur ou le sens commercial de l'éditeur.  Certains sont de véritables devinettes.
74 - L'Américain, ou l'homme comme il n'est pas.
129 - Les aventures d'un homme extraordinaire, ou les femmes comme il y en a beaucoup. 2 vol.
183 - Caroline, ou le danger de nommer les choses par leur vrai nom. 3 vol.
246 - Clémence de Sorlieu ou l'homme sans caractère.
299 - La courtisane amoureuse et vierge. 2 vol.
309 - Le danger d'aimer un étranger . 4 vol.
337 - Les deux Eugènes, ou dix-sept pères pour un enfant. 3 vol.
417 - L'Enfant du trou du souffleur.
502 - Les folies de ce temps-là, ou le 33e siècle. 2 vol.
544 - Le grelot, ou Les etc. Ouvrage dédié à moi.
696 - Juanna et Tiranna, ou Laquelle est ma femme ? 4 vol.
790 - Le Mari coupable, ou L'Habitant des tombeaux. 2 vol.
797 - La marmotte philosophe, ou La philosophie en domino. Par Fanny de Beauharnais.
863 - Monsieur Ménard, ou l'Holle comme il y en a peu. 3 vol.
864 - Monsieur de La Poulinière, ou l'Homme comme il y en a tant. 3 vol.
960- Le Perroquet, roman anglais-français-allemand et qui n'est d'aucune langue. 4 vol.
1164 - La Tour infernale 3 vol.
1169 - Trois B*** , ou aventures d'un boiteux, d'un borgne et d'un bossu. 4 vol;
1168 - Vice et vertu 4 vol. (sorry, private joke)
1225 - Voyage autour de ma bbliothèque roman bibliographique. 3 vol. par Caillot
1278 - Zuloé ou La religieuse reine, épouse et mère sans être coupable . 3 vol.
1326 - Berthe ou le pet mémorable, anecdote du 19e siècle. 
2348 - Le fruit défendu, ou L'histoire d'un abbé.
2594 - Honny soit qui mal y pense, ou Histoires des filles célèbres du 18e siècle. 3 vol.
2620 - Le fut-il, le fut-il pas? ou Julie et Charles, suite et conclusion de l'égoïsme. 2 vol.
2719 - Résurrection d'Atala, et son voyage à Paris. 2 vol.
2735 - Séraphine, ou Le républicain royaliste. 2 vol.
2761 - Voyage au centre de la terre, ou Aventures de Clairancy et de ses compagnons dans le Spitzberg, au Pôle Nord et dans les pays inconnus. 3 vol. 


UN GOUT POUR L'EXOTISME ou quand le racisme ambiant cède le pas à la curiosité :
24 - Adonis, ou le bon nègre, anecdote coloniale.
99 - Antar, roman bédouin. 3 vol.
110 - Arnold et la belle Musulmane. 2 vol. 
274 - Les charmantes leçons d'Horam, dfils d'Asmar, trad. du Persan. 3 vol.
300 - Le cousin de Mahomet
698-Le juif bienfaisant . 3 vol.
874- La Mulâtre comme il y a beaucoup de blanches. 2 vol.
1276 - Zoflora, ou la bonne négresse. 2 vol.
CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822


NAPOLÉON, POUR OU CONTRE :
52 - Quelques scènes de la Campagne de Russie, anonyme, 2 vol.
84 - Amours et aventures de Barras ... avec mesdames Josephine de B* (future impératrice), Tallien, etc... 3 vol.
88 - Amours secrètes de Napoléon Buonaparte et de ses quatre frères. 6 vol. 
796 - Marie ou les peines de l'amour. Par louis Buonaparte. 3 vol.
883 - Napoléon et Louise, ou le mariage du héros. 2 vol.
1310- Buonaparte, sa famille et sa cour. Anecdotes secrètes par un chambellan forcé de l'être. 1816. 2 vol.
1324 - Cinq mois de l'histoire de France ou fin de la vie politique de Napoléon. 1815.
1347 - Correspondance inédite, officielle et confidentielle de Napoléon avec les cours étrangères... 1819. 5 vol.
1344 - Buonaparte et sa famille, ou confidences d'un de leurs anciens amis. 2 vol. 
1518 - L'Europe tourmentée par la révolution en France, ébranlée par 18 années de promenades meurtrières de Napoléon Buonaparte. 1815. 2 vol.
1565 - Histoire amoureuse de Napoléon Bonaparte . 1817 . 2 vol.
1574 - Histoire de Bonaparte, depuis sa naissance jusqu'à son départ pour la bataille de Waterloo. 5 vol.
1612 - Histoire de Napoléon Bonaparte depuis ses premières campagnes jusqu'à son exil à l'île de Saint-Hélène. 1815.
1666 - Histoire secrète du cabinet de Napoléon Buonaparte et de la Cour de Saint-Cloud. 1814. 2 vol.
1687 - Itinéraire de Buonaparte de l'île d'Elbe à l'île de Sainte-Hélène. 1816.
1698 - Jugement impartial sur Napoléon. 1820.
1761 - Manuel des braves ou victoires des armées françaises en Allemagne, en Espagne, en Russie, en France, en Hollande, en Belgique, en Italie, en Egypte... par plusieurs militaires. 1817. 6 vol.
1819 - Mémoires et correspondances de l'Impératrice Joséphine. 1820. 
1856 - Mémoires secrets sur Buonaparte. 1814. 2 vol.
1873 - Le Moniteur secret, ou Tableau de la cour de Napoléon, de son caractère et de celui de ses agents. 1814, 2 vol. 
2055 - Procès de Buonaparte. 1816.
2105 - Le Royaume de Westphalie, Jérôme Bonaparte, sa cour, ses favoris et ses ministres. Par un témoin occulaire. 1820.
2335 - Histoire de Bonaparte depuis sa naissance jusqu'à ce jour. 1816 2 vol.
2348 - Napoléon Bonaparte. recueil de pièces sur la mort de — . 2 vol.


CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822



LES BOURBONS, POUR OU CONTRE :
944 - Le Parc aux cerfs, ou Histoire secrète des jeunes demoiselles qui y ont été renfermées. 4 vol.
1303 -Bibliothèque royaliste, ou recueil de matériaux pour servir à l'histoire de la restauration de la maison de Bourbon en France... 3 vol.
1371 - La drapeau blanc (journal) 2 vol.
1638 -Histoire du procès de Louvel, assassin du duc de Berry. 2 vol. 
1838 - Mémoires historiques sur Louis XVI. 1817
1871 - La monarchie française depuis le retour de la maison de Bourbon jusqu'au premier avril 1815. 
2356 - Recueil de pièces sur la famille royale.



STYLE TROUBADOUR et RETOUR DU MOYEN-AGE :
83 - Les amours du Chevalier Bayard. 2 vol. 
111 - Artus de Bretagne
155 - Batilde reine des Francs, roman.
660- Isaure ou le château de Montane. 3 vol.
1653 - Histoire littéraire des Troubadours. 3 vol. 
2103 - Roland, poème par Creuzé de Lesser (préfet de l'Hérault). 1815. 2 vol. 
2133 - La Table ronde par Creuzé de Lesser (préfet de l'Hérault). 1814 




HISTOIRE MODERNE
718 - Lanski, ou Une victime des troubles d'Avignon en 1815. 2 vol.
1209 - Vie et fin déplorable de Madame de Budoy trouvée en janvier 1814 entièrement nue et vivante . 2 vol.
1538 - Fualdez, recueil sur l'affaire. 2 vol. 
1956 - Oeuvres de Mirabeau... 1819, 2 vol.
2003 - Des Pairs de France et de l'ancienne constitution française. 1816.
2012 - Les Partis, esquisse morale et politique, ou Les aventures de Sir Charles CREDULOUS à Paris pendant l'hiver 1817.  (??)
2044 - Précis historique de la guerre d'Espagne et de Portugal de 1808 à 1814. 1815. 
2057 - Projet de la proposition d'accusation contre le duc de Cazes, à soumettre à la Chambre de 1820. Par Clausel de Coussergues.
2198 - Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815. 27 volumes 
2204  Vie de Lannes.
2334 - Histoire complète du procès du maréchal Ney. 1815. 2 vol.
2352 - Pichegru et Moreau.
2354 - Recueil de pièces sur la liberté de la presse. 2 vol.
2355 - Recueil de pièces sur les Protestants.
2452 - Le captif de Valence, ou les derniers moments de Pie VI. 2 vol.


CATALOGUE DU CABINET LITTERAIRE DE GABON à MONTPELLIER. 1822


Chaptal, Tandon, un Cerf-Volant, Napoléon, un Ministre de l'Intérieur aimable : Fable occitane pour célébrer l'Empire naissant

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Lou CERVOULAN, fabla. 
A Soun Eccélénça Mounségnur CHAPTAL, Ministre dé l'Intériur par Auguste TANDON. 
Avec la RÉPONSE MANUSCRITE du Ministre. 


Une lettre de Ministre de l'Intérieur en 1804

Nous avons déjà rencontré CHAPTAL et son CATECHISME DU BON CITOYEN.
Nous avons aussi rencontré Auguste TANDON et son francitan corrigé à propos de MISTRAL.
Il est temps de les réunir.
Le Senatus-Consulte du 18 mai 1804 clot l'ère révolutionaire (sous sa forme "Consulat") en proclamant NAPOLEON 1er Empereur des Français. Le plébiscite du 6 novembre ratifiera a postériori l'Empire, et le sacre aura lieu le 2 décembre.

Le 3 Messidor (22 juin), Chaptal, Ministre de l'Intérieur, remercie Auguste TANDON de son poème LOU CERVOULAN que celui-ci lui a dédié et envoyé.
Ce poème est une apologie de l'Empire.

Etonnons-nous
Le Senatus-Consulte est du 18 MAI. Sa proclamation à Montpellier a dû se faire, au plus tôt le 20 mai, si on tient compte du télégraphe optique, les détails écrits sont, eux, parvenus à Montpellier autour du 25 mai.
Tandon se met aussitôt à écrire sa fable. Il la fait ensuite imprimer (composition, correction, tirage...). Il semble impossible que l'envoi au Ministre ait pu se faire avant le tout début juin. 8 jours pour arriver à Paris. Les bureaux du Ministre reçoivent le poème vers le 10 juin.
Or, voici un Ministre de l'Intérieur, en pleine réorganisation du pays, dans ces temps de bouleversements politiques, alors que les réseaux républicains d'une part, royalistes de l'autre, risquent de s'insurger contre l'Empire. On s'imagine qu'il a autre chose à faire qu'à lire des poésies. C'est pourtant ce qu'il fait, sa réponse part un mois à peine après le "coup d'Etat" du 18 mai.
Rapidité éclairante sur l'accueil enthousiaste de certaines classes de la population à l'Empire. 

Contre toute logique, je vais commencer par présenter la réponse du Ministre.
La suscription est :

A Monsieur Aug.te Tandon, négociant, Montpellier, Dept de l'Hérault.
Un cachet imitant un manuscrit, sert de "franchise postale" : M.tre de l'intérieur.

Voici la transcription du texte :


Lettre de CHAPTAL à Auguste TANDON


Paris, le 3 messidor an 12 de la République française (22 juin 1804)
Le Ministre de l'Intérieur

A Monsieur Aug. Tandon

J'avais lu avec un grand plaisir, mon cher compatriote, le recueil de vos poésies, j'ai trouvé un intérêt de plus dans la fable que vous avez bien voulu me dédier.
Le sujet que vous avez traitéinnove avec (? + un mot illisible pour moi) et je désirequ'on puisse m'appliquer la morale de votre fable.

Je n'ai pas perdu de vue la demande que vous avez formée pour votre ainé, vous pouvez vous en reposer sur le désir que j'ai de vous prouver que je n'ai oublié ni les titres de votre famille ni l'amitié qu'elle a toujours eue pour moi

recevez l'expression de tous mes sentiments
Chaptal

Je n'ai aucune idée de ce que demandait Auguste Tandon pour son fils.
Mais ce qui frappe, c'est la personnalisation de la réponse.
Deux vieux amis montpelliérains s'écrivent avec une certaine liberté. 


Mais jetons un oeil sur la fable tandonesque.
1 feuille, 4 pages format quarto (23 x 18 cm).
La feuille est à toutes marges.
La typographie se veut de belle qualité, le texte est dans un cadre "Empire", tout au moins néo-classique.
Mais la hâte d'impression se ressent justement dans l'imposition du texte. C'est à peine si la 4e page n'est pas rognée par le pliage.
Cette impression n'est pas signée, contrairement à la loi, l'imprimeur ne s'est pas dénoncé (que fait la police, et le Ministre de l'Intérieur?).

La dédicace de Tandon rompt radicalement avec les usages de la Révolution. Un ou deux ans avant, il aurait dit : Citoyen Ministre... Aujourd'hui, c'est Son Excellence Monseigneur Chaptal.


Le sujet est assez bizarre. Deux enfants veulent faire voler un cerf-volant. D'abord, ils l'attachent avec une corde (jounquina). C'est trop lourd, trop contraignant, ça ne vole pas.
On a beau faire mila éspériénças, rien ne réussit. Du coup, le garçon intrava dins dé vièoulénças.
Ensuite, ils essaient un fil (fîou). Anèt bé (qu'on pourrait traduire par : Ça ira!). En fait, ça va pas si bien : le papier s'étripe, on s'énerve : Anava dins sa coulèra / Chaplâ tout... Bref, c'est une stérile anarchie.
Enfin, le Père vint ! Il attache le cerf-volant avec une ficèla. Ni trop ni trop peu de liberté. Du coup, Anava divinamén.
La morale de l'histoire (ou de l'Histoire?) : ce cerf-volant, ce sont les FRANCÉZES. Sous l'Ancien Régime, ils étaient trop éncadénas. Puis, ils ont essayé la licénça. Alors, Tout éncara és anat pire.
Heureusement, Ara qu'avèn l'AMPIRE ... / És décidat qu'anarén / Couma toun Cervoulan, BÉN.
Notons l'emploi du futur : l'AMPIRE n'a que 2 jours.



Sur la langue, nous sommes bien dans un occitan montpelliérain.
Quand à l'orthographe? Disons seulement que la graphie des diphtongues demande au lecteur un coeur bien accroché. Comment en effet ne pas se rompre le cou en essayant de lire : fâouïè , âouïo ... 

Tandon sera emprisonné après les 100 jours. 

SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919 : THE MISTRAL , The American Soldier-Student

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THE MISTRAL : Souvenir des SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919


THE MISTRAL
A Year-book
Published by the AMERICAN STUDENTS,
University of Montpellier
from March to June 1919

100 pages, in 4° sous reliure d'éditeur percaline bleue. 


Il s'agit du journal des Forces Expéditionnaires américaines (A.E.F.) , basées à Montpellier et hébergées dans les locaux du Petit Lycée (au faubourg Boutonnet) et qui éditent par ailleurs THE STUDENT-SOLDIER en 1919.
Ces soldats - étudiants sont environ 500 : la liste de leur nom, avec leur ville d'origine tient 11 pages. 

THE MISTRAL : Souvenir des SOLDATS ETUDIANTS AMERICAINS à MONTPELLIER en 1919

L'ambigüité du titre est d'emblée évidente. La première page présente au verso le poème de Frédéric Mistral (en occitan) Au Miejour. Mais au verso du même feuillet, un texte commence ainsi : "The Mistral ! the very winds of Provence and Languedoc have lyrical names." Suit un jeu de mot sur le monde venteux (windswept world) auquel les troubadours se sont opposés, sur les terrasses ventées de leurs châteaux perchés.
En fait, les deux patronages du vent et du poètes sont réunis dans l'invocation du titre, "singing in the soul of a brave, poetical ang generous people".

Mon exemplaire est largement dédicacé à  Madame Kühnholt-Lordat par plusieurs de ces soldats, commandant Sherley W. Morgan en tête.  Ce dernier, de la classe 1913, semble par la suite être devenu un brillant architecte, et bienfaiteur de l'Université de Princeton.
Dédicace à Mme KUHNHOLTZ-LORDAT

Les étudiants-soldats américains qui ont quitté le front après le 11 novembre ont été envoyés dans des villes universitaires en France et en Angleterre.

L'Ours du MISTRAL

Le comité montpelliérain chargé de la réception de ces militaires est présidé par S. Kuhnholtz-Lordat, et on y retrouve des gens comme Albert Leenhardt, Jules Valéry (le frère de Paul) et autres universitaires.


PETITE ANALYSE DU CONTENU :

Divers articles d'histoire locale à l'usage des jeunes touristes que sont devenus nos petits soldats.
Des excursions culturelles se dirigent vers Carcassonne, Nîmes Aigues-Mortes  et Arles.
Il s'agit toujours d'intégrer au mieux ces centaines de militaires : for bringing the American soldier into contact with the French people.  
La culture, l'histoire, les réceptions officielles semblent de bons moyens d'intégration. Tout le monde est mis à contribution.

Le 6 avril, c'est le Cardinal de Cabrières qui s'y colle, à la cathédrale, et le 27 mars le journal L'Eclair.
 
Bienvenue aux Américains. Réception à L'Eclair de Montpellier

Mais ce qui marche le mieux, et de très loin, c'est la rencontre avec les jeunes montpelliéraines.
Le bal à l'Hôtel Métropole  est une réussite totale. "This was a 'tout à fait' American dance in a French sitting". "Our Jazz band" est irrésistible et "many beautiful 'demoiselles' se sont mises au rag time" in the arms of their American cavaliers".
Dommage collatéral :   "Even Professor Grammont was seen to essay a few steps of a rollicking fox-trot in the obscurity..."
En fait, tous ces joyeux drilles se sentent "missionaries of the American Jazz"

Photo de l'orchestre avec trompettiste noir :  

Au début, on manque d'instruments  On en trouve à Nîmes et Pari, et tout s'arrange. 
The University JAZZ ORCHESTREA  : "The music was an amusing  novelty to the French people "

Le même Jazz band servira à la célébration, le 11 mai,  de la Fête des mères "in true American style".

Autre moyen de fraternisation :LE SPORT .

Le Champ de manoeuvres, terrain d'entrainement militaire et sportif est mis à leur disposition. Ils jouent, avec les français, au tennis et au basket. Ils découvrent ce jeu étrange, le football, une curiosité locale. Mais le vrai sport, le seul qui aie de vraies compétitions organisées, c'est le baseball. En 3 mois, un vrai championnat est disputé avec Hyères, Cannes, Marseille, Miramas, Bordeaux et Lyon, où il y a aussi des garnisons américaines.

Sociétés de convivialité masculines :
Les traditions estudiantines américaines sont recrées dans l'exil.  Une section du PHI BETA KAPPA créé en 1776 à l'Université de Virginie est créée à Montpellier.

Et,  dans la foulée : le PEYROU MASONIC CLUB  loge maçonnique fondée par le frère James W. Richey. C'est un triomphe puisque  12% des ASD y adhèrent. Ils reçoivent les franc-maçons locaux :  Mr M. Darsac, vénérable de la loge Justice Liberté en tête.
Loge maçonnique des soldats américains à Montpellier : le PEYROU MASONIC CLUB.
Début de la liste des franc-maçons des étudiants soldats américains

Moins sérieusement, il y a même des SECRET SOCIETIES ABOUT TOWN  composées à la fois d'étudiants français et américains : les "SANS SOUCI", sportifs qui se réunissent au Café de France  et les "CHASSEURS DE CHATS" armés de cannes qui à minuit chassent le trop-plein des chats de la ville.
Sociétés secrètes estudiantines franco-américaines
Toujours dans le style humour potache, il faut lire le Petit catéchisme de conversation :"No, I am not married, not have I a fiancée".
"Yes, chewing gum is only to chew and not to be swallowed. Yes, 'c'est droll.'

ou les petites blagues désopilantes, style : 
La vieille fille : Ciel! La guerre est finie, et je n'ai pas encore épousé un  Américain [en français dans le texte].
 Et, pour finir, les questions existentielles de la vie quotidienne en civilisation indigène :






THE SOLDIER-STUDENT : le journal des étudiants soldats américains de la guerre de 1914-18 à Montpellier en 1919

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THE SOLDIER-STUDENT
The official organ of the American students at the University of Montpellier
The SOLDIER-STUDENT, the American students at the University of Montpellier

Mon petit post sur THE MISTRAL, le mémorial des Etudiants-Soldats américains de Montpellier en 1919 a attiré l'attention.  Le Clapassier de New-York (amistats !!) me signale que la Bibliothèque de Virginie vient de recevoir une collection de l'hebdomadaire.
C'est l'occasion d'en faire, non une analyse, mais une petite description. 

THE SOLDIER-STUDENT
The official organ of the American students at the University of Montpellier

Le N°1 paraît le 22 mars 1919. 
Le N° 15 et dernier le 30 juin 1919.
Le format est celui du Petit Méridional, c'est à dire de tous les quotidiens de l'époque : 60 x 45 cm. 
Et c'est bien naturel, puisque THE SOLDIER-STUDENT est une annexe du PETIT MERIDIONAL journal républicain quotidien. 
2 pages en français (pour le N°1), écrits par les journalistes habituels du journal, mais avec des articles spécialement choisis pour leurs rapports avec les Etats-Unis et les soldats américains. 
Au verso, 2 pages en anglais écrites par les rédacteurs du Soldier-Student. Au fil du temps, les pages françaises vont disparaître et les 4 pages seront exclusivement assumées par les "journalistes" américains. 
Le siège du journal est au Petit Lycée, dans le quartier Boutonnet-Pierre-Rouge.

Le PETIT MERIDIONAL, support de THE SOLDIER-STUDENT

Comme je le disais, Pas question de faire une belle analyse de ce journal.
Je vais plus agréablement me laisser porter par le fil des numéros, et me raccrocher, de temps en temps à quelques articles qui auront retenu mon attention. Mes très très grandes insuffisances en anglais expliqueront mes très très grands oublis.
L'édito du N°1 remercie bien sûr le Colonel BLAQUIERE, directeur du Petit Méridional, qui, malgré les difficultés dues au rationnement, accueille le journal. 
Les initiateurs du projet sont : Captain SHERLEY W. MORGAN, Inf., Commanding officer ; 
Captain R.S. McBAIN, Q.M.C., Bussines Manager ; 
2nd Lt Laurence JONES, A.C. D., managing Editor, puis Editor-in-chief.
Ce staf sera complété dès le N°2 par :  Norman C. Preston, managing Editor ; 
John D. Little, City Editor ; 
B.M. Crosby, Excursions ; 
Thes. H. Jewet, Society-Tennis ; 
O.K. Lundeberg, Drama and music ; 
Paul Miller, Athletics ; 
J.H. Schmidt, Personal Glimpses; 
W.H. Spicer, Landmarks ; 
William Goldberg, McBleilan Butt , Jas. A. Henderson, Emeit Kekich, Frederick Seward, Specials ; 
R.C. Wright , Linotype.

Dès le début, le journal reçoit pas mal de publicité de commerçants ou professionels montpelliérains. Ces réclames sont traduites en anglais. Mais souvent, on va plus loin qu'une simple traduction. On rédige des annonces qui ciblent spécialement nos petits soldats.
Pour s'amuser un peu, remarquons ci dessous la publicité du Docteur MALDÈS, spécialiste des maladies sexuelles, de moins en moins secrètes dans les villes de garnison, et dont l'annonce augmentera de surface (les affaires marchent!) au fil des numéros. Et celle du magasin A LA FRANÇAISE qui s'embrouille un peu entre les produits français qui sont sa raison de vivre et ceux importés, pour ne vexer personne. 

Publicités montpelliéraines pour soldats américains

Dès le N°2, le journal s'enrichit de dessins, comme celui-ci où un Soldier-Student qui ressemble étrangement au Savant Cosinus de Christophe, arpente les rues médiévales de Montpellier, le guide "PARLONS FRANÇAIS"à la main.

Parlons Français
Ce numéro donne déjà le ton : Danse, musique et sport. Plus de la moitié des articles leur sont consacrés : Montpellier Baseball Devotees ; Dancing features teas ; Dance committee ; Tennis holds... ; Music notes ; Jazz Band to syncopate its way to Harmony ... 

Mais on y apprend surtout que les Soldier-Students sont devenus un des enjeux de la vie politique locale. Nous savons que le journal est édité et accueilli par LE PETIT MERIDIONAL, journal laïc sinon athée, républicain et largement franc-maçon. Or, voici que s'étale à la une le compte rendu des fêtes données en l'honneur des étudiants américains par L'ECLAIR, qui est un journal de droite, catholique et ouvertement monarchiste. Ils y sont reçus par les très aristocrates F. de Baichis, A. de Vichet qui, sous les drapeaux enlacés des deux Républiques (!) leur offrent "champagne in hospitable abundance". 
Nos petits yankees sont-ils fédérateurs ou émulateurs?  
En tout cas, leur convivialité américaine transcende les clivages locaux.
Dès le N°3, les catholiques en remettent une couche dans la séduction. Et quelle couche! C'est le Cardinal de Cabrières lui-même, le plus romain des cardinaux français, et engagé de tous le poids de ses 89 ans dans le combat politique catholique qui ouvre aux Américains la Cathédrale de Montpellier (comme il l'avait fait avec les mêmes intentions aux viticulteurs révoltés de 1907). Et, toutes religions confondues, alors que nous saurons plus tard qu'il n'y a parmi eux que 63 Catholiques, 600 Américains se pressent dans la cathédrale pour écouter successivement les grandes orgues et son Excellence le Cardinal.
Dans ce même numéro, nous lisons que le Président de la République Poincaré a reçu The Soldier-Student, que la salle d'escrime de Jean-Louis ne désemplit pas, sauf peut-être pendant une excursion au Pont-du-Gard.

Le 4e numéro nous apporte un élément capital : LA STATISTIQUE DETAILLEE DE CETTE ARMEE AMERICANO-MONTPELLIERAINE.
Le titre de l'article souligne leur variété : "Rich man, poor man, sergeant, buck, doctors, lawyers, men from all states, save Arizona, Delaware, Nevada and Vermont."
Les 559 Soldier-Students comptent 1/4 d'officiers, 4 musiciens et 2 cuisiniers.
Ce sont surtout des fantassins, mais le nombre de membres du corps médical est considérable : 94 auquels il faudrait peut-être ajouter le dentiste et le vétérinaire.
64 viennent de l'Etat de New-York, 27 de la ville de New-York, mais seulement 3 de Louisiane, et 6 de la ville de Saint-Louis.
Leurs universités sont multiples et variées, leurs grades universitaires aussi.
Seulement 63, nous l'avons vu, se disent Catholiques, 207 Protestants, 15 sont Juifs, et 1 se réclame d'une mystérieuse "Ethical Culture". Le reste se répartissant entre 12 Eglises réformées.
Aucun ne se déclare athée.

Statistique ses Soldier -Students américains à Montpelli
Mais l'article nous apprend un détail fort important pour qui voudrait mettre l'accent sur les rapports Franco-Américains : 285 habitent chez des familles française, contre seulement 189 qui vivent au Petit Lycée, et 68 à l'hôtel. Seulement 7 d'entre eux ont pu (ou voulu) louer un appartement. Donc, plus de la moitié partage le quotidien des familles françaises.


Le petit bonhomme qui sert de logo à la chronique hebdo de RIGOLO, sortant de la boulangerie avec sa baguette de pain sous le bras, est-il Américain ou Français? Dieu seul le sait.

Et puis, les numéros se suivent. Le dessin tient un peu plus de place. Le sport aussi.
On remarque que les cimémas montpelliérains, Pathé et Athénée,  font des efforts de programmation : on projette le très français Monte-Cristo en compagnie des comédies américaines The Little Sister ou His Heritage.
A partir du mois d'avril, on prépare la FETE DES MERES(THE MOTHERS DAY) . Ce sera  l'occasion pour les Français de découvrir cette fête que les USA célèbrent depuis 1908 et qui n'existera en France qu'à partir de 1929. 


Mais ce mois d'avril est surtout marqué par une initiative du COMITE DES FRENCH HOMES.
Les membres de ce Comité sont assez largement protestants : Kuhnholtz-Lordat, Albert Leenhardt, Pasteur Castelnau, Victor Frat (un ami de Frédéric Bazille). Mais des catholiques marqués comme M. de Salinelles y trouvent leur place, et les universitaires Jules Valéry (le frère de Paul) en tête y siègent ès-qualité. 
Leur but : tisser des liens entre Américains et autochtones
Leur moyen : faire inviter par les (bonnes) familles montpelliéraines des jeunes Américains à partager leurs repas
Leur espoir : que les préventions contre ces intrus s'estompent, qu'on cesse de les considérer comme des sauvages ou des grands enfants. Et que, de retour chez eux, ces futurs dirigeants gardent de la France un souvenir agréable lorsqu'il sera question d'aider financièrement le vieux continent. 
La rédaction du petit bulletin d'engagement distribué par le Comité est un petit chef-d'œuvre de réthorique : glisser sur les méfiances françaises, demander de l'aide dignement... Un morceau à lire. 

L'approche de la Fête des Mères, si importante pour ces jeunes hommes éloignés de leur famille sera un moment fort pour ce rapprochement.

FRENCH HOMES, pour recevoir un soldat Américain chez soi.
Chaque jeune américain aura une mère française, une mère d'un jour. Le "milieu émotif" méridional allie ainsi "réjouissance" et "pensée".

Un numéro spécial sera consacré à ces émouvantes rencontres. Et nos petits soldats trouvent que la mère française est plus une "femme au foyer" que l'américaine. Est-ce un bien, est-ce un mal ?The first thing one notices about the French mother is her devotion to her menage. She is much more occupied witch the children than the modern American mother, and be it to her adventage or disadveantage...

MOTHER DAY à Montpellier en 1919
Mais, en marge de cette fête, la vie quotidienne continue.
On va en excursion visiter Nîmes, Carcassonne, Aigues-Mortes, Avignon, Arles (où on découvre les traces de FREDERIC MISTRAL... et du Mistral, qui donnera son nom à l'album mémorial que j'ai déjà présenté). A Sète, la visite des usines DUBONNET et NOILLY PRAT empêche les excursionnistes de grimper au sommet de Saint Clair. Mohammed (c'est l'appelation locale du soleil) achève de convaincre les plus valeureux de rester tranquilles sur les quais.
On visite le Musée FABRE, où le peintre qui retient le plus d'attention est Alexandre Cabanel.
On va encore au cinéma, où il y a de plus en plus de films américains— bien que la langue ne soit pas un obstacle, les films étant muets. Shoulder ARMS (Charlot soldat) de CHARLIE CHAPLIN remplit les salles. Il est vrai que l'entrée est gratuite pour tout Soldier-Student accompagné de two French Friends.
On joue du jazz à tous les thés dansants, on lit la Bible.
Le PEYROU MASONIC CLUB est fondé, qui organise un grand banquet au Grand Hôtel de Midi, tout comme les PHI BETA KAPPA organisations, ces clubs d'élite des universités américaines.
On découvre aussi les affaires du FLEA MARKET, le marché aux puces qui se tient tous les dimanches autour du marché, en bas du boulevard Jeu de Paume.
Bref, choses et idées s'échangent, se vendent, se donnent, se refusent, comme ces fameuses cigarettes qui font rêver les petits français de 7 à 77 ans.

LES CIGARETTES AMERICAINES
Dès le mois de mai, les visites à PALAVAS BEACH s'intensifient.






On justifie un peu la consommation du vin local : celui-ci ne naît-il pas de la tendre union des vignes américaines et françaises



Nos petits soldats commencent à se débrouiller un peu en français. Nous avons vu qu'ils savent bien que Mahommet est le soleil. Comment faire, sans ça, pour expliquer les choses aux demoiselles , "Non, Mademoiselle, le A.E.F. blues n'est pas le nom de mon régiment, ça veut dire : le cafard du Corps Expéditionnaire Américain".
Et ce cafard, qui noircit d'autant plus que l'heure de la démobilisation approche, il faut bien le soigner.
On monte alors ses propres spectacles qui empruntent un peu de leur vocabulaire à l'argot, ou du moins au parler populaire local.
La "revue" (spectacle de vaudeville) JE M'EN FICHE est un cadeau d'adieu à la population locale. Le 3ème acte a pour titre : "July 5, 1919" : c'est la date annoncée du grand départ pour l'Amérique. 
La représentation, devant plus de 1000 spectateurs, est un succès.
Elle sera reprise à Grenoble. 

JE M'EN FICHE, revue des Solier-Students de Montpellier
Les divers slogans publicitaires sont en français, mais s'adressent bien sûr à nos petits soldats américains : 
Est-ce que tu t'ennuies?
Ça ne va-t-il point?
As-tu la grosse bête noire?
Tu t'embêtes à mourir?
Veux-tu rigoler?
Veux-tu te tordre? Chasser le Cafard?
Tuer le flegme? 
On voit bien l'état d'esprit des troupes américaines en voie de démobilisation. 

A partir du début juin, le retour au pays obsède tout le monde. Un peu de regret, beaucoup de joie.
Le coeur entre deux pays, entre deux amours : un dessin dit tout !


UN AMOUR DANS CHAQUE PAYS

Avant de partir, on s'inquiète de l'image laissée derrière soi. Un vaillant reporter part s'adresser à la population : "Dites, Monsieur, que pensez-vous des Américains?" (En fait, il sonde plus de demoiselles que de messieurs).
Les résultats sont assez désespérants pour les pourfendeurs d'ethnotypes, et pour le Comité French Homes qui voulait combattre les préjugés réciproques.
En gros, les sondés pensent :
- Que les Américains sont plus sportifs que les français (ça, c'est une demoiselle qui le dit) : it is better
- Qu'"ils sont tellement mignons dans leurs chemises" (en français dans le texte).
- Qu'ils ont "a wonderful organization" .
- Qu'ils sont des "great Kidders". 
- Que "They say Je t'aime , but they mean other chose". 
- Qu'ils raffolent de gateaux et de sucreries (les familles ayant reçu des soldats sont toutes étonnées de ce goût pour le sucre, encore très exotique pour elles).
Le mot de la fin, plein de philosophie, est laissé à une young lady :
You are very much like the french. You have the same esprit, the same happy-go-lucky way of going at things. Then when you find you are wrong you are willing to admit it and turn around and go the other way. 
You work intensely and after work, you play intensely. ... 


QUE PENSEZ-VOUS DES AMERICAINS?

Que dire de ça ? Que les opinions du Café du Commerce ne sont ni meilleures ni pires que d'autres.
Et terminons ce sujet par un des vers "Aux Américains" signés M.T.
"Nous nous connaissons mieux depuis le poignant drame"... 
Il suffit de le croire.

Le dernier numéro, daté du 30 juin 1919 nous informe que les Soldier-Students prendront définitivement le train le 30 juin à 8 heures du matin.
DERNIER NUMERO: LES SOLDIER-STUDENTS REGAGNENT LES USA
VOICI L'ARTICLE QUE L'UNIVERSITE DE VIRGINIE CONSACRE A L'AQUISITION D'UN EXEMPLAIRE DE CETTE COLLECTION : ( http://www.lva.virginia.gov/news/broadside/2012-Winter.pdf --)



The Library of Virginia recently received a fascinating collection of World War I–era student newspapers that sheds light on the activities of American soldiers in France immediately following the war. Author and historian Jon Kukla, who purchased the papers at a Virginia auction a few years ago, donated the collection to the Library for historic preservation and research.
Kukla, author of Mr. Jefferson’s Women and A Wilderness So Immense, has served as director of historical research and publishing at the Library of Virginia, curator of collections and director of the Historic New Orleans Collection, and executive director of the Patrick Henry Memorial Foundation.
The Soldier-Student, a weekly newspaper produced in Montpelier, France, by the group known as the “American Students at the University of Montpelier,” was the first periodical published by American students abroad in France. Students attended a program sponsored
by the American Expeditionary Forces (AEF) and the YMCA designed to enroll soldiers
at British and French universities following the end of hostilities in Europe. Nearly 600 enlisted men were stationed under the American Schools Detachment (ASD) at universities in Bordeaux, Toulouse, and Poitiers.

Published with the cooperation of the French newspaper Le Petit Méridional, the Soldier- Student appeared on two pages of that newspaper for the duration of its publication, from March 22 through June 30, 1919. It reported on a variety of topics of concern to the American student population such as information on local sights and cultural events as well as on the students’ local activities—a priority because most AEF papers were sent home to families, American universities, and other stateside papers. The last issues focused extensively on a show called the American Revue, organized and performed by the soldier-students within Montpelier to raise funds for a charity benefiting wounded French veterans. The show received rave reviews and successfully raised a substantial sum for the charity.
Many of the papers are signed with the name Sgt. G. W. Martin, Hotel du Palais, who attended the University of Montpelier under the ASD plan, though he was not involved in the publication of the newspaper. Following his service in World War I and time at the University of Montpelier, George Williams Martin returned to live in Lynchburg, Virginia.








J. IXE, le premier critique de Frédéric BAZILLE est-il Jules TROUBAT, le secrétaire de Sainte-Beuve? Question.

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Frédéric BAZILLE : Portrait de jeune homme.

                   En 1992, à l'occasion de la grande rétrospective Frédéric Bazille de Montpellier, je découvrais et publiais ce qui reste, à ce jour, les premières des rarissimes critiques circonstanciées écrites sur Bazille de son vivant.
                   Ces textes, réunis sous le titre de "LES ARTISTES MONTPELLIERAINS AU SALON DE 186. " ont été publiés dans LE JOURNAL DE MONTPELLIER de 1865 à 1869.
                 Ils sont signés  J. IXE.
                  Les notices sur Frédéric BAZILLE portent sur les 3 participations du peintres au Salon de Paris : 1866, 1868 et 1869.
                  Il ne faut pas croire que J. IXE "découvre" Bazille : il chronique systématiquement et uniquement les artistes nés à Montpellier. Bazille est dans le lot.
                  Pas plus, pas moins que : Antoina Aigon, Eugène Baudoin, Charles Brun, Némorin Cabane, Henri Boucher-Doumenq, Alexandre et Pierre Cabalel, Eugène Castelnau, Prosper Coronat, Eugène Gervais, Auguste Glaize, Joseph-Bonaventure Laurens, Edouard Marsal, Charles Matet, Ernest Michel, Joseph Charles Nigote, Charles et Victor Node, Gonzague Privat, Joseph Soulacroix, Emile Villa .
                     Voici les textes sur Bazille publiés par moi dans : Frédéric Bazille, Traces et lieux de la création. Montpellier, 1992.  (ISBN 2-901407-05-6)
               

                     Diane W. PITMAN les a re-publiés dans : Bazille, Purity, Pose, and Painting in the 1860s.  The Pennsylvania State University Press, 1998; (ISBN 0-271-01700-7)

                     Bref, depuis 20 ans, je me demande qui est ce J. IXE.
                     Son portrait-robot, tiré d'une lecture attentive de ses textes :
          * Il est montpelliérain, et vit à Paris depuis quelques années en 1865. Avant 1865 et Le Journal de Montpellier, il semble avoir déjà publié des comptes-rendus où il a parlé de Némorin Cabane et de Prosper Coronat.
           * Il connait bien l'oeuvre de Courbet, ce qui n'est pas un exploit en 1865. Mais aussi, dès 1866 au moins, celle de Manet, qui n'a que 34 ans et le désigne dès cet époque comme chef d'école. Il connaît même Renoir, qui, lui, n'a exposé son premier tableau qu'en 1864.
           * Il connaît assez bien le vocabulaire d'atelier
           * Il est très soucieux que son pseudonyme ne soit pas percé dans ce Journal de Montpellier, dont le rayonnement ne dépasse pas, s'il les atteint, les frontières de l'Hérault. En 1868, il propose sa démission, pour ne pas se griller dans sa ville natale.
           * Il est assez besogneux pour publier dans Le Journal de Montpellier qui n'est, à priori,  qu'un journal d'annonces commerciales, financières et légales.
           * Pour mes amis de Montpellier, je dirais qu'il donne au Journal de Montpellier ce que Virginie Moreau donne aujourd'hui à l'Hérault juridique et économique : une ouverture pimpante et inattendue.
                         Voilà le profil de l'homme recherché.
Frédéric BAZILLE : Portrait de jeune homme. Sanguine et crayon noir
                     

 Il y a quelques jours, je parlais de Jules TROUBAT dans un billet sur Auguste FAJON.
Un "tilt de l'escalier" m'a sussuré : "Et si c'était lui?"...
                       Du coup, j'ai relu mon Troubat presque de A à Z. : Plume et pinceau, Gaietés de terroir, et surtout sa Correspondance avec sa famille, éditée par mon homonyme Marcel BARRAL aux éditions de l'Entente Bibliophile de Montpellier (le monde est petit). J'ai aussi relu toutes les lettres manuscrites que MB n'avait pu publier (faute de place), mais dont j'avais, à l'époque (1992) interfolié mon exemplaire.
Conclusion : je doute.
                       Disons que je donne Jules Troubat comme très sérieux candidat pour incarner J. IXE, mais que je n'en suis pas certain. 72% de chances, dirait Adrien Monk.

                      Pour ne pas trancher, voici mon argumentaire, mais il faut noter ceci : 
PRESQUE CHAQUE ARGUMENT, POUR OU CONTRE L'IDENTIFICATION DE JULES TROUBAT A J. IXE, A SON REVERS.
ARGUMENTS POUR
          * Jules TROUBAT (1836-1914) est montpelliérain.
          * Il est monté à Paris dans les bagages de CHAMPFLEURY en 1861. Grâce à lui, il est entré en contact avec Courbet, Baudelaire, et Manet qui sont ses amis.
          * Dès 1864, Troubat écrit dans L'Artiste. Et, en  1865, dans Le Journal de Montpellier, J. IXE cite une critique de Charles Matet parue justement dans L'Artiste.
          * En 1869, les articles (qui s'étalent chaque année sur plusieurs numéros) sont signés tantôt J. IXE, tantôt X. Or, cette même année, 3 articles sont publiés par Le Journal de Montpellier, signés  X : M. Sainte-Beuve romancier ; M. Sainte-Beuve homme du monde et causeur ; Encore un mot sur Volupté, par M. Sainte-Beuve. Il est difficile de ne pas y reconnaître le véritable culte voué par Troubat à son maître (comme il dit toujours) : "Ecrivain profond et délicieux, homme aimable et qui accueilliez si bien, qui pourrait vous oublier?"
         * Dans le titre de ces 3 articles, un lecteur attentif aura lu : "M. Sainte-Beuve" et non "Sainte-Beuve" ou "M. de Sainte-Beuve". C'est la manière constante chez Troubat de désigner son patron. Toujours "Monsieur" (même dans la correspondance privée) par respect, jamais "Monsieur de", la particule écorchant la plume de ce "rouge" invétéré.
          * MAIS, dans l'article sur M. Sainte-Beuve romancier, X dit qu'il a consulté Sainte-Beuve par lettres. MAIS c'est peut-être bien une ruse pour se dissimuler un peu...
          * Il y a dans le style de ces critiques une recherche constante de "l'effet". C'est ce qui agace toujours un peu dans les textes "couleur locale" de Troubat. MAIS c'est aussi le propre de toute critique en 20 lignes...

ARGUMENTS CONTRE :
           * JAMAIS,  ni dans ses oeuvres, ni dans sa correspondance avec sa famille montpelliéraine, Jules Troubat ne fait la moindre allusion à ces articles. MAIS son frère Fernand est une commère incapable de garder un secret, et nous avons vu J. IXE soucieux de son incognito auprès des peintres de Montpellier. Il est pourtant curieux que cette discrétion dure jusqu'au terme (connu) de cette correspondance, en 1884, 20 ans après...
           * Après la mort de Sainte-Beuve, Troubat, toujours désargenté, recueille tous les articles du maître et les siens pour les publier en volumes et en tirer quatre sous. Il ne recherche jamais ceux-là. MAIS qui pouvait bien s'intéresser à Paris (et donc que pouvait rapporter) l'édition de critiques sur des artistes oubliés (Némorin Cabane, Joseph Nigote, Gonzague Privat...) ayant exposé dans des salons oubliés 20 ans plus tôt?
          * Certaines notices, surtout celle sur Eugène Castelnau de 1866, sont saturées d'un vocabulaire technique digne d'un rapin élève des Beaux-arts. On croit entendre un peintre ou un critique professionnel. MAIS ses années de SECRETAIRE de Champfleury d'abord, de Sainte-Beuve ensuite ont donné à Troubat un caméléonisme certain. Son édition de Piron, préface et notes parue en 1864 est un pastiche de Sainte-Beuve.
          * Dans sa Correspondance, il passe son temps à se dire prisonnier de Sainte-Beuve. Il travaille de 9h à 13 h. puis de 17 ou 18 à 21 h. Il se plaint sans cesse de n'avoir pas le temps de sortir. MAIS il a ses débuts d'après-midi. Et, par exemple en juin 1863, il va avec Sainte-Beuve voir des tableaux Bd des Italiens. Sainte-Beuve ne pouvait pas ne pas visiter les Salons, et il y allait très certainement avec son secrétaire.
Voilà. 
                     Je crois que Troubat est une piste sérieuse. Mais, jusqu'à plus ample informé, je ne décide rien. A dans 20 ans une nouvelle trouvaille...

N.B. 
                     Le dessin à la sanguine qui rythme cette prosodie est signé Frédéric Bazille. Le modèle, qui évoquerait peut-être un Edmond Maître jeune et imberbe, reste inconnu.
                     Cet incognito en dévoilement est un reflet de celui de J. Ixe. 

PAN, revue littéraire de Montpellier, publie en 1908 APOLLINAIRE, SAINT-JOHN PERSE, MARINETTI, CARCO, et bien d'autres! En éditions originales, bien sûr...

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PAN, revue littéraire. Montpellier, 1908

1908  PAN, revue libre. Montpellier 
              Voici une revue littéraire publiée à Montpellier en 1908 et qui ne manque pas de panache.
               Sa présentation a fière allure. Format 25 cm, 120 pages environ sur papier vergé par numéro, couverture sobre et classieuse... 
               PAN, revue libre fondée par Francis Carco, Joël Dumas et Jean Clary. 
               Le sommaire est on ne peut plus prestigieux. 
On va y trouver des textes deGuillaume Apollinaire, le premier texte publié par Saint-John Perse, Filippo Tomasso Marinetti , Valère Bernard, Mécislas Golberg, Lucie Delarue-Mardrus, Pierre Grasset, Guy Lavaud, Louis Payen, Louis-Frédéric Rouquette, Jean Royère, Emmanuel Signoret, et bien sûr Francis Carco. 

Description:
PAN : revue libre paraissant tous les deux mois.
Direction : Joël Dumas, Jean Clary, Francis Carco.
Secrétaire administratif : Emile Pietrera
10 rue de l’Observance, Montpellier
Gérant : E. Montane
Impr. Firmin, Montane et Sicardi, Montpellier
Prix Un franc. 
16 x 25 cm. Couv. blanche, titre rouge, flute de Pan.
A l’intérieur, 4 pages de publicités montpelliéraines (et viganaise) sur papier couleur.
[D’après le n° 2]

Tables :
Dans le n° 6, table des 6 premiers numéros.

Variations :
Rédaction : Francis Carco disparait de la rédaction à partir du n° 5. Joël Dumas à partir du n° 6. Marcel Rieu devient alors co-directeur avec Jean Clary, qui est également rédacteur en chef.
Maquette : Changement total de couverture avec l’implantation parisienne au n° 1 et 2 de janvier 1909. Le sommaire figure désormais sur la première de couverture, la vignette est différente, l’adresse figure au bas.
Adresse : A partir du n° 6, la revue est domiciliée chez Jean Clary : 35 rue de Trévise, Paris.  A partir du n°1 et 2 de janvier 1909, une adresse administrative est donnée, celle de l’imprimeur, 25 rue Serpente, Paris.
Imprimeur : Alors que la revue porte une adresse parisienne dès le n° 6, il faut attendre le n° suivant, 1 et 2 de la 2e année pour qu’elle soit imprimée par l’Imprimerie du 20e siècle, à Paris.
Périodicité : A partir de 1909, la revue est annoncée comme paraissant chaque mois.
Publicités : Les publicités disparaissent avec le n° 1 et 2 de la 2e année, lorsque la revue devient parisienne.
PAN, nouvelle série après sa migration parisienne : 1909


Les Piliers de la revue :
Francis CARCO C’est à Rodez que Carco rencontreJean Clary, fils comme lui d’un receveur des contributions. En 1907, il tient le rôle d’un moine dans le drame de Roger FrèneLa Cathédrale joué sur le parvis ruthénois. Il collabore en 1908 au Cri de la terre, le journal éphémère du peintre-graveur Eugène Viala. Devenu parisien, il crée L’Ile sonnanteà Paris en 1909 toujours avec Frène et Michel Puy. Ce réseau des amitiés aveyronnaises est à la base de la revue Pan..
                  En ce qui concerne ses contacts avec Montpellier, rappelons qu’il avait déjà participé, de Rodez, en janvier 1907 aux Annales méridionales de Raoul Davray (nous l'avons déjà rencontré) avec “une élégie lamartinienne”. Pourtant, son séjour à Montpellier reste mystérieux... Louis Thomasécrit dans Les Nouvelles littéraires du 7 avril 1928 : Nous savions déjà par un article de M. Carco lui-même qu’il avait fait dans notre ville une période [militaire?] de 28 jours, et peut-être aussi son service militaire. Mais qui nous parlera en détails (horribles détails peut-être?) de son séjour à Montpellier?” Ni Clary, déjà mort quand paraissent ces lignes, ni Joël Dumas, les co-fondateurs de Pan ne semblent avoir parlé de cet épisode. Et Raoul Davray, pourtant fondateur des Annales méridionales qui accueillent Carco en 1907, ne dévoile rien non plus ni lorsqu’il revient sur cette revue dans La Vie montpelliéraine du 9 nov. 1929, ni en 1938 lorsqu’il écrit  La Chape de plomb, recueil d’articles et de souvenirs. Apollinaire, qui consacre le 1 juin 1914 une “Anecdotique” du Mercure de Franceà Carco, ne parle pas de la revue Pan. 
                Il semble n’avoir été pour la revue qu’un détonateur efficace et éphémère.
SES TEXTES PUBLIES ICI :Dès le n° 3, sa contribution est datée de Grenoble, où il fait son service militaire, et dédiée au peintre Charles Eymar, une des figures les plus curieuses et les plus attachantes du Montpellier de l’époque.

Jean CLARY  : (De son vrai nom Henry Rouquayrol, Saint-Genyés-d’Olt, 13 juil. 1880 - Neuilly, 27 juil. 1925) : Après son enfance aveyronnaise et son passage à Montpellier, il s’installe à Paris en 1909. Son livre D’or et de soleil est achevé d’imprimer le 15 mai 1908. Le recueil est dédié à Joël Dumas. Des poèmes le sont à Emile Cottinet, Marcel Rieu, René Rivière, Jean Tallez, Louis Vassal, René Collière, Louis Combe, Alexis Lauze, Marc Ollier de Marichard, Charles Eymar, Francis Carco, la plupart collaborateurs de  Pan. En 1910, paraissent aux Editions de Pan : Quelques lames de la mer sauvage. La revue publie ensuite dans ses pages Les désemparés, roman écrit en collaboration avec Marcel Rieu, qui ne sera jamais édité en volume. Jean Clary cesse définitivement d’écrire dès le début de la guerre de 1914.
                Il a incontestablement été la cheville ouvrière de  Pan, sans douteà la fois rédacteur en chef et secrétaire de rédaction.
                En 1995, les éditions Jacques Brémont publieront une étude de Jean Digot : Trois du Rouergue : Jean Clary, Roger Frène, Léo d'Orfer. 

Joël DUMAS : Né à Narbonne en 1885. Il publie chez Grasset, en 1908, un recueil de poèmes : Délicieusement dédié à Henry Rouquayrol, c’est à dire Jean Clary. Un des poèmes de ce recueil est dédié à Charles Lèbre, fils d’un marchand de vins viganais qui soutient la revue Pan en y insérant sa publicité. En février 1908, il file, selon L’Etudiant (n°128) le parfait amour sur les bords de la Loire avec une femme délicieusement  belle.
                En 1910, les Editions Pan, désormais 25 rue du Couedic à Paris, publient : Quatorze poèmes pour exalter mon désir. La Vie Montpelliéraine du 18 sept 1910 déplore : “Dans quelques autres [vers], Joël Dumas laisse entendre qu’il va s’enfouir - si ce n’est déjà fait - dans la sombre pénombre d’une étude notariale” à Versailles. Toute sa vie, il gardera des liens étroits avec Raoul  Davray, qui avait montré la voie à  Pan avec ses Annales méridionales. Il continue à collaborer à diverses revues :  Isis, L’Ile sonnante, Hélios, Le Divan... et publie régulièrement des textes dans La Vie Montpelliéraine, dont un Noël dédié à Toussaint Luca (un des rédacteurs de Pan).
               Il publie un texte daté de Bizerte, oct-déc. 1906, qui fait référence à L’Immoraliste de Gide.
               En juillet 1909, dans Le Dard, il reviendra sur l’aventure de Pan, et racontera ses rencontres à Paris en 1907 avec Apollinaire, Moréas, Marinetti;..

Emile Piétréra  : Une fois terminé son secrétariat administratif de  Pan, Emile Piétréra sera commissaire de police aux  Sables d’Olone. En 1920, il devient “commissaire de police à la gare Saint-Lazare, chargé de la police spéciale des souverains étrangers venant en France”. 
               L'équipe semble avoir des rapports chaleureux :  Le n° 125 du 1 février 1908 de L’Etudiant (de Montpellier) nous relate un banquet de thèse qui pourrait être bien anodin, si les convives n’étaient que joyeux étudiants. Mais les invités de MM. Lèbre et Albat ont nom : Marcel Rieu, Emile Piétrera, Jean Clary, Joël Dumas, et Francis Carco, tous de la revue PAN, avec Charles Eymar et Louis-Frédéric Rouquette.

Les auteurs phares de la revue PAN :
Toussaint-Luca parle d'Apollinaire. Pan, n°5, septembre 1908

Guillaume Apollinaire :
                En septembre 1908, Pan publie une longue étude de Toussaint-Luca sur Guillaume Apollinaire, qu’il a connu au lycée de Nice en 1897. Il y annonce la parution, demain, d’un recueil : Vent du Rhin, préfiguration des Rhénanes. Une comparaison avec Montaigne, au flegme serein et fantaisiste, bon et paradoxal, sincère et renaissant, le place au rang de fantaisiste le plus érudit de France. L’article consacre une large part au Festin d’Esope, la revue fondée par Apollinaire à laquelle Toussaint Luca a participé aux côtés de Han Ryner, André Salmon, John-Antoine Nau.                      L’évocation du poète dans sa maison du Vesinet au milieu de ses livres rares, de ses pastels, croquis, essais, tableaux des maîtres de la peinture... est savoureuse. Enfin, le rôle d’Apollinaire auprès de Matisse, Picasso, Laurencin, Derain, Friesz, Braque ou Van Dongen est souligné pour célébrer sa modernité. Toussaint-Luca est sans nul doute celui qui amène Apollinaire à Pan. : il est (ou sera) sous-préfet à Lodève.
               Dans le numéro suivant (n° 6, novembre 1908), PAN publie un long poème d'Apollinaire en édition originale  : Fiançailles. Dans Alcools, en 1913, le titre sera : Les Fiançailles et sera dédié à à Picasso
FIANCAILLES de Guillaume APOLLINAIRE. Pan, novembre 1908

FIANCAILLES de Guillaume APOLLINAIRE. Pan, novembre 1908

Valère Bernard: Peintre, graveur, poète et romancier (en français et en occitan). En 1908, il est déjà un maître consacré dans tous ses domaines d’activité. Ami de Rodin, Puvis de Chavannes, Huysmans, Jean Lorrain... Il fréquente Paul Souchon (du Caveau du Dix  de Montpellier qui traduit en français ses textes occitans lors de leur publication dans La Plume dès 1896 ou Le Feu d’Emile Sicard en 1905). Il correspond dès 1904 avec Marinetti qu’il a connu à Paris et qui publiera son adhésion au futurisme dans Poesia, à Milan,  à l’automne 1910. C’est un ami de Guy Lavaud et de Vielé-Griffin, autres collaborateurs de Pan.  Capoulié (président) du félibrige en 1909, il remplace alors Pierre Devoluy. Tous ces liens font que sa participation à la revue ne nous surprend pas.
Poèmes du capoulié VALERE BERNARD sur des dessins de RODIN 

Abel Bonnard: Entre 1909 et 1912, il collabore à la revue d’obédience maurassiene Les Guèpes qui édite aussi Carco, Roger Frène, Louis Thomas ou Guy Lavaud, que nous retrouvons dans Pan. Il est proche des courants de la poésie naturaliste de Léo Larguier et Maurice Magre.

Lucie Delarue-Mardrus (1880-1945) : En 1908, elle a déjà publié Occident (1900), Ferveur  (1902), Horizons (1904), et  La Figure de proue (1908) qui fait l’objet de la chronique de Jean Clary. En 1912, se retrouve avec un autre collaborateur de Pan, Louis Payen pour signer une comédie en 4 actes : La Monnaie de singe.

Filippo Tomasso Marinetti : Dirige la revue Poesia, à Milan. Son Manifeste futuriste sera lancé en 1909. Pour le moment, c’est Roi Bombance (1905, Mercure de France) et plusieurs recueils de poésies qui sont publiés à Paris. Il collabore régulièrement à La Plume.

John-Antoine Nau (1860-1918) : Lauréat du premier Prix  Goncourt avec Force ennemie en 1903. Avait en 1904 publié des poèmes : En suivant les goélands.

Saint-John Perse Alexis Léger signe ici Saint Léger-Léger. Les trois poèmes Des villes sur trois modes ne seront pas repris dans les œuvres complètes. Frédéric Jacques Temple m'a raconté avoir demandé à Saint-John Perse la possibilité de rééditer ces textes dans une de ses revues, autorisation refusée, le poète de la maturité ne se reconnaissant pas dans ces textes d'un adolescent de 16 ans ! 

Louis-Frédéric Rouquette : né à Montpellier le 19 août 1884, mort à Paris le 10 mai 1926. Il est admis en 1900 à l’Ecole des Beaux -Arts de Montpellier. Premières armes, son premier recueil, parait en 1901; en 1902, c’est A Mignonne toujours à Montpellier. Il quitte Montpellier pour Paris en 1907, et Paris pour... le monde en 1915. Mais la vie et l’œuvre du Jack London français sont de notoriété publique.  Son dernier livre sera La Chanson du pays.

Mécislas Golberg (1869-1907) : cet écrivain anarchiste polonais est un des maîtres à pensée de la première décade du XXe siècle. 

Francis Vielé-Griffin (1864-1937) : c'est l'ami américain des symbolistes et de Gide. Un écrivain reconnu en 1908. 

Jean Metzinger (1883-1956) a 27 ans lorsqu'il publie dans PAN n° 10  en octobre 1910 (à Paris, donc) une note sur la peinture qui théorise le cubisme : il en est un des fondateurs.


NOTES SUR LES AUTRES AUTEURS :
Charles Bordes : Né le 12 mars 1863. Musicien, créateur de la Schola Cantorum rue Saint-Jacques à Paris, puis, à partir de 1905 à Montpellier. Il allait mourir en 1909.
Léon Deubel  : proche du “synthétisme” de Jean de La Hyre, mais surtout ami de Charles Cros. Membre, vers 1900, avec Louis Pergaud,  du groupe  Le Beffroi,  à Lille. Il collabore, bien sûr, à L’Ile sonnante, la revue parisienne du ruthénois Roger Frêne.
André Du Fresnois : crée en 1909 la revue Le Nain Rouge, avec Louis Thomas.
Charles Eymar  (Montpellier 1882-1944) : poète, musicien, mais surtout aquarelliste (lorsque son bras blessé lui interdit le piano). Styliste curieux, proche de Toulouse-Lautrec et de Dufy. Ami de Carco, de Valéry Larbaud, de Joseph Conrad...Il était, dans la vie, greffier au Palais de Justice.
Roger Frène  (1878, Rodez - 1939, Espalion en Aveyron) : Pseudonyme de Emile-Roger Fraysse. Il signe aussi parfois Georges Tournefeuille.  Son père était consevateur des hypothèques à Rodez (comme celui de Carco). Il devint lui-même receveur de l’enregistrement à Saint-Génies d’Olt. En  janvier 1901, il fonde à Albi la Revue provinciale qui dure 5 ans.  En 1906, il avait publié : Paysages de l’âme et de la terre (Ed. de la Revue provinciale) et, devenu parisien en 1908, Les sèves originaires (Libr. Perrin). En 1909, il crée  L’Ile sonnante, revue à laquelle participent Francis Carco, Léon Deubel, Louis Pergaud, Tristan Derème. La revue finit en 1914.  Son poème Les Nymphes, publié dans cette revue en 1910, est édité en 1921 par Francis Carco aux éditions Davis, avec des illustrations d’Amedeo Modigliani. (Voir :  Revue historique et littéraire du Languedoc, 1946, article de Michel Puy et Guy Lavaud  et l’ article de Francis Carco, in Les Nouvelles littéraires du 27 janv. 1939).
Pierre Grasset : (1881-1958) Fils du professeur Joseph Grasset, cousin de l’éditeur chez qui il publie Le Conte bleu en 1908.
Tristan Klingsor (1874-1966) : Simultanément à sa participation à Pan, il publie Valet de cœur. Il est assez connu pour qu'on n'en dise pas plus.
Guy Lavaud  (1883-1958) : Aveyronnais. Publie en 1946 un article sur Roger Frène. En 1908, il est  Chef de Cabinet du Gouverneur général de Monaco, et correspond avec Valère Bernard dont il organise une exposition. En 1907, ce néo-symboliste a publié aux  Editions de La Phalange :Du livre de la mort. En 1909,  La Floraison des eaux., en 1910, ce sera Des fleurs pourquoi...,  et en 1918 Sur un vieux livre de marine.
Sébastien-Charles Lecomte : “Parnassien pour la forme et romantique pour l’inspiration.”
Fernand Mazade  (1861-1939) : Né à Anduze, fait partie, avec Valéry et Anna de Noaïlles de la Pléïade méridionale. Avant de publier Dyonisos et les Nymphes aux Editions de Pan (Paris, 1913), il avait donné : De sable et d’or (1889), Arbres d’Hellade (1912), Athéna (1912), et une pièce, Belle au bois rêvant (1893). Il est aussi l’auteur d’une grande Anthologie des poètes français des origines à nos jours.
Paul-Hubert :  Son premier recueil, Verbes mauves est publié à Montpellier en 1898. Aux Tournants de la route (illustré par Louis Guigues et Joseph Durand) suit en 1901. Il a eu, en 1906, le prix Sully-Prudhomme de poésie pour Les Horizons d’or, poèmes du Languedoc,  chez Ollendorf. Il publie en 1908, chez Fasquelle  Au cœur ardent de la Cité.
Louis Payen : Albert Liénard (Alès, 1875- Epinay, juillet 1927), plus connu sous le nom de Louis Payen deviendra un écrivain important après son départ pour Paris.  Ses premières oeuvres sont publiées en 1895 dans  Le Cavô du Dix, à Montpellier. Après la fermeture du Caveau du Dix, un cénacle avec Richard Wémau, Joseph Loubet, Coulet, Paul Grollier, Edouard Perrin et Liénard, se réunit pour fonder La Coupe. A peine La Coupe fondée, Liénard part à Lyon et signe désormais Louis Payen. A Lyon, il fonde Germinal. Puis, il se fixe à Paris. Il lance Messidor, avec J. Duchamp et G. Casella. En 1900, il dirige La Revue dorée. Puis, il collabore au Mercure de France, à l’Ermitage. En 1903, il instaure les Samedis poétiques des Bouffes parisiens, qu'il reprendra en 1920, lorsqu'il sera administrateur du Théâtre Français. Le 14 déc 1906, il fonde, avec entre autres Ernest Gaubert et Dauriac, le Nouveau Théâtre d’Art, au café Soufflet (Paris), inauguré par sa Tentation de l’abbé Jean. En 1908, il crée La Victoireà Orange, reprise aux Arènes de Nîmes en 1911, pièce éditée chez Grasset. Ami de Jean Lorrain. Secrétaire de Catulle Mendès. En 1912, il co-signe avec Lucie Delarue-Mardrus une comédie en 4 actes : La Monnaie de singe. Il a composé des livrets pour Massenet, et à sa mort, était secrétaire général de la Comédie française.   Au physique, "il ressemble à Balzac". Voir : Midi Mondain, 11 déc 1910 : Louis Payen.
Charles Phalippou : originaire de Béziers, installé à Toulouse où il est un des fondateurs du Salon des Poètes méridionaux.
Louis Piérard : Dirige , à Mons, la revue belge : La société nouvelle.
Michel Puy :  Aveyronnais. Rédige en 1946 un article sur Roger Frène.
Emile Ripert (1882-1948) : Né à La Ciotat, professeur de langue provençale à l’Université d’Aix. Majoral du félibrige en 1934. Recueils : Le Chemin blanc (Fasquelle, 1904), Le Golfe d’amour  et Le Couronnement de Musset (Ed. du Feu, 1908 et 1910),  La Terre des lauriers ( Grasset, 1912) qui obtient le prix national de poésie 1912,  La Sirène blessée (1920), Le Train bleu (Flammarion,1929). Romans : L’Or des ruines, Quand je serai bachelière, Le Dernier vol de l’Aigle. Auteur aussi de  plusieurs volumes consacrés à Frédéric Mistral et au félibrige qui en font un des chantres les mieux inspirés de la Provence et du Languedoc.
Jean Royere (1871-1956) : Fonde la revue La Phalange (1906-1914), où publient Apollinaire (Les Colchiques), et André Gide. Il avait précédemment dirigé  les Ecrits pour l’art (1887-1893), où avaient été publiés Marinetti et J.A. Nau. Il crée le mouvement “musiciste”, et le terme de “poésie pure”. En 1908, il n’a publié que trois plaquettes : Exil doré (1898), Eurythmies (1904) et Sœur de Narcisse nu (1908), dont Apollinaire fait une analyse enthousiaste. Suivront Par la lumière peints (1919), Quiètude (1922).
Paul Sentenac : Créateur du Salon des Poètes méridionaux, à Toulouse, en juillet 1907, qui publie la revue Tolosa. En 1911, il publie chez Grasset un recueil, Tout mon cœur par tous les chemins. En 1912, il fonde, à Paris, la revue Pays d’Oc, où écrivent, entre autres, Pierre Grasset et André Tudesq.
Emile Sicard: 1878-1921. Il crée et dirige la revue Le Feu en 1905.  Les voix qui chantent et les voix qui pleurent (1904), L’allée silencieuse (1906), L’ardente chevauchée (1908)... Ami de Paul Souchon, Léo Larguier, Emmanuel Signoret. Collaborateur des Cahiers du Sud (Marseille), qui en 1934 publient  son recueil : Le Vieux-Port.
Emmanuel Signoret : Dirigeait, et rédigeait seul, de Cannes, la revue Le Saint Graal, dont le numéro de mars 1898 est consacré à Gide et Vielé-Griffin. Gide lui consacre deux de ses “Prétextes”. En 1908, venaient de paraître au Mercure de France Les Poésies complètes d’Emmanuel Signoret, recueil posthume. Signoret était mort le 20 décembre 1900. Le poème publié par Pan est paru dans La Plume du 1 juillet 1900, dédié à Paul Souchon.
Paul Souchon (1874-1951) : Né à Laudun (Gard), études à Aix et, épisodiquement, à Montpellier où il est un des fondateurs du Caveau du Dix. Membre des revues La Plume et Le Feu.. Ami de Gasquet, Jaloux, Signoret... Publie Elévation poétique (1898), Elégies parisiennes (1902), Les Chants du stade (1923). Chargé de la chronique “Midi” du  Mercure de France. Il est ensuite conservateur du Musée Victor Hugo, et éditeur de sa correspondance.
Louis Thomas : (1885-?) Publie : Flûtes vaines (1906), D’un autre continent (1924). Crée en 1909 la revue Le Nain Rouge, avec André Du Fresnois
André Tudesq (Alès1885-Saïgon1925) : Publie un recueil La vie en 1905 et des nouvelles  Les Magots d’Occident en 1908. Fait partie du groupe Les Loups. Il est cependant plus connu comme correspondant de guerre du Journal et ses livres sur les conflits du Proche-Orient (Le Harem assassiné) ou la révolution du Mexique (La Hacienda en feu, Paris, Michaud, 1913). Il meurt d’ailleurs en reportage à Saïgon en janvier 1925.
EugèneViala : Peintre avant tout, il publie en 1908 : Paysages, chez Carrère, à Rodez.
Jehan d’Yvray publie en 1908 un court roman : Les Porteuses de torches (Ed. Albert Méricant).

Le réseau
Guy Lavaud (1883-1958) : Périgourdin et aveyronnais. Publie en 1946 un article sur Roger Frène. En 1908, il est  Chef de Cabinet du Gouverneur général de Monaco, et correspond avec Valère Bernard dont il organise une exposition. En 1907, ce néo-symboliste a publié aux  Editions de La Phalange :Du livre de la mort. En 1909,  La Floraison des eaux,  en 1910, ce sera Des fleurs pourquoi...,  et en 1918 Sur un vieux livre de marine.. Entre temps, en novembre 1912, il est devenu le gendre de Vielé-Griffin, ce qui permet à Apollinaire de lui consacrer une de ses chroniques au Mercure de France, écrite d'ailleurs dès 1908, l'année où tous deux participent à Pan. “J’ai connu Guy Lavaud il y a six ou sept ans...”
Toussaint-LucasEn 1897, il est le condisciple de Guillaume Apollinaire au lycée de Nice. En 1954 il publie aux Editions du Rocher à Monaco Guillaume Apollinaire, souvenirs d'un ami. En 1908,  il a cessé d'être avocat pour entrer dans l'administration préfectorale. Est-il déjà sous-préfet à Lodève? Est-il “en stage” à Montpellier ??

POSTERITE :
Il est inutile de revenir sur la carrière littéraire des divers auteurs.
Mais il faut noter qu’en Juillet 1909, alors que Pan est devenue une revue parisienne, une tentative de renaissance a lieu à Montpellier. Sous l’aspect d’un journal étudiant, Le Dard, organe des étudiants, dont un seul numéro sera publié regroupe, parmi ses six collaborateurs, 5 anciens de Pan : Clary, Dumas, Rieu, Cottinet, Sentenac. Joël Dumas, déjà parisien, y revient d’ailleurs sur la revue et évoque ses rencontres avec Apollinaire, Marinetti ou Moréas en 1907.

Sommaires :
n° 1, janvier 1908
Francis Carco, Jean Clary, Emile Cottinet, Léon Deubel, Joël Dumas, Jean Royère, Jean Sauclières, Emile Sicard, Paul Souchon, Louis Thomas, Eugène Viala.
[Sommaire rédigé d’après les tables du n°6]
PAN, sommaire du n° 2. 

n° 2, Mars-Avril 1908.
Abel Bonnard, Francis Carco, Emile Cottinet, Du Fresnois, Roger Frène, Mécislas Golberg, Alexis Lauze, Jean Pellerin, Michel Puy, Marcel Rieu, René Rivière, Louis-Frédéric Rouquette, Paul Sentenac, Pierre Vierge,
A noter : Un texte d’Abel Bonnard, qui servira au n° 5 de repoussoir dans une étude sur Apollinaire par Toussaint-Luca.
Une chronique sur Lucie Delarue Mardrus.
Une chronique sur Claudel, qui tente un bilan de l’œuvre.
Des souvenirs sur Zola, par Louis-Frédéric Rouquette.
Une chronique sur Les Magots d’Occident, d’André Tudescq, un écrivain régional qui est un des premiers auteurs édité par Bernard Grasset.
PAN, n° 3, 1908 . Avec quelques publicités de Montpellier et Le Vigan

n° 3, mai-juin 1908
Charles Bordes, Francis Carco, Jean Clary, Paul Delior, Joël Dumas, Roger Frène, Pierre Grasset, Alexis Lauze, Paul-Hubert, Louis Payen,  Jean Pellerin, Charles Phalippou, Louis Piérard, Marcel Rieu, Emmanuel Signoret, Paul Souchon.
A noter : Annonce de la parution aux éditions de la revue Pan du livre de Jean Clary : D’Or et de soleil, offert en prime aux abonnés.
n° 4, juillet-août 1908.
Charles Bordes, Emile Cottinet, Lucie Delarue-Mardrus, André Du Fresnois, Jean Florence, Guy Lavaud, Saint-John Perse [Saint Léger-Léger], Louis Mandrin, Filipo Tomasso Marinetti, Jean Pellerin, Nandor Sonnenfeld, Augustin Tivollier, André Tudesq.
[Sommaire rédigé d’après les tables du n°6]
PAN? sommaire n° 5, septembre 1908. Montpellier

n° 5, septembre-octobre 1908.
Gabriel Boissy, Jean Clary, Fabien Colonna, Emile Cottinet, Joël Dumas, Pierre Grasset, Marcel Rieu, René Rivière, Paul Sentenac, Pierre Tournier, A. Toussaint-Luca, Jehan d’Yvray.
A noter : Grand texte d’A. Toussaint-Lucas, avec larges citations, sur Apollinaire.
Critique, par Joël Dumas de La Vie charnelle, de Marinetti (publié dans le n° 4).
Annonce de la revue publiée à Agen par Tristan Derême : L’Oliphant.
Le texte de Pierre Grasset est extrait de Un Conte bleu, à paraître.
PAN sommaire novembre 1908

n° 6, nov.-déc. 1908
Guillaume Apollinaire [Fiançailles], Valère Bernard, Jean Clary, Emile Cottinet, André Du Fresnois, Serge Evans, Henri Guilbeaux,  Marcel Rieu, Emile Ripert, Emile Rochard, Pierre Tournier.
A noter : Chronique enthousiaste des Poèmes d’un riche amateur publiés par Barnabooth (Valéry Larbaud). Ce livre a été écrit à Montpellier, mais semble rester anonyme pour le chroniqueur Jean Clary.
Chroniques sur Eugène Carrière (de Rodez), sur Jean Royère (comparé à Valéry).
Les textes de Valère Bernard sont en français et dédiés à Rodin.
Critique de BARNABOOYH de Valéry Larbaud par Jean Clary 

2e année, n° 1 et 2, janvier-février 1909
Jean Clary, Fabien Colonna, Emile Cottinet,  André Du Fresnois, Roger Frène, Tristan Klingsor, Sébastien-Charles Lecomte, Legrand-Chabrier, Louis Mandin,  John-Antoine Nau, Marcel Rieu, Jean Royère, Pierre Tournier, Francis Vielé-Griffin.
A noter : Guillaume Apollinaire est qualifié de “notre collaborateur” p. 2.

[N° de sept-oct 1909. (Pan est désormais une revue parisienne). Joël Dumas en communique le sommaire à La Bohême : Mécislas Golberg (La Prison) , Georges Duhamel et Charles Vildrac (Extrait d'un carnet de notes sur le vers libre), Henri Hertz, Marcel Rieu, Fernand Mazade, Albert de Bersancourt, Fabien Colonna, René Arcos, Jean Clary, Emile Cottinet, Cécile Périn, Legrand-Chabrier... ]
Les éditions de PAN, E. Figuière éditeur, Paris, publient en 1913 : Dionysos et les Nymphes de Fernand Mazade.


BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : Jean COCTEAU, "A Shelley" illustré par Karen THOMAS. Editions LUIS CASINADA

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Frontispice de A SHELLEY, de Jean COCTEAU, par Karen THOMAS. Editions Luis Casinada, 1998
                   Les éditions LUIS CASINADA vont reprendre du service.
                   Il est donc sans doute temps de rappeler les épisodes précédents, c'est à dire présenter les livres d'artistes publiés par ces éditions que j'ai créé au début des années 1990.
                    Sans souci d'ordre quelconque tous les titres parus seront donc présentés ici.
                    Voici donc en premier, un texte, inédit jusqu'alors, publié grâce à la courtoisie de Pierre Bergé, propriétaire du manuscrit, et de Pierre Caizergues, l'incontesté spécialiste de Cocteau :

JEAN COCTEAU
A SHELLEY
ILLUSTRE PAR KAREN THOMAS
Editions LUIS CASINADA
Montpellier, 1998. 

Page de titre 
                  Le texte de Cocteau date des années 1910-1912, antérieur au Potomak, qui marque une césure dans l'oeuvre. Le manuscrit en était resté inconnu, jusqu'à sa redécouverte et son rachat par Pierre Bergé. Il est en vers irréguliers et très caractéristique de la merveilleuse facilité de Cocteau
                   Le livre se présente sous la forme d'un volume oblong, d'environ 35 cm sur 15. Il est relié par un ruban de soie rouge. La reliure en papier brut blanc est protégé par un papier cristal, et par des gardes de papier indien.

Page de garde, ruban de reliure et frontispice vu par transparence: A Shelley, de Cocteau
                  Le tirage est fait sur deux papiers différents pour jouer sur la transparence.
                  Le texte est imprimé sur du papier Japon Sanmore qui a la particularité d'être très solide, d'un toucher doux et crémeux, et surtout d'être relativement translucide. Cette transparence a deux objectifs :
                  * Montrer, en sous-jacence sous le texte, les magnifiques illustrations de Karen Thomas, qui apparaissent de plus en plus nettement au fur et à mesure que les pages de texte se tournent, jusqu'à être, seules, sous les yeux du lecteur.
                  * Evoquer, par une métaphore bibliophilique, la clarté même du texte.
                  Les illustrations sont tirées et peintes sur du Japon Dosabiki, qui, lui, est un très fort papier (120g) très blanc et très opaque, crémeux et granuleux, auquel on a, ici, laissé toutes ses barbes.

Justification de tirage de A Shelley de Jean Cocteau et Karen Thomas
                     Le tirage est limité à 45 exemplaires, dont 20 réservés aux éditeurs et auteurs. Tous les exemplaires sont signés par l'illustratrice et l'éditeur (Luis Casinada, id est Guy Barral).

Un fragment du texte sur Japon Sanmore, laissant apercevoir l'illustration de Karen Thomas
                     Le livre comporte quatre illustrations pleine page (dont le frontispice) par Karen Thomas. A partir de dessins de l'artiste, ces illustrations ont été tirées en noir. Puis, chacune a été colorisée à la gouache par le peintre elle-même. Tous les exemplaires sont donc différents, les choix chromatiques variant de l'un à l'autre.

Jean Baniel, enfant de choeur et chanteur de la Sixtine 

                    Karen THOMAS est une artiste anglaise qui vit et travaille à Montpellier et qui a exposé un peu partout en Europe. Elle était, par ses origines et surtout par son style, prédestinée à illustrer ce texte.

A Shelley de Jean Cocteau. Editions Luis Casinada. 1998
                   Ce livre est actuellement exposé au Musée Fabre de Montpellier, et figure sur le catalogue et le CD-Rom qui accompagnent cette exposition des Fonds Cocteau de l'Université Paul Valéry.

La barque de Shelley
          Renseignements supplémentaires : Editions Luis Casinada,  barral.guy@neuf.fr
ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
http://editionsluiscasinada.blogspot.fr/

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE OCCITANE : Isabelle MARSALA illustre Max ROUQUETTE. Editions LUIS CASINADA

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Vue aérienne de Una nuòch de luna plena de Max Rouquette et Isabelle Marsala. 

Suite de la présentation des livres publiés par les éditions LUIS CASINADA à Montpellier.

MAX ROUQUETTE
UNA NUÒCH DE LUNA PLENA
illustré par 
ISABELLE MARSALA
Editions LUIS CASINADA
Montpellier, 2002


Page de titre de Una nuòch de Luna plena de Max Rouquette et Isabelle Marsala
             Le livre ne manque pas de surprises.
             D'abord, il est en occitan, comme il se doit pour un livre de Max Rouquette. Mais (il y a un mais), la traduction française est dessous le livre, dans un petit livre attaché sous le serpent.
             Si on fait le comte des ingrédients de ce livre, nous trouvons :
              1°) Un livre sous couverture verte imprimé sur papier Japon DOSABIKI 120 g. à toutes barbes, format 20 x 17 cm, reliure à la chinoise, contenant le texte (inédit par ailleurs) occitan de Max ROUQUETTE et 5 illustrations originales d'Isabelle MARSALA.
                     Ces illustrations sont tirées d'après des dessins au trait noir et réhaussées par l'artiste elle-même de couleurs acryliques. Ces couleurs peuvent varier d'un exemplaire à l'autre, chaque exemplaire étant donc unique.
              2°) Un autre livre, format 15 x 7 cm relié en rouge, "dissimulé" sous le corps d'ouvrage du livre, contenant la traduction française du texte de Max Rouquette
              3°) Un support en bois circulaire, de 26 cm de diamètre, qui est là, bien sûr, pour évoquer la pleine lune, accessoirement les trous du poinçonneur du métro. Le livre lui est relié par un cordon vert.
              4°) Et le clou du spectacle, c'est un serpent de 1mètre 25 cm de long, en latex ou caoutchouc, enroulé sur ou sous le livre, comme vous voulez. Ce serpent est sensé être une de ces immenses couleuvres de Montpellier qui tient une si grande place dans le texte.
          
Serpent, lune, pour Max Rouquette 

             Le tirage du livre est de 70 exemplaires (en fait, au bout de 60, j'avais épuisé ma provision de serpents et celle de mon fournisseur, le tirage réel est donc de 60).
Justification de tirage par Max Rouquette et Isabelle Marsala (celui-ci, ex. d'éditeur, non signé)

              Le texte de Max Rouquette est un condensé de tous ses thèmes favoris. On y retrouve un historique et une topographie du Mas de Gardies (son haut-lieu mythique), avec son occupation pendant la guerre de 14 par des prisonniers allemands (Voyez la peinture d'Isabelle Marsala ci-dessous), puis des réfugiés de la guerre greco-turque.

Prisonniers allemands au Mas de Gardies (Hérault) vus par Isabelle Marsala
           L'histoire commence alors, qui va conduire le jeune T*** d'Argelliersà Paris et retour. Il y est question de chasse au lapin et à l'engoulevent, de couleuvre de Montpellier (qui est peut-être le personnage principal, en tout cas le deus IN machina), d'exil, de métro parisien et de café concert.
Les images d'Isabelle Marsala parlent d'elles-mêmes.

Chasser ou dormir au clair de lune??
Attaque de la couleuvre de Montpellier
"J'étais poinçonneur dans le métro!... Métropolitain..."

Trois étapes d'une vie.

           Pour plus de renseignements : Editions Luis Casinada  barral.guy@neuf.fr
       
 Pour le peintre Isabelle MARSALA : www.isabelle-marsala.fr/ 
ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
http://editionsluiscasinada.blogspot.fr/



              Pardon à Marie-Jeanne Verny pour avoir fait siffler des serpents à ses oreilles.

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : DANIEL DEZEUZE illustre LES ROYAUMES COMBATTANTS de SKIMAO. Editions LUIS CASINADA

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Suite des livres édités par les éditions LUIS CASINADA, à Montpellier
Les Royaumes combattants de C. SKIMAO illustrés par Daniel DEZEUZE
CHRISTIAN SKIMAO
Les Royaumes combattants
illustré par
DANIEL DEZEUZE
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1998
g
Page de titre de Les Royaumes combattants par Skimao et Daniel Dezeuze
                Le livre se présente en format vertical, 21 x 10 cm.
                La reliure est constituée d'un rideau de lamelles vertes cousues entre elles, évoquant les travaux de Daniel Dezeuze, soit à l'époque de Supports / Surfaces, soit ensuite.
                La couture est, bien sûr, effectuée avec un fil de soie blanc à la chinoise.
                L'impression est faite sur papier pur coton du Moulin de Riom, gardes papier cristal gauffré.

Justification de tirage des Royaumes combattants par Skimao et Dezeuze. 
                Le tirage total est de 50 exemplaires, dont 25 pour les auteurs et l'éditeur. Tous signés par les deux auteurs.


Les Royaumes combattants de Christian Skimao. 
                 Christian Skimao est connu comme critique et théoricien d'art, fondateur de la revue Le Chat Messager avec Bernard Teulon-Nouailles et collaborateur de bien d'autres. C'est ici son écriture poétique qui est mise en évidence. Son texte suit les diverses périodes des Royaumes combattants (période de fondation de l'Empire chinois) et se calque sur les péripéties de la guerre et sur les variations stratégiques et culturelles.
                 La typographie et la mise en page évoquent les calligraphies chinoises.

Dessin de Daniel DEZEUZE pour Les Royaumes combattants de C. Skimao
                Les dessins de Daniel Dezeuze, à l'encre de chine, ont été imprimés en noir. L'artiste les a ensuite parachevés manuellement de touches de gris, et a fait un encadrement à l'or de la page.

Illustration de Daniel Dezeuze
Troisième dessin original de Daniel Dezeuze

              Pour plus de renseignements : Editions Luis Casinada,    barral.guy@neuf.fr
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BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE OCCITANE : François DEZEUZE illustre L'Opera de las Sidoulas de L'ESCOUTAIRE

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Deuxième (et pour le moment dernier) livre en occitanédité par les Editions LUIS CASINADA.
Lou Grand operà de las Sidoulas de François Dezeuze (L'Escoutaïre)  illustré par François Dezeuze
             Encore un livre à la présentation assez étonnante publié par Luis Casinada :
L'ESCOUTAÏRE (François DEZEUZE)
LOU GRAND OPERA DE LAS SIDOULAS, farcejada
illustrat per
François DEZEUZE (soun pichot-enfant)
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1996

             Le tirage total a été de 45 exemplaires, signés par l'illustrateur et l'éditeur. 

Page de titre 
          François DEZEUZE est un des écrivains occitans majeurs de la première moitié du XXe siècle. Il est le chantre de la vie montpelliéraine, le philosophe du mazet, mais son style, reconnaissable entre mille, déborde largement ces clichés sans les démentir. Disons en deux mots que ce papetier imprimeur (rue de l'Aiguillerie) a été l'âme de LA CAMPANA DE MAGALOUNA, une revue qui pendant quatre décennies a diffusé un occitan populaire dans toute l'aire occitane, et qu'il a été un des auteurs de théâtre les plus joués du Bas-Languedoc. Une dizaine de ses farces étaient jouées, chaque dimanche, aux quatre coins de la province par des troupes de joyeux amateurs. 
            C'est une de ces pièces, dont la première représentation a eu lieu à Frontignan le 7 octobre 1900, qui est ici rééditée. 
            Même les non-occitanoliseurs comprendront tout ce vocabulaire "simple et efficace" (comme on dit pour parler des guitaristes rocks). 
Une scène du Grand Opera de las Sidoulas de François Dezeuze.
            L'intrigue est simple : un peu comme dans Les Copains de Jules Romain, un groupe d'hommes (que des hommes) se réunit dans un mazet (pour celui qui ne saurait pas : petite maison de campagne le plus souvent d'une seule pièce). Ils vont manger, et boire, et parler, et manger, et boire, et parler... presque jusqu'à la mort. Presque... 
            Les spectateurs se tordaient de rire, les acteurs essayaient de retenir le leur. 
            C'est qu'il y a là-dedans A LA FOIS la grosse farce et le petit sel de l'esprit fin
            C'est cette association de finesse et de robuste rigolade qui motive la présentation de l'oeuvre par l'éditeur. 
Couverture du Grand Opera de las Sidoulas en céramique de Saint-Jean-de-Fos 
                  Les deux plats de reliure, son écorce, sont brillants et rugueux. Deux rectangles de terre cuite vernissée, issus la poterie de Saint-Jean-de-Fos, sont lisses et vernis à l'émail vertà l'extérieur, bruts de terre cuite à l'intérieur. 
                   Ils mesurent 18 x 11 cm. 
2eme plat et gardes du livre 
                    Une corde, une simple corde, relie l'ensemble. 
                    Par contre, le texte est tiré sur un papier japon Liaxuan vergé pelure le plus fin imaginable : 16 grammes. (Imaginez les difficultés du tirage!)
                    Ce contraste entre pulpe et écorce résume tout. 
                    Les illustrations ont dû être faites sur un pur coton vergé "normal", c'est à dire de 80 grammes.
Illustration de François DEZEUZE
                     Il était en effet impossible de travailler à l'aquarelle sur un papier pelure. Quand je dis "aquarelle", c'est une question de parler, puisque les roses et les mauves sont issus des meilleurs cépages (Saint-Chinian et Saint-Georges d'Orques) du Languedoc. 
                      En effet, les dessins ont été exécutés à l'encre de chine au trait, tirées en noir, et chaque exemplaire colorié à l'aquarelle et à la "vin-arelle" par François DEZEUZE. 
                      Il y a 5 illustrations par volume.
Illustrations de François Dezeuze
               Finalement, je crois que je vous ai embrouillé. 
               Je ne vais pas dire que je l'ai pas fait exprès, mais je vais réparer ça : il y a François Dezeuze et François Dezeuze. 
               Je ne vais pas vous faire la généalogie complète de la famille DEZEUZE, mais voici la situation des principaux protagonistes de l'histoire. 
               Au commencement, il y a FRANCOIS DEZEUZE, alias L'ESCOUTAÏRE, dont je parlais au début. Ce François a eu un fils Georges DEZEUZE, peintre fort connu à Montpellier, collègue des Beaux-Arts de Montpellier de Dubout et de Germaine Richier. Ce Georges a eu, lui, deux fils. Daniel Dezeuze, celui qui a illustré Les Royaumes combattants de Skimao pour les éditions Luis Casinada (et fondateur de Supports/Surfaces) et FRANCOIS DEZEUZE, professeur aux Beaux-Arts d'Avignon, et donc, ici, illustrateur de son grand-père. 
               Le Grand opéra de la famille Dezeuze. (Et ça continue dans les nouvelles générations...!!!) 

               P.S. : Le livre n'est pas garanti incassable, il est juste beau et solide. 

             Plus de renseignements : Editions Luis Casinada ;   barral.guy@neuf.fr

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BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : Hervé DI ROSA illustre Joël JACOBI aux Editions LUIS CASINADA

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Menteur ! de Joël Jacobi illustré par Hervé Di Rosa

            Suite de la présentation des éditions LUIS CASINADA à Montpellier.

MENTEUR ! 
3 textes de Joël JACOBI
4 linogravures réhaussées de gouache et signées au crayon rouge de HERVE DI ROSA
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1995

             Joël JACOBI, connu aussi pour ses chroniques taurines sur FR3, a écrit 3 textes, et Hervé DI ROSA a gravé une linogravure pour chacun. 

             L'ANE : 
Linogravure d'Hervé Di Rosa pour L'Ane de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

OPPOSUM :
Linogravure d'Hervé Di Rosa pour Opposum de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

 LA FAIM DU TORERO :

Linogravure d'Hervé Di Rosa pour La Faim du torero de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

 Plus le TITRE et le FRONTISPICE en deux couleurs

Linogravure d'Hervé Di Rosa, frontispice de Menteur! de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)



Coffret ouvert + une des linos gravés

           Un coffret en plexiglas cristal réunit les trois fascicules. Le frontispice forme le premier plat coulissant en couvercle de ce coffret.
            Format : 15,5 x 15,5 cm


Dos et 4e de couverture

             Le papier est du Dosabiki Masashi aux bords frangés. 
              92 pages non chiffrées, soit 23 folios doubles en feuilles. 
             Le tirage est de 25 exemplaires, chaque fascicule signé par l'auteur, chaque illustration signée au crayon rouge par l'artiste.
Justification de tirage
           Le livre est répertorié dans le catalogue des "multiples" d'Hervé Di Rosa publié en 1996 par l'Artothèque du Limousin sous le titre : "Hervé Di Rosa, livres, estampes et voyages. Editions 1981-1996".
Hervé Di Rosa, livres, estampes et voyages. Editions 1981-1996


A suivre... 
Renseignements complémentaires : Editions Luis Casinada,  barral.guy@neuf.fr

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Des REVUES, des JOURNAUX pour maintenir et sauver la LANGUE D'OC. Stratégies éditoriales, publics cible, choix divers... (1850-1950)

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                  A Norwenn Ansquer avec son sourire et son rire dans le déluge. 

Cansou lengodouciéno in L'Almanach des Muses 1767

                  Ce dimanche 10 juin je suis allé, dans le cadre de Total Festum, et sollicité par le LR2L (Languedoc-Roussillon Livre et Lecture), à Chanac , en Lozère (dans le superbe château du Vialard) , donner une conférence sur les diverses stratégies utilisées par les REVUES LITTERAIRES OCCITANES au temps du félibrige, disons 1850-1950.

                  Voici le synopsis de cette conférence, comme des cailloux sur lesquels j'ai sauté à grands pas pour traverser, près du Lot, une heure de bavardage.

                  En ce temps-là, aucune institution ne songeait à aider les langues régionales à survivre.
                  Le seul espoir de sauver la culture "occitane" reposait sur LA LANGUE et LA LITTERATURE. 
                  LE LIVRE fut largement mis à contribution, et plus particulièrement MIREILLE, "LE" livre de la renaissance provençale par excellence (1859).
                  Mais  notre sujet d'aujourd'hui concerne un 2e média : LES REVUES.
                  Leur nombre fut innombrable : la seule lecture des centaines de titres de revues publiées en occitan épuiserait largement mon temps de parole.
                  Elles couvrent tout le territoire occitan, et prolifèrent même à Paris.  
                  Leur prolifération et leur importance dévoilent le sentiment partagé par tout le monde de l'importance de la presse !

                 Mon histoire commence en 1854, le 21 mai. Ce jour-là, 7 jeunes hommes prennent en même temps deux décisions :
                      * fonder un mouvement pour la défense et l'illustration de la langue provençale : le félibrige.
                      * créer un almanach pour diffuser largement la langue restaurée et sa littérature : L'ARMANA PROUVENCAU.
                 C'est dire que, pour eux, l'un ne va pas sans l'autre.

                  Mais quelle presse et quel rôle?
                  Ma causerie va essayer de caractériser les choix qui ont présidé à la création et à la diffusion de ces revues occitanes, et les diverses stratégies adoptées, souvent en toute conscience, par leurs créateurs.

1 *** La plus simple, celle le plus utilisée avant le félibrige, c'est d'utiliser les supports existants.
L'Almanach des Muses publie à la fois Voltaire et de la Langue d'Oc

                  *** C'est le cas au XVIIIe avec le plus célèbre almanach parisien : l'ALMANACH DES MUSES, où, presque chaque année,  par exemple ici en 1767, deux chansons languedociennes voisinent, sans traduction avec Voltaire. A noter qu'on parle alors de "languedocien" et non de "provençal" ou d'occitan.
Le Mémorial du Vaucluse chronique Joseph Roumanille 1847

                 *** C'est surtout le cas de tous les journaux régionaux qui accueillent, en Provence surtout, des textes en langue d'oc. Voici L'INDICATEUR d'AVIGNON où en 1843 est imprimé pour la 1ère fois le nom de Roumanille (à 25 ans, à propos de logogryphes), ou le MEMORIAL DU VAUCLUSE de 1847 où paraissent, pour la première fois des extraits des Margarideto du même (paru en librairie la même année), bien avant l'existence du félibrige, dont on voit par là qu'il ne naît pas de rien.
                 Ceci se passe au XIXe principalement en Provence qui est plus en pointe que le Languedoc et surtout que la Gascogne.
                 C'est, disons, le reflet de la vie occitane : une langue minoritaire ayant sa (petite) place dans la société française. Il n'y aura que bien peu de quotidiens régionaux qui ne laissent une rubrique à l'occitan (et ce jusqu'à Midi Libre, La Dépêche…).
On pourrait aussi citer l'apparition de Robert Allan dans la revue DIRE de Montpellier dans les années 60. Mais cette revue fait l'objet d'un article à elle toute seule. 
                  C'est la portion congrue accordée au folklore local.

              *** Autre utilisation de supports existants : les revues parisiennes, surtout littéraires.
              Il arrive aussi en effet que "Paris" fasse un effort pour accorder une place à cette littérature exotique.
              Deux exemples : LA PLUME, "LA" revue symboliste de la fin du XIXe avec le numéro de JUILLET 1891 consacré aux félibres par Charles Maurras (ici, un exemplaire avec envoi de Maurras. au Prof. Antonin Glaize). On y trouve des oeuvres des "grands félibres", des extraits des autres, et une analyse de tous les écrivains de la nouvelle génération, de 1890.
N° de LA PLUME de 1891 consacré aux Félibres. dédicace de Charles Maurras

              La NRF en 1930 se fend d'un numéro spécial pour le centenaire de Mistral. Textes de Mistral, mais aussi de Folco de Baroncelli, de Joseph d'Arbaud ou d'André Chamson. (De nos jours, Le Magazine littéraire, ou Europe, voire Le Monde des livres font parfois de même). Le corps de la revue est toujours en français, seules les citations sont occitanes, les textes sont en 2 langues.
1930 La NRF célèbre le centenaire de Frédéric Mistral

               *** Toujours et pour terminer cette rubrique  "vu de Paris", il ne faut pas négliger les divers organes des Méridionaux de Paris.
               Paris reste la capitale où il faut être présent (Philippe Martel a étudié la réception de MIREILLE qui passe forcément par Paris: Maillane-Paris-Maillane).
               Le Mois cigalier organe de La Cigale, association des méridionaux de Paris. On y retrouve des gens comme Jean Aicard, Henri de Bornier, Alexandre Cabanel, Alphonse Daudet, Ferdinand Fabre  ou le ministre Maurice Faure et même Jean Jaurès qui n'ont souvent jamais écrit un mot occitan, à côté de quelques très rares félibres exilés comme Joseph Loubet . L'occitan n'apparaît que dans des citations , mais  on y parle beaucoup des félibres, et trop des tambourinaïres. Comment dit-on "pagnolade" quand on parle d'Alphonse Daudet?
Les cigaliers de Paris en goguette dans le Midi

                Dans le même cas on peut citer Lou Viro-Soulèu, La Revue félibréenne de Paul Mariéton  ou La France latine autour de Jean Lesaffre

                MAIS REVENONS AU FELIBRIGE FELIBREJANT pour la  2e option stratégique.

2*** L'Armana prouvençau et la forme "Almanach" 
               Il est créé le même jour de 1854 et dans le même mouvement que le félibrige. Joseph Roumanille le prend en charge, l'édite et le distribue.
               Le premier paraît fin 1854 pour l'année 1855.  En 1870, son tirage est de 7000 exemplaires.
               Avantages de la formule "ALMANACH" :
               *** La formule existe déjà  et a déjà fait ses preuves : les almanachs de la bibliothèque bleue (imprimés surtout à Troyes) sont distribués dans les campagnes par les colporteurs depuis le XVIe siècle
              *** Il est annuel,  bon marché, (le prix de 3 timbres poste) sert de calendrier et est repris en main très souvent, parfois lors de réunions ou de veillées.
              *** Surtout : on peut le garnir avec n'importe quoi : petites poésies, musique, histoire et historiettes en prose, blagues (lou cascarelet) , infos pratiques ("annuaire" ou recettes ) ou infos tout court : liste des médaillés…
ARMANA PROUVENCAU publié chez Roumanille 

             En fait, sous le nom d'almanach qui n'effraye pas les milieux populaires, CE SONT DE VERITABLES REVUES LITTERAIRES.
             Il mêle les vers à la prose. Paradoxalement, si les vers sont une manière populaire spontanée d'écrire, la prose est un des grands apports félibréens : le langage courant peut s'écrire!
Tous les grands noms de la littérature  provençale seront publiés par L'Armana.  Les textes de Mistral seront recueillis et édités : Proso d'Armana en 1927 .
             L'armana prouvençau continue à paraître.

LES AUTRES ALMANACHS
            On ne compte pas les almanachs qui paraissent dans la foulée.
            Le plus souvent, il y a un écrivain à l'origine qui est maître d'oeuvre.  Par exemple, L'ARMAGNA CEVENOU QUI DEVIENDRA ARMANA DE LENGADO quand Albert Arnavielle quittera Alès pour Montpellier.  Ou encore L'ARMANAC SETORI de Joseph Soulet . Reparaît depuis quelques années.
           ARMANAC DE LOUZERO (depuis 1903 ? )
Scission et polémique en Rouergue : deux Armanacs Rouergas concurents 

           Son caractère bon enfant n'exclue pas les engagements politiques ou les violentes polémiques idéologiques.
            Ainsi, L'ARMANAC ROUERGAS, du Grelh Rouergat qui se scinde en deux en 1939 avec d'un côté MOULY-SEGURET et de l'autre Pierre Miremont-Joseph Vaylet.
            Ou encore LA LAUSETO (1877- 78) sous la direction de Louis-Xavier de RICARD qui se dit "Armanac dal PATRIOTO Lengodoucian", et est édité "MITAT FRANCES MITAT LENGO D'OC" . C'est l'époque du président de la République royaliste Mac Mahon. Il y a là pas mal de "félibres rouges".  Mais il ose publier aussi des textes des troubadours  Peire Cardinal ou Marcabrus en "version originale".
La LAUSETO, un almanach "ROUGE" 


             En fait, la formule "ALMANACH" est la meilleure pour faire entrer de la littérature dans les milieux populaires. Et TOUTE la LITTERATURE : populaire ou savante (Mistral, Aubanel, Troubadours…)


3 *** LA PRESSE POPULAIRE, la voie royale de la presse occitane
             Lou Bouil'Abaïsso  (1841) - Lou  Tambourinaïre  (1843) avaient montré la voie dans la mégapole provençale Marseille.

             *** ELIMINONS tout de suite le gros du peleton, celui qui fait gonfler les chiffres de l'édition des périodiques occitans. J'ai nommé  cette presse de proximité immédiate composée de bulletins ultra locaux, laïques ou paroissiaux qui fleurissent par centaines dans les plus petites bourgades d'occitanie.
           Certes, ce bulletin parle patois.
            Certes, le rimailleur, l'érudit ou le notable du coin l'alimentent abondamment.
            Certes, il est lu et attendu avec plaisir par la communauté à laquelle il s'adresse.
            Mais il est bien difficile, même avec l'empathie la plus grande de lui trouver des qualités littéraires. Et c'est là son danger : accréditer l'idée que le patois est synonyme de médiocrité (car ces bulletins ignorent superbement syntaxe et orthographe mistraliennes et patoisent à qui mieux mieux). Ils accréditent aussi l'idée que le patois est ultra régional, inconciliable d'un village à l'autre, qu'il n'a ni littérature ni syntaxe et qu'il ne sert qu'à parler "entre-soi", cet entre-soi étant des plus limités.

           *** MAIS CERTAINS JOURNAUX LOCAUX parviennent à avoir un véritable contenu littéraire et une audience régionale assez large.
La BUGADIERA de Nice en 1876

           C'est le cas à Nice de LA BUGADIEIRA de Jules BESSI, (1876) Du TRON DE L'ER de MARSEILLE (même époque),  de LA BOUTS DE LA TERRE (La Voix de la terre 1909-1914 Simin Palay avec Michel Camelat, voisine de RECLAMS DE BIARN 1896)
           Ou de la très célèbre dans tout le Midi CAMPANA DE MAGALOUNA (437 n° parus de 1892 à 1933 : 40 ANS, avec des éclipses) de Edouard Marsal et François DEZEUZE.
LA CAMPANA DE MAGALOUNA 

           Max Rouquette y débute, en prose  en 1927 (19 ans) avec Lou paure ome e la Crous sous le pseudonyme de Max Cantagril qui intrigue Dezeuze soucieux de le rencontrer.
Le premier texte de Max Rouquette . L'Escoutaïre veut rencontrer Max Cantagril

           On y trouve bien sûr tous les montpelliérains et héraultais, mais aussi de nombreux provençaux et même gascons, mais presque tous sous pseudonymes.
           Canevas d'un numéro type :  Une Crounica de la campana assez échevelée par L'Escoutaïre, quelques poèmes narratifs ou burlesques, un texte sur l'histoire littéraire ou anecdotique du midi, parfois une chanson, des devinettes ou des bons mots, parfois un classique occitan (style Curé de Cucugnan, Sermou de M. Sistre…) des publicités, le plus souvent en occitan comme par exemple, N° 357 du 15 avril 1926 : "Lou milhou regiounalisme es lou de l'oustau"… conclusion : achetez vos meubles chez Arnavielhe à Montpellier…
             C'est sous la forme du journal hebdomaire ou mensuel, le même contenu, à peu près, que celui des almanachs.
           Tout cela dans l'occitan le plus populaire, qui ne recule pas devant les gallicismes…

          *** Ce rayonnement est aussi LE CAS DES REVUES SPECIFIQUEMENT FELIBREENNES : Dominique, La Cigalo d'Or  et L'Aioli
         Dominique créé en 1876 devenu La Cigalo d'Or en 1877  finit la même année pour reparaître de 1889 à 1895 (52 + 133 n°)  A noter donc que La Cigalo dort pendant 12 ans, puisque, liée à la vie tumultueuse de Louis Roumieux, elle cesse de paraître entre 1878 et 1889
Louis ROUMIEUX : Dominique, puis La Cigalo d'Or 

        Anecdote : Dominique, fondée par Louis Roumieux à Nîmes voit son titre unanimement critiqué : "Dominique es pas de la lengo. " Elle décide de s'appeler Lou Felibre. Mais officieusement, le félibrige tique et renacle.  Finalement, le nouveau titre sera : LA CIGALO D'OR. N'empêche, d'avoir voulu s'appeler LOU FELIBRE indique bien l'orientation  de la revue. D'ailleurs, les responsables seront toujours des responsables du félibriges : Hyppolithe Messine ou Alcide Blavet, syndic, Albert Arnavielle, le "félibre intégral". D'ailleurs, à  partir du 1 janvier 1890, LA CIGALO D'OR devèn l'ourgano ouficial de la Mantenenço de Lengadò.
         Son contenu est littéraire, mais avec de belles disparités de niveaux ou de qualité entre les différents textes.
          A noter, pour montrer la porosité des séparations entre les revues littéraires françaises et occitanes à la fin du XIXe qu'une polémique engagée contre DRUMONT à propos de son antisémitisme et de son anti-méridionalisme (au sud de la Loire, que pourriture répétera aussi Céline)  commence dans LA CIGALO d'OR et se poursuit dans la revue CHIMERE. Il est vrai que les 2 revues ont le même rédac chef : Paul Redonnel (voir sa notice sur ce blog).
La CIGALO LENGADOUCIANO de Béziers ignore Marcelin ALBERT, lou Cigalou 

          Le titre, qui évoque l'emblème des majoraux du félibrige fait florès puisqu'au XXe siècle nous aurons LA CIGALO NARBOUNENCO et LA CIGALO LENGADOUCIANO de  Béziers. Cette CIGALE là sera tellement poétique, tellement félibréenne, tellement mistralienne en un mot que, créée en mai 1907, au plein feu des manifestations viticoles (Féroul et Marcelin Albert), elle n'en dira jamais un mot, pas même une allusion.
          Quant à L'AIOLI, il est créé et dirigé par Frédéric Mistral en personne et paraît de 1891 à 1899, à peu près remplacé  par la revue d'un autre capoulié, Pierre Devoluy : PROUVENÇO (puis VIVO PROUVENÇO) de 1905 à 1914.  On ne peut plus officiel ni plus félibréen.

           *** On pourrait citer dans la même rubrique des revues destinées à un large public  LES REVUES "EVENEMENTIELLES" , créées à l'occasion d'un événement littéraire (LE CENTENAIRE DE l'abbé FABRE), politique (LA CAPELETA, journal électoral : voir ma notice dans ce même blog) ou plus grave : la GUERRE de 1914 avec LOU GAL (voir le journal de guerre de Louis Bonfils dans ce même blog) ou LA GAZETTO LOUBETENCO polycopiée par Joseph Loubet.

             Après  les revues "Populaires", les revues "d'idées"

 4 *** LES ANNEES 30 VOIENT L'INTELLIGENTZIA OCCITANE ESSAYER DE DEPASSER LE FELIBRIGE tombé dans un folklorisme pittoresque et désuet, barbut et capellut dit Max Rouquette.
             Il s'agit de créer dans le domaine occitan des grandes revues pleines d' AMBITION
             Il s'agit, en utilisant uniquement la langue d'oc (dans tous ses dialectes), de donner une colonne vertébrale intellectuelle forteà l'action félibréenne
CALENDAU : peu spectaculaire, mais revue efficace !! 

             CALENDAU (1933-1940-1944, 100 n° ) va être la grande revue de cette remise en cause.
             Rien ne distinguera CALENDAU de revues françaises comme La Revue des deux Mondes, Europe, Les Temps modernes, Etudes, etc…
             Son sous-titre "Revisto felibrenco"ne lui interdit aucune liberté.
             Qu'on en juge : Le premier article (page 3 du N° 1°) est du mistralissime Léon Teissier : sous le titre  "Lou Capoulié" c'est une critique acerbe du capoulié Marius Jouveau opposé au Capoulié de l'action, Pierre Dévoluy (1902-1909 ) : "Mistral èro pas un capoulié, mai un dieu qu'aviè meme pas un det à leva…" "Mistral vouliè plaire en touti"…  l'article finit par : "Ço que Devoluy aviè de mai que Jouveau,… es que son pople l'amavo, l'escoutavo et l'aurié segui sabe pas mounte. …" Le grand homme de Calendau, c'est Devoluy.
             On ne peut être plus libre.   ….   Ce qui n'empêche pas cette espèce d'édito d'être suivi d'un brinde de Jouveau, ni celui-ci de faire en 1935 la réclame pour la revue et de la définir fort bien :
"Es mens uno revisto d'infourmacioun qu'uno revisto d'ensignamen. .. Acò vòu pas dire de negligi li publicacioun de soun endré…." (Et il y en a beaucoup!)
             Revue félibréenne, donc, d'enseignement (on dirait de recherche ET d'Opinion) aussi, et transcendant les particularisme régionaux.
             Ses auteurs viennent de Nice (Fontan), de Bordeaux (Boussac), de Béarn (Camelat) ou d'ailleurs.
             Fière de son MISTRALISME INTEGRAL (édito,), il va explorer tous les domaines de la COUNCIENCI NACIOUNALO  dòu pople nostre.
             "La lengo es la marco la mai seguro de la persounalita  mouralo d'un pais". Mais  l'ounour dòu félibrige es d'avé de longo uni li dos revendicacioun, lenguistico e soucialo…" (es Calendau que dis acò).
             Nous trouverons donc au fil des 30 à 60 pages mensuelles des articles de fond, des polémiques, des études historiques ou littéraires, des récits, des poèmes, des compte-rendus de livres et de revues, bref tout un reflet de la vie intellectuelle sociale et politique de l'époque.
             Pierre Azéma et Léon Teissier seront les forces de la nature de cette revue jusqu'à l'automne 1940 où Azéma quitte la direction pour la laisser à Marcelle Drutel  (L'Aubanelenco) jusqu'au n° 100,  octobre 1943 (un n° 101 en juin 1945)
Quant à  Léon TEISSIER , puisque nous sommes à Chanac, notons qu'il est né en 1883 à Vialas en Lozère et est mort à CHANAC en 1981.  Oncle de Janine Bardou (maire et présidente du Conseil Général de Lozère).  Il quitte la revue  en mai 1942 (lors de l'invasion zone libre)
            Pierre Azema sera, en 1957-59 A LA FOIS PRESIDENT DE L'I.E.O et Majoral et syndic du félibrige.  Cela permet à Calendau de publier à la fois les félibres orthodoxes et les jeunes contestataires comme Max Rouquette dès 1933.
            L'attitude de Max Rouquette dans ces années 30 est symptomatique de la variété des stratégies occitanes pour occuper tous les terrains.
            Publiant régulièrement dans CALENDAU, il donne aussi des textes à LA CAMPANA DE MAGALOUNA , revue populaire s'il en est, tandis qu'il fonde en parallèle (avec Barthes et Lesaffre)  LE NOUVEAU LANGUEDOC où il va contester les fondements mêmes du félibrige au nom d'une action "occitane" intégrale.
            LE NOUVEAU LANGUEDOC a à peu près les mêmes objectifs que Calendau, mais s'inscrit uniquement dans la FUTURE mouvance OCCITANISTE, en rupture avec un félibrige folklorisant.
Le mouvement, créé en 1928, sort son premier numéro annuel en 1931, et le dernier, N° 3  en 1932. Il ne survit pas aux départs de Rouquette et Lesaffre.
            OC, créée en 1923 à TOULOUSE par Ismaël GIRARD, et qui continue à paraître de nos jours a sous couvert de REVUE LITTERAIRE stricte, l'ambition DE REVOLUTIONNER TOUT LE MOUVEMENT OCCITAN.  D'abord en adoptant la graphie "classique" de Fourès et Perbosc.  Puis en sortant la littérature occitane du REGIONALISME. La Littérature d'oc est une des littératures mondiales.
C'est OC qui publiera le SECRET DE L'ERBA en 1934, le 1er texte publié en monographie de Rouquette. Mais je  considère arbitrairement que OC sort de mon sujet.

            Même ambition pour TRENCAVEL, fondé en 1937 (->1944) par Jeanne Barthès (Clardeluno) et Léon Cordes à Olonzac dans l'Hérault  : Revisto poupulario mesadièro per toutes, gavaches e pais-bassols . Trencavel privilégiera le théâtre.


5 *** UN COMPROMIS : Une revue que je n'ai pas su où caser :  Marsyas 1921-1942 et 1946-1961
MARSYAS de Sully André Peyre. Denis Saurat, l'ami infidèle

           Marsyas est liée à un seul homme : SULLY ANDRE PEYRE (1890-1961), associé à son épouse anglaise AMY SYLVEL .
           La revue publie en français, en provençal et en anglais.
           Je dis EN PROVENCAL, puisque c'est sa seule intransigeance : la langue est STRICTEMENT CELLE DE MISTRAL.
           Par exemple, PEYRE et Denis SAURAT qui a publié depuis 1921 dans Marsyas se brouillent lorsqu'en 1954 SAURAT publie Encaminament catar en dialecte ariègeois et en graphie classique dans la collection MESSATGES de l'IEO contre le "Droit du chef-d'œuvre".
           Littérairement, la revue est de très haute qualité. Elle édite une littérature "intemporelle", issue des courants littéraires de la fin du XIXe : Parnasse, symbolisme, naturalisme, 50 ans après. Mais c'est de la littérature de haute tenue.
           Peyre est un esthète, un dandy de l'écriture… Il m'évoque, humainement, Rainer Maria RILKE.
           La revue tirée à  1000 exemplaires, n'a aucune tendance régionaliste, et place la littérature occitane dans un courant littéraire universel.
           Elle diffuse les textes occitans d'excellents écrivains : Max Philippe Delavouet, Jean Calendal Vianès, Charles Galtier, Joseph d'Arbaud, etc..; et Denis Saurat
           Donc : à la fois très forte ambition littéraire, ouverture au monde, mais repli sur une orthodoxie grapho-linguistique mistralienne. Une stratégie troublée.
           La revue disparaît avec son créateur en 1961.
        
           Avec CALENDAU , MARSYAS et Le Nouveau Languedoc, nous avons quitté les revues les plus populaires.  Faisons un pas de plus et découvrons le vaste pays des :

6 *** REVUES SAVANTES

          Les félibres cohabitent très bien avec la REVUE DES LANGUES ROMANES créée en 1870 par des universitaires et des érudits : Charles de Tourtoulon, Achille Montels, Anatole Boucherie, etc…
          La RLR combine la philologie, l'édition de textes anciens et modernes, l'histoire et la critique  littéraire.
          Elle est rédigée en français, mais édite des textes occitans.
          Dès le premier numéro, en 1870, il publie à côtés de textes médiévaux des textes majeurs de Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et chronique le 1er livre d'Albert Arnavielle (qui a 25 ans).  Donc anciens et modernes, voire très jeunes auteurs réunis.
Premier numéro de la REVUE DES LANGUES ROMANES en 1870

          A propos de l'Armana Prouvençau, Achille Montel parle dans ce même numéro de "cette mignonne Revue, qui, ne s'adressant qu'à la foule, a été acceptée par elle avec un si vif empressement, si bien qu'il s'en édite, pour toutes les provinces du Midi, 7000 exemplaires apportant partout, ainsi qu'il s'en vante, joie, plaisir et passe-temps, joio, soulas e passo-tems". (p. 86-87). Les ponts ne sont pas coupés entre le plus savant et le plus populaire.
         Il s'agit donc pour la Revue des Langues Romanes de réaliser 2 objectifs
         * Inscrire la littérature occitane de toutes les époques dans le cadre des études et de l'érudition internationale.
         * Comme on est en 1870, il s'agit aussi de contester le leader-sheap des universitaires allemands sur les études littéraires des troubadours.
         La Revue des Langues romanes est encore de nos jours publiée par l'Université Paul Valéry de Montpellier

        LE FELIBRIGE LATIN, lui, essayera plus modestement de contester la prédominance provençale et d'ouvrir le provençal vers la Langue d'Oc, puis l'occitan, dans toutes ses aires géographiques. La lutte d'Alphonse de ROQUE-FERRER contre le félibrige (et réciproquement) sera terrible, mais c'est une autre histoire
Alphonse Roque-Ferrier se rebife au nom du Languedoc(ien) 


         Je termine par un CONTRE EXEMPLE PARFAIT, comme moi qui fais cette conférence en français (mais c'était différent en 1890) : LA FRANCE D'OC (de Montpellier, années 1890)d'Achille Maffre de Beaugé qui, sous le patronage (quémandé et difficilement accordé) de Frédéric Mistral décide à la fois de s'appeler La France D'OC et de n'imprimer aucun mot d'occitan. Même Mistral n'y est publié qu'en français.

         Je termine, vraiment cette fois-ci, par une information capitale : IL Y A ENCORE DES REVUES OCCITANES EN 2012 !!!

LA FRANCE D'OC. Le félibrige sans la langue. Une revue littéraire à Montpellier en 1894. Encore et toujours Paul Redonnel

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La France d'Oc avec sa devise Auzor! Auzor!  Montpellier 1894


Dans notre série Passage de revues, voici une étrangeté : une revue se réclamant hautement de Frédéric Mistral et du félibrige et portant sans équivoque un titre occitan, mais qui, tout au long de sa parution, ne comporte pas un mot écrit en langue d'Oc. Une revue aussi qui, fondée par un militant de la future Action française, prend en cours de route une tonalité pro-dreyfusarde, et polémique vertement contre Drumont.

La France D’Oc  
Organe régionaliste hebdomadaire illustré.

Un numéro specimen parait en septembre 1894, suivi sans transition par un N° 2 le 21 octobre 1894.  
Après le n°8 du 2 décembre 1894, les parutions ne sont plus datées,  et le 19ème et dernier numéro doit avoir vu le jour dans l'été 1895.

Rédaction et administration : 19 faubourg de la Saunerie, Montpellier.
Directeurs : Rédaction, Achille Maffre de Baugé ; Administration , Louis Ferrer.
Secrétaires de rédaction : Baron Pierre de Tourtoulon, Louis Berthomieu..
Imprimerie J. Rascoussier, Montpellier.
Devise : Auzor! Auzor!
28 x 39 cm.
Paul Redonnel est rédacteur en chef du n°5 à la cessation de parution.
Paul REDONNEL prend la direction... et change de cap

Présentation
C’est d'abord une revue luxueuse, sur beau papier fort, richement illustrée, bénéficiant d’une mise en page très aérée. Mais ce luxe disparaît vite, dès le n°4.

Tonalité
La France d’Oc est un journal français et régionaliste. Il n'a jamais publié un seul texte occitan. Quand les textes originaux sont “en provençal”, il les traduit, l'auteur fut-il Mistral lui-même. Cela justifie les réticences initiales de celui-ci, dont le patronage est pourtant sans cesse invoqué. Il est vrai que l’enthousiasme de Maffre de Baugé finit par lui arracher sa bénédiction. La ligne générale est donc celle qui, déjà, commence à être théorisée par Charles-Brun : un régionalisme portant, à l’intérieur de l’espace français, sur l’ensemble des activités humaines. Mais très curieusement, Jean Charles-Brun ne figure pas parmi les collaborateurs.
Fidèle à cette ligne, La France d’Oc publie aussi bien des textes littéraires que des essais théoriques ou des analyses historiques ou économiques.
Finalement, après la reprise en main par Paul Redonnel et Louis Ferrer, la revue a une excellente tenue intellectuelle, avec des articles de fond remarquables. En pleine affaire Dreyfus, elle prend des positions clairement dreyfusardes, et se veut (sans toujours y parvenir), une revue prolétarienne. 
Il va sans dire que ces orientations éloignent définitivement Achille Maffre de Beaugé.
Achille Maffre de Baugé et le "Provincialisme international". 1896, à Sète

Responsables
Achille Maffre de Baugé(1855-juillet 1928 ) est l’initiateur de cette revue. Ce mousquetaire fort Louis XIII, remuant et “apolitique à la Maurras” est un agité de la tradition. Il a la plume facile, publie sur tous les sujets, se fait voir aux quatre coins de l’Europe, rimaille à propos de tout et de rien. Il larde ses adversaires de vers plus ou moins acérés. En 1908, il publie chez Grasset son recueil Terre d’Oc et en 1927 le (trop) luxueux Promontoire aux éditions de la revue Septimanie. 
Je reviendrai sans doute, à propos de curieux manuscrits, sur ce curieux personnage dont le curieux petit-fils, Emmanuel Mafffee-Baugé évoque les frasques dans son roman sur Jean Maffre.  
Il disparaît totalement de la revue dès le n°5. 
Achille Maffre de Baugé un an avant sa mort par Chevet (ill. tirée de son livre Le Promontoire).
Paul REDONNEL aura, à partir du numéro 5, la lourde tâche de canaliser la revue : “Paul Redonnel, l’écrivain remarqué, de vieille souche languedocienne, dont le passé littéraire affirme le talent incontesté...” devient Rédacteur en chef.  On rappelle qu’”il fut le secrétaire particulier de Jules Simon, secrétaire de rédaction de  La Plume et collaborateur de L’Ermitage,  de  L’Etoile, etc... Il dirige actuellement la revue provinciale  Chimère et la Maintenance de Languedoc l’a chargé du secrétariat de direction de  La Cigalo d’Or”.   En fait, il  dirige simultanément les trois revues littéraires de Montpellier !!! 
Globalement, il est plutôt "de gauche", dreyfusard, franc-maçon, ésotérique et rose-croix.
Pierre de Tourtoulon est certainement un parent du baron Charles de Tourtoulon, un des créateurs de la Revue des Langues romanes  et de la Revue du monde latin 
Louis FERRER  tient les cordons de la bourse, mais agit aussi très énergiquement sur le contenu de la revue.

Grands invités
La première page du numéro spécimen est réservée à la liste des “principaux collaborateurs” (futurs ou espérés),  parmi lesquels on relève :
Jean Aicard, Folco de Baroncelli, Berluc-Perussis, Valère Bernard, Maurice Bouchor, Paul Bourget, François Coppée, Docteur Ferroul, Jules Gariel, Félix Gras, José-Maria de Hérédia, Clovis Hugues, Pierre Loti,  Charles Maurras, Achille Mir, Frédéric Mistral, Raoul Ponchon, Emile Pouvillon, Louis-Xavier de Ricard, Paul Verlaine, Paul Vigné d’Octon...
Cette liste surprend. On y rencontre bien sûr le ban et l’arrière-ban du félibrige : Mistral, Gras, Bernard, Berluc-Perussis, Mir, Baroncelli.
Mais un deuxième groupe, celui des “politiques” (parfois aussi félibres) réserve quelques surprises : Maurras y côtoie Ferroul le futur héros des manifestations viticoles de 1907, et les très socialistes De Ricard ou Vigné d’Octon, et même le radical franc-maçon Jules Gariel, très puissant directeur du Petit Méridional.
Enfin, la troupe des écrivains rassemble sous la bannière du ponte François Coppée des gens comme Verlaine, Paul Bourget, M. Bouchor, Hérédia, Loti, Ponchon, avec un seul vrai régionaliste (en plus de Vigné d’Octon) : Emile Pouvillon.


Le problème, c'est que  ni Jean Aicard, ni Folco de Baroncelli, ni Berluc-Perussis, ni  Valère Bernard, ni Maurice Bouchor, ni Paul Bourget, ni François Coppée, ni le Docteur Ferroul, ni Jules Gariel, ni José-Maria de Hérédia, ni Clovis Hugues, ni Pierre Loti,  ni Achille Mir, ni Raoul Ponchon, ni Emile Pouvillon, ni Paul Verlaine, ni même Paul Vigné d’Octon... n'écriront jamais une ligne dans la revue. 
Mais cette liste, concrétisée ou non par des contributions effectives, a le grand mérite de montrer l’ecclectisme voulu et affirmé de  La France d’Oc. 
 
Voyons donc ceux qui réellement y ont participé :

Quelques locaux
Ne relevons que quelques curiosités. Les “locaux” ont le monopole de l’illustration avec les sculpteurs Baussan et Injalbert et les peintres Edouard Marsal, Léon Galland, Léon Cauvy, Paul Grollier, Victor Faliès, Paul Coulet, Louis Paul... 
Certaines contributions sont très anecdotiques.

Jean Carrère : C’est surtout le grand reporter du Matin. En 1900, il est à Johannesburg pour la guerre du Transvall, et en tire deux livres chez Flammarion :  En Pleine épopée et  Le Pays de l’or rouge. puis toujours en 1900, il rencontre le Pape à Rome. En 1907, c’est  La Terre tremblante sur la destruction de Messine. etc... En 1893, la Bibliothèque de La Plume  réédite ses Premières poésies.  En 1909, c’est un petit roman sur les gardians de Camargue  La Dame du Nord, qui parait chez Grasset.
Léopold Dauphin (1847-1925) : ce biterrois est poète et musicien. C’est aussi le père de Jaboune et le beau-père de Franc-Nohain. IL s'ennorgueuillit à juste titre de l'amitié , bien réelle, de Mallarmé.
Achille Mir (1822-1901) : Lou sermou dal curat de Cucugna est paru en 1884. C’est la dernière version du conte, sans doute la meilleure. Cet audois est un hôte de choix pour la revue.
Louis-Xavier de Ricard (1843-1911) : Félibre rouge, communard, journaliste et patron de presse, ami de Jules Guesde, indéfectiblement attaché à Mistral qui le lui rend bien, il est aux côtés d’Arnavielle et Maurras pour un félibrige radical.
Louis Vernhes : Ce fils de relieur est encore très jeune. Il sera félibre et gérant de Calendau (1934).
Ajoutons encore Gaston Jourdanne, Fernand Troubat ou Joseph Loubet.

Réseaux
Plusieurs réseaux semblent mis à l’œuvre : le félibrige est bien sûr sollicité. Mais plus que des affinités culturelles ou artistiques, il semble que ce soit l’entregent des directeurs qui ait noué les collaborations.
Pourtant, à y bien regarder, on retrouve au moins 7 des 17 membres du  Caveau du Dix  de Montpellier parmi les collaborateurs de  La France d’Oc. auxquels on pourrait rajouter Redonnel qui le soutenait sans en faire stricto-sensu partie, et le père de l’un d’eux, Albert Arnavielle. Avec le  Caveau, nous sommes bien en présence d’un noyau activiste. 

Programme du CAVEAU DU DIX à Montpellier en 1895

Aire géographique
La revue prend très rapidement une implantation qui correspond à son titre.
Par exemple, Johannès Plantadis et Sernin Santy  représentent le Limousin,  Vaschalde l'Ardêche,  la Catalogne et Perpignan sont souvent évoqués, Paul Mariéton est à la fois parisien et lyonnais, et Raoul Lafagette les Pyrénées.

Sommaires
Numéro spécimen septembre 1894.
La première page est réservée à la liste des “principaux collaborateurs”.
Suit un portrait de Frédéric Mistral (encore jeune) par Marsal.
Textes de : Pierre de Bandinel, Ulysse Coste, Pierre Ludo, Achille Maffre de Baugé, Francis Maratuech, Henri Mazel, Marc Milhau, Paul Redonnel (sur la Sainte-Estelle, dédié à Louis-Xavier de Ricard).
Collaborateurs aux numéros 2 à 4  : Emile Bourdelle, Robert Bernier, Auguste Baussan (ill), Maurice Bouchor, Antoine Bénézech, Louis Berthomieu, A. Courties, Léon Cauvy (ill), Paul Coulet (ill), Victor Faliès (ill), Henri Fortuné, Froment de Baurepaire, Jean Fournel, Edmond Fontan, Léon Galand (ill), Paul Grollier (ill), Félix Gras, Joseph Loubet, Jean Lebon, Jean Magrou, G. Michel-Quatrefages, Frédéric Mistral, G. Mathieu-Marto, Camille Mondou, Henri Ner, Louis Paul (ill), Paul Redonnel, Séverine, Pierre de Tourtoulon.
Numéro 5, 11 novembre 1894 (Premier n° signé par Paul Redonnel)
Textes de : Louis Berthomieu, Garrigue-Plane, Félix Gras, Joseph Loubet, Pierre Ludo, Achille Maffre de Baugé [polémique galante avec Séverine], Francis Maratuech, Louis-Xavier de Ricard.
Dessins de Carles Dauriac, du Caveau du Dix, qui sera critique parisien sous le nom d’Armory


 N° 6 (18 nov. 1894) : Paul Redonnel (à propos de l'Affaire Dreyfus : Eloge du traitre) ; Gaston Jourdanne, Jean Rameau , Antoine Bénézech, Fernand Troubat, Pierre Ludo.
N° 7 (24 nov.) :  Camille Mauclair (surprenant dessinateur) , Abel Platon, Paul Redonnel, Edmond Fontan, Pierre Dévoluy, Armand Sylvestre, Joseph Loubet, A. Crillon, J. B. Michelet (l'écrivain ésotérique).
N° 8 (2 déc. 1894) : Ary de Saint-Pol (?), Paul Redonnel, Jean Philibert, Paul Fagot, Léopold Dauphin, Félix Gras, G. Michel-Quatrefages.
N°9 (sans date) : Raoul Charbonnel, Paul Redonnel, Jean Fournel (une vieille connaissance qui débute ici), Charles Ratier, Georges Richard, Fernand Troubat. 
N°10 (s.d.) : Jean Carrère, Jean Guilhem (Pierre Azéma) , William Vinson, Alber Jhouney.
N° 11 : Georges Bidache-Gael, Elie Fourès, Juan B. Ensenat, Léon Cauvy (un poème et une illustration), William Vinson, Paul Redonnel, J.F. Malan.
N°12 : J. Félicien Court, Paul Redonnel, William Vinson, Ch. M. Limousin, Henri Vaschalde, Jean Flore.
N°13 : Paul Redonnel, Charles Maurras, Louis-Xavier de Ricard (les deux à la suite, pour tenir la balance équilibrée), Paul Maréton ("LE" félibre de Lyon), Pierre Ludo, Joël de Romano, Carle Dauriac.
N° 14 : Victor Falliès, Louis Ferrer (sur l'interdiction des corridas), Jules Ronjat, Paul Redonnel, Horace Chauvet, Albert Liénard (futur Louis Payen), Fernand Troubat.
N° 15 : Paul Redonnel, Clovis Hugues, Johannès Plantadis, de Montredon, Sernin Santy, Fernand Troubat.
N° 16 : Jean Bourrat, Pierre Devoluy, Raoul Lafagette, Paul Redonnel (sous le pseudonyme de Ian Montgoï), Pascal Delga, Henri Ner.
N° 17 :Ferdinand Castets (maire de Montpellier, sur la décentralisation), E. Dandréis (député, voir notre article dans ce blog sur La Capeleta), Louis Ferrer, Auguste Marin, Paul Redonnel, G. Mathieu-Mario, Henri Ner. 
N° 18 : Paul Redonnel, Joseph Mange, Alfred Massebieau, Paul Redonnel  sous le pseudonyme de L'Abbé Vérus (M. Drumont et nos frères les juifs. Le titre dit tout.) , Paul Redonnel encore (pseud Ian Montgoï), Paul Fagot, Louis Ferrer.
N° 19 (annoncé pour être le dernier) : Louis Ferrer, Paul Redonnel, Henri Dagan, René de Saint-Pons (?), Horace Chauvet, Adolphe Pieyre, Noël Miser, G. Mathieu-Mario.
Paul Redonnel contre Edouard Drumont



Editions associées
Redonnel est aussi le directeur de la  Bibliothèque d’Occitanie qui se propose de publier les œuvres de Redonnel, Devoluy, Maratuech, Loubet, A. Arnavielle...

Dans  Septimanie du 25 mars 1925, Paul Duplessis de Pouzilhac déclare “La France d’Oc sombra stupidement, par la faute de son administrateur”. Mais Duplessis de Pouzilhac est l'ami indeffectible de Maffre de Beaugé, et partage très vivement ses positions extrèmement droitières, qui ne sont pas celle de l'administrateur Louis Ferrer. 

La seule collection recensée de la revue est celle de la Bibliothèque Nationale de France. 
LA FRANCE D'OC sabre au (Mau)clair par Camille... Mauclair



MOUNETTE et BERNARD GRASSET : l'incunable montpelliérain de 1908 aux origines des Editions Grasset

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Mounette, d'Henry Rigal, le premier livre des éditions Grasset
          Si on croyait le site desEditions Grasset(http://www.grasset.fr/historique/hist_fr.htm), l'éditeur serait né à Montpellier. En fait, c'est à Chambéry, le 6 mars 1881 qu'est né Bernard Grasset.
          Si on croyait Jean Bothorel, son biographe (de Grasset), Mounetteserait une grisette du Quartier latin. En fait, c'est sur l'Esplanade de Montpellier qu'Henry Rigal la rencontre :
          C'était en octobre, je me le rappelle.
          Un soleil usé faisait sa promenade d'adieux, peut-être, dans le vaste jardin recueilli où quelques fleurs, sentimentales affligées, allaient mourir de regret, roses pâles et chrysanthèmes poitrinaires. 
           Je vous regardais, petite fille jolie...
          ... Je me souviens aussi que le matin suivant, tu te réveillas dans mon lit qui sentait bon l'amour...
          Tout un livre de 92 pages tient entre ces quelques phrases qui le débutent.
[Choeur : De quoi il parle? Qui est Mounette ? Qui est Rigal? Pourquoi Grasset? ]
          Je devins éditeur parce que Henry Rigal avait besoin d'un éditeur [pour sa Mounette] qu'il n'en connaissait pas, et moi pas davantage.
          Voilà, vous avez compris. Bernard Grasset s'est fait éditeur pour éditer Mounette, le roman (?) d'Henry Rigal.
          Ils s'étaient connus à Montpellier. C'est le berceau de la famille Grasset et quand le père de Bernard meurt, en 1896, la famille y revient, chez l'oncle, le Professeur Grasset, monumental comme une avenue. Bernard fait son droit : il est avocat à 21 ans (c'est un surdoué) et s'ennuie. Il fréquente des écrivains. Il croit à la littérature sans la pratiquer. Sa mère meurt en 1906, il hérite un peu, file à Paris et se fait éditeur pour les beaux yeux de Mounette.
Bernard Grasset en 1905, à 24 ans
           Pour Henry Rigal, c'est plus compliqué. Bothorel le dit quinquagénaire en 1907. Or, quinqua, il ne le fut jamais. Né à Pignan (Hérault) en 1883, il y meurt en 1914, à 31 ans. Ceux qui en parlent semblent avoir un boeuf sur la plume : on sent qu'ils se retiennent d'en dire du mal. Ils évitent le sujet de façon fort agaçante. On se dit qu'il a du en arnaquer plus d'un. Financièrement ou intellectuellement.
          Dans Mounette (p. 74 ) : Je travaille, - car moi aussi je gagne mon pain à la sueur de ma plume, - assis à ce bureau. Ça, ça a l'air vrai ! La preuve :
          En 1901, à 18 ans, il crée avec Ernest Gaubert, Marius Labarre, Marc Varenne et Pierre Hortala (notez que tous ceux-là seront dans la bande à Grasset) la revue Titanà Béziers. A 20 ans, il a déjà deux recueils  son actif : Une syrinx aux lèvres et Sur un mode saphique.
          En 1908, il publie chez Ollendorff (Paris) une Anthologie des poètes du Midi
          En 1910, sa pièceLa Bonne saison, écrite en collaboration avec Sam Carasso est jouée au Théâtre Molière de Paris, et Le Miracle, en collaboration avec Périlhon est acceptée au Théatre AntoineLa même année, les éditions Nef (Nouvelles Editions françaises) publient son roman  Le Chasseur de Rossignolet lesHistoires fantasques et déconcertantes,écrites avec André Tudesq.
          Si on ajoute Le Laurier et les Roses, poèmes(212 p.) paru en 1909 chez Grasset (ils ne sont donc pas fâchés), ça fait au moins (il m'en a échappé, sans doute) 9 oeuvres publiées. Plus des dizaines et des dizaines de publications en revues, les dernières en 1912. Je rappelle qu'il meurt en 1914 à 31 ans.
Le Laurier et les Roses d'Henry Rigal, chez Grasset

          Voilà presque tout ce que je sais sur Henry Rigal.
          Et qu'il était terriblement frileux.  Lisez la préface de Mounette
            O Seigneur, je ne suis qu'un enfant brun et presque imberbe, aux yeux vifs, aux lèvres souriantes, frileux et de taille moyenne, que vous avez jeté sur une des cinq parties de ce monde parmi des hommes inconnus, des femmes aimables et des fleurs qui sentent bon à certaines saisons.
           Certes, je vous loue de toutes mes forces, de la présence de ces femmes et de ces fleurs, mais sans vous mentir, laissez-moi trouver ridicule et gênant cet encombrement ici d'hommes ordinaires et d'hommes de lettres.
           Il y en a tant que pour m'avoir ajouté à ce nombre, il fallait que vous me destiniez à une existence glorieuse : C'est pourquoi je viens d'écrire ce petit livre qui est un chef d'oeuvre.
          J'en écrirai de nouveaux assurément, pour continuer à vous faire plaisir, qui seront aussi des chefs d'oeuvre.
          Mais en récompense, ô Seigneur, quand ma tâche sera terminée ici bas et quand je me présenterai devant vous, pour le jugement dernier, tout nu, faites d'abord que ce soit à l'été afin que j'aie moins froid; puis encore, puisque vous paraissez avoir du goût pour la littérature, reconnaissez parmi la foule, à ses regards pénétrants, au pli spirituel de sa bouche, l'auteur de Mounette, et d'autres romans à cette heure en préparation, et faites-lui, je vous en prie, une place agréable, en votre paradis, en compagnie des Henri Heine, Jules Laforgue, Jean de Tinan, Tristan Bernard, Mark Twain, Maurice Donnay, Henry Bataille, Franc-Nohain, Georges Courteline, Jules Renard, Anatole France et de quelques autres que j'oublie, afin que je ne m'ennuie jamais durant toute votre sainte éternité.
          
          Et de Mounette? Que dire?

          C'est  sensé être un roman. Mais ça n'a que 92 pages. Il n'y a pas d'histoire. Il y a cinq noms de fleurs par page. Même Mounette elle-même est assez transparente. Belle et souvent nue.  
          Le cerveau de Mounette est simple, construit avec méthode et régularité. ... Petite enfant heureuse et charmante, innocente et câline, naïve et sans fièvres, amoureuse d'amour. A Noël, Mounette va visiter ses grands parents : ils habitent un village voisin de notre ville. Elle prend le train d'intérêt local, sans doute à la gare Chaptal de Montpellier. Ils la trouveront bien changée avec ses bottines élégantes et fines...
          Ce qui rend Rigal moins sympathique, c'est qu'on voit bien qu'il la trouve un peu bête. Il ergote, compare, discute, calcule :  
          Je l'aime beaucoup moins que moi-même, mais bien plus que toutes les autres. Elle n'est pas la moitié de mon âme, à coup sûr, mais elle en est une certaine partie.
          On était prêt à suivre Rigal dans sa bluette, on rechigne à chercher quelle partie de son âme précieuse est occupée par Mounette.
          J'oubliais. Comme Mounette n'occupe pas toute la place, le livre est entrelardé de petits chapitres de pensées et maximes et de proses à la Jules Renard sur les saisons, le chemin de fer d'intérêt local, les chevaux, le coq et les dindes...
         Avec tout ça, Bernard Grasset n'aurait vendu que 2 ou 300 exemplaires.
         Mais il était devenu éditeur.

         Votre oeil perçant a tout de suite vu (ne dites pas non) que son adresse avait changé. Entre Mounette  (1908) et Le Laurier et les Roses  (1909), la chambre bureau des Editions Nouvelles, 49 rue Gay-Lussac est devenue un trois pièces sur cour au rez-de-chaussée du 7 rue Corneille qui abrite Les Editions Bernard Grasset.
         Ce n'est que le 4 mai 1910 que les éditions Grasset s'installent rue des Saints-Pères,  où elles sont encore. On peut donc dire que les volumes portant les adresses de la rue Gay-Lussac ou de la rue Corneille sont les incunables de Grasset.
          Le logo aussi a changé avec la raison sociale.
          C'est que la clique languedocienne des amis écrivains a été mise en coupe réglée. Aidé du montpelliérain Louis Brun (qui sera assassiné par sa femme en août 1939), il a battu le rappel. Henri Mazel, Jean Carrère, Pierre Grasset (le cousin, fils de l'oncle Joseph), Paul Vigné d'Octon, Célestin Pontier, Marius Labarre, Pierre Jalabert, Achille Maffre de Beaugé, Kuhnholtz-Lordat (on y reviendra, sur celui-là), Ernest Gaubert, Jean Amade (le père de Louis), Louis Payen et Gabriel Boissy (les fondateurs des chorégies d'Orange) et d'autres, tous de Montpellier ou peu s'en manque, tous édités à prix d'ami, sont venus étoffer le catalogue, l'écurie... Et bientôt Valéry, Chamson et Delteil ...

Célestin Pontier est mort à 29 ans après la publication des Pourpres
          Pas que des languedociens dans ce catalogue, mais ils en sont l'immense majorité.

          Reste à parler de l'exemplaire photographié ici.
          Il fait partie d'une série à reliure uniforme, avec un dos toile olive, orné d'un fleuron d'or et d'une pièce de titre. Les plats en papier marbré, finalement, sobre et avec une certaine élégance.
            Les gardes, elles aussi soignées, nous apprennent le nom du relieur-doreur : Albert VALAT, qui s'est établi à Montpellier en 1900 1 rue Cambacérès (près de la Préfecture et des universités) et y restera jusqu'en 1954, quand Vaillant le remplacera jusqu'en 1979.
          Celui qui faisait relier toute la littérature contemporaine sur ce modèle, c'est Albert SIGNORET. Il fréquente depuis longtemps les écrivains locaux, à Béziers et Montpellier. En 1898, il a participé à la création d'une revue L'Aube méridionale qui, comme par hasard, publie  tous les auteurs publiés par Grasset dans ses premières années, Rigal compris. Aucun n'y manque de la liste donnée ci-dessus, si bien qu'on pourrait voir dansL'Aube méridionale la préfiguration du catalogue des Editions Grasset.
          En 1908, il est adjoint au maire (radical) de Béziers. Il sera maire lui-même de 1913 à 1919, avec, comme adjoint, Antoine Moulin, le père de Jean Moulin.
          Il ne cessera jamais de s'intéresser à la littérature, et sa bibliothèque contiendra des dédicaces de tous les grands noms (Gide, Louys, Valéry,  qu'il a connu à Montpellier, entre autres.)
          Pour le moment, ce n'est pas Rigal qui lui envoie le livre, mais Bernard Grasset lui-même.
          Une des toutes premières dédicaces de l'éditeur ! 

Profession de foi des élections de 1848 dans l'Hérault. Jean-François ROUANET.

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1848 / PROFESSION DE FOI DE J. F. ROUANET CANDIDAT DEPUTE DE L'HERAULT
        

             La révolution de février 1848 a déclenché une cascade d'élections .

             Le suffrage universel masculin est proclamé le 5 mars.
             Les candidats vont donc essayer de convaincre les électeurs de voter pour eux.
             Du coup, profusion de professions de foi. 
             Sur Montpellier et l'Hérault, quelques centaines de tracts sont imprimés en 1848 et 1849.
             C'est une époque bénie pour les imprimeurs. 
             Je vais essayer de présenter ici quelques uns de ces documents.


             Le premier est totalement atypique.
             Il n'est pas imprimé, c'est sans doute une copie fournie à un imprimeur, quoi qu'il soit certain que quelques professions de foi ont été affichées sous forme de manuscrit. Il y avait des candidats à la députation pauvres et isolés.

             D'abord je n'ai pas identifié ce candidat.
             Il existe bien un Jean-François Rouanet dans les dictionnaires de biographies héraultaises, mais voilà, à partir de 1846, il est aux Etats-Unis.
             Par contre, on ne compte plus les ROUANET qui, dans la région de Saint-Pons de Thomières, Bédarieux, Riols et autour se sont engagés contre le coup d'état du 2 décembre 1851 et en ont subi les conséquences : prison ou déportation dans les "colonies". Notre candidat est peut-être du lot.

Voyons donc ce que dit ce J.F. ROUANET. 

               Il se présente : Jeune écrivain sorti de la classe ouvrière, il a fait de fortes études. D'où son "éloquence naturelle".
               Il professe les opinions démocratiques les plus avancées. 

               Or, que veut-il ?
UN PROGRAMME ELECTORAL EN 1848 :  PRINCIPES ET ORGANISATION DU TRAVAIL

               D'abord des bons sentiments, bien généraux.
               Un projet de chemin de mer reliant Montpellier à son port de mer... 
               Le plus intéressant, c'est le volet économique de l'organisation du travail.
               Les travailleurs sont associés dans une entreprise. Ils élisent un COMITE DIRECTEUR, qui élit un PRESIDENT DIRECTEUR.
               Le qualité du travail est contrôlée par un CENSEUR.
               Le financement est assuré par un CAPITALISTE qui fournit aussi ses CONSEILS.  Naïveté ? On se dit que les "conseils" de ce capitaliste peuvent parfois un peu énerver les travailleurs.
                Et c'est là qu'intervient le GOUVERNEMENT : son rôle est de protéger les règlements, et l'autorité du Directeur, du Censeur et du Capitaliste.
                Finalement, J.F. ROUANET aurait pu être élu sans trop de danger.

                Heureusement qu'il a écrit des POESIES SOCIALES , dont le titre surprend quand même un peu : LE SPARTIATE.

Passions autour de Gustave Courbet : une polémique menée en 1879 par Auguste FAJON l'ami fidèle de Gustave COURBET à Montpellier.

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Auguste FAJON par Gustave COURBET (1862) 


                    Voici un manuscrit qui prend avec virulence la défense de Gustave Courbet.
Manuscrit d'Auguste FAJON: défense de Gustave COURBET parue dans Le Travailleur de Montpellier

                        A M. TROUBAT Jules,
                     Ex-secrétaire de MM Champfleury et Ste Beuve, aujourd'hui conservateur d'une bibliothèque.


                      Une page charmante (?) cueillie par l'Hérault et La République du Midi dans lesSouvenirs de jeunesse, extraits des volumes Plume et Pinceau de M. Jules Troubat, nous a suggéré les réflexions suivantes:
                      En 1857, M. Jules Troubat était un peu trop jeune[21 ans] pour avoir pu porter un jugement sur Gustave Courbet comme homme privé et sur ses oeuvres.
                      Nous trouvons par trop bouffon qu'il dise que G. Courbet n'aurait pu devenir un grand musicien pas plus qu'un grand statuaire. Qu'en pouvait-il savoir et qu'en sait-il? Quant à la jactance du peintre, ajoute-t-il, elle ne se montrait pas encore en ce temps-là ce qu'on l'a vue depuis. De quoi diantre se mêle M. Jules Troubat?
                      Il nous dit encore, dans cette page charmante, qu'en 1857 G. Courbet était grand, mince, élancé; ses souvenirs le servent mal, car à cette époque Courbet avait trente huit ans et l'on pouvait plutôt le comparer à Hercule qu'à Adonis.
                      M. Troubat Jules se trompe encore lorsqu'il dit que la Femme au perroquet (un des meilleurs tableaux du peintre d'Ornans) lui a été inspiré par le tableau qu'il cite de L'Amour et Psyché, lequel fut vendu par M. Lepel-Cointet, agent de change, au prix de seize mille francs, il en fit même une copie pour Khalil-Bey, un nabab égyptien. La Femme au perroquet n'a aucun rapport avec cette toile.
                      Nous apprendrons à M. J. Troubat que nous connaissions avant 1857 très intimement notre regretté Gustave et avons été à même de reconnaître en lui un tempérament d'artiste. Il fut un grand peintre et un grand statuaire : ses oeuvres parlent assez haut pour cela.
                      Sans contre-dit, M. Jules Troubat n'a jamais vu la République helvétique [La Liberté, ou Helvetia, Platre, Musée de Besançon. Fait en 1875] un des plus beaux morceaux de la sculpture ancienne ou moderne.
                       Pour parler d'un homme tel que G. Courbet, il ne faut pas l'avoir étudié chez un Champfleury ou un Théophile Sylvestre.
                       Qu'à l'avenir, M. J. Troubat porte ses soins à épousseter les livres de la bibliothèque dont il est le conservateur : c'est une besogne dont il pourra tirer gloire et profit.
                                                                                                                       Auguste Fajon
                                                                                                           Montpellier le 21 juillet 1879

Recadrons la polémique. 

                        Vers la fin des années 1870, il est de bon ton de tirer à boulets rouges sur la mémoire de Gustave Courbet mort le 31 décembre 1877.
                        Montpellier n'échappe pas à la règle. Le peintre y a séjourné deux fois, en 1854 et 1857. Officiellement, son ami montpelliérain est Alfred Bruyas, qui possède (ou possédera) 12 tableaux du maître.
                         Mais il suffit de jeter un oeil sur la correspondance entre Bruyas et le critique d'art Théodore Sylvestre pour voir que, dès a fin des années 1860, le divorce est consommé. Le mépris le plus affiché a remplacé l'amitié initiale. Bruyas, qui a pu aimer la peinture de Courbet n'a jamais pu supporter le peintre. Il l'aimait de loin. De près, ce raffiné vit La Rencontre comme un cauchemar.
                         Les vrais amis montpelliérains seront François Sabatier, l'ami de Karl Marx, qui vit à Lunel et Auguste FAJON, qui fait l'objet de ce billet.
                         D'où cette virulente défense posthume de Gustave Courbet par cetami montpelliérain.

                         Jules Troubat vient de publier dans son livre Plume et Pinceau (Lisieux, 1878) un récit du séjour de Courbet à Montpellier en 1857 où il s'aligne sans réserve sur la position d'Alfred Bruyas : Les premières toiles de Courbet sont les meilleures; à partir de 1855, l'homme et l'artiste n'ont cessés de dégénérer, jusqu'à devenir un peintre vulgaire et un personnage infréquentable. Les citations que fait Fajon sont exactes :
                       Quant à la jactance du peintre, elle ne se montrait pas encore en ce temps-là ce qu'on l'a vue depuis : du moins elle était supportable. Le défaut principal s'est accentué en lui, comme l'embonpoint, avec l'âge. Et caetera : ce texte est publié et disponible sur Gallica.
                       Moins accessible est ce qu'écrit, à propos du portrait d'Auguste Fajon par Courbet, Théodore SYLVESTRE. Ce texte, écrit sous les yeux de Bruyas, est publié du vivant de Courbet et de Bruyas dans
La Galerie Bruyas, Paris, J. Claye, 1876. Bel éloge d'un peintre par son ami, son mécène et son collectionneur !!
Le modèle en prend autant pour lui que le peintre :
                       Malgré l'inertie d'attitude, la vulgarité, l'insignifianceou la bizarrerie choquante des personnages de Courbet, est-il vraiment possible de contester sa puissance d'exécution? Non. Si, malgré ses niaiseries, les outrances et les carences de Courbet, le spectateur veut connaître toute sa force de praticien, il n'a qu'à comparer ce portrait-ci aux deux Mirevelt voisins [Delft, 1568-1641]. Non seulement Courbet tient bon à côté du maître hollandais, mais encore, soyons juste, ne le surpasse-t-il pas par ce faire si sûr, si ample, si nourri? 
                       Cette tête conique, barbue et placide, peinte par le maître d'Ornans, dit infiniment moins que chacun de ces deux Mirevelt, deux physionomies. Mais quelle exécution, ce Courbet! Quelle "PATTE" (pour quelle pâte!) dit Proudhon, ne voyant en Courbet qu'un talent animal. Quoique lourd et enfumé, au lieu d'être effumé (sfumato), selon la belle expression des Italiens, ce portrait est enlevé "comme un poids à bras franc", expression d'hercule de foire  dont Courbet s'honore. Voyez ce front, ces yeux, cette barbe! Tout cela ne dit guère, mais c'est fait!... Mirevelt en pâlit. 
                      On ne saurait être plus fiéleux. Bruyas est un virtuose pour à la fois ménager son amour-propre et son flair de collectionneur et marquer sa détestation de certaines oeuvres par lui, autrefois, achetées...
        
                      La publication de cette lettre d'Auguste Fajon dans LE TRAVAILLEUR, journal de Montpellier provoque une vive polémique épistolaire.
                       A Montpellier, Fernand TROUBAT, le frère de Jules, s'estime offensé par "cette grosse saleté". Pour lui, le journal est le "repère d'un tas de bandits". Il veut un procès, exige 30 000 francs (!!) de dommages et intérêts, tout en reconnaissant qu'un jugement ne lui rendrait pas plus son honneur que "d'aller se laver dans la cuvette d'A. Fajon".
Lettre de Fernand TROUBAT à son frère Jules au sujet de Fajon, Courbet et Cie

                       A Paris (ou plutôt  Compiègne où il est bibliothécaire), Jules Troubat essaye de calmer le jeu :
A présent que l'incident est passé, n'y revenons plus...  Quant à l'article de Fajon... je n'ai fit qu'en rire, et l'ai envoyé à Champleury.
                       Le 23 novembre 1879, il ajoute : Un procès à Montpellier m'aurait causé des tribulations pour la vaine satisfaction de confondre des drôles dont tout le monde connait le tirant d'eau... Je n'ai pas les appointements suffisants qui me permettraient de vivre sans penser à autre chose...  Pauvres bibliothécaires de tous les temps...!
Lettre de Jules TROUBAT à son frère Fernand pour le calmer
                             Je reviendrai sur Auguste FAJON à propos de 2 choses :
1-  Il se trimballe, chez tous les Courbétiens, une image de bohême désargenté vendant du raisiné en djellaba dans les rues de Paris. Or, Fajon était un riche épicier en gros qui commerçait avec l'Afrique du Nord où il a fait plusieurs longs séjours. Un soir de goguette ne résume pas le personnage.
Par exemple, dès 1838, il prend en charge, associé à ses amis FAREL, TISSIE-SARRUS, CASTELNAU, BROS (qui seront tous des amis ou des parents de Frédéric Bazille et de sa famille), etc la construction de la ligne de chemin de fer Montpellier-Nîmes.  Voir : http://books.google.fr/books?id=8gFCAAAAYAAJ&pg=PA1018&lpg=PA1018&dq=%22auguste+fajon%22&source=bl&ots=-JTNTW-Xju&sig=ae31liT2nvC0FU3UKgHM8gPgBxM&hl=fr&sa=X&ei=RFdoT5SuLcqmhAeor5GnCg&ved=0CDsQ6AEwBA#v=onepage&q=%22auguste%20fajon%22&f=false
2 - Il y a, dans son oeuvre littéraire, des choses à grapiller. Une pièce de théâtre, jouée en 1854 devant Courbet. Quelques sonnets qui sont loin de ridiculiser leur auteur, et un petit poème que Georges Brassens ne connaissait sans doute pas, mais dont Un petit coin de parapluie est une citation quasi littérale
                             Mais ce sera un autre jour


La CIGALO d'OR

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1889 La Cigalo d’Or
Publica per li félibre de Lengadò.
Redatour-Capoulié : Louis Roumieux
Secretari de la redacioun : Alcide Blavet (14 rue Fabre)
7 rue Auguste Comte, Montpellier.
N° 1 : 15 avril 1889 -  n° 133 : 1 juin 1895

Evolution :
Après le n°29, Alcide Blavet est remplacé à la direction de la revue par Hippolyte Messine, syndic de la Maintenance de Languedoc. Louis Roumieux cède en même temps sa place de Rédacteur en chef.
Le 1 juin 1891 (n°52), Paul Redonnel devient secrétaire de rédaction. Il signe alors un éditorial qui se termine par :
E zou ! per la lengo maire !
Les trois derniers numéros signalent un partage du secrétariat de rédaction entre Redonnel et Jean Fournel.


Tonalité et positions :
La Cigalo d’or  est la revue officielle du félibrige. Elle complète la très érudite Revue des Langues romanes fondée à Montpellier en 1869. Mais surtout, elle s’oppose au Félibrige latin que publie Alphonse Roque-Ferrier à partir de 1890. Contrairement à ce dernier titre (qui succédait à Occitania), elle se veut populaire et de stricte obédience mistralienne. La présence successive de Louis Roumieux, le félibre le plus populaire du Languedoc (Le mazet de Meste Roumieux est, plus encore que la Coupo santo, l’hymne de toutes les réunions), puis d’Hippolyte Messine en personne, le syndic de la Maintenance de Languedoc, à la tête de la revue témoigne de cette ligne idéologique.
Mais paradoxalement cette orthodoxie s’appuie sur une ouverture réelle à tous les niveaux. Géographiquement, La Cigalo d’or prend bien soin de maintenir un équilibre entre les diverses régions. Un pointage strict révélerait même sans doute une prééminence des gascons sur les provençaux, sans parler des parisiens et bien sûr des languedociens. Cette ouverture permet à de nombreux jeunes ou très jeunes de publier leurs premières œuvres. Philadelphe de Gerde (19 ans), Simin Palay (17 ans), Joseph Loubet (17 ans), François Dezeuze (19 ans) se feront ensuite un grand nom.
Littérairement, la revue ne cache pas ses sympathies pour la poésie contemporaine symboliste. Paul Valéry (20 ans) tout comme son compagnon de La Pléiade méridionale Fernand Mazade, et d’autres jeunes poètes français.
C’est incontestablement cette volonté d’ouverture qui incite la revue à se doter à permanence d’un duumvirat de tête : un “vieil” institutionnel est toujours associé à un jeune représentant des idées nouvelles. Ainsi, au couple Roumieux -Blavet  succède le couple Messine-Redonnel.
Enfin, la revue partage ses colonnes à part presque égale entre les articles critiques ou idéologiques et les textes littéraires.


Responsables et piliers :
Le choix de Louis Roumieux (Nîmes 1829-Marseille 1894) comme rédacteur en chef pour le lancement de la revue s’impose. C’est lui qui dirigeait Dominique,, la très officielle revue félibréenne dont La Cigalo d’or  entend explicitement prendre la succession. Mais il est surtout l’écrivain le plus lu et le mieux connu des classes populaires, bien plus que Mistral. Même les illettrés connaissent ses vers qui se récitent inlassablement aussi bien aux repas de famille qu’au bistrot ou aux réunions agricoles. Son départ en 1891 pour une grande tournée américaine permet son remplacement par Hippolyte Messine.
Louis ROUMIEUX bas relief par Jean-Barnabé AMY : Cada auceu trouva soun nis 

Ce dernier, dont l’œuvre littéraire n’a pas laissé de trace, est pourtant le chef suprême du félibrige languedocien. C’est incontestablement à ce titre qu’il prend la direction de la revue en 1890 à la place du très jeune Alcide Blavet, qui quitte d’ailleurs Montpellier pour continuer son droit sous d’autres cieux. Cet ami de Valéry (le temps ne rompra jamais cette amitié), dédicataire des premières œuvres du poète, sera plus tard un fort jovial majoral du félibrige.
Mais la grosse surprise de cette équipe dirigeante vient de l’arrivée, en 1891 de Paul Redonnel au poste de secrétaire de rédaction. Il y aurait une étude curieuse à faire sur cet auteur, et la place qu’il a pu tenir dans la littérature française pendant des années. Il est partout, et toujours au bon endroit. A Paris, il a été le secrétaire de Jules Simon, et membre de la direction de L’Ermitage (revue gidienne), de L’Etoile, de La Coupe, la très prestigieuse revue dont il prendra la direction en 1900. Il fait, en compagnie de Mallarmé, ou de René Ghil figure de chef de file littéraire. Symbolistes et décadents en font leur porte drapeau. Le début des années 90 le trouve à Montpellier où il va réussir un tour de force étonnant : diriger, simultanément, les trois revues littéraires de la ville. La Cigalo d’or, revue du félibrige.  La France d’Oc, d’inspiration fédéraliste, et  la très symboliste  Chimère.
Sa direction de  La Cigalo d’or  est d’ailleurs loin d’être honoraire. Il y publie à partir du numéro 50 (avant sa nomination) une longue série d’articles en occitan  : Lou Folk'lore de l'Erau qu’il serait sans doute passionnant de réunir en volume, et, dans le n° 46, son poème occitan : Aucel .
Il serait enfin injuste de ne pas citer Albert Arnavielle parmi les activistes de La Cigalo d’or. Cet enthousiaste permet au journal de jongler brillamment avec ses paradoxes. S’il en est, sans aucun doute, le véritable initiateur pour lutter contre l’intellectualisme érudit du Félibrige latin, il lui apporte aussi son concept ouvert de “félibrige intégral” qui fait de l’engagement félibréen un mode de vie transcendant tous les clivages, idéologiques ou artistiques. Ainsi, lui, le catholique royaliste est-il l’ami indéfectible du rouge Fourès ou du communard franc-maçon de Ricard. Il en va de même en art où son soutien va indifféremment au très conventionnel Marsal qu’à l’excentrique Grollier, et où les avant-gardes littéraires ne lui font pas peur, si elles sont en langue d’Oc.

Phares :
Paul Valéry y publie le 15 juin 1891, en français et en occitan dans une traduction de Joseph Loubet, un de ses premiers textes : La Bello au bos que dor, La Belle au bois dormant, repris dans Album de vers anciens sous le titre Au bois dormant.
Présenté comme “un jeune félibre” il donne aussi une traduction de l’italien d’un article paru dans La gazetta litteraria sur Plòu e souleio de Marius André paru dans La Cigalo d’or.
C’est aussi l’époque où il écrit aussi son sonnet A Alcide Blavet (secrétaire de la rédaction) qui ne sera publié qu’en 1934 dans Calendau  et en 1953 en volume par Pierre Olivier Walzer.

Par ailleurs, Frédéric Mistral, Joseph Roumanille ou Paul Arène envoient des textes à La Cigalo d’or.
Charles Maurras y est accueilli comme poète, mais discuté comme théoricien.
Jean Moréas, Max Elskamp, François Coppée y sont publiés en version bilingue.

Grands régionaux :
Il est évident que cette revue félibréenne est ouverte à tous les auteurs, grands et petits occitans. A l’exclusion des militants du  Félibrige latin.  Pour citer encore quelques noms, parmi les plus importants, notons, dans l’ordre de leur apparition,  Folco de Baroncelli, William Bonaparte-Wyse, Paul Mariéton, Frédéric Donnadieu, Xavier de Fourvières, Marius André, Junior Sans, Auguste Fourès, Achille Mir, Baptiste Bonnet, Berluc-Perussis, Edouard Marsal, Antonin Perbosc, Justin Bessou, Charloun Rieu...


Grands débutants :
Paul Valéry. François Dezeuze. Philadelphe de Gerde, Simin Palay, Joseph Loubet, Prosper Estieu...

A noter aussi :
A titre anecdotique, relevons quelques parisiens illustres. Jules Troubat que sa place de secrétaire de Sainte-Beuve a transformé en éminence grise des lettres françaises. Maurice Faure, le félibre qui, une fois ministre, n’aura aucune action politique pour l’occitan.
Et aussi une ouverture sans risque à la littérature catalane avec une timide publication de Jacinto Verdaguer.


Réseaux et constellations :
Le félibrige est bien sûr l’ossature du réseau de  La Cigalo d’or, avec une grande ouverture vers l’ouest, où Agen semble servir de plaque tournante à la communication. Ce système est très ramifié et fonctionne d’ailleurs fort bien puisqu’il permet la publication de jeunes auteurs, pratiquement inconnus et très éloignés de Montpellier.
Mais la personnalité de Paul Redonnel ouvre aussi des pistes inattendues. Ainsi, en octobre 1892, Chimère, par un éditorial de Devoluy et un article de Redonnel attaque Charles Maurras sur le fédéralisme. Maurras répond dans L’Echo de Paris, mais c’est dans  La Cigalo d’or (n°92) que Redonnel poursuit la polémique. De même, en 1895, lorsque Edouard Drumont (en pleine Affaire Dreyfus) attaque au nom de la France ethniquement pure et indivisible, dans sa  Libre parole le compte-rendu des Jeux floraux de Toulouse paru dans Chimère, c’est dans l’éditorial occitan de La Cigalo d’or  que Redonnel lui répond : “Que vegue de jasious pertout, aco’s soun afaire... Lou soureil, que lou diable iè siègue, es pas franc-maçon per aco, ni jasiou...”

Sommaires :
Ce relevé ne comporte que les œuvres littéraires, et parmi elles, seulement celles des contemporains. Ainsi, les articles d’histoire littéraire, par exemple, ou les œuvres de Théodore Aubanel, Goudouli ou La Farre-Alès ne sont pas pris en compte.
Les noms et prénoms “occitanisés” ont été, dans la mesure du possible, rétablis dans leur état-civil franchimand.

n° 1, 15 avril 1889.
Marius André, Louis Roumieux
n°2,
Albert Arnavielle, Jeanne de Margon, Louis Roumieux
n°3
Folco de Baroncelli-Javon, Joseph Henri Castelnau, Auguste Fourès, Etienne Galtier, Louis Roumieux
n°4
Albert Arnavielle, Alcide Blavet, Pierre Carli, Paul Gaussen, Elzéar Jouveau, Léontine Mathieu-Goirand, Elie Merle, Jean Monné, Louis Roumieux
n°5
Clément Auzière, Frédéric Mistral, Louis Roumieux
n°6
Emile Barathieu, Folco de Baroncelli-Javon, Alcide Blavet, Aristide Brun, Etienne Galtier, P. Gourdou, E. Montabré, Louis Roumieux
n°7
Folco de Baroncelli, Aristide Brun, Hypolite Combalat, Antonin Maffre, Louis Roumieux, Antoine Villiers
n°8
Henri Bouvet, Auguste Chastanet, Jeanne de Margon, Elie Merle, Louis Roumieux
n°9
Albert Arnavielle, William Bonaparte-Wyse, C. Malignon, Léontine Goirand, Louis Roumieux, Léon Rouquet
n°10
Alcide Blavet, Louis Bon, J.B. Brissaud, Paul Gaussen, Auzias Jouveau, Louis Roumieux, G. Thérond
n°11
Marius André, Louis Roumieux, Alfred Rottner, Jacinto Verdaguer
n°12
Henri Bigot, Hippolyte Combalat, Octave Monier, Louis Roumieux
n°13
Henri Bigot, Louis Roumieux
n°14
Marius André, Henri Bigot, Joseph Henri Castelnau, Joseph Coste, François Dezeuze, Paul Mariéton, Louis Roumieux, François Videau
n°15
Ferdinand Chabrier, Paul Chassary, Adrien Coutba,Marius Dumas, Marius Girard, Léontine Goirand, Alfred Rottner, Louis Roumieux, G. Thérond, Basile Vacher
n°16
Albert Arnavielle, Alcide Blavet, Antonin Maffre, Rodolphe Martin, Alphonse Michel, Frédéric Mistral, Lydie de Ricard, Louis Roumieux
n°17
Georges Astruc, François Dezeuze, Frédéric Donnadieu, Louis Roumieux, Léon Rozier
n°18 (1 janvier 1890)
Hippolyte Combalat, Xavier de Fourvières, Félix Lescure, Rodolphe Martin, Frédéric Mistral, Pépin Pagès, Alfred Rottner, Louis Roumieux
n°19
Ferdinand Benoit, Joseph-Henri Castelnau, Léontine Goirand, Félix Lescure, Paul Nourry, Maurice Raimbault, Louis Roumieux, Jean-Baptiste Rouquet
n°20
Marius André, Jules Astruc, Louis Roumieux,
n°21
Marius André, Folco de Baroncelli, Alcide Blavet, François Dezeuze, Léontine Goirand, Louis Roumieux, Junior Sans
n°22
Folco de Baroncelli,  Louis Roumieux, Junior Sans, Fernand Troubat
n°23
J-H. Castelnau, Joseph Coste, Louis Roumieux
n°24
Jules Astruc, Auguste Fourès, Félix Lescure, Frédéric Mistral, Emmanuel Portal, Alfred Rottner, Louis Roumieux, Gustave Thérond, Jules Troubat
n°25
Marius André, Louis Roumieux
n°26
Folco de Baroncelli, Alcide Blavet, Louis Roumieux
n°27-28
Auguste Advenier, Marius André, Albert Arnavielle, Alcide Blavet, Octavien Bringuier, Aristide Brun, J.H. Castelnau, Ferdinand Chabrier, Maurice Faure, Auguste Fourès, Xavier de Fourvières, Henri Gasc, Marius Girard, Paul Gourdou, Elzéar Jouveau, Frédéric Mistral, Alexis Mouzin, Adam Peyrusse, Maurice Raimbault, Louis Ripert, Joseph Roumanille, Louis Roumieux, Ludovic Sarlat, Charles de Tourtoulon, Joseph de Valette, Louis Vergne, J. Vernay
n°29
Louis Roumieux
n°30
Clément Auzière, Henri de Bornier, Henri Bouvet, Lucien Dulac, Louis Roumieux, Fernand Troubat
n°31
Lucien Duc, René Fournier, Hippolyte Messine, Frédéric Mistral, Louis Roumieux, André Sourreil
n°32
Lucien Duc, Auzias Jouveau, Hippolyte Messine, Octave Monier Louis Roumieux, Junior Sans
n°33
Marius André, Xavier de Fourvières, Joseph Loubet (trad. d’Henri Rochefort), Charles Ratier, Louis Roumieux, Fernand Troubat
n°34
Jean Castela, Victor Delbergé, Henri Gasc, Achille Mir, Frédéric Mistral, Louis Roumieux
n°35
Marius André, Albert Arnavielle, Ferdinand Chabrier, Joseph Loubet, Achille Mir, Pépin Pagès, Louis Roumieux, Ludovic Sarlat, Louis Tombareu
n°36
Joseph-Henri Castelnau, Frédéric Mistral, Pépin Pagès, Henri Pellisson, Louis Roumieux
n°37
Paul Fabre, Joseph Loubet, Octave Monier, Louis Roumieux, Ludovic Sarlat
n°38
Alcide Blavet, Jean Castela, Maurice Calbet, E. Labéque, H. Pellisson, Louis Roumieux
n°39
Louis Astruc, René Fournier, Octave Monier, Jules Raymond, Louis Roumieux
n°40
Paul Fabre,  Louis Roumieux, Joseph Roux, René Seyssand
n°41
Auguste Fourès, Emmanuel Portal, Louis Roumieux
n°42
Paul Fabre, Auguste Fourès, Antonin Glaize, A. de Margon,, Louis Roumieux
n° 43
Auguste Fourès, René Fournier, Marius Girard, Paul Gourdou, J.B. Laffargue, Joseph Loubet, Henri Monty, Emmanuel Portal
n°44
Auguste Fourès, Paul Gourdou, J.B. Laffargue, Sextius Michel, Adam Peyrusse, Louis Roumieux
n°45
Auguste Chayrou, Auguste Fourès, Simin Palay, Marius Richard, José de Valette
n°46
Albert Arnavielle, Henri Bigot, Baptiste Bonnet, Jean Castela, Marius Doubon, Auguste Fourès, Paul Redonnel
n°47
Albert Arnavielle, Henri Bigot, Auguste Fourès, Jules Raymond, Louis Roumieux , Joseph de Valette
n°48
Ambroise Arbousié, Henri Bigot, Louis Charasse, Auguste Chastanet, Pierre Devoluy, Paul Laval, Octave Pagès, Fernand Troubat
n°49
NUMERO ABSENT DE LA COLLECTION
n°50
Clément Auzière, Baptiste Bonnet, Jules Raymond, Paul Redonnel
n°51
J.H. Castelnau, Hippolyte Messine, Paul Redonnel
n°52 (1 juin 1891)
Alcide Blavet, Paul Redonnel, Louis Roumieux
n°53
Albert Arnavielle, J.H. Castelnau, Paul Valéry#
n°54
Clément Auzière, Auzias Jouveau, Paul Redonnel, Ludovic Sablat
n°55
Albert Arnavielle, Alcide Blavet, Célestin Malignon
n°56
Paul Redonnel
n°57
Paul Redonnel, Louis Roumieux
n°58
Paul Redonnel
n°59
Augustin Chayrou, Paul Redonnel, J.D. Rigal
n°60
Henri Bigot, Eugène Guilhaumou, Hippolyte Messine, Lydie de Ricard, Fernand Troubat
n°61
J.H. Castelnau, Paul Chassary, Pierre Devoluy, Paul Gourdou, Paul Fabre, Gustave Thérond
n°62
Henri Bigot, Antonin Glaize, Paul Gourdou, Pépin Pagès
n°63
Henri Bouvet, Charles Boy, A. de Gagnaud, Joseph Loubet, Fernand Troubat
n°64
Auguste Gautier, Fernand Mazade
n°65
Albert Arnavielle, Mireille Arnavielle, J.H. Castelnau, Paul Chassary, Hippolyte Combalat, François Dezeuze, Jean Fournel, Antonin Glaize, Charles Gros, Gaston Jourdanne, Auzias Long, Jeanne de Margon, Edouard Marsal, Jules Raymond, Paul Redonnel, Marc Rigal, Louis Roumieux, Joseph Soulet, Gustave Thérond, Fernand Troubat
n°66 (1 janvier 1892)
Albert Arnavielle, Mireille Arnavielle, J.H. Castelnau, Paul Chassary, Hippolyte Combalat, François Dezeuze, Antonin Glaize, Jeanne de Margon, Edouard Marsal, Louis Roumieux, Gustave Thérond, Fernand Troubat
n°67
Albert Arnavielle, Alcide Blavet, J. Félicien Court, Edouard Marsal
n°68
Frédéric Amouretti, Henri Bouvet, Ferdinand Chabrier, Paul Redonnel, Louis Roumieux, Joseph Soulet
n°69
Paul Arène, Léopold Bertrand, Prosper Estieu, Sextius Michel, Emmanuel Portal
n°70
Adrien Coybat, Prosper Estieu, Edouard Marsal, Prosper Vidal
n°71
Louis Charrasse, Auguste Chayrou, J. Félicien Court, Prosper Estieu, Paul Gaussen, Charles Maurras, Jean Moréas (trad. par Alcide Blavet), A. Quercy
n°72
Justin Bessou, J.H. Castelnau, Jean-Félicien Court, Jules Mans, Antonin Perbosc, Paul Redonnel, Louis de Sarran d’Allard
n°73
Frédéric Amouretti, Prosper Estieu, Paul Redonnel
n°74
François Dezeuze, Prosper Estieu, Antonin Perbosc
n°75
Alcide Blavet, J. Moneger, Ludovic Sarlat, Paul Vézian
n°76
Baptiste Bonnet, Aristide Brun, Marius Bourrelly, Prosper Estieu, Louise Ouradou, J.B. Rouquet
n°77
Marius André, Auzias Jouveau
n°78
Henri Bouvet, Jean-Félicien Court, Prosper Estieu, René Fournier, Auzias Jouveau, Louis Roque, Louis Roumieux, Louis Roux
n°79
Alfred Rottner, Louis de Sarran d’Allard, Albert Viau
n°80
Marius André, Pierre Bertas, Mathieu Carles, Antoine Chanroux, J. Mercadier, Antonin Perbosc, Emmanuel Portal
n°81
Louis Charrasse, François Dezeuze, Prosper Estieu, J. Mercadier, Louis Roumieux,
n°82-83
Louis Roumieux
n°84
Marius André, Alcide Blavet, Louis Charrasse, Jean-Félicien Court, J. Mercadier, Louis Roux
n°85
Mireille Arnavielle, Henri Bigot, Charles Boy, V. Ferdinand Chabrier, Jean Fournel, Marius Girard, Gabriel Perrier, Louis Roumieux, Louis Roux, Louis Tombarel
n°86
Hippolyte Combalat, Paul Gourdou, Paul Redonnel, Louis Roumieux
n°87
Ernest Aberlenc, Albert Arnavielle, Prosper Estieu, Emmanuel Portal, Paul Redonnel, Marc Rigal, Louis Roumieux
n°88
Marius André, Albert Arnavielle, Félix Lescure, Pépin Pagès, Paul Redonnel, Louis Roux, Albert Viau
n°89
Ernest Aberlenc, Albert Arnavielle, Paul Redonnel
n°90
Mireille Arnavielle, Xavier de Fourvières, Paul Redonnel, C.J. Rogues, Félix Silhol, Gustave Théron
n°91
Alcide Blavet, H. Bonnefoy-Debaïs, Max Elskamp (trad. par Marius André), Filadelphe de Gerde, J. Mercadier, Paul Redonnel, Joseph Roux, Jean Ytier
n°92
Marius Bourrelly, Paul Gaussen, Edouard Marsal, Paul Redonnel
n°93
François Coppée (français et trad. par Paul Chassary), Paul Gaussen, Paul Redonnel, Harioun de Roux
n°94
Baptiste Bonnet, Prosper Estieu, Paul Gaussen, Maurice Joret, Paul Redonnel, Louis de Sabran d’Allard
n°95
Danton Cazelles, Pierre Devoluy, Prosper Estieu, Frédéric Jallois, Paul Redonnel
n°96
Adam Peyrusse, Joseph Roux
n°97
Antoine Chanroux, J. Mercadier, Junior Sans
n°98
Pascal Cros, Bernard Telismart
n°99-100
Marius André, Prosper Estieu, Filadelphe de Gerde, Edouard Marsal, Achille Mir, Charles Ratier, Paul Redonnel, Achille Rouquet, Junior Sans, Joseph Soulet
n°101
Ferdinand Chabrier, Paul Gaussen
n°102 (1 juillet 1893)
Marius Bourrelly, Paul Chassary, Filadelphe de Gerde, Maurice Raimbault, Louis Roumieux, Antoine Roux,
n°103
Paul Redonnel
n°104
Ernest Aberlenc, Marius André, Clément Auzière, Mario Bertrand, Jules Boissière, Prosper Estieu, Joseph Loubet
n°105-106
Albert Arnavielle, Marius Bourrelly, Antoine Chansroux, Eugène Guilhaumou, J. Mercadier, Louis Roumieux, Louis de Sarran d’Allard, Pierre September, Joseph Soulet, André Sourrel, Elio d’Ulriac
n°107
Adrien Coybat, François Dezeuze, Prosper Estieu
n°108
Albert Arnavielle, Henri Bouvet, Pierre Devoluy, Edouard Marsal, Hippolyte Messine, Adrien Pagès, Paul Vézian
n°109
André Baldy, Marius Bourrelly, Mathieu Carles, Arthur Castanier, Antoine Chansroux, Paul Chassary, Félix Lescure
n°110
Marius Bourrelly, Joseph Loubet, Louis Roumieux, G. Visner
n°111
Marius André, Edouard Bastidon, Joseph Huot, Gaston-Travier Pellet, Louis Roumieux,
n°112
Henry Monty, Louis Roumieux
n°113
Antoine Chansroux, Alfred Rottner
n°114 (1 janvier 1894)
Mireille Arnavielle, Emmanuel Portal, Charles Ratier, Joseph Soulet
n°115
Marius André, Pierre Bernard, Berluc-Perussis, Joseph Calcas, Charloun Rieu, François Vidal
n°116
Marius Bourrelly, Joseph Loubet
n°117
Prosper Estieu
n°118#
Albert Arnavielle, Marius Bourrelly, Joseph Loubet
n°119
Fonsou de Carcassouno (?)
n°120
Pierre Bernard, Marius Bourrelly
n°121-122
Degun
n°123-124-125-126#
Mireille Arnavielle, Marius Bourrelly, Rodolphe Martin
n°127-130
Clément Auzière, Ludovic Sarlat, Antoine Villiers
n°131 (15 sept. 1894-1 fév. 1895)
Degun
n°132
Albert Arnavielle, Filadelfe de Gerde, Harioun de Roux, Jules Véran
n°133
Marius André

Achille DAUDÉ-BANCEL et PAUL REDONNEL : COOPÉRATIVISME, SYNDICALISME, SOCIALISME et LITTERATURE

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Achille DAUDÉ-BANCEL et PAUL REDONNEL : COOPÉRATIVISME, SYNDICALISME, SOCIALISME et LITTERATURE


LE MILITANT ET LE POETE






Les exils d’un pharmacien remplaçant
La vie littéraire des notables de Gigean (Hérault)
Revue Chimère, dirigée par Paul Redonnel
Soucription des Chansons Éternelles de Redonnel

 
Gigean, 8 mai 1894

Mon cher Redonnel
Maintenant que les fêtes en l'honneur de l'héroïque et sublime ! Pucelle ?? sont terminées, je me hâte de vous écrire d'abord pour avoir le regret de ne pas vous féliciter sur ces fêtes (vieux bateau!) et ensuite pour avoir le plaisir de converser un moment avec vous! Un vrai plaisir, en effet, car depuis 12 jours que je suis ici, exclusivement occupé à la pharmacie, inventaire, nettoyage, etc (autres saletés peu intéressantes pour vous!).
Gigean, malgré ses microbes, est une localité qui ne me déplaît pas trop. Depuis que j'y suis, j'ai gagné l'appétit, mais pas autre chose; si le ventre fait des bénéfices, il n'en est rien pour le cerveau.
J'ai causé littérature avec quelques uns "de la haute", malheur! On m'a vanté : Pierre Maël[1]! Loti! Georgeoné[2]! et Zola! Émile lui-même dégoûte! Répandre les Chimériques[3] ici! Je veux bien tenter, mais je pense que ça ne prendra pas! Brr! Lutter contre Georges!
D'ailleurs, Cladel[4], Lemounier, Flaubert et les autres sont inconnus. C'est triste! bien triste! Avec ça, il n'y a aucun moyen de s'éclipser d'ici! Pourtant, je pense venir passer 1 ou 2 jours vers le 24 ou le 25 de ce mois à Montpellier! Nous pourrons tailler une bavette longue, longue, longue comme ceci : [l’infini].
Aussi, j'en ai pris mon parti, je suis ici pour indemniser un peu ma mère de ses sacrifices; je resterai dans la boite, avec de temps à autre un tour aux champs, et, isolé, je bouquinerai tout ce que je pourrai le reste du temps; ce ne sera pas gai, mais 3 ans passent vite, lorsqu'on veut vivre en philosophe. Mais pour cela, il me faut des bouquins et des bouquins de lecture profitables (à moi, profane!). Aussi quand vous aurez un moment, je vous prie de me signaler les bons... pour mon cerveau.
Je vous envoie mon bulletin pour Les Chansons éternelles[5] avec un petit mandat, regrettant de pouvoir en envoyer un plus élevé (vive l'anarchie, nom de Dieu!). J'avais donné, avant mon départ de Montpellier, rendez-vous à l'ami Fritz et je l'aurais intéressé aux Chansons, mais il n'a pas pu venir. Néanmoins, je vais le relancer par lettre.
Vous pourrez à l'avenir envoyer Chimèreà Embrun, chez Rispau, libraire. Ce libraire est le beau-père de Lévi Courreu à qui j'écrirai pour l'engager à faire à la revue l'accueil qui lui est dû.
Et puisque nous parlons de Chimère, je vous prie de m'envoyer ou bien de tenir prêt pour mon prochain voyage la collection complète depuis le commencement jusqu'à nos jours. Le commencement, je ne l'ai jamais eu, et les 4 numéros de la nouvelle période sont assez maculés et, pour passer Chimère aux philistins de Gigean, elle doit être propre. La goûteront-ils? J'espère peu. Nous ferons notre possible pour cela. Si le numéro de la Ste Estelle[6] manque ou est plus rare que les autres, ou si vous n'avez pas les gravures, ne vous tracassez pas pour cela; le mien est propre, exceptée la couverture bleue... Pour le montant, 16 francs je crois, fournissez sur moi un mandat à Gigean, au 1er juin. Car je ne toucherai la bienfaisante galette de mon estimable patronne qu'à la fin du mois de mai.
Et voilà, pas autre chose; je regrette bien Montpellier pour quelques amis et connaissances qui m'y ont fait la vie assez douce avec l'aide de vos conseils ; je tâcherai de parvenir à regretter Gigean quand je partirai d'ici. Si vous allez un jour à Cournonterral[7], poussez donc jusqu'ici, ça m'amusera beaucoup.
Amitiés à Madame Redonnel[8]et à Daniel, le poseur de lapins[9].
À l'apparition de Chimère, envoyez-la moi, et abonnez-moi.
Au revoir, mon cher Redonnel, amitiés à de Ricard[10], à la rédaction, et recevez les meilleurs souhaits de bonne santé, de votre tout dévoué
A. A. Daudé, pharmacien (pour les populations) à Gigean



[1] - Pierre Maël est le pseudonyme collectif de deux auteurs français de romans d’aventure et sentimentaux pour la jeunesse : Charles Causse (1862-1904) et Charles Vincent (1851-1920), auteurs de grands succès de librairie du début du XXe siècle.
[2]  -  Georges Ohnet (1848-1918), alors très célèbre romancier sentimental opposé au naturalisme.
[3] - La revue Chimère, Revue de littérature et de critique indépendante. puis : Revue d’insolence littéraire a été fondée en 1891 à Montpellier par Paul Redonnel (avec un financement de Marie-André Haguenot) et Pierre Devoluy comme secrétaire de rédaction.
Son adresse est d’abord : 52 cours Gambetta, Montpellier (chez P. Redonnel) puis 4 Bd Renouvier et à Paris, après le déménagement, 17 rue du Commandeur (adresse de Redonnel).
n°1 : août 1891 -n° 20, juillet (daté de mai)1893
On trouve au sommaire : Verlaine, Rimbaud,  Paul Valéry, H. de Bornier, Rémy de Gourmont, Jules Renard, Jean Richepin, Georges Fourest, Frédéric Mistral, Filadelphe de Gerde, Félix Gras, Charles Maurras, mais aussi des auteurs que nous retrouverons dans cette cette correspondance : Jean Charles-Brun, Louis-Xavier de Ricard, Emmanuel Maffre de Baugé, Joachim Gasquet, Paule Mink, etc…
[4]  - Léon Cladel (1835-1892) romancier « social », orienté à gauche après la Commune.
[5]  - Les Chansons éternelles, le livre majeur de Paul Redonnel est alors en en souscription. Elles paraîtront en juin 1894 à la Bibliothèque d’Occitanie et Bibliothèque de La Plume avec un tirage à 452 ex.  Une 2eédition illustrée paraîtra en 1898 à La Bibliothèque artistique et littéraire (Paris) avec une formidable illustration et couverture de Mucha.
[6]  - La fête annuelle des félibres, qui se déroule en mai.
[7]  - Village natal de Redonnel, près de Montpellier.
[8]  - La mère de Redonnel
[9]  - Qui est ce Daniel? Un frère de Redonnel? Il sera à Paris avec Redonnel et sa compagne.
[10]  - Louis-Xavier de Ricard. 



 
Envoi d’une fiole pharmaceutique
Premier contact avec Charles Gide sur le coopérativisme
Projet d’article
Le danger d’être pharmacien… et socialiste
Abonnement à La France d’Oc


Gigean, 13 octobre 1894

Mon cher Redonnel,
Je réponds enfin à votre lettre et déplore avec vous la mésaventure survenue à la fiole. Nous réparerons cela bientôt, car pour une raison ou une autre que vous déterminerez probablement, je devrai venir à Montpellier ou bien nous nous verrons ailleurs.
Et à ce sujet - puisque déplacement il y aura - apprenez que, en cas de déplacement, je dois être toujours prévenu assez à l'avance, à cause du sacré service de la boite, qui ne souffre aucune interruption. Dans ces conditions, que dites-vous au sujet de St-Guilhem[1]? 1°; 2° de Cournonterral où nous passerions quelques heures d'une demi-journée par vous fixée ? 3° de Cette?
Dans ma lettre, je vous demandais si vous me conseilliez l'élaboration de l'article et, au cas affirmatif - mais dans ce cas seulement - les renseignements indiqués. Ce qui fait qu'en attendant votre réponse, j'avais laissé l'article dans mon cerveau, économisant l'encre et le papier. Devant votre réponse affirmative, je me suis mis en campagne pour cet article-là; et mercredi ou jeudi soir, j'ai écrit à Mr Gide[2]pour l'opinion de Domela Nieuwenhuis[3] et puis aussi pour lui faire comprendre combien un de ses discours sur la question me plairait et me serait utile. Est-il absent? Ou bien le timbre pour réponse lui aurait-il déplu? Mystère! Je n'ai rien reçu et j'attends....
Aussi n'ai-je fait qu'ébaucher le plan et ébaucher le début. D'ailleurs, en admettant qu'il fût écrit, je crois qu'il serait préférable de le faire passer plus tard, après mon épreuve, à cause de considérations... légèrement subversives que j'y fais entrer. Nous en causerons d'ailleurs à notre première et prochaine entrevue.
Autre guitare! Mr Nichet, maire de Gigean, possède de vieux papiers sur les origines et l'histoire de Gigean, il paraît qu'il y a là des documents curieux et inédits. Il doit me passer ses notes et je dois les rédiger proprement si possible. C'est toujours du fédéralisme.
Amitiés à la famille et à votre mère de son Diable n°2, et à vous de votre ami tout dévoué,
A. A. Daudé

N.B. Pouvez-vous me réserver un numéro spécimen de La France d'Oc[4], le mien est sale! Je l'ai tant prêté! Et les mains sont si sales !




[1]  - Un rendez-vous à Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), Cournonterral ou Sète.
[2]  - Charles Gide : né à Uzès (Gard) le 29 juin 1847 et mort à Paris 16e le 12 mars 1932, est un économiste et enseignantfrançais.
Il est le dirigeant historique du mouvement coopératif français, le théoricien de l'économie sociale, le président du mouvement du christianisme social, fondateur de l’École de Nîmes et membre de la Ligue des droits de l'homme. Il est l'oncle de l'écrivain André Gide.
[3]  - Ferdinand Domela Nieuwenhuis, né à Amsterdam le 31décembre1846 et mort à Hilversum le 18novembre1919, est un militant anarchiste et antimilitariste, figure importante du mouvement libertairenéerlandais. En juin 1904, il organise le Congrès antimilitariste d'Amsterdamqui donnera naissance à l'Association Internationale Antimilitariste. Il défend le principe de la « grève générale » mais reste très critique vis-à-vis du syndicalisme.
[4]  - La France d'Oc, le journal de Achille Maffre de Baugé, que dirige Paul Redonnel publie son numéro specimen en septembre 1894.
Organe régionaliste hebdomadaire illustré.
Rédaction et administration : 19 faubourg de la Saunerie, Montpellier.
Directeurs : Rédaction, Maffre de Baugé ; Administration , Louis Ferrer.
Devise : Auzor! Auzor!
Au sommaire, Maffre de Baugé, bien sûr, Paul Redonnel, mais aussi Louis-Xavier de Ricard, Jean Charles-Brun, et même l’illustrissime Séverine.



Paul Redonnel est à Paris
Conférence insolite à Cournonterral sur le coopérativisme
Service de presse laborieux et soigné
Une ballade libertine de Redonnel, mieux que Verlaine !
Pelloutier propose d’imprimer La Plume

Gigean, samedi soir, 20 mars 95

Mon cher Redonnel,

Je suis écrabouillé! D'abord, j'avais à préparer ma confé[rence] qui devait être pour demain et qui est renvoyée à plus tard. En cas de sécheresse, je l'avais écrite. De plus, pour me donner le coup de gueule, j'avais imaginé ceci, pige[1] le coup : moi tenant un bocal surmonté d'une capsule, agitant cela qui foutait un pétard de tous les diables et moi gueulant des Citoyennes, des Citoyens et les bienfaits de la coopération!!! C'est drôle ce qu'on doit faire pour ses opinions!!
 Sur confé, m'arrive une blépharite[2], œil gauche pincé, et tu sais que Thomas[3]est borgne! C'étaient deux têtes de massacre qui menaçaient tes compatriotes.
La blépharite partie, restait confé qui est rejetée à plus tard par tes compatriotes. Je crois que les politiciens y mettent de la mauvaise volonté, méconnaissant et Thomas aussi. C'est le congrès de Cette de l'an passé qui nous vaut ça. Sur ces entrefaites, l'enfant arrive[4]; d'abord 200 ex. puis avant-hier soir, 10 exemplaires. Pas de Japon! Les as-tu, les Japon?
Depuis, j'écris, je colle, je colle; hier, je fais faire deux colis postaux de 5kg. Zut, quand ils sont faits, l'un pèse 5.050, l'autre 5.100; les cachets sont mal disposés. A refaire! Enfin, aujourd'hui, ça part. Ne t'étonne pas de l'absence de certains de Paris, je les envoie directement.
Ces jours-ci, je comprends l'utilité d'une femme pour un plumitif; j'ai dit "utilité" mais pas nécessité, car, à la rigueur, une maîtresse intelligente!... mais soyons sérieux! et graves. 3 adresses seules sont restées en plan. Je te les recommande.
Je viens de lire ta ballade (libertine?!)[5]; je ne crois pas être aveuglé par l'amitié en disant que c'est mieux, et bien mieux que celle de Verlaine pour Louise Michel, publiée par T.N.[6]. À propos, hier, j'ai écrit à Grave[7]pour le remercier et pour lui faire remarquer ce qui lui a échappé. Ma foi, qu'il dise que je suis un grincheux, je n'ai pu y tenir et je lui ai dit que je décernais un 1er prix de bafouillage au camarade Gorard [Gérard ?] pour ses âneries sur toi.
Je vais faire partir l'étranger et une partie de la province[8]. Tu peux activer la distribution à Paris. Tu recevras vingt cartes. Celle pour Pouget est avec ceci. Éraste Pouget[9], Pelloutier[10], Grave également; le plus de réduction possible.
Pelloutier vient de m'écrire; Ch. Albert[11] va venir te voir pour La Plume. L'Humanité nouvelle[12] ne suffit pas à leur activité. Inutile de te les recommander.
J'envoie à Grave des étiquettes avec prière de les compléter. Envoyé à Roy, Devoluy[13], Ner[14], à Ferrer[15].
Demain Montpellier. Fournier devient tannant. Son idéal: l'agrégation, 1 femme, une villa et du soleil !!!
La patte à tous, Daniel, Patrouillote[16] et toi. Je compte sur Lagardelle[17]pour un compte-rendu dans Le Socialisteet pour me signaler ce que dira de moi Le Devenir social.
Bonsoir et bonne santé, ton ami dévoué

A. A. Daudé




[1]  - Apparition du tutoiement.
[2]  - Affection des paupières
[3]  - Nous retrouverons souvent mention de ce Pierre Thomas, qui semble avoir une santé fragile.
[4]  - Un de ses livres.
[5]  - Ballade de Redonnel non encore identifiée.
[6]  - T.N. ?  Les Temps Nouveaux, le journal que vient de créer Jean Grave.  
[7]  -  Jean Grave, né le 16 octobre1854 au Breuil-sur-Couze (Puy-de-Dôme) et mort le 8 décembre1939à Vienne-en-Val (Loiret), est un militant anarchiste français.
Initialement socialiste, il devient communiste libertaireà partir de 1880 et popularise les idées de Pierre Kropotkine. Il participe au journal Le Révolté d'Élisée Reclus.
Lors de la Première Guerre mondiale, il est l’un des signataires du Manifeste des seize rassemblant les libertaires partisans de l'Union sacrée face à l'Allemagne.
Savetier devenu journaliste révolutionnaire, indéfectiblement lié à Kropotkine, Jean Grave est un des pionniers de l’anarchisme en France. Personnalité aussi discrète qu’entêtée, il anime durant trente et un ans un des hebdomadaires anarchistes de référence, en tout cas le plus doctrinal. En 1908, dans le numéro de la revue Les Hommes du jour qu’il lui consacre1, Victor Méric en fait ce portrait : « Il n’y a pas grand-chose à dire sur cet homme. Comme les peuples heureux, Jean Grave n’a pas d’histoire — pas même de sales histoires qui puissent permettre à la malignité de s’exercer. [...] De plus Jean Grave est très fermé. C’est l’homme le moins loquace de la Création. Il ne dit rien. Il ne veut rien dire sur lui. Il se cantonne dans un mutisme sauvage. [...] Quoi qu’il en soit, il faut le prendre tel qu’il est ; malhabile à la parole, brusque et entêté — d’aucuns disent un peu étroit — mais simple, sans grands besoins, sans vanité et travailleur infatigable. »
[8]  - Service de presse.
[9]  - Éraste Pouget : non identifié.
[10]  - Fernand  Pelloutier, né à Paris le 1eroctobre1867 et mort le 13mars1901à Sèvres (Seine-et-Oise), est un militant syndicaliste révolutionnairesocialiste et libertaire1,2.
Secrétaire général, en 1895, de la Fédération des Bourses du travail, il est une des grandes figures du syndicalisme et de l'anarchismefrançais au XIXe siècle.
Élu secrétaire de la Fédération des bourses du travail en 1895, Pelloutier critique la stratégie terroriste de Ravachol et préfère développer les bourses du travail. Sous sa direction, leur nombre progresse fortement, passant de 33 en 1894, à 81 en 1901. Par leur vocation et leur fonction, ces lieux apparaissent aux yeux des exploités plus efficaces et plus pragmatiques que les simples syndicats de métier. Pour Pelloutier, les bourses du travail sont l'expression du syndicalisme intégral. Pensées comme des organisations de solidarité, elles sont dotées de divers services de mutualité : bureaux de placement, caisses de solidarité, caisses de maladie, de chômage, de décès…
On y trouve aussi des bibliothèques destinées à permettre aux travailleurs de mieux comprendre leur situation par les lectures d'
Adam Smith, Proudhon, Marx, Kropotkine, Zola, Bakounine… Pelloutier y organise également des cours du soir.
Il s'attachera autant à développer les bourses qu'à maintenir leur autonomie dans le cadre d'une CGT.
Adepte de l'autonomie ouvrière, il remit à l'ordre du jour les enseignements de Proudhon et de Bakounine, et est reconnu à ce titre comme un actualisateur de la pensée anarchiste. Après avoir eu toute sa vie des problèmes de santé, Pelloutier meurt prématurément et dans le dénuement en 1901.
[11]  - Ch Albert : Charles Daudet, plus connu au sein du mouvement libertaire sous son pseudonyme de Charles-Albert, né le 23novembre1869à Carpentras(Vaucluse) et mort le 1eraoût1957 au Kremlin-Bicêtre (Seine)1, est un maître répétiteur, imprimeur, journaliste, militant antimilitariste, anarchistepuis socialiste2,3.
Enseignant de philosophie au collège de Sedan, Charles-Albert travaille par la suite comme correcteur d'imprimerie.
Si l’on en croit Victor Méric, la fusillade de Fourmies, le 1er mai 1891, est pour lui un choc profond et l’élément déclencheur de son militantisme. Il fréquente alors avec assiduité les réunions et manifestations ouvrières et devint anarchiste. C’est à cette époque qu'il rencontre Jean Grave, lui-même condamné pour un article sur la fusillade.
En 1892, tout en étant correcteur d’imprimerie à Lyon, il collabore à la presse libertaire (Entretiens politiques et littéraires, La Société Nouvelle, La Révolte, Les Temps Nouveaux).
Le 12 août 1893, il créé, à Lyon, un hebdomadaire communiste libertaire, L’Insurgé, qui disparaît en novembre 18934.
Durant la période des attentats anarchistes, il est arrêté et séjourne en prison en janvier 1894.
En 1895, il fonde à Paris, une imprimerie destinée à satisfaire les besoins de la propagande anarchiste et où sont tirés les premiers numéros du Libertaire que vient de fonder Sébastien Faure5.
Dès janvier 1898, il est un dreyfusard ardent à la suite de la publication du « J'accuse…! » de Émile Zola. C’est cette défense du capitaine dégradé qui l’engage, en 1899, aux côtés de Sébastien Faureà dénoncer le militarisme. Il milite en faveur de la grève des conscrits et de la désertion2.
En 1905, avec Amédée Dunois, il s’oppose à Pierre Kropotkine lorsque dans Les Temps nouveaux, celui-ci déclare qu’il prendrait parti pour la France en cas de guerre avec l’Allemagne.
[12]  - L'Humanité nouvelle, revue en projet.
[13]  - Devoluy : l’ami par excellence de Paul Redonnel.
Paul Gros-Long, dit Pierre Devoluy, né à Châtillon-en-Diois (Drôme) le 27juin1862 et mort à Nice (Alpes-Maritimes) le 6 mars 1932
Polytechnicien, officier du Génie - il termine sa carrière avec le grade de colonel -, Pierre Devoluy s'illustre à partir de 1888 au sein du mouvement symboliste aux côtés de René Ghil et à partir de 1894 au sein du Félibrige, à la tête duquel il exerce les fonctions de capoulié de 1901 à 1909 après avoir été élu majoral en 1900 (Cigalo de Seloun). Poète, polémiste, il est le directeur du journal Prouvènço ! devenu Vivo Prouvènço !, de 1905 à 1914, ayant, entre autres collaborateurs, le linguiste Jules Ronjat. Conscient que l'avenir de la revendication félibréenne est dans le peuple, il réorganise le Félibrige en 1905 avec l'objectif d'en faire un grand mouvement d'éducation aux valeurs de la langue et de l'histoire. Sa conception positiviste de la doctrine mistralienne dont il se fait le théoricien lui vaut l'adhésion et le soutien de toute une génération de félibres (Folco de Baroncelli, Joseph d'Arbaud, Jules Ronjat, Albert Dugat, Léon Teissier, Pierre Azéma, Pierre Fontan, François Jouve, Michel Camélat, Albert Dujarric-Descombes, Sully-André Peyre...) mais aussi des inimitiés qui l'amènent à démissionner de sa charge en 1909. Confident de Mistral, il en publie les Discours e Dicho (1906). Mme Mistral lui demande après la mort de son mari d'assurer l'édition et la traduction des inédits de Mistral ; ce qui donne lieu à la publication du poème Li Meissoun (1926) ainsi qu'à celle, chez l'éditeur Bernard Grasset, des trois volumes des Proso d'Armana(1926 et suiv.). Ayant pris sa retraite à Nice, alors même qu'il se fait le romancier des Cévennes protestantes à travers sa trilogie La Cévenne embrasée et qu'il remet à l'honneur les psaumes huguenots, il est amené à exercer les fonctions d'adjoint au maire Jean Médecin et, au-delà de la vie intellectuelle locale, en participant notamment à la création du Centre Universitaire Méditerranéen, à collaborer régulièrement à L'Éclaireur de Nice de 1919 à 1932 avec plus de 600 articles publiés sous son nom.
Outre sa collaboration à Prouvènço ! et Vivo Prouvènço !, Pierre Devoluy a collaboré à bon nombre de journaux, revues et almanachs d'expression provençale : La Cigalo d'Or, La Cisampo, L'Armana Prouvençau, L'Armana dóu Ventour, L'Aiòli, Lou Gau, Reclams de Biarn e Gascougne, Lou Bournat, La Revue Félibréenne, Le Feu... ; il a aussi apporté sa collaboration à plusieurs périodiques d'expression française : Chimère (dont il fut le secrétaire de rédaction), La Plume, La Revue Indépendante, Écrits pour l'Art, Foi et Vie, La Revue Universelle, La Revue de France...
Pierre Devoluy était commandeur de la Légion d'honneur (1924). Marié à Lucie Serres, d'origine cévenole, il eut deux filles, Magali (sans descendance) et Nerto, épouse Bayle (dont descendance). Il repose dans le cimetière protestant de Châtillon-en-Diois. Son nom a été donné à plusieurs rues ou places (Arles, Avignon, Châtillon-en-Diois, Grasse, Nice, Nîmes, Toulon) et trois plaques rappellent son souvenir, l'une à Châtillon-en-Diois sur sa maison natale et deux autres au 35, boulevard Carabacel à Nice, où il mourut. Son nom a été donné à un pic des Cévennes, au-dessus de Sainte-Croix Vallée Française, à l'initiative du Club Cévenol.
[14]  - Jacques Élie Henri Ambroise Ner, dit Han Ryner, né à Nemours(Algérie) le 7décembre1861 et mort à Paris le 6janvier1938, est un philosopheet journalistefrançais, anarchiste individualiste, pacifiste, anticlérical.
[15]  - Louis Ferrer est né à Béziers le 1 avril 1896. D’abord employé à l’administration des hospices, il crée à Montpellier le journal L’Impartial (oct 1895-oct 1896). Il quitte le journal en déc. 1895. En 1894, il a très activement participé (financé) à La France d’Oc. Suite à la maladie de sa femme Magali, il séjourne désormais à Lamalou-les-Bains (Hérault). 
[16]  - La Patrouillote, compagne de Redonnel. Voir lettre infra.
[17]  - Hubert Lagardelle (né au Burgaudle 8 juillet 1874, décédé à Paris le 20 septembre 1958) est un penseur français du syndicalisme révolutionnaire. Il a participé à la revue Planset a été le cofondateur de la revue Prélude, puis ministre du Travail du régime de Vichy. Après des études de droit conclues par une thèse sur les syndicats, Hubert Lagardelle amorce une carrière de journaliste en créant à Toulouse la revue marxiste La Jeunesse socialiste (1895). Il adhère en 1896 au Parti ouvrier français (marxiste) de Jules Guesde. Puis il fonde Le Mouvement socialiste (1899-1914), revue théorique du socialisme, puis du syndicalisme révolutionnaire qui reste une référence dans l'histoire du socialisme français. Lagardelle est influencé par les théories de Proudhon, de Marx et de Georges Sorel. Militant socialiste, il fréquente les dirigeants de la CGT et contribue à la constitution de l'idéologie syndicaliste révolutionnaire dans les années 1904-1908.





La Patrouillote est à Montpellier
Elle fréquente la famille de Daudé

Gigean, 18 février 1896

LETTRE A LA PATROUILLOTE[1]

Ma chère amie,

Vous mériteriez d’avoir les oreilles très-longuement tirées. Comment ! À Montpellier depuis 13 jours et pas de visite à mes parents ! Je suis venu le 14, j’aurais pu ce jour-là vous serrer la main.
Oh les femmes, les femmes !
les travaux pratiques de l’École de pharmacie reprennent demain pour le fils de ma patronne ; je lui donnerai un mot pour son chef et peut-être le laissera-t-il libre de venir ici à 4h. S’il vient à 4h, je filerai à 5h et je serai à la gare de Montpellier à 5h 40 environ. Vous serez probablement allée voir mes parents; venez donc m’attendre avec Marion[2]. Si vous n’y êtes pas, elle y sera toujours et nous viendrons vous prendre pour souper chez moi. Si Redonnel avait eu la bonne idée de venir lui aussi, nous aurions parlé de ces choses qui ne doivent pas vous intéresser beaucoup, mais qui nous font bavarder rudement, vous le savez. Je vous donnerai un mot pour lui. Aurez-vous mis de côté Le Fédéralisme de Proudhon? Et celui de de Ricard? Qui vivra verra, et comme j’espère vivre encore et pouvoir venir demain là-bas, j’espère que nous pourrons bavarder qq heures.
J’écris à l’ami Thomas. S’il peut venir, je pense qu’il viendra.
Si je ne pouvais être à la gare à 5h 40, attendez-moi chez moi, j’arriverai toujours vers 10h, 10h ¼ et nous pourrons nous dire bonjour.
Au revoir, chère Patrouillote, et amitié de votre camarade dévoué,
A. A. Daudé




[1] - Il s’agit de la compagne de Paul Redonnel.
Paul Redonnel s’est marié à Paris le 11 novembre 1890, à la mairie du 5e à Paris, avec Marie Mathieu, fille d'un avocat des Vans, en Ardèche. La mariée a 35 ans, est divorcée, et habite avec son futur époux 34 bouvevard Saint-Marcel.
En février  1891, Redonnel revient à Montpellier. J’ignore si la Patrouillote est Marie Mathieu, mais j’en doute. La Patrouillote connaît parfaitement la famille montpelliéraine de Redonnel, et celle de Daudé, et semble d’origine montpelliéraine.
[2]  - Marion, la sœur de Achille Daudé.





Daudé vend du Kola-Coca
Distribution et vente de La Pluma à Montpellier
Projet de revue avec Redonnel, Devoluy, Ferrer et autres
Projet d’acheter une imprimerie
Article dans La Jeunesse socialiste
Fédéralisme et décentralisation
Rapports avec les catholiques libéraux disciples de Le Play
Interview de Paule Mink
Barrès, caméléon politique
Besoin de se documenter avant d’écrire
Édition des œuvres de Jean Lombard revues par Louis-Xavier de Ricard
Symbolisme et poésie
Utilité de la poésie pour séduire une fiancée
Daudé et les femmes : machisme ordinaire
Pharmacien à Paris ou sur un bateau ?
 

Gigean 23 mars 1896

[Note haut de page] :
Auriez-vous pas besoin de Kola-Coca?[1]

Mes chers amis

Je reçois aujourd'hui votre lettre. Il est regrettable qu'elle ne soit arrivée plus tôt, car j'étais hier à Montpellier et j'aurais pu m'occuper des commissions dont vous m'entretenez. Pour vous j'ai écrit ce matin à Thomas, il fera le nécessaire. Je vous tiendrai au courant de la situation.
Quant au dépositaire de La Plume, il faudra lui envoyer à l'avenir chaque fois 10 exemplaires de la revue, car il est arrivé une drôle d'affaire à l'apparition du dernier numéro. 5 inconnus ont pris chacun un exemplaire et les 5 habitués dansent devant le buffet à littérature. Si deux collections depuis janvier 1896 avaient été envoyées, il est certain qu'elles auraient été vendues. Je demanderai dans 15 jours si la marchande veut les recevoir à compte-ferme. Je demanderai à cette ingénue (elle ne sait pas ce que c'est que poser un lapin! elle s'en vante du moins ) de 45 ans : son nom. Quant à avoir un commissionnaire à Paris, elle ne doit pas en avoir puisqu'elle voudrait que je sois chargé du règlement de comptes. Vous ne me parlez pas de cela. Je lui vanterai les bienfaits d'un commissionnaire et vous dirai si ça lui va. Dans ce cas, vous tireriez la note et je vous ferais parvenir le montant ou bien vous feriez encaisser chez elle par la poste.
Vous m'épatez quand vous me dites que la revue projetée entre nous doit paraître[2]. Mais comment cela peut-il marcher, vous étant dans celle de Deschamps? Si ce dernier tolérait ça, il serait trop bon vraiment[3]. Il est évident que ce ne serait pas tout à fait le même genre, mais bien rapproché en tout cas. Et alors? Ferrer me disait qu'il voudrait bien vous voir, ici dans le Midi; je lui ai dit que le seul moyen serait d'avoir un matériel d'imprimerie (mon idée primitive); pour moi cela tient toujours, j'espère quand le moment sera venu pouvoir disposer d'au moins 300 fr; quant à Thomas, n'y comptons pas. Il n'a pas assez de ressources et c'est regrettable. Mais Devoluy, Jourdanne, mais Hello, mais Roy[4]? Il faudrait savoir combien leur apport personnel le plus tôt possible et fixer une date, car il n'y a rien d'aussi mauvais que de payer l'imprimeur et surtout de ne pas paraître à l'époque voulue. Ce qui sera bien c'est que là-bas, des peintres, des dessinateurs voient que vous n'êtes pas mort[5].
Thomas prétend qu'une revue L'Étudiant comte ou l.bre[6] ne tiendrait pas. Je prétends que le succès dépend des sommaires. En tout cas, il faudrait de la braise; sans ça, rien, et notre combinaison est encore la meilleure qu'on ait imaginée je crois.
La Jeunesse socialiste[7] est morte; J'en suis content et je ne l'ai pas caché à Lagardelle, quoique ce dernier est (sic) bien voulu faire preuve de libéralisme en m'offrant d'insérer mon topo lors de son relancement.
Je ne suis pas fâché d'ailleurs de la non insertion de ce dernier. Les lectures que j'ai faites, des réflexions nouvelles sont venues me montrer des points à modifier, à retrancher, à allonger et tout en bouquinant pour me documenter sur le Fédéralisme, je n'oublie pas le Coopérativisme (donc d'une pierre 2 coups).
Je développerai le système de la part[icipation] aux bénéfices des coop[ératives] de production. J'étudierai l'école étatiste (ou réaliste) et je crois que le sujet sera complet. J'ai toute la collection de La Révolte[8]; je la bouquine; samedi, j'ai pris à l'Université de Montpellier les 4 1ères années de La Réforme sociale, organe de Le Play[9], donc des catholiques libéraux; on m'avait annoncé ces types comme fédéralistes mais zut! d'après ce que je vois ce sont de simples décentralisateurs. Et ce fait est commun à beaucoup de pékins qui, parce qu'ils sont décentralisateurs se croient fédéralistes, ou du moins se disent fédéralistes. En somme, je crois que parmi les sociologues, il y aura peu de fédéralistes.
Je ne sais pas si je vous l'ai dit, dans L'école libérale il y a Noircon. Je bouquine La Réforme soc. de Le Play, Demolins[10], Fougerousse[11], etc... ce n'est pas un petit travail.
Je voudrais bien avoir des tuyaux sur L'Économiquede Jean Carrère[12], mais il est bien poète (attrape, Redonnel! ); j'en citerai parmi les autres écoles, qui auront fait du fédéralisme sans le savoir; tels les coopérateurs socialistes : Gide[13], Secrétan, de Boyve, etc, etc; L'école étatiste en fournira peu, l'école collectiviste Mink[14], Barrès!? Chauvière, A Berthelot, Roussell, Navarre, Lucipia. (Mais la plupart de ces types sont si politiciens que je vous recommande une interview avec Paule Mink qui, si elle veut être sincère, vous, et me par conséquent, donnera et peut donner de précieux tuyaux sur ces fédéralistes-là.
Quelques professions de foi de Barrès m'agréeraient fort. On serait fixé sur ce sympathique (au point de vue : lettres) caméléon politique.
Parmi les anarchistes, Bakounine (rappeler son action dans l'Internationale) et tous les continuateurs de sa théorie. Toutefois, ne pas oublier que Grave est fédéraliste pour... après la révolution économique, Kropotkine aussi; Mais Malatesta, Merlino sont des fédéralistes pour l'instant; Cipriani aussi; féd. aussi les mazziniens.
Vous voyez que j'ai à étudier, bien que je sois décidé à ne parler dans mon topo que des féd. français.
Vous me dites que vous comptez sur moi et les amis; usez; mais avec ma manie de documentation, je ne suis jamais satisfait de moi et de mes connaissances; si vous croyez que je puisse vous être d'un secours quelconque, usez, je ne vous dirai que ce que je saurai - mais ce sera sûr; mais je sens que si vous me demandiez un topo maintenant, je ne pourrai pas vous livrer un travail sérieux. Dans 2 mois environ, et si vous m'avez envoyé Le Fédéralismede Proudhon, je pourrai jaboter en connaissance de cause; je cherche à me procurer les Mémoires de la Fédération jurassienne.
Néanmoins, je comprends que vous serez obligé de pincer la corde décentralisatrice, qui n'est pas du tout du fédéralisme. Ainsi les cath. libéraux (Le Play) sont des décentralisateurs-communalistes et des centralisateurs-étatistes; ils sembleraient aussi vouloir la législation (dans la commune) directe par le peuple. Malgré cela, il est évident que vous pourrez faire quelque chose de sérieux et de bien. À vous de briller.
J'ai vu le petit paquet préparé pour l'envoi. Je ferai passer le manuscrit de J. Lombard[15]à de Ricard[16], s'il y a moyen. Ferrer y est allé de sa tranche, mais comme il ne veut paraître en rien, il n'y a rien de fait; et vous, gare au forceps!!!!  (faites-moi passer avec l'envoi une collection de Chimère, nlle série, la 1e est chez M. Déjean à Cette, la 2e chez Nichet, maire de Gigean, mais ce dernier a dû l'égarer et l'autre est invisible.
Rien de Kahn[17], je vous ferai un jour voir comme je m'y connais en symbolisme  - quoique dans mes écrits je ne prouve pas que je le serais...- si j'avais de la braise[18]. Et quand vous me dites que je ne suis pas symboliste, je pense toujours à la "Bête"[19] qui ne veut pas reconnaître en moi un sentimental, tout simplement parce que je ne me suis pas montré à elle sous ce jour. Ça se découd avec la filasse[20]; je cherche encore le motif, il est vrai que ça m'est égal; je ne pourrais pas en dire autant s'il en était de même avec la "Bête"; et même ça m'ennuie, car il me semble que, pour ce motif, je suis diminué. J'ai eu le grand tort de ne pas lire assez tôt Le Rouge et le noir; mais c'est une leçon pour de futures aventures. La femme est un animal que l'homme a voulu diminuer, qui se révolte lorsque le chef est trop chic! C'est le cas général, sincérité passe pour faiblesse; j'ai fait la rosse pendant près d'un an; j'ai fait en dernière analyse la cour à son amie, c'est pour cela que nous sommes bien, comme le dompteur et ses fauves.
Pour un poste de pharmacien, vous pouvez vous renseigner, quoique je ne sois moralement libre qu'en juillet 1897; si Paris ne me reçoit pas, je m'efforcerai à m'embarquer dans un cargo des messageries; mais quand même je serai de toutes nos combinaisons littéraires.
Je vais recevoir le Cantu ( ?) pour mon œuvre. 50fr - 25 sont versés.
Serrez la main à la Patrouillote et à Daniel et parlez le plus possible avec moi; ce sera bon pour tous.
Votre ami tout dévoué,
A. A. Daudé





[1] - Le KOLA-COCA était fabriqué à Montpellier. MERITE UNE RECHERCHE sur Gros le fabricant, etc... IMAGES
[2]  - Bouillonnement de projets : une nouvelle revue à lancer !
[3]-  Redonnel raisonne "comme à Montpellier", où il dirigeait à la fois les 3 revues littéraires : Chimère, La Cigalo d'Or et Le France d’Oc. A Paris, on est plus exclusif, et la rivalité des revues fait rage. Léon Deschamps, directeur de La Plume  verrait sans doute d’un mauvais œil créer une revue concurente.
[4]  - Cette énumération de créateurs potentiels de la future revue est assez hétéroclyte : Devoluy, Jourdanne sont marqués « occitans ». Roy et Hello plus sociologues… 
[5]  - Curieuse réflexion. Redonnel est très actif à Paris : secrétaire de rédaction de La Plume, il collabore à de nombreux événements. Par ailleurs, nous sommes à l’époque où il demande à une centaine d’artistes des illustrations pour Les Chansons éternelles. Il est donc loin d’être mort, ni même marginalisé. Il est vrai que pour Daudé, La Plume somnole doucement et qu’il faut la réveiller. 
[6]  - Lecture incertaine : Labreou libre : le sens est hasardeux : communiste ? libertaire ???
[7]  - La Jeunesse socialiste : revue à orientation marxiste créée en 1895 à Toulouse par Hubert Lagardelle. 
[8]  - La Révolte, organe communiste-anarchiste, créée en 1887 par Jean Grave, disparue en mars 1894.
[9]  - Frédéric Le Play, né à La Rivière-Saint-Sauveur (Calvados) le 11 avril 1806, et mort à Paris le 5 avril 1882, est un homme politique et ingénieur social français. Théoricien conservateur du catholicisme social.  Un des crateurs de la sociologie.
[10] - Edmond Demolins (Marseille 1852-Caen 1907) est un disciple de Le Play. Fondateur de la revue « La Science sociale » , il crée l’Ecole des Roches et publie en 1898 L’École nouvelle. Fondateur d’une recherche en histoire sociale.  Aucun rapport avec le Demolins, ami de Gasquet que Daudé rencontrera lors de son séjour à Aix-en-Provence. 
[11]  - Auguste Fougerousse (1838-1917), premier secrétaire de L’Union coopérative qu’il quitte pour protester contre un rapprochement avec les protestants et les dreyfusards.
[12]  - Jean Carrère ?
[13]  - Charles Gide
[14]  - Paulina Mekarska devenue PauleMink, née le 9novembre1839à Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme et décédée le 28avril1901à Paris, est une femme de lettres, journaliste, socialiste, communarde et féministe. Paule Minck monte à Paris en 1867, dans les dernières années du Second Empire, et milite aux côtés d'André Léo, tout en gagnant sa vie par de petits boulots (professeur de langues, lingère, etc.). Elle crée la « Société fraternelle de l’ouvrière », une organisation mutualiste féministe révolutionnaire. Elle participe en 1871 à la Commune de Paris, et, tandis qu'André Léo collabore avec l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, Minck, elle, ouvre une école gratuiteà l'église Saint-Pierre de Montmartre et anime le Club Saint-Sulpicerive gauche. Avec Louise Michel, elle fait également partie du Comité de vigilance de Montmartre.
Étant en mai 1871 en tournée de propagande, elle échappe à la Semaine sanglante et s'exile en Suisse. Elle correspond encore activement avec des militantes féministes et franc-maçonnes. De retour en France après l'amnistie des Communards, elle donne des conférences.
En mai 1882, elle fait scandale lors d'un séjour à Montpellier en essayant de déclarer à l'Etat-civil son fils sous les noms de Lucifer Blanqui Vercingétorix.
Fait en 1891 une très bonne critique de Liminaires, de Paul Redonnel (cité in Chimère, oct. 91). Article sur la mort de Léon Cladel dans Chimère, n°13) Elle est donc assez proche de Paul Redonnel, dont la revue Chimère a publié au moins 4 articles d’elle.

[15]  - Jean Lombard est un écrivain français, né le 26septembre1854à Toulon et mort le 17juillet1891à Charenton.
Prolétaire autodidacte et syndicaliste anarchisant, il débute comme ouvrier bijoutier, un métier qu'il pratique jusqu'à 25 ans. Mais, concurremment, hanté par la conscience politique, il travaille ferme et s'instruit dans la visée d 'entrer en politique et en littérature. Ayant de grandes difficultés à se faire une place dans le monde des lettres, Il s'installe d'abord à Marseille puis à Paris où il espère mieux gagner sa vie. Marié, père de trois enfants, il s'établit à Charenton où il meurt prématurément à 37 ans, alors qu'il est le rédacteur en chef d'une petite revue éclectique "La France moderne". Ses deux romans les plus connus sont L’Agonie (1888) -édité chez Paul Ollendorf- qui évoque avec vigueur, dans la manière de "l'écriture artiste"1, le règne et la chute de l’empereur romain de la décadence Héliogabale(Élagabal dans le roman), et Byzance (1890), édité chez Paul Ollendorf, réédité chez A. Savine, dont l’action se situe au VIIIe siècle, lors de la crise de l'iconoclasme.
Après sa mort, un grand mouvement se dessine pour rééditer ses livres et éditer ses œuvres inédites. Gide, entre autres, y participe activement. Nous découvrons ici le rôle de Redonnel et de Louis-Xavier de Ricard dans la révision de ces manuscrits.
[16]  - Louis-Xavier de Ricard est cité comme littérateur en non comme fédéraliste. Cet auteur est bien connu par ailleurs. Rappelons que Louis-Xavier de Ricard (1843-1911) est un poète, écrivainet journaliste français. Il fut éditeur de La Revue du progrès1,2, dans laquelle fut publié le premier poème de Verlaineen 1863, codirecteur de publication, avec Catulle Mendès, du premier recueil de poésie Le Parnasse contemporain, en 1866, associé à la Commune de Paris (1871), associé au Félibrige. C’est un des félibres rouges, militant d’un fédéralisme sans doute plus romantique que celui de Daudé.
[17]  - Gustave Kahn, né à Metz (Moselle) le 21décembre1859 et mort à Paris le 5septembre1936, est un poètesymboliste et critique d'art français. Kahn écrivit Les Palais nomades, le premier recueil de poèmes composé principalement en vers libres (1887), et fut le premier à développer une théorie de ce procédé poétique.
[18]  - De l'argent.
[19]  - Une fiancée ?
[20]  - Une autre fiancée ?







Numéro le La Plume consacré à Félicien Rops
Polémique avec Lagardelle


Gigean , lundi   [juillet 1896 ?][1]

Mon cher Redonnel 

Je suis allé hier à Montpellier. Vu votre dépositaire[2]. Il a reçu les suppléments au 8e n° de Rops (chiffres italiques) ; il paraît que cela a été facturé par l’administration de La Plume. Pour cette cause, les acheteurs gueulent au vol comme des putois (une partie de catalogue pour 0,60fr !!!). Si c’est une erreur de votre part, écrivez au dépositaire qui remboursera la galette.
J’ai reçu une carte de Lagardelle me donnant son adresse, Thomas aussi ; si vous le voyez, dites-lui que nous attendons plutôt des lettres, moi surtout, la démolition de mes précédentes lettres.
Voici la 3eou 4e ? lettre que je vous écris; voyons si j’aurai bientôt une réponse.
Quand viendrez-vous ?
Amitiés à tous

A. A. Daudé




[1]  - Datée d’après la parution en juin 1896 du n° de La Plume consacré à Félicien Rops.
[2]  - Sans doute le libraire Coulet, Grand rue.






Polémique amicale avec Jean Grave
Vitriolé au visage en ouvrant une bouteille d’acide sulfurique
Les Redonnel à Lamalou bientôt ?
Les illustrations pour les Chansons éternelles paraissent dans La Plume
Article sur le Coopérativisme traduit et publié en tchèque
Son traducteur emprisonné à Vienne
A proposé des articles de Redonnel à Vienne
Portrait de Redonnel par Edmond Rocher
Projet de départ en Abyssinie


Gigean, mardi soir  [ fin 1896 selon les illustrations des Ch. Et. dans La Plume]


Mes chers amis,

3eou 4e lettre ? J’attends avec impatience de vos nouvelles et cela d’un moment à l’autre. Aussi ai-je retardé d’un moment à l’autre celle-ci jusqu’à maintenant, comptant sur le dimanche pour une épitre de vous, rien. Tant pis.
Reçu une lettre de Grave. Il a peur que je lui en veuille après la discussion (car nous en sommes aux pointes, dit-il) que je lui ai proposée dans les T.N. [1]. Il ne me connaît pas. Je lui ai dit ce que je devais lui dire, je lui ai reproché son orthodoxie dans ma lettre ; mais si je blâme cette attitude, tu peux lui affirmer de nouveau que, le sachant absolument désintéressé, je ne lui en veux pas de son attitude ou même de ses attrapages possibles.
Jeudi, je suis allé me faire extirper une dent à Montpellier. Ce n’était pas bon.
Samedi soir, après ma lettre à Grave, je me suis vitriolé; en débouchant une bouteille d’acide sulfurique, j’ai été éclaboussé à la binette. Heureusement, le lorgnon m’a protégé; sans ça, l’œil droit y passait. Tout de suite, eau, magnésie, maintenant, les tâches noircissent, se déssèchent; j’espère qu’il n’y paraîtra plus dans 15 jours.
Quand devez-vous venir à Lamalou? Il faut se voir.
Tu illustres bougrement tes Chansons[2]. Et bien; c’est parfait, nous verrons ça au moment.
Le journal Volné Listy[3] de Bohême va publier et éditer mon Coop. des Ec. soc.[4] en tchèque. Il publiera aussi : L’Idée de mérite, de Thomas[5].  Et j’ai promis au traducteur : Jaroslas Jirousck - qui va faire 2 mois de prison – de ta copie. Donc, aboule ce que tu voudras (c’est un journal anarcho) et tu te verras en tchèque. Je recevrai chaque fois que besoin sera plusieurs exemplaires du Volné Listy, et t’en ferai passer, naturellement.
Prière d’envoyer à la marchande du Petit Marseillais un exemplaire de L’Illusoire aventure d’A . Boissière[6].
À propos, ta binette dans la Revue du Languedoc[7], je trouve que c’est ça. Bono, Rocher.
Mondon, cons. gén. n’est pas parent de Mondon d’Abyssinie[8], zut ! Je vais écrire à celui-ci ce soir-même.
Si ça va et si je m’y trouve bien, je vous fais signe et nous sommes là-bas qq bons types. En somme, un peu chaud, mais ça vaut mieux que le Tonkin ou Madagascar, n’est-ce pas? Et puis, 1900 est là! Si on s’y embête trop, on revient avec le patron (car il viendra bien pour l’Exposition) et on le salue.
L’heure du courrier me presse ; bonjour à tous. Pat[9] a-t-elle eau de Cologne ? Dois-je lui en tenir de prête pour juin ? Viendrez-vous ?
La patte à tous de ton ami dévoué,
A. A. Daudé

Marion travaille au Sans-Pareil[10]. Tous vont bien.




[1]  - Les Temps Nouveaux. 
[2]  - L’illustration de la 2eédition des Chansons éternelles paraît dans La Plume durant toute l’année 1896. Cette édition, de 1898, est illustrée par Mucha, Valère Bernard, F. A. Cazals, Gaston Cugnenc, Ernest Michel, Edmond Rocher, Jules Valadon et des dizaines d’autre. 

[3]  - Volné Listy (Feuilles libres) journal anarchiste tchèque.  Publié d’abord (en tchèque) à New-York, il paraîtra à Vienne à partir de 1893.

[4]  - Titre : Coopérativisme des écoles sociales.  
[5]  - La préface déjà publiée dans La Plume.  
[6]- Albert Boissière, Albert (1866-1939) : L'illusoire aventure, Paris, Bibliothèque artistique et littéraire, 1897. Boissière est un humoriste feuilletonniste au Figaro.
[7]  - La Revue du Languedoc, éditée à Lamalou publie un portrait de Paul Redonnel par Edmond Rocher.
[8]  - L’Abyssinie… !  Rimbaud, mort en 91, ne sera pas un de ces « bons types »
[9]  - Pat = La Patrouillote
[10]  - Magasin de confection Grand Rue à Montpellier (Boka).




 

Suite du service de presse


[Feuille isolée, portant une pagination 5. Fait suite à la lettre : Gigean, mardi soir 96 (dent arrachée)]

Le père de Thomas toujours mal foutu. Thomas devient de plus en plus idéaliste (vois sa préface tchèque) et de moins en moins économiste. Hier, il est venu en vélo : pneu crevé et salement. Amitiés à tous de lui.
Marion est au Sans-Pareil. Marius[1] toujours comptable; mère et moi en bonne santé. Depuis un mois, c’est à dire depuis ma dent extraite, j’engraisse… c’est ignoble. Car je ne fais rien ou si peu!!
Voici les publications françaises en retard :
Tous les députés, excepté Jaurès[2]; Comte de Rocquigny; association catholique; Brelay; Fallot; Montorgueil; J. Babin; Revue du christianisme social; Mirbeau; B. Lazare; Revue socialiste; Question sociale; Le Devoir de Suisse; S. Faure; Descaves; Charnay; Allemane; Revue Blanche; Fougerousse; Économiste européen; Coq rouge; Mercure de France; Louis Lumet; L’Étudiant socialiste; L’Université nouvelle; Drumont; Revue féministe; Sarçay; Bauer; L. de Gramont; Revue bleue; Nouvelle revue; Parsons ; Arte (L. Pilate de Brin- Gaubast); Dr Corré; Ermitage; Charriant; Dr Delon; Ch. Letourneau; M. Lima; G. de Barrigue de Fontainieu; X. de Carvalho; Gaston Deschamps; Flammarion; de Chambrun; Eugène Guérard; Réveil du Nord; Intransigeant; Le Stéphanois; Le Socialiste ardenais; etc … etc…
Il ne faut pas en vouloir à la plupart. Ils n’y ont peut-être rien compris et pourtant je crois être clair.
Néanmoins, envoie 20 exemplaires de plus au moins, la distribution continue; en avant la musique et bonsoir à tous.
Pressé.
Votre ami dévoué,
A. A. Daudé




[1]  - Le frère de Daudé.
[2]  - Pourquoi cette exclusive concernant Jean Jaurès ?







Redonnel et la Patrouillote vont voir Ferrer à Lamalou
Rencontre avec Daudé dans le train Gigean-Montpellier


Gigean, lundi matin (début décembre 1896)

Mon cher Redonnel,
C'est ce matin seulement que je reçois votre lettre du 4. Télégraphier à Paris, inutile, puisque vous partez ce matin même. Par conséquent, je vous écris PR comme vous me l'indiquez; j'écris aussi à Ferrer[1] dans le cas où ceci ne vous parviendrait pas.
J'écris à ma famille.
Dès votre lettre, j'ai interwieuvé le fils de ma patronne[2] et je lui ai fait promettre de flamber un cours de vendredi soir. Heureusement, il n'est pas en 2e année, car alors ce serait impossible à cause des travaux pratiques.
Donc, sauf événements imprévus et imprévoyables, je prendrai vendredi 11 décembre à 1h après-midi le train qui va d'ici à Montpellier et qui arrive à Montpellier un peu avant 2h. Ferrer vous le répétera, je vous engage à prendre le train qui part de Lamalou à 10h et passe ici à 1h après-midi. Je grimperai dans votre wagon à Gigean même et nous aurons une heure de plus à bavarder. Nous blaguons bien les femmes, mais en définitive, c'est un tort; la langue est qq chose bien plus pratique que la plume quoique l'une ne soit qqfois qu'un instrument pour réaliser l'autre. Par conséquent, nous parlerons, et beaucoup.
Mère tiendra le souper prêt car je lui annonce votre arrivée et nous passerons le plus longtemps possible ensemble.
A vendredi après-midi donc, soit ici, soit à Montpellier, dans le cas où vous auriez laissé Ferrer le matin de bon matin.
V. ami tout dévoué
A. A. Daudé.




[1]  - Ferrer et sa femme Magali sont à Lamalou-les-Bains.
[2]  - Daudé doit faire la jonction entre le décès d'un pharmacien et la reprise de l'officine par son fils qui finit ses études.






 
Distribution de La Plume par Le Petit Marseillais ?
Ventes de La Plume à Montpellier
Débacle d’un distributeur des Chansons éternelles
Commande des livres à Jean Grave
Envoi du manuscrit de L’Affamé de Jean Lombard pour Louis-Xavier de Ricard
Une coopérative lancée par Pierre Thomas soutenue par Charles Gide
Maffre de Baugé est décentralisateur, pas fédéraliste
J.B. Bénézech, syndicaliste, présent sur toutes les listes des municipales
Exposition de 1896


Gigean 6 avril soir [1896]
Mes chers amis,

C'est encore moi. Aux affaires d'abord. Le nom du patron du Petit Marseillais : Léautaud. Il n'y a pas de commissionnaire à moins que n'appeliez commissionnaire Le Petit parisien avec qui ils sont en relations et où on pourrait très probablement déposer La Plume; voyez vous-même si cela peut aller.
Inutile d'envoyer les 2 collections.
On a envoyé à nouveau 4 n° de plus consacrés à Verlaine[1]; il est peu probable qu'ils soient vendus.
Cette fois-ci, on a bien reçu 10 ex. de La Plume, c'est bien. J'ai écrit l'autre fois à Thomas, il s'est occupé de l'affaire. On lui remettra les exemplaires des Chansons éternelles et 2 de Bois ton sang[2]. Avant la débâcle, combien aviez-vous envoyé de Chansons? Aussitôt que je les aurai, j'en ferai un colis postal et vous les expédierai là-bas.
Je vous envoie un mandat de 12 fr et cette fois c'est la Patrouillote qui va écoper. Munie de ces 12 fr, elle dira à Grave de me faire passer la liste d'ouvrages portés sur cette carte en lui donnant mon adresse... et les 12 balles.
Si vous avez les exemplaires de la nouvelle série de Chimère vous pouvez les ajouter, avec aussi votre Fédéralisme de Proudhon ainsi que le roman de Jean Lombard que j'apporterai à de Ricard[3]. Inutile de vous dire que j'aurai vite bouquiné Le Fédéralismeet que je vous le renverrai aussitôt.
Il paraît que la Revue Blanche d'il y a qq mois contient un article sur le fédéralisme.
Le pauvre Thomas est malade. J'ai été samedi recevoir Gide à la gare; Thomas avait lancé une coopérative et Gide venait la soutenir de sa parole; le pauvre Pierre était sur le flanc; le médecin a conclu à la rougeole; je l'ai vu à 8h du soir, je crains fort la petite vérole. Je souhaite vivement d'être pessimiste.
J'ai vu un article de Jourdanne dans La Dépêche. Lui avez-vous écrit ainsi qu'aux amis pour notre combinaison? Pour moi, je crois que c'est la seule bonne et c'est à cela que nous devons viser.
La concierge de sa maison a boulotté 300 fr à ma cousine-propriétaire. Y aurait-il un Dieu?
Rothner[4] a donné une conférence à Cette sur "Clémence Isaure". M. Maffre de Baugé[5] dirige La Vie Montpelliéraine. Ce dernier est un adepte de l'école catholique libérale de Le Play; J'ai vu ça en bouquinait La Réforme sociale, la revue de cette école. Dans le cas où la décentralisation est la même chose que le fédéralisme, Maffre est fédéraliste; sinon, non.
Je crois qu'il y a là une confusion qu'il faut faire cesser; s'il n'y a pas confusion, j'ignore le fédéralisme; d'ailleurs je sens que j'ai besoin de lire Proudhon.
Vous avez sans doute reçu l'envoi de Marion.
Bonne histoire! Bénézech[6]est populaire à Montpellier, vous le savez. Alors, pour les élections cipales (sic) toutes les listes le présentent, paraît-il. Il a fait le projet de faire des affiches communistes pour le jour de l'élection et pour lui seul. Si c'est fait, nous rirons. Car il sera élu.
Vous savez qu'on prépare une exposition pour le 26 avril à Montpellier. Je soupçonne une cacade[7]. Tartempion triomphera quand même : c'est ce qu'il désire[8].
A bientôt mes chers amis, une lettre de vous; je suis légèrement abruti, excusez donc le décousu de ma lettre. Quand je pourrai, j'enverrai d'autre braise pour d'autres livres. Sur toute cette liste, La Fr. pol. et soc. seule pour moi, le reste est pour Choisy.
Amitiés à Daniel et je vous les serre à tous, votre ami tout dévoué
A. A. Daudé


Faites envoyer le plus tôt possible tout cela.




[1]  - Verlaine vient de mourir le 8 janvier 1896.
[2]  - Pierre Dévoluy (1862-1932) :  Bois ton sang. Préface par Albert Lantoine, éditions de Chimère, Montpellier et Librairie de l’Art indépendant, Paris. 1892.
[3]  - Il s’agit du manuscrit de L'Affaméde Jean Lombard que Louis-Xavier de Ricard doit réviser.
[4] - Alfred Rottner est de Cournonterral comme Paul Redonnel. Il a collaboré régulièrement à La Cigalo d’Or et à Chimère, toutes deux dirigées par Redonnel. En Septembre 1890, il fait jouer à Poussan la comédie Lalio, écrite avec Bastide de Clauzel (de Cournonterral). Le 24 mai 1891, c'est à Cournonterral qu'est créé Un souldat amourous, des mêmes.
[5]  - Achille Maffre de Baugé, après avoir été à l’initiative de La France d’Oc, dont Redonnel a été rédacteur en chef, dirige un moment La Vie montpelliéraine, une gazette mondaine et littéraire de Montpellier. 
[6] - Jean-Baptiste Bénézech (1852-1909). Ouvrier typographe. Militant syndicaliste et socialiste, trésorier de la Bourse du travail de Montpellier, il adhère en 1890 au Parti Ouvrier Français de Jules Guesde. Député de la 2ecirconscription de l’Hérault en 1898, réélu en 1902 et 1906. Adhère à la S.F.I.O. en 1905. Effectivement, il est élu au Conseil municipal de Montpellier en 1896, et le reste jusqu’en 1908.
[7] - En effet, cette exposition, la plus importante sans doute jamais organisée sur l’Esplanade de Montpellier brûla en août 1896, occasionnant des pertes considérables : œuvres d’art, documents, machines…
[8]  - Peut-être Alexandre Laissac, maire de Montpellier réélu en avril 1896 ?





 
Le manuscrit de Jean Lombard perdu par la Poste ?
Va rencontrer Albert Arnavielle
Daudé symboliste car partisan du poème en prose et du vers libre qui sont l’avenir de la poésie




Gigean  samedi 18 avril 1896

Mon cher Redonnel

Vous m'annoncez dans votre lettre l'arrivée de 2 colis postaux. Je n'en ai reçu qu'un hier matin et la feuille de chemin de fer ne portait qu'un colis postal. Qu'est devenu l'autre? Ne l'avez-vous pas envoyé? S'est-il égaré? Dans ce dernier cas, il faut réclamer et s'il est perdu faire payer beaucoup par la Compagnie, car c'est de mon point de vue et au vôtre je pense, de beaucoup le plus important. Il doit contenir, en effet, le roman de Lombard, Le Principe participatif et les Gaspillages[1]. Je ne sais comment expliquer cette suppression de colis.
J'ai fait surveiller tous les arrivages en gare hier et aujourd'hui. Rien.
J'ai reçu ce matin une lettre du père de Thomas, il va mieux. La tête est à peu près séchée; seuls le buste et les jambes sont encore pris. Cette amélioration dans son état me permet d'aller demain matin à Montpellier; je pourrai voir l'Arabi[2] et autres. Je prendrai les livres à la gare et dans 15 jours, lorsque j'aurai ceux de Cette, je vous ferai parvenir le tout à l'adresse indiquée.
Vous m'avez bougrement gâté avec Chimère, merci. Merci aussi de la part de Lucien Choisy pour tout le travail occasionné par les œuvres de Bakounine. Le mois prochain, je vous ferai parvenir un peu de braise pour Grave : mon abonnement aux Temps nouveaux, et divers livres, que vous pourrez lire si vous voulez avant de me les envoyer.
J'ai reçu mon Histoire universelle de Cantu, 17 volumes jusqu'en 1789. Le hasard m'a fait découvrir le prix de vente du bouquiniste de Paris à celui de Montpellier, 20 fr. Il m'en a foutu pour 50. Il me semble qu'il y a là un coulage que nous pourrions à l'avenir éviter. Qu'en dites-vous?
Je vous ai dit que je suis symboliste et vous avez ri. Ce n'est pas rigolo. En tout cas, je pose ceci : Retté[3]est un symboliste, vous me le concédez sans discussion, n'est-ce pas? Eh bien, ouvrez le dernier n° de La Plume, lisez dans Préface omise la 2e colonne, il préconise le vers libre, tout à fait libre; du vers libre au poème en prose, il n'y a qu'un pas. Quant à ce que j'ai appelé, je crois, l'orchestration du poème en prose, n'est-ce pas tout indiqué là aussi? Lisez et comparez sa thèse et la mienne, soutenue l'année dernière dans mes lettres à vous.
Est-ce à dire que toute poésie symboliste et orchestrée selon ce mode doive être toujours bonne, non; mais je crois que des œuvres de ce genre sont à créer et que la forme "poème en prose rythmé" prévaudra au prochain siècle.
Je ne suis pas poète; mais il me semble que là est l'avenir de la poésie. Seulement pour réaliser cela, il ne faut pas être obligé de penser à vivre d'abord et 2° et surtout il faut être artiste.
Gaudissez-vous à l'aise, je suis sûr que l'avenir ne me donnera pas tort.
En faisant des vœux pour que nous puissions retrouver le colis postal, recevez, mes chers amis, mes remerciements empressés,
votre bien dévoué
A. A. Daudé

J'ai vu avec plaisir que vous aviez avant La Plumeimprimé du Michel Abadie[4] dans Chimère.
Je verrai demain De Ricardet lui ferai part des offres de La Plume.




[1]  - Textes non identifiés. 
[2]  - Pseudonyme d'Albert Arnavielle, le « félibre intégral » qui a été co-directeur de La Cigalo d’Or.
[3]  - Adolphe Retté : D'abord anarchiste (le soir de l'attentat anarchiste, il porte, lors d'un banquet de La Plume un toast à Vaillant), il évolue progressivement vers un catholicisme intransigeant. Il racontera ses souvenirs de poète symboliste dans  Du Diable à Dieu, un titre qui va loin. Ses oeuvres sont en quasi totalité publiées aux éditions de La Plume. ou chez Vannier : Cloches dans la nuit(1889), Thulé des Brumes (1891), Une Belle dame passa (1893). Directeur de L'Ermitage jusqu'en décembre 1892 où il est remplacé par Stuart Merill. A collaboré à Chimère.
[4]  - Mikaël Abadie sera, avec Maurice Le Blond et Saint-Georges Le Bouhelier un des fondateurs des revues Le rêve et l'idée (1894) et  La Revue naturiste  ainsi que du courant naturiste.  







 
A rencontré Albert Arnavielle à Montpellier : entente difficile
Contact avec Charles Gros, liquoriste et félibre
Les Chansons éternelles vendues (et surtout invendues !) en gare de Montpellier
Les mêmes à Sète
L.-X. de Ricard veut terminer L’Affamé de Jean Lombard… si on retrouve le manuscrit

Gigean, lundi 20 avril 96

Mes chers amis

Ainsi que je vous l'ai dit dans ma lettre de samedi, je suis allé hier à Montpellier.
J'ai remis à Arnavielle son paquet et l'épître. Enchanté d'avoir de vos nouvelles. Faure[1] l'a terrifié et moi itou à cause de notre morale... immorale; si bien que nous nous sommes attrapés, ça ne nous a pas empêchés de nous serrer la main après. Il m'a remis à la boite Pezet[2] le paquet demandé. Comme ce paquet était maigre, cela m'a surpris, d'autant plus que je pensais y trouver beaucoup, bref, cela me semblait bizarre. J'ouvre et je trouve : une lettre que voici, vous l'aurez avant le colis et des Campanas[3] seulement avec l'annonce de la cessation au n° 134 de La Cigaloet La Plume 1890[4] que je bouquine et que je vous enverrai avec  tout le reste. Inutile de dire que je la bouquine et aussi que je soigne le tout.
2° Charles Gros[5] absent pour la barbe : ça menace d'être long, surtout quand il s'agit d'un félibre - souvent doublé d'un bavard - et... tempus irreparabile fugit, je laisse le cliché et vos remerciements à Mme Gros et voilà...
3° Je vais à la gare : j'accoste la biblio du Vestibule, une névrosée féroce qui ne vous enlèvera pas votre mari, Patrouillote. Redonnel, ça la met dans une colère du diable, je coupe court à ses compliments, je lui montre la feuille de Hachette : Avez-vous, oui ou non, à me remettre 6 ex. Ch [Chansons éternelles] et 6 ex. Lim [Liminaires]? Non, car chaque fois que ça a été porté sur mon compte, j'ai biffé pour bien marquer que je n'en avais pas et que je n'en voulais pas! Je passe au quai, là c'est tout le contraire; on est tout miel, très chic. D'ailleurs, celle-ci me demande toujours de vos nouvelles - elle est vieille, rassurez-vous Patrouillote - je demande si elle a 12 Ch et 11 Lim. Réponse : 6 Chansons, 5 Lim.; ça ne fait pas mon affaire, je ne lâche ni lettre ni quittance quoiqu'elle m'ait offert les 11ex. + 1.35. Que faire?
Le 3 mai, j'irai à Cette chez Laurent, j'espère pouvoir y prendre les volumes ou la braise; dites-moi comment faire pour Montpellier et si j'avais le tout je vous l'expédierais le 4 mai avec le paquet de l'Arabi.
Tuyaux sur le colis non parvenu. De Ricard se charge de terminer L'Affamé[6], les conditions de La Plume lui vont; mais ce serait rudement embêtant si ce colis était perdu.
Marion a reconnu sa faute, elle doit vous écrire bientôt.
Je vous les serre, Votre ami tout dévoué

A. A. Daudé

P.S. L'occasion se présenta pour moi, l'année dernière, je crois, de lire Un cas, de Mlle Cécile Féline[7]. La pauvre fille doit être bien malade. Le compte-rendu de La Plumepourra-t-il la remettre d'aplomb?

A.A. Daudé




[1]  - Peut-être Maurice Faure, député ministre. Effectivement, Arnavielle, catholique « intégral » n'était vraiment pas proche des socialistes.
[2]  - Paul Pezet, futur maire de Montpellier, était médecin et pharmacien.
[3]  - Des exemplaires de La Campana de Magalouna, célébrissime revue occitane montpelliéraine.
[4]  - Quel numéro de 1890 ? Le n° de La Plume consacré aux félibres est de 1891. 
[5]  - Charles Gros (1841-1911) : poète félibre limonadier liquoriste anti-alcoolique : un « personnage » montpelliérain. Spécialiste des vers “publicitaires” et de circonstance, ne publie qu’en occitan. Vice Président du Félibrige latin. Liquoriste-distillateur, il publie en 1906  Marineta e lous desastres de l'alcool.
[6]  - Est-ce que L.X. De Ricard a complété le livre inachevé de Lombard?  Est-ce que le manuscrit a été perdu ? Je n’en ai pas retrouvé trace.
[7]  - Cécile Féline ? Fait-elle partie de la famille des musiciens montpelliérains ?





Redonnel ne répond pas aux lettres
Que faire des Chansons éternelles invendues à Sète ?
Difficultés familiales de Daudé
Commande En Dehors de Zo d’Axa


Gigean, jeudi.  8 juin 96[1]

Mes chers amis
Je ne sais que penser de votre silence. Êtes-vous malades? Que devenez-vous? Voila deux lettres envoyées, pas de réponse. Ce qui fait que je ne sais pas si elles sont parvenues et le colis postal  aussi.
Le syndict (sic) de Cette doit me prendre pour un fumiste et en supposant que non, il doit trouver que nous le prenons à l'aise avec lui. Abandonnez-vous les 2 bouquins qu'il a encore? Et en ce cas, dois-je vous envoyer les Liminaires restant? À bientôt votre réponse.
Il y a du nouveau à la bicoque. L'oncle nous lâche, il se remarie; son fils reste avec nous. Marion va tâcher de se caser. Nous allons déménager pour raison d'économie. Thomas va un peu mieux, mais il en a encore pour 3 mois au moins avant d'être sur pied.
Puisque vous êtes encore à La Plume, je le pense du moins car sans cela vous me l'auriez écrit, faites-moi passer le livre En Dehors de Zo d'Axa[2]; je n'ai, malheureusement, pas la collection de ce journal; ayons-en au moins une partie.
Je suis en dèche, par conséquent, je ne vous envoie pas de braise pour Grave.
À bientôt; si ce cher rossard est toujours aussi rossard, je prie et au besoin je requiers la Patrouillote d'y aller de son topo à votre intention; je vous serre la main.
Votre ami tout dévoué

A.  A. Daudé

Dites à Daniel que le cousin Marius est à peu près guéri de sa main.
Ci : 9 timbres pour le volume en question.




[1]  - Le 8 juin 1896 est un lundi.
[2]  - Alphonse Gallaud de la Pérouse, dit Zo d'Axa, né le 24 mai 1864 à Paris et mort par suicide le 30 août 1930 à Marseille, est un individualiste libertaire, antimilitariste, pamphlétaire et journaliste satirique français, créateur du journal L’En-dehors et de La Feuille.
Il fonde, en mai 1891, L’En-dehors un hebdomadaire dont le titre résume à lui seul sa pensée et qui publie 91 numéros jusqu'en 1893. Les collaborateurs, anarchistes ou non, y sont nombreux : Tristan Bernard, Georges Darien, Lucien Descaves, Sébastien Faure, Félix Fénéon, Bernard Lazare, Errico Malatesta, Charles Malato, Louise Michel et Octave Mirbeau, pour n'en nommer que quelques-uns. Dans une atmosphère de propagande par le fait et d'attentats, L’En-dehors est rapidement la cible des autorités, et subit perquisitions, poursuites et saisies. D'Axa, Louis Matha et Lecoq finissent par être condamnés.
Après l'arrestation de Ravachol et de ses compagnons, Zo d'Axa lance une souscription pour les enfants des détenus : « pour ne pas laisser mourir de faim les mioches dont la Société frappe implacablement les pères parce qu’ils sont des révoltés». Il distribue l'argent aux familles, ce qui amène son arrestation pour « participation à une association de malfaiteurs ». Emprisonné à Mazas, refusant de répondre aux interrogatoires ou de signer quoi que ce soit, il est mis au secret, sans visite de ses proches ou de son avocat. Remis en liberté provisoire au bout d'un mois, Zo d'Axa déclare ironiquement, à sa sortie de prison : « Notre pauvre liberté, provisoire toujours ».








Diffusion des Chansons éternelles à Sète
Daudé a écrit à Paule Mink
À quelle école sociologique appartient Mistral ?
La Plume prépare un numéro sur le fédéralisme
Barrès est très fumiste
Le capitalisme interdit les réformes économiques
Difficultés d’un socialisme d’état
D’accord avec Jaurès
Défense et illustration des Décadents et Symbolistes
Retté trop critique envers Mallarmé
Leroy-Baulieu provincialiste
Le projet Jean Lombard / L.X. de Ricard au point mort
Contre Proudhon




Gigean, vendredi . Juin 96

Mon cher Redonnel,

Je m'en doutais, bien que vous ayant prévenu d'écrire à M. Bardy syndic de la faillite Laurent à Cette, vous ne l'avez pas fait. J'ai retardé l'envoi de la messagère d'ici, jusqu'à lundi, pensant que vous auriez trouvé un moment pour le prévenir. Pour vous mieux démontrer que je m'en suis occupé, et que vous m'avez fait faire un pas de clerc, je vous envoie la lettre de M. Bardy. J'attends pour envoyer à nouveau la commissionnaire chez ce monsieur, que vous m'ayez prévenu par lettre, que vous lui avez écrit.
Cela me vaudra d'abord le plaisir de vous lire, rossard! et ensuite, de vous faire rentrer en possession de vos 4 Liminairesrestant chez moi et de ces 2 épaves, ainsi que vous pouvez le voir sur la lettre de M. Bardy.
J'ai écrit à Paule Mink, qui s'est empressée de ne pas me répondre; heureusement, j'ai les tuyaux nécessaires et je me passerai de sa lettre. C'est encore elle qui me boude après m'avoir pastiché!!! J'avoue que le monde n'est pas beau; mais quand même, vous ne me ferez pas dire à moi, déterministe enragé, que cela provient uniquement des personnes. Je brûle de connaître vos opinions économiques pour pouvoir vous loger dans mon topo.
Savez-vous à quelle école sociologique appartiennent : Maffre de Baugé, Mistral? À l'école catholique libérale? Il fait bon bouquiner, on apprend toujours.
Urgent : Combien me donnez-vous de pages d'un cahier de 2 ronds pour ma tartine? Et vers quelle époque le n° fédéraliste? Il est évident que si vous y rangez sous la dénomination fédéraliste, et vous le pouvez, tous les types qui sont décentralisateurs, autonomistes, régionalistes, etc, etc, votre n° sera épatant. Toutes les écoles seront représentées. Je jouerai le grincheux, c'est d'ailleurs la spécialité des économistes d'être rébarbatifs.
Vous avez bien reçu ma lettre, le petit mandat et le colis mandat, n'est-ce pas?
Je vous disais, chère Patrouillote, que je croyais Barrès fumiste, je le crois très fumiste en effet; ce n'est pas que je dise ceci pour médire de lui, mais franchement, il nous les envoie trop grosses, d'après lui le système proudhonien conserve l'équilibre entre le collectivisme et l'anarchisme!!! C'est roulant!
Je ne sais pas si vous êtes proudhonien, vous aussi, à la façon de Barrès ou d'un autre, mais franchement, j'espère bien démontrer que : grâce à la concentration capitaliste de l'argent, les réformes qui tendraient à être instituées soit par les particuliers, soit même par l'État seraient forcément vouées à l'échec formel. Comme je n'avance rien que je ne prouve, je vous prie de remarquer les piètres résultats des sociétés de crédit, des sociétés coopératives de production créées en dehors de l'ingérence de l'État. D'un autre côté, les difficultés qu'éprouveront et ils ne se dissimulent pas eux-mêmes, les radicaux-socialistes lorsqu'ils voudront faire du socialisme d'État.
Les grosses fortunes, les grosses compagnies peuvent paralyser même l'État; ce n'est pas le socialisme réformiste proudhonien qui évitera la Révolution. Il est dores et déjà condamné, et Jaurès, fédéraliste lui aussi, a provoqué sur ce sujet il y a qq jours Humbert[1], le député de Paris, qui avait marqué des tendances pour la doctrine proudhonienne. Oui, mon brave, c'est ainsi; si vous êtes proudhonien, j'espère vous démontrer que ce n'est plus de notre temps.
L'autre jour, j'ai écouté un éreintement des Décadents, des Symbolistes, des Instrumentalistes par un jeune qui sera calé, je l'ai laissé dire et puis je lui ai lu votre poème final : "Mais que c'est loin la terre"[2] de vos Chansons (c'est le meilleur, selon moi, de tout le livre); un poème en prose de Henry Bordeaux, des vers de Retté; deux poèmes en prose (imitative) de Émile et Franz Erens (hollandais); il va sans dire que je l'ai collé et que ça l'a retourné net.
Retté a été bien sévère pour Mallarmé qui d'après ce que vous me fîtes lire, ne mérite pas un si violent abattage.
Vous avez dû recevoir une lettre de Marion. Le cousin va mieux. Thomas aussi, mais il est très faible; il a son œil malade déjà, très-malade; il est faible.
Dimanche, j'étais à Cette; les félibres y sont venus, ils se sont bien amusés, mais il m'a été impossible de me joindre à eux; car je suis resté aux côtés de Petrus[3], pour le distraire.
J'ai eu des tuyaux sur Leroy-Beaulieu[4] provincialiste. Il sera bien marqué.
Que devient Daniel? Quand j'aurai de la braise, je vous en ferai passer pour Grave. Est-ce que la galette abonde davantage chez vous? Je vous le souhaite.
Que répondre à De Ricard, lorsque je le verrai au sujet du roman de Lombard? Je n'ose pas aller chez lui.
Je vous serre affectueusement la main, votre ami tout dévoué
A.  A. Daudé


Il paraît que Bernard Lazare[5]a fait une confé. sur le fédéralisme. Tuyaux? Remarquez le peu de logique de Proudhon : dans son livre Qu'est-ce que la propriété, il débute par : "La propriété, c'est le vol", et tout son système tend à étendre, conserver, à diffuser la propriété, v. p. 319-320 du Principe fédératif. Il veut donc perpétuer, fortifier le vol ???


[1]  - AlphonseHumbert (Paris, 21février1844 - Paris, 27décembre1922). Internationaliste et blanquiste, Alphonse Humbert collabore à la presse républicaine d’opposition à Napoléon III. Il publie Le Père Duchêne pendant la Commune.
En tant que communard, il est déporté à Nouméa (Nouvelle-Calédonie). En 1879, il est gracié notamment grâce à Georges Clemenceau et devient conseiller municipal de Paris (Grenelle).
Il sera député de la Seine (1893-1902).
Il disait : « Le meilleur des gouvernements est celui qui gouverne le moins ».

[2]  - … Mais que c’est loin la terre !
Je viens du temple inaccessible, et ne le serait-il point, interdit même aux rêves des âmes humaines et planétaires.
Avec la bonne pensée de t’apporter la fortune de mes caresses et la manne de mes baisers, je suis accourue.
Regarde avec l’intention de voir, mais tu ne me verras point.
J’essore de là-bas, et il faut bien que je t’aime simplement pour m’en être venue de si loin t’investir du sacerdoce.
[3]  - Pierre Thomas?
[4]  - Paul Leroy-Beaulieu, (1843-1916) fondateur en 1873 de L’Économiste français, et auteur de nombreux livres d’économie. Huit fois candidat conservateur à la députation de l’Hérault, huit fois battu.
[5]  Lazare Bernard, dit Bernard Lazare, né à Nîmes (Gard) le 15juin1865 et mort à Paris le 1erseptembre1903, est un critique littéraire, journaliste politique (il couvre les événements de la mine de Carmaux), anarchiste et polémiste français juif. Il fut le premier des dreyfusards et a théorisé le sionisme libertaire.




Envoie du Kola-Coca et de l’eau de Cologne
Recette du Kola-Coca
Rapports tendus avec « Le Cercle » ( ?) et la revue Société nouvelle de Gustave Kahn
Benoît Malon, politicien coupable
Coppée et Taine
Redonnel écrit un roman
Méfiance envers les gendelettres de Paris



Gigean, jeudi . 24 juillet 96

Mes chers amis
Je viens de faire partir une boite à votre adresse. Elle contient : 1° Eau de Cologne pour la Patrouillote (j'ai mis du Benjoin) - c'est le flacon à capsule blanche. 2° Mélange pour vous (1/4 teinture de Cola, 3/4 teinture de Kola)[1]; 3° Poudre dans un flacon; on ajoute souvent de la poudre de café autant et le mélange est plus agréable.
Rien de nouveau pour l'abonnement du Cercle; ils n'ont qu'à examiner. Si j'ai écrit, je n'ai pas manqué de leur dire pourquoi je voulais leur opinion (à G.C. et à B. L.)[2]. Tant pis pour eux. S'ils ne répondent pas, j'appelle cela autrement que négligence, c'est de la grossièreté. Et puisqu'ils se comportent ainsi (les gros plumitifs) je décide que la Société nouvelle n'aura pas mon abonnement (notez que là, on n'a pas manqué de m'envoyer un prospectus de l'usine). Si, parce que pharmacien, ils me jugent bourgeois, ils se trompent. je ne leur servirai pas la réclame désirée et ce sera encore eux qui y perdront.
Le syndic m'a fait comprendre que s'il me rendait ces bouquins, c'était pure gentillesse de sa part, car vous n'avez pas vendu au Laurent, donc pas de preuves. Il n'y a donc qu'à rester dans le status-quo.
Thomas va un peu mieux.
Malon[3] sera jugé, selon moi, par tout bon révolutionnaire comme un grand coupable. Il est vrai que les fourbes et les politiciens lui brûleront de l'encens (pour la forme) car il leur aura permis d'exercer leurs exécrables talents.
Je n'ai pas le texte où Coppée traite Taine de « sécot », mais il paraît que c'est là un mot favori de Coppée. Mais ces attrapages sont sans importance, car malgré le libératrisme de Coppée, ils sont aussi bourgeois l'un que l'autre.
Je fais des vœux pour votre roman[4] et pour que vous vous mettiez à vous débrouiller sérieusement; il me semble que la tactique dont je vous ai parlé est la bonne. Il est vrai que, de loin!... C'est égal, maintenant, je commence à comprendre combien Gide avait raison en m'engageant à ne pas aller à Paris. Je veux bien y aller, mais à condition d'avoir un emploi sûr, du haut duquel je pourrai contempler, sans y tremper, les ébats de la gendelettrerie et dire, lorsqu'on me le permettra tout haut et intégralement ce que je pense. Je sais que cela m'arrivera rarement, mais enfin mieux vaut peu que rien.
Amitié à la Patrouillote et à Daniel, de la famille et de votre ami dévoué
A. A. Daudé


[1]  - Envoie du Kola-Coca « en kit »
[2]  - G.C. et B.L. membres non identifiés d’un Cercle non identifié, mais en rapport avec La Société nouvelle, revue internationale. Sociologie, arts, sciences, lettres, dont Gustave Kahn est rédacteur en chef, et qui fait preuve dans ses sommaires d’un ecclectisme étonnant.
[3]  - Benoît Malon, né à Précieux (Loire) le 23 juin1841, mort à Asnières-sur-Seine le 13 septembre1893, est un communard, journaliste et écrivainfrançais. Il joua un rôle important dans l'histoire du mouvement ouvrier international et surtout français.
Rentré en France après l'amnistie de 1880, il préside le congrès socialiste de Saint-Étienne (1882), qui voit la rupture entre réformistes (possibilistes) menés par Paul Brousse, dont il fait désormais partie, et guesdistes (« marxistes »). Socialiste indépendant, il est le fondateur, avec Elie Peyron, et le premier directeur, de 1880 à sa mort, de La Revue socialiste qui est, dans ses actes fondateurs, ouverte à toutes les tendances du socialisme français.
Benoît Malon publie de nombreux ouvrages, dont Le Socialisme intégral (1891) dans lequel il prône la création d'un ministère de l'Assurance sociale. À sa mort, 10 000 personnes accompagnent son corps au cimetière du Père-Lachaise.
[4]  - Roman de Redonnel en cours.





Ventes chez le libraire Coulet, à Montpellier
L’article pour La Plume est terminé
Veut l’éditer à 1000 exemplaires
Distribution d’exemplaires à diverses revues
Désaccord avec L.-X. de Ricard sur le fédéralisme.
L.X. de Ricard a reçu L’Affamé, roman de Jean Lombard.


Gigean, lundi soir.  25 août 96

Mes chers amis,

Ce matin, fait la course chez M. Coulet[1]. Un ex. vendu = 2,6 f. en timbres-poste inclus. L'autre, je vous le renverrai avec mon topo. A propos de mon animal, il grossit; je vous l'aurais même envoyé en partie hier matin, mais je m'aperçois que, en 5 jours environ encore, tout sera complètement sur pied et que très probablement lundi, alors qu'ici la fête battra son plein, vous recevrez mes tranches. Je vous dirai alors ce que je pense de sa longueur etc, etc...
Pour le 1/4 d'heure, apprenez, Parisiens, que moi, paysan, j'ai écrit en 3 jours, c.à.d. mis au net, 1600 lignes à 8 mots environ la ligne!! C'est beau pour bibi qui n'écris pas vite. Mais lorsque vous verrez mon gosse vous ne le reconnaîtrez plus, vous le trouverez, je pense, embelli et engraissé. Je compte environ qu'il aura besoin de 30 pages de La Plumepour pouvoir s'étendre dans toute sa longueur. Il est encombrant, mais vous l'avez voulu. Par conséquent, vous le recevrez très probablement lundi, avec une lettre.
Je compte en faire tirer 1000 exemplaires, et si nous mettons un prix, en offrir 10 ex. à la Sociale pour pousser à la naissance de La Clameur[2]; 10 ex. au Libertaire pour la propagande; 10 ex. aux Temps nouveaux[3], itou.
Quoi qu'il en soit, je compte sur vous pour agir au mieux de la défense de ma bourse. Nous en reparlerons dans ma prochaine lettre.
Le journal en question? Le Droit humain[4], je parie. Pas encore vu.
Allé hier chez de Ricard. Un gosse en plus[5]. Chamaillés sur le fédéralisme. De Ricard veut quand même se placer sur le terrain politique avant tout. Quand, ainsi que lui, on a lu L'Origine de la famille, de l'État, de lapropriétéde Engels, on a tort de raisonner comme cela.
Je lui ai demandé s'il pensait qu'un bouquin "Les Fédéralistes français" pût avoir un succès de braise, il croit que oui. Qu'en pensez-vous? Mais nous en reparlerons post-topum meum. Ricard reçu roman.
Hier à Cette, œil gauche de Thomas foutu ... ou à peu près; il faudrait une opération extraordinaire, et encore?
Ce soir, très fatigué, sang (par le nez), ce matin et ce soir, 2 fois. Vanné. Paillasse; fatigué. Demain matin, au travail, et vous recevrez toutes les tranches plus tôt avant qu'après lundi. Je ne croyais pas pouvoir remanier tout ça aussi vite, surtout avec mon vilain brouillon primitif; car Lagardelle a dû m'égarer ce que je lui ai envoyé : rien reçu, en effet, de lui. Qu'importe, il y en aura, je crois, qui m'en voudront, vous verrez. Mais ça m'est égal; ils n'auront pas volé mes "piles".
 À la fin de la semaine, une autre lettre, bonsoir,
votre ami tout dévoué,
A. A. Daudé
P.S. : Je recommanderai le paquet.
 



[1]  Coulet, libraire Grd rue à Montpellier
[2]  La Clameur, et La Sociale ?
[3]  Les Temps nouveaux
[4]  Le Droit humain, journal
[5]  Est-ce à dire qu'il a "placé" un exemplaire? Ou que L.X. de Ricard est un "grand enfant"?




Envoi de l’article à Redonnel
Sa publication échelonnée sur 6 n° de La Plume
Contient une importante note sur Karl Marx
Prévoit polémique avec collectivistes et radicaux-socialistes
Dispose de 80 f . pour l’impression de sa brochure
Veut étudier les poètes fédéralistes
Frédéric Mistral, catholique libéral réactionnaire débite des canailleries
Proudhon, inconsciemment réactionnaire et ennemi du peuple
Projet d’un livre commun sur les fédéralistes français
Veille éditoriale : Argus de la presse ou Courrier français ?
Fête de Gigean




Gigean, dimanche matin (fin août 1896?)

Mon cher Redonnel,

Votre impression sur ma tartine?
Comme je l'avais promis, je vous envoie mon topo terminé. J'étais fatigué beaucoup hier, mais enfin, ça y est. Autant que je peux voir, il y aura une trentaine de pages de votre revue. J'ai honte d'être aussi encombrant; mais vous l'avez voulu. Je l'ai rendu assez coulant et assez batailleur. Lisez, vous ne le reconnaîtrez plus.
Je vous propose de le faire passer ainsi: 1° jusqu'au 27e feuillet ; 2°, au 43e ; 3° au 77e ; 4°, au 100e ; 5°, au 130e ; 6°, au 160e et dernier. Il me semble que c'est là la division la plus rationnelle. De cette façon, ceci, qui ne doit pas être lu comme un roman, présentera de l'unité dans ses diverses tranches.
Prière de faire imprimer en caractères plus petits que les autres la note de K. Marx, p 95-96-97.
Je demande si vous croyez que j'aie fait des progrès depuis 1894.
Je m'attends à des polémiques après la publication et je le crois, les copains (certains) eux-mêmes me tomberont dessus. Ils ont attrapé Merlino lui-même, préconisant l'action syndicale internationale; or, Merlino est un type très chic, comme copain. Nous verrons.
Les collectivistes, les rad. socialistes surtout vont trouver l'abatage mauvais; mais ils n'auront que ce qu'ils méritent.
Pour la brochure, faites comme pour vous; je m'en rapporte à vous totalement, car je n'entends rien à toute les machines dont on parle là-dedans. Il doit y avoir des frais imprévus. Ce sera 500 ou 1000 ex. avec ou sans prix marqué. Je ne veux pas débourser plus de 80 fr., et encore, je suis pour ceci, obligé de me surveiller dans mes dépenses, ce qui, vous le savez, n'est pas dans mes habitudes. Pardon pour ce travail. C'est le fruit de l'amitié, les embêtements.
Je vous demande pour mon topo fédéraliste combien vous m'accordez de pages semblables à celles que je vous envoie.
Carrère[1] doit être un M. peu gêné; il n'avait pas à dire à Espagnac qu'il avait égaré ma lettre. Je le verrai à Montpellier et je lui parlerai. Je songe aux rayons Roentgen pour les fédéralistes poètes; tenez-vous bien. Mais si vous continuez à être silencieux, je laisserai les féderalistes poètes tranquilles, - sauf Mistral, réactionnaire qui recevra sa pile en passant (ecole catholique libérale). Il ne semble pas possible qu'à cette époque, de telles absurdités et canailleries à la fois puissent être débitées sérieusement. Aussi, pour faire réfléchir, vous verrez, je ne ménage pas les piles. Quand on écope, on se surveille à l'avenir. Quoiqu'en dise de Ricard, Proudhon, tout ami sincère du peuple qu'il était, était aussi un réactionnaire inconscient et un ennemi inconscient du peuple. Je voudrais bien lire ses Capacités de la classe ouvrière, je crois; peut-être y a-t-il là quelque étincelle ne portant pas à faux! Dubito !
Si vous vouliez, nous ferions à nous deux un bouquin sur les fédéralistes français; vous, histoire et philosophie; bibi, économique. Voyez si ceci vous intéresserait; si, aussi, la braise pourrait être au bout; pas de braise, pas de suisse pour ça!
En prévision d'attrapages et pour savoir ce qu'on pensera de mon topo, est-ce au Courrier de la presse ou à L'Argus qu'il faut s'adresser? Vous me donnerez des tuyaux plus tard, sur ce point. Car je m'attends à être attrapé et dans les grands prix; mais je m'en fous, j'aurai dit ce que je pense - suprême plaisir!
Amitiés à la Patrouillote et à Daniel, et à vous de votre ami dévoué
A.  A. Daudé

P.S. Confirmez-moi la réception du topo et de votre livre, dans ces qq jours; car j'ai un brouillon informe et pas conforme en tous points.
Viens de recevoir L'Escholier, journal en question. J'enverrai un topo un jour, mais je ne compte pas sur de la braise. Heureux ceux qui ont encore la foi en la braise!
C'est la fête ici pour 4 jours. J'ai bien travaillé jusqu'à hier... en avant les confettis!!!




[1]  - Jean Carrère : Né dans le Lot-et Garonne en 1868.  En 1893, la Bibliothèque de La Plume  réédite déjà  ses Premières poésies. Il est surtout grand reporter pour Le Matin. En 1900, il est à Johannesburg pour la guerre du Transvall, et en tire deux livres chez Flammarion :  En Pleine épopée et  Le Pays de l’or rouge puis toujours en 1900, il rencontre le Pape à Rome. En 1907, c’est  La Terre tremblante sur la destruction de Messine. etc...  En 1909, c’est un petit roman sur les gardians de Camargue  La Dame du Nord, qui paraît chez Grasset qui publie aussi un recueil  Les Buccins d'or en 1911. Il est par ailleurs avec Maurras un des fondateurs de l'Action française.
À Montpellier, il a écrit dans La France d’Oc (de Redonnel) et sera correspondant de La Vie Montpelliéraineen 1904, à laquelle collabore aussi en 1902 un certain G. Espagnac que je n’ai pas plus identifié. La lettre de Daudé concerne les poétes fédéralistes, ou “régionalistes”? 





A reçu Simple revue
L’article commence à paraître en octobre
Quel prix pour l’impression de 1 000 exemplaires ?
Ce n’est pas Redonnel qui corrigera le texte
Modifications à apporter à ce texte
Montpellier-Journal, nouveau journal d’A . Baluffe
Jean Charles-Brun est un pion tour divoiriste, pas un poète
Pas de nouvelles du roman de Jean Lombard
Caffarel (Jean Pola), de Sète, lâchera la revue La Harpe
Guerre, un collaborateur possible.



Gigean, mercredi soir

Mon cher Redonnel,

Reçu ce matin Simple revue[1] et malheureusement pas La Revue d'Art[2](la plus intéressante des 2, si je ne m'abuse). Merci. Je vais réclamer à l'administration sans espoir.
Donc, nous commençons en octobre ou novembre; je suis fixé là-dessus, mais pas sur la braise nécessitée par 1000 ex. ; je ne compte pas sur plus de 30 pages de La Plume; bien étonnant que vous ne puissiez pas à peu près voir le chiffre; vous devriez bien voir ça d'un coup d'œil et me le dire; l'incertitude dans laquelle je me trouve cesserait et ce serait à peu près liquidé. Quant à un prix marqué ou non, voyez vous-même; je suis très sceptique sur la vente possible, malgré les invites réitérées de qq copains m'engageant à ne pas travailler pour rien. Vous agirez selon votre bon plaisir.
Vous allez bien! Je comptais sur vous pour relever les gaffes de style possibles et voilà que vous ne me lirez qu'imprimé! Mais Deschamps au moins m'aura lu avant, lui! Je vous recommande ma division en 6 tranches; c'est la plus rationnelle selon moi.
Ne pas oublier de faire passer en caractères plus petits que ceux employés la longue note de Marx. Voici mes 2 modifications dont je vous ai parlé hier : ceci non à cause de gaffe, mais de la précision; car, attaquant les autres, je dois me tenir et ne pas prêter le flanc à leurs attaques :
Vers la fin de la Participation aux bénéfices, 2 ou 3 pages avant la fin : ce système comporte une plus-value nouvelle provenant évidemment de l'intensification du travail. (Prière de remplacer la fin de la phrase par ces 4 mots).
Plus loin, dans les coopératives de consommateurs, à propos de Napoléon III, ajouter ces 3 mots, "par des concessions"à cette place : Plus tard, l'Empereur voulut, par des concessions, enrayer le mouvement... Cela n'a l'air de rien, mais cela suffirait à me faire attraper. Je compte sur vous pour éviter ce désagrément.
Je pense attendre pour le Fédéralisme et j'attendrai. nous en parlerons; d'ailleurs, le plus ou moins de succès du n° Fédéraliste nous guidera.
Montpellier-Journal?[3] Direction A. Baluffe, ex rédacteur de La Nouvelle revue, de La Revue bleue, moliériste endurci; du style, mais cela ne suffit pas à rendre le journal très intéressant; au sommaire qqfois Roburfer[4], Ch Brun[5]; qq autres jésuites de ce calibre; qqfois Troubat. Vous enverrai un journal. Connais pas Baluffe, ami de de Ricard. - Parnasse montpelliérain!!?? Et qui donc! De Ricard lui-même se déclare avant tout indépendant en littérature. Ch. Brun poète?? Pion, oui, poète, jamais; tour-d'ivoiriste, toujours et de basse qualité.
Si vous m'aviez écrit plus tôt, vous seriez fixé sur le roman de G.(sic) Lombard, puisque j'étais dimanche à Montpellier; c'est votre punition pour votre mois de paresse, feignasse!
Pour Paris, dans 10 mois, je veux avoir un os à ronger; car alors, mais alors seulement, je pourrai écrire ce que je voudrai. Vous comprenez. Et merci pour vous, qui me permettez d'agir actuellement en Homme Libre.
Pensez-vous que le petit topo de Guerre[6] puisse aller pour L'Escholier? Répondez à ceci dans la prochaine lettre. Car avec lui et par lui Caffarel de Cette lâchera La Harpe[7] (peut-être) et alors Chimère aurait des chances d'être repêchée! Mais si vous ne m'aidez pas dans mes turbinages, je me déclare par avance impuissant. Caffarel (Jean Pola) doit venir à Paris; j'insisterai pour vous mettre en relations et alors vous vous débrouillerez. En attendant, je travaille Guerre. Pensez-vous son topo bon pour L'Escholier? Ce serait une compensation de son rejet de collaboration de La Harpe, et une preuve que nous existons. Voyez si cela vous va.
Au revoir, à bientôt et bonne santé,
votre ami dévoué

A. A. Daudé




[1]  - Simple revue,  littéraire, artistique et mondaine, paraissant à Paris de 1892 à 1924, sous la direction du couple Georges Régnal.
[2]  - La Revue d’art paraît à Paris de juin 1896 à mars 1897, sous la direction de G. Barrigue de Fontainieu.
[3]  - Montpellier-Journal, ou plutôt : Montpellier Républicain, Journal hebdomadaire, politique, universitaire, scientifique, littéraire, artistique, judiciaire, agricole, commercial, industriel et sportif
Rédaction et administration : 6 rue de la Barralerie
Directeur-gérant : Auguste Baluffe
Format : grand format journal.
N° 1 , dimanche 5 juillet 1896 - N° 49, dimanche 31 octobre 1897
Auguste Baluffe. Né à Alignan en 1843, son écriture et ses publications vont dans trois directions : La poésie (Vibrations poétiques, 1875 ; Les Cigarettes, 1874....), Mais aussi l’histoire de Béziers, surtout au 14e siècle. Et enfin, Molière sur lequel il écrit Molière inconnu, sa vie, T.1 1622-1646. Paris, Perrin, 1886, 324 p. et Autour de Molière, Paris, Plon, 1889, 292 p. , ainsi que plusieurs articles.
En dehors de ce directeur fondateur, c’est incontestablement Henry Bauquier qui est l’élément essentiel du journal. Ceui qui deviendra un des piliers du Petit Méridionalà Nîmes, et un auteur joué et publié, semble faire ici ses premières armes de journaliste.
Le journal est, comme son sous-titre l’indique, pluridisciplinaire.
Au point de vue littéraire, il publie sur trois front. Des pièces purement littéraires (poèmes ou contes) d’abord. Mais aussi des études littéraires qui ne manquent pas de tenues. Et enfin, des correspondances de littérateurs.
Le tout est complété par la parution en feuilleton d’un Roman montpelliérain d’Auguste Baluffe : Les millions de Mademoiselle Janot.
L’éditorial du n°4, sous le titre : Trop littéraire, analysera ce qui occasionnera à terme l’échec du journal : trop de littérature pour un journal d’information, pas assez pour un journal littéraire.
La publication de lettres de XAVIER et LYDIE DE RICARD, d’Auguste FOURÈS, les études de ROQUE-FERIER donnent au journal une tournure fort sérieuse.
Mais la présence d’écrivains locaux n’est pas déplaisante non plus. Fernand Troubat, né en 1848 (et frère de Jules, le dernier secrétaire de Sainte-Beuve, qui donne aussi un texte au journal) est un poète du dimanche confirmé. Mais Jean-Baptiste Séverac est un tout jeune homme, élève du lycée et des beaux-arts et fils d’un Juge du Tribunal de commerce. Il va, la même année, découvrir sa vraie vocation : le socialisme, sur lequel il publiera beaucoup. En 1934, il est secrétaire national du Parti socialiste.
[4]  - Roburfer  est Alphonse Roque-Ferrier, érudit occitaniste.
[5] - Jean Charles-Brun, qui est pour les contemporains un des papes du fédéralisme, apparaît enfin dans cette correspondance, mais c'est pour se faire traiter de jésuite et de tour d'ivoiriste.
[6]  - Raymond Guerre? publie dans l'Escholier?
[7]  - La Harpe, revue littéraire du Midi,organe de la Société littéraire de Cette, paraît à Sète de 1895 à 1900.





Echanges de revues : Montpellier, Le Télégramme…
Daudé lit de très nombreuses revues
… et de nombreux romans
Article d’Emmanuel Delbousquet sur Les Chansons éternelles
René Ghil hégélien de gauche
Maurice Barrès, oison en sociologie, mais aigle en art.
Les bénéfices sur sa brochure destinés à relancer Chimère
Recommandation de Paul Brousse pour être pharmacien des prisons à Paris




Gigean mardi soir  7 oct 96[1]

Mon cher rossard,

Je viens de recevoir le n° du Télégramme; à votre tour et à la même heure, vous avez dû recevoir un Montpellier et une Démocratie indépendante. Je n'ai pas demandé à l'administration le n° de La Revue d'art, bien qu'il m'eut plu de lire votre fragment - combatif, je suppose, d'après une allusion de Simple revue; je n'ai pas demandé parce que... les enquêtes!!! Conclusion : je me brosse le ventre de votre prose. Ennuyeux. Pas reçu La Quinzaine; ne l'avez pas? je vous la rendrais vite.
Je lis Babylone du Sar[2], très bien, malgré quelques bistournages intempestifs. Je viens d'encaisser de l'Ibsen, du J. Lemaître, et je vais aborder du Loti, Reclus Élisée, Proudhon, Zola; puisque vous ne me donnez pas les tuyaux demandé, je bouquine, au lieu de travailler.
2e ou 20e édition : Combien de feuillets pour l'Economique des fédéralistes[3]?
Combien, à peu près, le prix de 1000 exemplaires en comptant 30 pages? (Ceci est excessivement important)
Puis-je envoyer un petit topo de Raymond Guerre à L'Escholier?
Très chic l'article de Delbousquet[4]; mais pourquoi Paulette pour Pucelette? Chose étonnante, il cite les 3 vers qui ont paru les meilleurs à Pistre, Dr en médecine de Villeveyrac; car je veux savoir tout des Chansons [éternelles] les meilleures, je ne désapprouve pas quant à la valeur des vers, mais je déclare, dussiez-vous me maudire que la prose pratique finale est le meilleur de tout.
Je connais peu Ghil[5]; je pense d'après ce que j'ai lu de lui que c'est un hégélien (de la gauche hégélienne); or, vous croyez en Dieu, et lui? Le rapprochement de M. Delbousquet au point de vue philosophique tient-il debout? Quant à la méthode, il a certainement raison, à Ghil d'aviser et de profiter de conseils... désintéressés; il y gagnerait et nous aussi.
J'avais abîmé Barrès à Thomas; il me répond en m'engageant à garder mes foudres pour d'autres; voici Thomas geignant : "Allons bon! Voilà le malheureux Barrès plus bas que terre, pour avoir eu, une nuit, un cauchemar fédéraliste! Mais, diable, un peu de clémence pour les artistes et les littérateurs! Barrès, oison en sociologie, est aigle en art." Je veux bien, mais quand on n'entend rien à une science, on se tait. Me voyez-vous pas faisant des vers?
Lagardelle viendra à Paris à la fin du mois, je vous l'adresserai. Votre opinion aussi sur le petit topo du même? Puis-je envoyer l'un ou l'autre ou les 2 à L'Escholier?
J'ai trouvé une bonne combinazione pour mon topo. C'était à l'œil ou payant. Ce sera payant. Mais comme je ne veux pas aussi que ce soit une affaire, le bénéfice s'il y en a, servira de 1ère mise de fonds pour notre Chimère[6]. Que tous les amis écrivent un peu, fassent comme moi et Delbousquet ne déplorera plus notre mort. Est-ce une bonne idoche, ça, oui ou non?
Thomas me fait sa petite tartine; ça me coûtera bien encore une dizaine de francs; au point de vue de l'économie... domestique, il eût mieux valu que ce fût Maurin, mais celui-ci a hésité.
Je voudrais avoir une imprimerie et un peu de braise; je foutrais du pétard, nom de Dieu.
Paul Brousse, vice-président du Conseil cipal (sic) de Paris est très proche parent du Dr Alquié (de Montpellier), ami intime de Pezet[7]. Un mot de Brousse pourrait suffire pour me faire bombarder pharmacien dans les prisons ou dans une pharmacie d'assistance à Paris; mais pour que cela porte, il faudrait être au courant des vacances là-bas. Comment? Voilà le hic. Aidez-moi à savoir si vous pouvez et si, après ici (juillet prochain) une vacance se montrait, je parie que grâce à Brousse, ça y serait.
Le frère d'Aristide Roger est, comme moi, pharmacien de 2e classe, reçu pour l'Hérault; grâce à Constant, il est pharmacien de prison à Paris. Je comprends Paris avec une situation sûre, sinon?
Je vous recommande mes corrections, mes remarques intérieures, les coquilles, ne recevrai-je pas les épreuves?
À vous lire bientôt. Amitiés à la Patrouillote, à Daniel de ma famille et de votre ami tout dévoué,
A. A. Daudé.




[1] - A noter que le 7 oct 96 est un mercredi.
[2]  - Le Sar Mérodack Joséphin Peladan, pseudonyme de Joseph-Aimé Peladan (ou Péladan), né à Lyon le 29 mars1858, et mort à Neuilly-sur-Seinele 27 juin1918, est un écrivain, critique d'art et occultiste français.
[3]  -  L'Économique des fédéralistes : titre de la brochure de Daudé publiée d’abord dans La Plume.
[4]  - Emmanuel Delbousquet : Né le 27 avril 1874 à Sos-en-Albret (Lot-et-Garonne, comme Marc Varenne de Nérac), mort en 1909.  Fondateur, à Toulouse en 1892 , du groupe et de la revue Essais de Jeunes dans la mouvance de René Ghil, soutenus par Xavier de Ricard et Pierre Devoluy. En 1896, il est aussi un des fondateurs de L’Effort, à Toulouse. Il publie des romans : Mazareilh (Ollendorff, 1901), Miguette de Chante-Cigale (Nle Librairie nationale, 1908), L’Ecarteur (Ollendorff, 1904), puis en 1908 un recueil : Le Chant de la race .  C’est, avec Marc Lafargue, un des meilleurs représentants de l’humanisme méridional. Il a aussi publié en occitan :  Capbat de lana,  poèmes, et laissé manuscrits des contes occitans.
[5]  - René Ghil : (1862-1925) De son vrai nom René Guibert. Il avait été le compagnon de lycée de Stuart Merrill et d'André Fontainas. D'abord symboliste, il devient vite chef d'école avec un art compliqué et hermétique. Son Traité du verbe (1886 et 1888) mélange art poétique, philosophie hindoue et théories mathématiques portant sur des valeurs attribuées aux voyelles et aux consonnes. Paul Fort écrira dans son Histoire de la poèsie (1926) que le choix de ses mots fut déterminé par des recherches d'effets si subtils, par des préoccupations si complexes que son oeuvre est à peu près inintelligible pour les non-initiés. Le vide se fit lentement autour du poète. Ghil ne s'en émut pas. Il avait vraiment le feu sacré, et pendant 30 ans il façonna une épopée scientifique... sans s'arrêter ni se plaindre.  C'est en tout cas un collaborateur de grand prestige pour Chimère à laquelle il collabora
[6]  - Toujours le projet de relancer Chimère ensemble.
[7]  - Pezet, le maire de Montpellier.




N° de La Plume consacré à Félicien Rops avec coquilles typographiques.
Contre la participation aux bénéfices des coopérateurs
Emprunte des livres à la Bourse du travail de Montpellier
Travaille sur Proudhon, ce bourgeois, ce révolutionnaire manqué
Ernest La Jeunesse, un critique à lire




Gigean samedi [octobre 1896]

Mon cher Redonnel

J'ai reçu hier le n° absent de La Plume; merci. J'ai vu l'accident survenu à Rops[1]. Or, Rops est une grosse légume et moi je ne le suis pas!... Par conséquent, les mésaventures qui lui surviennent ont beaucoup plus de chance encore de survenir à moi. Pour les éviter, je vous recommande instamment de faire à mon topo les corrections indiquées, surtout en ce qui concerne la participation aux bénéfices.
En ce moment se tient à Paris un Congrès Coopif international[2], la participation aux bénéfices a été acclamée par la majorité; ce sont naturellement les bons bougres qui sont en minorité. Seulement pour critiquer convenablement il ne faut pas bafouiller, sinon!... Par conséquent, pour mettre debout ma tartine sur ses quilles, je compte absolument sur votre amicale bonté. Je suis à peu près persuadé que le sujet étant en discussion et rondement, je serai attrapé si je disais des bourdes!
Je vais aller demain à Montpellier, je remporterai à la Bourse du travail[3] un des deux volumes de Proudhon, que je bouquine en vue du bouquin en question (pour la braise celui-ci, n'est-ce pas).
Un M. Weill a fait un travail semblable pour St Simon et son école. Je ne le connais pas, mais quand Gide sera là, je verrai. Je travaille beaucoup en vue de tous ces documents et aussi pour me mettre à flots. Pour rendre le travail agréable, j'entrelarde mes lectures économiques de littérature. Zola, Rosny, Loti, Reclus, de tout, vous le voyez.
Dans une quinzaine de jours, j'espère voir ma table désencombrée. Quels sont les exemplaires de Proudhon que vous avez? C'est décidément un bourgeois, ce révolutionnaire manqué. Lagardelle est-il venu vous voir? J'attends son adresse pour discuter avec ce bougre de collectiviste.
La Plumen'a pas parlé d'un livre de critique très rigolboche : Les Nuits les ennuis et les âmes de nos plus notoires contemporains, par E. La Jeunesse (pseudonyme sans doute)[4]; mais c'est finement critiqué. Montesquiou, de Régnier, votre ami? Moréas (Mme La Patrouillote!) surtout parmi les jeunes, écopent ferme et Charles Vigier aussi, et Maurras aussi; les vieilles barbes re-aussi, mais davantage; il griffe en faisant patte de velours, c'est drôle.
Comme vous le voyez, ceci est une lettre intéressée, sinon intéressante, mais si on m'attrape, je veux qu'on ne puisse pas se foutre de ma fiole. Aidez-moi à ça et merci.
Bonne santé à tous
A. A. Daudé.
 


[1]  - Des coquilles typographiques dans le numéro de La Plume consacré à Félicien Rops portant le n° 177, du 1 au 15 sept. 1896.
[2]  - 2e Congrès coopératif internatioal du 18 au 31 octobre 1896 tenu dans le hall du Musée social.
[3]  - Les vestiges de la bibliothèque de la Bourse du travail de Montpellier ont été recueillis par la Médiathèque Émile Zola de Montpellier.
[4]  - Ernest Léon Lajeunesse-Caën (dit Ernest La Jeunesse), né le 23juin1874à Paris et mort dans cette même ville le 2mai1917 . Après une licence ès lettres, il entre dès 1896à La Revue blanche où il chronique les spectacles et se montre proche des modernes comme Oscar Wilde. Il écrit et parfois dessine pour Le Figaro, Gil Blas, L'Assiette au beurre, la Revue bleue, La Phalange, L'Intransigeant, Le Journal de Paris. Il est aussi correspondant français pour Die Zeit de Vienne. Il excelle dans l'art du pastiche et ne manque pas d'humour. S'essayant très jeune à devenir un dramaturge, mais sans trop y croire, il est défendu par Octave Mirbeau qui, toujours prompt à défendre les opprimés, ne supporte pas que l'on agresse ce jeune-homme à cause de son physique. Il avait une voix de fausset, des excentricités vestimentaires. Il fut gentiment caricaturé par Alfred Jarry sous le nom d'« Allmensch Severus » dans Les Jours et les Nuits. Découvrant ses origines juives, Léon Daudet voit en lui, dans Au temps de Judas, « un épouvantail ». Selon Edmond de Goncourt, beaucoup de ses notoires contemporains craignent sa langue de vipère et la délicatesse méchante de son ironie. Un critique à lire !




 
Les épreuves corrigées envoyées à l’imprimeur
Choix d’impression
Pharmacien des prisons de Paris ?
Daudé, ancien élève du collège de Lunel
Recherche recommandation-piston désespérément
Projet du livre écrit en commun


Gigean, mardi [octobre 1896]

Mon cher Redonel,

Décidément, les circonstances aidant, nous ne nous perdons pas de vue, ces temps-ci. Je vous annonce l’arrivée à 4h ½  de ma tranche et de son départ, par le courrier de 7h., pour Annonay[1]. Merci, vous avez mieux corrigé sûrement que je n’aurais fait; j’ai eu à mettre qq virgules et 1 lettre seulement. De cette façon, nous n’aurons pas de coquilles à déplorer. Mais je vous plains si vous devez corriger chaque fois tout le n° ; car ça fatigue.
Quand ce n’était pas imprimé, ça avait l’air de qq chose ; maintenant, ça ne me satisfait pas. D’où je conclu que je suis plus grincheux que je ne pensais.
Quand vous m’écrirez pour le prix, dites-moi si je dois m’adresser pour savoir ce qu’on pensera et dira de ma tartine à l’Argusou au Courrier. Inutile de dire que je ne paierai pas les coupures d’avance; je réserve ma braise première pour les frais de la brochure.
83 pages à une seule colonne, vous avez raison, ça ira mieux à l’œil que sur 2 colonnes. Et puis ce sera un prétexte à faire casquer davantage; vous avez pour cela carte blanche.
Drôle de lettre ornée initiale.
Je compte sur votre arrivée coïncidant si possible avec ma venue à Montpellier.
Lagardelle pas venu? Diable! Enfin, il a du temps pour cela; et puis peut-être aussi qu’il s’oriente?
J’ai dû être pressé par l’heure pour n’avoir pas affranchi.
Drôle de position du Sylvain. Mais comme vous aimez les faunes, messieurs les poètes!
Chouette, si on pouvait entrer dans une prison! Puisque je dois faire ma demande, il faut que je l’adresse bien à qui de droit. Pour avoir ces tuyaux, je vais écrire à ma mère, qui verra la tante de Victor Roger (le compositeur)[2]. Ce Victor Roger a un frère (pharmacien de 2e classe) comme moi, qui a été nommé pharmacien de prison à Paris; par lui, je pourrai savoir la filière. Et alors, si ça pouvait être, ce serait chic!
Il y a à la Nouvelle Revue un M. qui s’appelle Rajon[3]; il est, paraît-il secrétaire de Mme Adam, et secrétaire de la rédaction de la dire revue. Son père a été mon principal au Collège de Lunel et lui mon condisciple. De plus, lui était secrétaire particulier de Combes, l’ex-ministre de l’instruction publique; si vous croyez qu’il puisse agir efficacement, je suis sûr qu’il agirait, en me recommandant de moi-même et ensuite par le père d’un de mes amis.
Je vais commencer par mère; après, j’écrirai à M. Roger et ensuite, nous verrons.
Amitiés à la Patrouillote, et à Daniel et à vous.
De votre tout dévoué
A. A. Daudé .

P.S. – Toujours en vue du bouquin, je vais prendre des notes sur les Confessions d’un Révolutionnaire, de Proudhon. Je ne serai pas gêné dans les entournures, c.à.d. que je n’aurai pas à craindre d’être « comme le soulier de l’Auvergnat »[4] dans notre bouquin; aussi vous verrez que, étant à l’aise, je réfuterai comme il faut les opinions économiques des fédéralistes conservateurs. Faites comme moi au point de vue politique et philosophique et vous verrez que notre livre sera un livre.


[1]  - Dans l’Ardèche, où se trouve l’imprimerie de J. Royer, l’imprimeur de La Plume.
[2]  - Victor Roger (Montpellier, 22juillet1853  Paris, 2décembre1903) est un compositeurfrançais, connu notamment pour ses opérettes, en particulier pour ses opérettes-vaudevilles. Son répertoire théâtral de trente œuvres, composé entre 1880 et 1902, comprend également des pantomimes et des ballets. Son œuvre la plus connue, Les Vingt-huit Jours de Clairette, est restée dans le répertoire des compagnies françaises.
[3]  - La Nouvelle revue, fondée en 1879 par Juliette Adam.
[4]  - « Le soulier de l’auvergnat : cha n’est pas chale mais cha tient de la plache ».




 
Revues perdues par la Poste
Les poètes soi-disant socialistes de La Plume
Lagardelle à Paris
Redonnel à Montpellier en novembre ?
Contacts avec les coopérateurs de Nîmes
Correction des épreuves
Proudhon est mort en bavardant


Gigean, mardi  [fin oct 1896]

Mon cher Redonnel,

Ce matin, je reçois le n°180 de La Plume[1]; c’est bien, mais je n’ai jamais reçu le n°179. Pourriez-vous me le faire passer? Décidément, je joue de malheur avec les publications, au point qu’il doit vous sembler que je vous monte des bâteaux. Il n’en est rien. Seulement, pour ce n° et pour La Revue d’art, je ne réclame pas, car… à quoi bon?
La Plumea son petit accès, je vois; elle ajoute même à la rimaillade (pas poésie) officielle des vers d’un poète socialiste (en voilà un drôle de socialiste !)[2] ; c’est complet ! Si ça devait ne me coûter qu’un mois de Cayenne, je voudrais être foutu dedans, mais en compagnie de tous ces lèche-bottes-impériales, qui sous l’Empire se démontaient la machoire à gueuler : Vive la République ! ce ne serait pas banal et enfoncerait sûrement le geste cher à Tailhade.
Vous ne trempez pas, au moins – quoique vous ne soyez pas le bon bougre possible – votre plume dans cette merde! Félicitations. À ce propos : Rebindaines? Aegipan? éclairez un peu ma lanterne.
Sécot : j’ai trouvé dans L’Assommoir, de Zola : un type sec; donc Taine devait être sec, maigre, d’où la coppéinade d’antan.
Lagardelle est parti hier pour Paris; c’est un chic type; faires-lui l’accueil qu’il mérite et vous pouvez lui demander des tuyaux en matière d ‘économie sociale, surtout touchant le collectivisme.
B. Lazare s’occupe du journal pour les étudiants dont je vous ai parlé. Mais ça s’annonce mal, paraît-il.
Marion n’est plus à Marsillargues. La receveuse était une chipie épouvantable. Elle lui faisait faire tant de bile qu’en 2 mois elle a perdu 2 kilos. Par conséquent, elle est à Montpellier, d’où elle n’aurait jamais dû sortir. Cela prouve que j’avais raison, puisque j’étais opposé.
Quand venez-vous à Montpellier? Prévenez-moi ; j’y serai dimanche 1 novembre et dimanche 15 novembre; tâchez que votre arrivée concorde; de cette façon, nous passerons un jour ensemble. Le 29, je dois bien aller à St André, mais si vous venez, je les brûlerai… naturellement.
Viens de faire une petite ballade, Nîmes, Bancel[3], et Montpellier. Vu des coopérateurs à Nîmes. Ils attendent mon topo.
À ce sujet, je n’ai pas encore reçu les épreuves promises : j’ai appris à corriger. Il me faudra bien 200 exemplaires pour le service de presse, d’amis et de connaissances. Pourquoi ne mettriez-vous pas une couverture de la Bibliothèque occitanienne, si vous croyez que ça puisse être utile ? A vous de voir et d’agir pour le mieux de notre projet.
Et Dévoluy, mort ?
Je bouquine Proudhon; jusqu’ici, je vois en lui un bourgeois, pas plus. Bakounine eut l’avantage au moins de se ressaisir et de faire sur le tard de la propagande communiste; Proudhon mourut en bavardant, comme toujours et dans l’impénitence finale. C’est ce que je dirais.
Amitiés à la Patrouillote (Vive la Pologne, Madame !) et à Daniel.
Votre ami dévoué,
A. A. Daudé.




[1]  - Le n° 180 porte la date du 15 oct. au 31 oct. 1896.
[2]  - Au sommaire de ce numéro : Hérédia, Sully-Prudhomme, Coppée, Claretie, Clovis Hugues (est-ce le poète socialiste ?), Redonnel…
[3]  - Nom du hameau natal, qui deviendra son preudonyme.




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Prix exorbitant de l’imprimeur pour sa brochure.
Il faut marchander
Le prix de vente doit rester le plus bas possible.




Gigean, 27 novembre 1896

Mon cher Redonnel,

Votre lettre de ce soir me terrifie. Comment, même avec la composition payée (car elle est payée, n'est-ce pas, ou alors j'aurais payé pour me faire imprimer dans la revue) 200 fr. pour 500 exemplaires !! Et après votre assurance formelle que pour 1000 ex. ce ne serait pas plus de 100 fr.
Tablons, si vous le voulez, sur 100 fr. pour 500 ex (ce qui n'est pas ce que vous m'avez dit). Il y avait, selon vos prévisions, 5 feuilles; le hasard de la copie en amène 6 (je n'ai pas à vous le reprocher, nous pouvons tous manquer de coup d'œil); mais alors, et en mettant le mal au pire ce ne serait que  100 x 6 / 5 = 120 fr.
Pourquoi cet écart? Le papier est bon, beau ce me semble, et voilà du papier qui ne coûte pas plus que le tirage ! qui coûte comme lui ! Il doit y avoir malentendu avec l'imprimeur, qui doit compter à notre actif la composition. Je m'en remets à vous pour juger l'affaire et pour me confirmer les faits, si, par malheur, ils sont exacts. Je dis par malheur, parce que vous connaissez combien je suis méticuleux pour toutes ces affaires matérielles et combien une pareille tuile doit me bouleverser.
Vous êtes mieux placé que moi pour obtenir les réductions nécessaires; je compte sur votre dévouement pour débrouiller la situation au mieux de nos intérêts.
Quant à mettre le prix du volume à 2 fr., c'est une pure folie; une maigreur, un squelette de 100 pages à 2 fr.! Voyons, réfléchissez bien! Tout au plus, 1 fr. 25 et encore! pour une brochure de propagande; je serais encore accusé d'avoir voulu faire une affaire et ... vous savez qu'il n'en est rien!...
D'ailleurs, connaissez-vous des types enragés pour payer le papier à ce prix? même quand l'auteur leur plaît.
Je viens de recevoir l'adresse de notre pharmacien, et je vais lui écrire.
Amitiés à la Patrouillote, et à Daniel de votre tout dévoué
A.  A. Daudé


P.S. À vous lire bientôt.
Avant d'envoyer ma lettre, je la décachette, enlève le timbre à l'eau bouillante (d'où le pâté de l'enveloppe) et j'écris ceci :
Lagardelle m'écrivait à propos du même travail pour sa revue : "Moi, je paie pour tous les tirages à part que je fais faire 20 francs les 16 pages par 1000 exemplaires"
20 fr x 100 / 16 = 2000 / 16 = 125 fr pour 1000 ex.
Or, ses pages étaient de 50 lignes, à 10 mots environ la ligne; celles de M. Royer, 26 lignes à 7 mots la ligne.
Parce que nous sommes du midi, j'estime que M. Royer ne doit pas nous faire jouer le rôle de grotesques. Si ma situation pécuniaire le permettait, nous pourrions tenir ce rôle, mais ... il n'en est rien!
J'attends,
votre A. A. D.





Prix trop élevé facturé par l’imprimeur
Daudé en situation financère difficile
Ses écrits destinés à la propagande avant tout
Redonnel a été bien imprudent sur cette affaire

Gigean, lundi  [début déc 96]

Mon cher Redonnel,

Procédons par ordre : vous m'envoyez la lettre de M. Royer comme si je vous accusais de majorer ses prix. Je n'ai pas songé à cela un seul instant. Seulement, et vous en convenez, la note est salée, très salée, et je recherche les causes; de plus, je compare avec les prix faits ailleurs dans les mêmes conditions, et je vois qu'on se fout de vous et de moi et que nous y sommes! Je vous l'ai dit, si ma situation le permettait, je laisserais agir honnêtement le commerce honnête, mais je ne le peux pas - surtout en ce moment - car je n'ai pas prévu la tuile aussi grosse.
Quant au devis primitif et établi grosso modo par vous, vous me dites que vous ne comptiez pas le papier, que, selon vous, Deschamps m'en ferait cadeau. Je ne suis pas décidé, je n'ai jamais été décidé à accepter ce cadeau de sa part et je comprends très bien que Deschamps ne m'offre pas le papier. Il n'a sûrement pas d'exemple de ce genre à son actif. Votre espérance ne se basait donc sur rien; car je défie un directeur de revue même le plus libertaire, de donner du papier à un qcq de ses collaborateurs et, de ce fait, Deschamps ne peut être attaqué. Je ne peux et ne veux lui demander et obtenir que ceci, le non-paiement, direct ou indirect, de la composition qui lui sert à lui comme à moi.
Tabler sur ce papier imaginaire, ç'a été votre 1ère gaffe. Vous ne m'avez pas bien lu sûrement, car avant votre dernière lettre, il était convenu pour 1000 ex. et même dans la 2e hypothèse (de 500 ex.) moins de 100 fr. La 6e feuille arrivant, devrait avec cette 2e hypothèse monter à 120 fr au maximum; or, nous sommes à 200..... 2e gaffe.
Avant, je raisonnais comme un profane, maintenant pas, car vous me l'avez appris, je sais très bien qu'une feuille a 16 pages - ce qui fait que mes calculs touchant l'imprimeur de Lagardelle restent tels quels : 20 fr la page [feuille] pour 1000 ex.
Vous semblez vous disculper de ce qu'il se trouve maintenant 6 feuilles, au lieu des 5 prévues; veuillez remarquer que je ne vous ai jamais incriminé pour cela; relisez sur ce point ma dernière lettre.
Quant au prix de 2 fr, c'est absolument roulant, je ne veux pas me faire fiche de moi; j'ai dit 1.25; 1 fr serait bien mieux, croyez-le.
Il importe fort, au contraire, de connaître la superficie de la feuille de l'imprimeur de Lagardelle et de la comparer à celle de M. Royer; car alors, après comparaison, si l'écart entre les prix est considérable, c'est que M. Royer abuse de la situation. Et ici, voyons, non pas la surface, mais bien le fond des chiffres; surtout ne rêvons pas!...
D'après vous, Royer n'abuse pas quand il demande 21.50 pour la feuille, tandis que celui de Lagardelle demande seulement 20. La défense que vous prenez de M. Royer me paraît ultra-intempestive. En effet, les 20 fr de celui de Lagardelle représentent le papier et le tirage, et les 21.50 de Royer le papier seul. Donc avec M. Royer, la mise en pages et en forme me revient elle aussi à 21.50 le 1000.
N'est-ce pas joli? mais aussi abusif en même temps? En somme 129 fr pour la mise en pages et en formes.
Je crois que ceci nous fixe assez sur ses agissements et vous toléreriez cela sans protestation! Et encore pour un ami! Et encore lorsque cet ami abandonne les bénéfices en vue d'une œuvre qui vous intéresse au moins autant que lui!
Quant à faire décomposer, vous savez très bien que je n'y consentirai pas et cela a l'air d'une moquerie. Je n'y consens pas 1° parce que je ne veux pas priver M. Royer du travail qu'il a déjà fait; 2° parce que j'ai promis des exemplaires de la brochure à certaines personnes et que je ne tiens pas à passer pour un farceur.
Quant à ne pas avoir d'inquiétude, peut-être à ma place vous seriez moins olympien sur ce point, 1° à cause de notre situation pécuniaire actuelle; 2° parce que c'est la fin de l'année, avec le renouvellement de mes divers abonnements[1]; 3° parce que la propagande que j'estimais faire ne sera réalisée qu'à moitié (500 au lieu de 1000); 4° parce que les bénéfices produits par les 300 ex. en vente (puisqu'il m'en revient 200, n'est-ce pas?) seront dérisoires et que nous aurons mis dans l'affaire une somme qui, mieux employée aurait rapporté davantage - avec (1000 - 200 = 800 ex.) à 1 fr. Et que nous n'obtiendront pas ainsi le maximum d'utilité avec la même braise. Voilà!
Donc je suis condamné, par la force des événements à patauger ainsi. Pataugeons : vous avez bien calculé, bien vu; je ne pense pas qu'il se produise de nouvel accroc. Qu'il y ait 6 ou X feuilles, je vous demande très instamment d'obtenir des réductions nécessaires de M. Royer; je donnerai 100 fr à la réception des 500 ex. et le reste plus tard; mais (et j'insiste sur ceci), mes débours total ne pourront jamais excéder 200 fr et encore à ce prix, je me considérerais avec raison, comme exploité.
Ma lettre vos paraîtra peut-être sévère. S'il ne s'agissait que de moi, et si j'étais en brillante situation, et eu égard à ce que je vous dois intellectuellement - elle le serait; mais puisque vous êtes aussi bien que moi intéressé dans l'affaire, j'ai le droit de vous reprocher votre imprudence - car c'est imprudent de m'embarquer ainsi dans une aussi fâcheuse histoire. Mais pour qu'elle soit moins fâcheuse, montrez à Royer le prix de son papier qui dépasse, à superficie moindre, le prix du papier augmenté du tirage de l'imprimeur de Lagardelle, et obtenez une réduction.
D'ailleurs, je ne tiens pas au papier de luxe; je veux surtout faire de la propagande; montrez-lui aussi l'exagération des 129 fr de mise en pages et formes et obtenez toutes les réductions.
Si vous le décidez et si vous avez confiance en la vente, faites tirer à 1000; arrangez-vous comme vous le voudrez,
[LA FIN DE LA LETTRE, SUR UN 2e FEUILLET, MANQUE]


[1]  -  Selon ses principes d’être toujours exhaustif sur sa documentation, Daudé se ruine littéralement en abonnements aux journaux et revues.




Encore un numéro de La Plume perdu par la Poste
Et des coquilles d’imprimerie
Relance du livre commun autour de Proudhon : Redonnel est-il toujours partant ?
Marx contre Proudhon, ce bourgeois bavard
Soutien à la Verrerie ouvrière d’Albi


Gigean, 3 décembre 1896

Mon cher Redonnel,

Je traverse une période de guigne et Deschamps va peut-être croire que je veux le tomber d'un n° de plus, mais réellement il n'en est rien. Je n'ai pas reçu le n° 182[1]; j'ai appris son apparition par Lucien Choisy[2] qui a eu l'obligeance de me passer le sien. Voulez-vous m'en faire parvenir un autre? C'est, je crois, la 3e fois que cela se renouvelle cette année pour moi; je me demande d'où cela vient. Si c'est de là-bas, bien. Si c'est de la Poste, inutile de réclamer; prenons alors notre mal en patience car notre n° de La Revue d'Art n'est pas encore arrivé jusqu'ici.
Vous devez avoir encore, sur le marbre, de ma tranche sur les coop. de production 3 pages 1/2 environ, n'est-ce pas? Je vous conseille de ne pas entamer le restant dans le prochain n°, parce qu'alors cela fera une fin louable; néanmoins si les nécessités du service l'exigent, j'attends pour la correction la suite de la copie. Vous auriez mieux fait - quoi que ce soit canulant, je le comprends - de bouquiner ma prose avant l'envoi, car vous y auriez pu mettre sur pied cette phrase de la page 741, commencement du topo, "grâce à elles, quand...", elle n'est pas correcte; et heureusement (je suis un monstre), Trissotin est mort!
Ingram[3] est très bien. À propos de Cairnes fin, il faut une " [avant] le système coopératif.... Mais je verrai cela sur les épreuves que le citoyen Royer vous enverra bientôt sans doute, car la composition doit le gêner là-bas.
À ce propos, j'ai gardé sa lettre à vous, je vous la renvoie.
Je vous conseille de lire la Misère de la philosophie (chez Giardet Brière)[4]; Proudhon y écope ferme, paraît-il; quand vous l'aurez lu, peut-être serez-vous moins proudhonien? Mais je crois que notre bouquin ne sera pas banal, vous pour, moi contre ce bourgeois bavard. Il vous faudra bouquiner au point de vue philosophique et politique les œuvres de Edouard Laboulaye, je viens d'avoir qq indications là-dessus par la lecture des œuvres de Channing (Labou traducteur); j'ai pris un indice de cela dans La Révolteaussi; de ce que j'ai vu, j'ai conservé une esquisse de ses opinions économiques. Serez-vous assez prosaïque pour encaisser tous les bouquins sur la matière? Ce ne sera pas un petit travail! Ne flancherez-vous pas? Il faut me répondre catégoriquement car, si vous ne vouliez pas continuer, je m'adresserais à un autre. Si vous voulez vous y mettre, je vous propose de, au fur et à mesure de vos lectures, me signaler tous les points économiques de vos auteurs, pour que je puisse les consulter et les étudier à fond, au point de vue purement économique.
Je préfère Premier mal d'aimerà Le Poète chante. Enguelez-moi, c'est ainsi. Je trouve plus de qualités dans celui-ci et je vous le dis.
Vous devez voir avec les retards de La Plume, quand mon topo sera totalement terminé, quand il sera tiré en bouquin. Prière de dire ceci le plus tôt possible, car je veux en promettre 2 exemplaires pour la loterie de la Verrerie ouvrière[5] (tirage le 15 décembre) et je dois donner aux administrateurs une date fixe, ou à peu près (plutôt plus tard que plus tôt! aho, jaoli, ceci! (sic)).
Amitiés à la Patrouillote et à Daniel
Votre ami tout dévoué
A.A. Daudé

A bientôt la réponse (à cause de la loterie)
Bon Degron. Très bon F. Malterre. 




[1]  - Dans le n° 182, du 15 nov. 1896, La Plume publie le 3e volet de l’étude de Daudé : Le Coopérativisme devant les écoles sociales. Et un poème de Redonnel : Le Poète chante.
[2]  - Lucien Choisy doit appartenir à la famille Choisy, connue pour ses engagements républicains à Gigean.
[3]  - Ingram, etc : tous ces économistes désignent un paragraphe dans l’article de Daudé.
[4]  - De Marx.
[5]  - Fondée la même année à Albi avec l’aide de Jaurès.





Coquilles typographiques
Critique de vers de Redonnel
Les Qui et les Que de Musset
Revue L’Ermitage
Louis-Xavier de Ricard renvoyé de La Dépêche
De Ricard soumis aux capitalistes
Pharmacien des prisons ou employé de bureau ?
Envoi d’eau de Cologne


Gigean, 21 décembre 1896

Mon cher Redonnel

J'ai reçu hier La Plume. Vu le massacre; je commence à m'y habituer... puisqu'il le faut. Mais tu conviendras que je n'ai pas de veine! Royer doit gueuler, puisqu'il sera obligé de recomposer les tranches étriquées par les gravures! Pas trop de coquilles, d'ailleurs, je les corrigerai aux épreuves définitives. J'attends ces dernières en me demandant pourquoi elles ne sont pas encore arrivées. Des accrocs? Pourtant, ça avait l'air de tenir? Moi, je tiens bon et je confirme : 100 fr au maximum à la liquidation, c'est à dire je crois 3 mois après. C'est net et clair.
J'ai reçu ce matin les épreuves déjà vues. Mais pourquoi diable ta correction : "l'homme est-il véritablement un animal sociable?" Pourquoi l'interrogation, lorsque c'est de ma part une simple supposition?  Gueule, mon vieux, j'ai rétabli... à la grande joie de Royer, n'est-ce pas? Pourquoi aussi de trois phrases correctes "Quoiqu'il en soit des prétentions neo-coop." en faire 2 longues et agrémentées de « qui » et de « que »? Certainement, il en faut des queues, mais ce n'est bon que modérément, comme dans la Cognotte, et ce n'est très bon qu'à la paillasse - les femmes le disent, et encore pas toutes.
Ainsi, crois-tu que le vers de : À la gloire des corent. "Jardinier d'idéal que quelque amante hante" est harmonieux? Non, non, non! Je te le dis parce que ça choque mon oreille et parce que, à mon sens, il serait mieux de remplacer par "jardinier d'idéal hanté par quelque amante". Ce serait, à coup sûr, plus harmonieux - pour moi - et cela ne déparerait pas cette jolie pièce de vers.
Au surplus, je ne connais depuis que je lis, qu'un seul littérateur dont les qui et les que répétés ne m'aient pas agacés les nerfs, c'est Musset, dans Les Confessions d'un enfant du siècle; et encore, quand je me demande le pourquoi de cette exceptionnelle sensation, je n'en suis pas bien sûr actuellement, je ne peux pas en être bien sûr, car à l'époque où j'ai ressenti cela, j'avais 18 ans environ, et alors!!!...
Petite tuile pour Deschamps. Lucien Choisy ne renouvelle pas son abonnement par raison d'économie. Le pauvre garçon est absolument aphone (sic)  et bien embêté. De plus La Plume, sauf Retté et qq exceptions, l'intéresse moins que Les Annales!!! Tant pis pour lui, tant pis pour Deschamps!  Je n'envoie pas le mandat pour mon abonnement à Deschamps, tu le lui feras passer cette année puisque il n'y a pas pour le lui faire passer directement les mêmes raisons que l'année dernière. Il faut le remercier aussi pour tout le travail que je lui occasionne.
L'Ermitagefusionne avec Le Livre des légendes[1]. J'ai reçu un prospectus ce matin. Je regrette que l'état de mes finances m'empêche de m'abonner à cette revue, à cause des aquarelles très jolies parues dans Le Livre des légendes.
Chouette l'article de Coutant. Mais il n'est pas aussi fin que Lajeunesse... avec le temps.
Tu as toujours qq perles dans tes vers : 2e col. 3e vers : alanguissant! Et Deschamps sans s.
Je t'envoie avec ceci un fragment de Dépêche : c'est le débarquement de X de Ricard. Au fond, il ne l'a pas mérité, puisque, en se plaçant au point de vue républicain, il n'a pas été sincère; mais d'autre part ses directeurs, qui connaissaient ses liaisons et qui le poussaient dans cette voie pour la vente de leur papier, sont encore plus coupables que lui.
Quant à de Ricard, il est maintenant avec Cot et Laissac[2]. Laissac, passons; mais Cot ! réac, réac de la plus belle eau; réac avéré. Ce qui prouve, mon cher collabo, que, en politique, même quand on à affaire à des fédéralistes, on ne peut pas, au point de vue de la direction des idées, compter sur les hommes, lorsque ces hommes sont sous la coupe des capitalistes et ne font rien et ne veulent rien faire pour réagir.
M. Georges Roger a bien voulu me répondre; le service des pharmaciens des prisons vient d'être réorganisé. Il y a 3 pharmaciens de prison à Paris. Pas de place à l'horizon actuellement. Mais dans 2 ans environ, vers l'Exposition, la prison de Frênes-Nangis (banlieue) sera construite. L'infirmerie centrale y sera même transférée; on offrira ce poste à Roger, mais il n'acceptera pas. Le titulaire de l'infirmerie centrale est vieux, paraît-il, mais enfin il y est. D'après Roger, il faut avoir une situation à côté, car on est peu payé. Ceci ne serait qu'un détail, l'essentiel est d'y être.
J'ai prié M. Roger de me dire quel jour il sera à Montpellier, et je verrai où il faut s'adresser pour réussir, s'il ne me perd pas de vue d'ici là (car je ne le connais pas et c'est déjà beau qu'il m'ait écrit une fois). Mais je crois qu'il vaudrait mieux me faire caser dans qq bureau de ministère; il doit bien y avoir des emplois qui sont ouverts à celui qui peut exhiber un diplôme de pharmacien!
C'est en juillet que je terminerai ici. Le temps presse. Quant à venir là-bas sans le sou et sans situation, pas de ça. Ce serait souffrir inutilement.
Je bouquine Rabelais et l'Économie politique.
A bientôt une lettre et amitiés à la Patrouillote et à Daniel. Si l'eau de Cologne ne devient pas assez blanche, prière d'ajouter un peu de teinture de benjoin. Bonjour à tous de votre ami tout dévoué

A. A. Daudé.




[1]  - De Jacques et André des Gachons.
Jacques Stéphane Marcel Peyrot des Gachons. Ses frères sont éditeur (Louis-Didier des Gachons), peintre imagier (André des Gachons) et romancier (Pierre des Gachons, sous le nom de plume de Pierre de Querlon). Jacques et Pierre des Gachons étaient liés d'amitié avec l'écrivain René Boylesve. Après des études secondaires à Châteauroux, Jacques des Gachons devient journaliste puis auteur de romans populaires. Très attaché à son Berry familial, il écrit quelques romans régionaux. Ami de l’Abbé Jacob, il fréquente le cénacle des Epingués à Verneuil où se retrouvent Gabriel Nigond et Fernand Maillaud.
Il est le secrétaire général de la revue L'Ermitageentre 1898 et 1902.
Il a fondé le mensuel L'Album des légendes en 1894, qui deviendra Le Livre des légendes en 1895. Il poursuit la publication sous le nom de L'Hémicycle de 1900 à 1902 pour 29 numéros
Il est aussi le rédacteur en chef depuis sa fondation, le 15 février 1905, jusqu'en 1923, du magazine encyclopédique mensuel Je sais tout.

[2]  - Le docteur Jean-Justin Cot est député de l’Hérault de 1893 à 1898.  Alexandre Laissac (1834-1913) a été maire de Montpellier de 1878 à 1892 puis de 1896 à 1897.





 



Correction d’épreuves et mal aux dents
Mauvaise qualité de l’impression
Difficultés financières
Paul Redonnel participe à la revue L’Omnibus de Corinthe.
Gide trop timorée dans La Revue d’ économie politique
La Plume, revue libre
La Revue du Languedoc





Gigean , lundi (11 janvier 97)

Mon cher Redonnel,

J’ai reçu ta lettre samedi soir. Je l’attendais plus tôt ; aussi je ne m’emballais pas pour t’écrire. Corrigé les épreuves et envoyé tout de suite, ou plutôt le plus tôt possible, car mon malaise durait toujours. Ça s’est terminé par une fluxion, carie d’une dent, névralgies horribles; une purge et du bromhydrate de quinine ont rétabli l’ordre dans ma misérable carcasse. J’ai envoyé hier ma 4e feuille.
Quant aux autres, en placards, il était sous-entendu que je devais les envoyer au Royer, ça y est allé dès que ma santé l’a permis. Mais, mon vieux, j’étais furieux, ce bonhomme se paie, à toi et à Deschamps, votre tête, par-fai-te-ment. S’il avait fait exprès de mettre dans ses cases (je crois)[1] des lettres de rebut, il n’eût pas mieux (ou plutôt plus salement) agi. J’ai eu tellement honte pour nous tous et pour Royer lui-même que je n’ai pas osé enfermer dans un O toutes les lettres en compote. C’est un vrai jeu de massacre, je me suis consolé en songeant que ça nous reviendrait en morasse et que là nous pourrions remassacrer de nouveau; à toi la première, touche-le; à moi la deuxième.
Le n° de fin décembre m’arrive aujourd’hui. Pas de « à suivre »; en revanche, « extrait d’un volume dif. à La Plume »; j’ai songé et trouvé peut-être : la queue du topo ne passera pas parce que les caractères de La Plume sont changés à partir du 1er janvier 1897. Ça m’embête parce que je devine qu’il y a des ennuis sûrement pour toi là-dedans et que c’est encore moi qui en suis cause en partie. Comment Deschamps prend-il l’affaire? Moi, je tiens bon pour 100 fr à la fin de mois (je pense); dis-moi à peu près quand. Ce n’est pas que je n’aie pas de la braise gagnée; ma patronne me doit encore 180 fr à ce jour; mais il faut me dire à peu près à quand les 100 fr pour que je puisse la prévenir à l’avance.
Chez moi, en février, la situation sera moins embrouillée; ce serait très bien si je n’avais à donner ces 100 fr que le 5 ou le 10 février.
À propos de mon abonnement à L’Omnibus[2], j’en suis très volontiers. J’enverrai 7 timbres…
Si Deschamps trouvait malsain que je m’attarde un peu pour mon abonnement, ne te gênes pas pour me le dire, je trouverai pour faire face; si ça ne le gêne pas, ce sera, tu n’en doutes pas, pour le plus tôt possible.
Mais fixe-moi à peu près l’échéance pour les 100 fr (pour prévenir ma patronne). Si précisément, par suite de l’accident (que je suppose) la somme est un peu plus élevée que celle prévue, je pourrai liquider, mais avec du temps.
Je viens de corriger les épreuves de mon topo pour la Revue d’économie politique[3]; ça passera très probablement le mois prochain; je te le dirai. Mais cela ne vaut rien, car Gide a sabré certains passages tempêtueux et le sujet lui-même, n’en parlons pas! Mais enfin, pour le vulgo collabo de la Rev. d’éc. pol., ça est beau [sic]. Comme on est mieux dans La Plume où on peut cogner à l’aise!
Et au fond, il ne m’est guère possible d’en vouloir à Gide pour son opération, car il n’est pas seul à la tête. Il est d’ailleurs très chic! et par ce siècle de marchands, j’apprécie vivement des types comme lui et toi, qui m’avez accueilli dans vos revues, sans que je fusse même abonné. Ceci je l’ai encore mieux compris l’autre jour et hier.
Voici pourquoi : Tu sais que j’ai envoyé de la copie de Mage et de Valentine[4]à M. Castanier pour La Revue du Languedoc[5] par l’intermédiaire de Ferrer (celui-ci à Béziers). M. Castanier m’a envoyé qq jours avant l’envoi de la copie à l’impression un prospectus de sa revue. Cela venait comme un cheveu dans la soupe; mais j’ai compris et j’ai écrit, envoyant un abonnement pour la Revue, d’un ami de Mage; hier, lettre de M. Castanier qui m’annonce que Mage et Valentine passeront ce mois-ci; mais en même temps, il me fait valoir les avantages que j’aurais à m’abonner et à acheter même l’année 1896. La lettre est très polie; mais ça veut dire : mon vieux, abonne-toi, ta braise me manque! Ma foi, je m’abonnerai, mais je paierai plus tard, car maintenant nous avons nos chiens à peigner.
Il paraît que la carte forcée est assez de mode dans les revues; c’est possible.
Maurin n’a pas encore tiré les photos. Que dis-tu de son projet d’article? Des tuyaux donnés par Roger?
Bonsoir et bonne santé à tous? N’est-ce pas toi, Vadius[6]? À bientôt une longue lettre, n’est-ce pas ?
Ton ami tout dévoué,

A. A. Daudé.




[1]  - En fait : ses casses (d’imprimerie).
[2]  - L'Omnibus de Corinthe : véhicule illustré des idées générales.  Publication à laquelle participèrent PAUL REDONNEL, Georges Bans, Jean de Caldain, Édouard Couturier, Léon Deschamps, Désiré Fortoul, Charles Fuinel, Alfred Jarry, Jossot, Oblief, Papyrus, Louis Valtat, Willy.. En janvier 1897, Redonnel publie un texte burlesque : Personnages vivants et natures mortes se terminant par : « La faim justifie les moyens ». La revue est présentée sous forme d’un manuscrit brouillon et raturé.
[3]  - La Revue d’économie politique, fondée en 1887, est encore en activité.
[4]  - Mage et Valentine : ?
[5]  - La Revue du Languedoc publiée à Lamalou-les-Bains (Hérault) par Castanier organise chaque année les Jeux Floraux de Languedoc.
[6]  - « Vadius » signe dans La Plume une rubrique relevant les coquilles et les erreurs linguistiques dans la presse et les revues.






Redonnel ne répond pas
Redonnel signe-t-il Vadius dans La Plume ?
Travailler à Paris ?

Gigean, mercredi soir. 20 janvier 97

Mon cher Redonnel,

J’admire, sans l’approuver, ton silence; voilà njours que j’attends une lettre me fixant à peu près le jour où je dois prévenir ma patronne de tenir à ma disposition les 100 fr de mon enfant. Rien. Pourquoi?
J’attends, par retour du courrier ta lettre, rossart de poète! Vadius? Vadius? Le « Qu’es aco » confirme ma supposition.
Dimanche, j’irai à Cette; que penses-tu de l’article projeté de Maurin? Faut-il casquer avant au Courrier de la Presse[1]? Et combien dois-je demander de coupures à peu près?
Tu as bien reçu ma dernière lettre partie de Montpellier avec son mandat?
Mes prévisions touchant la queue de mon topo sont bien vraies! N’est-ce pas ?
J’ai gobé le coup de la Faim de L’Omnibus de Corinthe[2].
Si tu ne fais pas le rossard, j’aurai ta lettre samedi soir et dimanche je pourrai fixer Maurin.
Que dis-tu des tuyaux (sur les pharmaciens) de M. Roger? Vois-tu des combinaisons nouvelles pour Paris? Je serais embêté d’avoir à moisir tout le temps dans la province; mais, en aucun cas, je ne veux crever de faim là-bas.
À bientôt, une réponse; amitiés à la Patrouillote et à Daniel de ton tout dévoué ami

A. A. Daudé 

P.S. : Inutile de te dire que si La Plume organise une contre-protestation en faveur de la liberté d’allure de Retté, j’en suis.[3] Libertas, libertatis ! Semper !! Chic, maintenant, La Plume!




[1]  Argus de la presse. (expliquer)
[2]  _  Voir lettre précédente.
[3]  - Adolphe Retté censuré ( ?) pour ses prises de positions anarchistes.


Daudé a reçu son livre édité, et finalement bien imprimé
Grave a fait une préface bienveillante
Les socialistes vont critiquer les coopératives
Publie dans L’Ouvrier des Deux mondes de Fernand Pelloutier
Pelloutier propose d’imprimer La Plume
La Plume roupille et Retté somnole


Gigean, 6 mars 1897

Mon cher Redonnel

C’est encore moi. J’ai reçu hier soir 2 exemplaires de mon enfant. C’est très bien. Ce qui m’a littéralement épaté et réjoui, c’est une préface de Grave. – Quel idéaliste, ce cher homme ! Tellement idéaliste qu’il n’a pas vu des choses qui n’échapperont sûrement pas à Lagardelle, par exemple. Ça perche vers la fin du volume. Je lui écrirai (à Grave) et je le lui montrerai. Il semble que c’est un fait exprès de la part des copains de ne pas vouloir accorder satisfaction entière aux coopérateurs.  Si Grave n’était pas un copain, s’il avait été riche, il serait à l’heure actuelle un des plus fameux métaphysiciens que je connaisse. Ceci dit non contre lui, mais bien pour constater la vérité et te dire pourquoi il n’a pas vu tout ce que j’ai mis dans mon topo.
J’attends les critiques des socialistes pour élaborer ma brochure qui doit passer, sur sa demande , dans la revue de Fernand Pelloutier[1], L’Ouvrier des Deux Mondes, à qui je destine le topo de Thomas, quand Lagardelle l’aura remis.
À propos de Pelloutier, je reçois ce soir une lettre de lui, par laquelle il me dit que Charles-Albert (Daudet)[2] des Temps nouveaux vient d’acheter une imprimerie, où s’imprimeront Le Père Peinard, sa revue (L’O. des 2 M.) et Les Temps nouveaux. Mais ça ne suffit pas. Or, ils ont entendu dire que Deschamps cherche un imprimeur pour La Plume; donc, ils recherchent la clientèle de La Plume. Et ils me prient d’écrire un mot à Deschamps pour lui annoncer leur visite et l’engager à étudier sérieusement les propositions qu’ils vont lui faire. Je réponds en même temps que cette lettre que je ne suis pas, à La Plume, en relation avec Deschamps, mais bien avec toi. Que je ne pense pas que La Plume qui s’imprime chez Chamerot, ait besoin de leurs services; mais que s’ils veulent voir, ils viennent te voir, Ch. Albert et Pelloutier, à La Plume, que tu les recevras bien, et leur donneras des tuyaux et les pistons dédirables. Je compte sur toi pour ne pas me faire passer pour capon et pour leur faire une réception digne de chics types intéressants.
Pelloutier me fera des prix épatants, paraît-il, pour ma brochure. Souhaitons-le.
Quand j’écrirai à Grave, veux-tu que je lui fasse des … compliments sur la façon dont il t’a laissé traiter par le délayeur André Gorard ? On doit être chic avec les types, mais jamais laisser passer les vilénies ; car c’en est une.
Je me suis tordu, plus que La Patrouillote, devant mes cartes, en voyant parmi les écrivains nouveaux : Voltaire, avec Candide !!! Hourra ! Vive la Russie ! Ça, c’est trouvé; si j’étais Vadius !...
J’ai écrit à Gallois[3]. J’attends sa réponse. Renvoie-moi mon questionnaire avec les étiquettes de La Plume aussi. Et si tu trouves que je te donne beaucoup de travail avec mon enfant et mes amis, console t’en en pensant que ce sont là les fruits de l’amitié. Ça c’est digne de Ciceron. Combien loin de mon De Amicitia !...
Gallois m’insultera peut-être, car je lui demande de ne pas compter les coupures de 20 journaux ou revues.
Demain à Montpellier et à Cette.
Il a une belle mine mon gosse. C’est très bien. Royer a dû se piquer puisque les O n’existaient presque plus. Bono ! Bono !
Je bavarderais bien davantage, mais il est 11 heures. Le temps passe, le sommeil vient; la fatigue aussi et demain je serais trop vané. Au plumard les enfants.
Bonne santé à tous, ton ami tout dévoué,

A. A. Daudé


Amitiés à la Pat., à Daniel et merci à Grave, si tu le vois avant ma lettre à lui.
L’abbé Charbonnel est bien un de tes amis; lis donc l’article de Bérenger (1erjanvier) et de Ch (15 janvier) dans La Revue des revues.  Intéressants !
La Plumeroupille, elle ne bataille plus et Retté somnole.




[1]  - Fernand Pelloutier et L’Ouvrier des Deux mondes : L'Ouvrier des deux mondes (1897-1899) est chronologiquement la première revue syndicale de caractère général et interprofessionnel apparue en France.
[2]  - Charles Daudet, plus connu au sein du mouvement libertaire sous son pseudonyme de Charles-Albert, né le 23novembre1869à Carpentras(Vaucluse) et mort le 1eraoût1957 au Kremlin-Bicêtre (Seine), est un maître répétiteur, imprimeur, journaliste, militant antimilitariste, anarchistepuis socialiste. En 1895, il fonde à Paris, une imprimerie destinée à satisfaire les besoins de la propagande anarchiste et où sont tirés les premiers numéros du Libertaireque vient de fonder Sébastien Faure.
Dès janvier 1898, il est un dreyfusardardent à la suite de la publication du « J'accuse…! » de Émile Zola. C’est cette défense du capitaine dégradé qui l’engage, en 1899, aux côtés de Sébastien Faureà dénoncer le militarisme. Il milite en faveur de la grève des conscrits et de la désertion.
En 1905, avec Amédée Dunois, il s’oppose à Pierre Kropotkine lorsque dans Les Temps nouveaux, celui-ci déclare qu’il prendrait parti pour la France en cas de guerre avec l’Allemagne.
[3]  - Sans doute le directeur de l’Argus de la presse.  


 
Service de presse
Correspondance et collaboratin avec Augustin Hamon
A Montpellier, le fronton d’Injalbert est retiré pour cause d’indécence
Encore le projet de livre en coécriture
Daudé veut désormais publier sous pseudonyme : Bancel, ou Daudé-Bancel

Gigean, 26 mars 1897

Mon cher vieux,

J’ai bien reçu le colis postal avec 9 livres en sus; 3 bouquins à dédicacer et 3 Japon itou. J’ai renvoyé les 3 et les 2 Japons. Tu as dû recevoir.
J’ai aussi écrit à Royer. Il s’exécute ce matin par cette lettre ci-jointe. Fais comme il te plaira. Je vais lui écrire qu’il fasse comme tu lui diras; mais que, si sous 8 jours il n’a pas reçu de lettre de toi, il me les envoie à moi . Quant à l’emploi, je n’en suis pas embarrassé.
Hamon[1] m’a enfin écrit; je lui ai réécrit; il m’a répondu hier, me disant que j’ai eu tort de le mal juger (car je lui ai expliqué carrément mes suppositions); mon livre ne le gênerait paraît-il pas même paraissant demain; Lacassagne, Bérard, Lombroso ont déjà, me dit-il, écrit sur la matière (anarchiste); d’ailleurs, Thomas et moi ne pensons pas comme lui et nous avons nos raisons, que Thomas exposera dans un article déjà écrit par lui. C’est très bien, mais moins bien que celui de La Plume, que je trouve supérieur; je ne sais pas si l’amitié m’illusionne. En tout cas, supérieur ou pas, Petrus me prie de t’adresser pour l’adoption de son enfant, ses remerciementset j’y joint très volontiers les miens.
Maurin est une rosse; il n’a écrit ni article, ni renvoyé mes notes, ni fixé nos photographies.
Envoie, jusqu’à nouvel ordre, 5 ex. de moins de La Plume. De foutus sots-bougres ont réussi à faire enlever le groupe d’Injalbert de la maison d’à côté du kiosque du P[etit] Marseillais (hou ! Flaubert !) et elle est logée à l’étroit maintenant. D’où diminution momentanée.
Pour me démontrer qu’il ne m’en veut pas, Hamon va m’envoyer un de ses livres, Psychologie de l’An[archiste]-Soc[ialiste]dédicacé. De plus, comme au point de vue tactique, il pense comme moi, et comme je devrais écrire, pour compléter ce que j’appelle « l’action nécessaire, le trade-unionisme et le mutualisme devant les écoles sociales », il m’a promis, lui s’occupant d’autres études, de m’envoyer des documents. Ne pas oublier qu’il représente une mine de documents. Je ne crois pas qu’il veuille me rouler; d’ailleurs, ce ne serait pas avantageux pour lui, puisque, je peux le dire sans en mal parler, il n’est pas fort en économie politique, et qu’il n’en aurait que faire. Donc, s’il ne me pose pas de lapin, j’écrirai encore 2 études sur cela.
Chemin faisant, je ne perdrai pas de vue notre gosse. Signale-moi et je te signalerai tous nos bonshommes fédéralistes inconnus; nous les ferons s’agiter en temps opportun. Le travail que j’effectuerai à côté ne sera pas inutile, au contraire.
Pour débuter à L’Humanité nouvelle, Hamon doit m’envoyer Le Trade-unionisme en Angleterre, dont je ferai le compte-rendu.
Charles-Albert a dû venir te voir à La Plume; je serais enchanté si tu pouvais leur être utile. En tout cas, il faut que tu sois à l’H.N., il y a là des lecteurs d’élite (ce n’est pas pour me vanter que je dis ça).
Si Hamon m’avait écrit plus tôt, je n’aurais pas envoyé topo à Magazine international, à Carmagnole : disparus.
La danse a dû commencer; j’ai reçu déjà 2 lettres de Lagardelle (très aimable qui s’occupera de mon gosse dans Petite République, et dans Le Devenir social).
Je t’en fous du turbin avec mon pseudonyme! Tu dois t’en consoler en pensant que je ne deviendrai jamais riche.
Je voulais faire partir cette lettre par le courrier de 7h 10, les clients en décident autrement.
Je suis rossé; il me semble qu’on m’ouvre les épaules. Pourtant, il fait ici une chaleur d’été.
Bonsoir à La Patrouillote, à Daniel, à Deschamps, de ton ami dévoué,

A.  A. Daudé



[1]  - Augustin Frédéric Adolphe Hamon, né le 20 janvier 1862 à Nanteset mort le 3 décembre 1945, à Penvénan(Côtes-d'Armor) est un écrivain français, philosophe, éditeur de journaux politiques et responsable politique passé de l'anarchisme au socialisme et au communisme.
 Il est considéré comme un des précurseurs de la psychologie sociale. Il milite dans les milieux anarchistes se revendiquant comme anarchiste-socialiste, et écrit ses premiers livres et édite de 1897 à 1903, L'Humanité nouvelle.
Sa correspondance conservée en France et aux Pays-Bas ne comprend pas moins de 6 000 lettres à des dizaines de correspondants dans le monde. Ses deux filles ont légué ses archives, pour l'essentiel à l'Institut d'histoire sociale d'Amsterdam et secondairement à l'Université de Brest et au Centre d'histoire du travail, à Nantes.



Envoi de médicaments et d’eau de Cologne à Redonnel
Redonnel n’envoie pas les articles promis
Daudé traduit en espagnol en Argentine
Projet de partir aux Colonies
Excursion à Aigues-Mortes avec la Société littéraire de Sète
Poésie sans poésie des félibres gueulards
Photos d’une pièce de théâtre, Daudé acteur


[SANS DATE. À DATER] (Cette lettre parle du n° du 15 mai (1897 ?)) => fin mai 97 ? , avant le 11 juillet

Gigean, jeudi

Mes chers amis,

J’ai attendu jusqu’à aujourd’hui pour envoyer le colis de médicaments, parce que je n’ai pas de caisse d’envoi et parce que j’en attendais une de Paris d’un moment à l’autre. Voyant que cela tarde beaucoup, je me décide à mettre les médicaments dans une vilaine boite en carton. Je souhaite que la casse soit évitée. Pour plus de facilité, je n’ai mis que ½ litre de sirop que tu devras ainsi employer : mets dans une bouteille de plâtre 400gr de sucre environ + 200 gr d’eau, fais dissoudre et passer à travers un linge fin. Ce sirop fait, verse-le dans une bouteille d’un litre, ajoute le flacon de sirop envoyé et complète pour remplir la bouteille de 1 litre (si elle n’est pas pleine) avec un peu d’eau.
J’attendais l’envoi de la maison Raspail ; il y aurait eu du parfum pour mouchoir, mais toujours comme les carabiniers, cette maison.
Dans Rabelais, j’ai lu « jambes rebidaines », pas rebindaines.
Rien reçu ni pour le Volné Listy, ni pour L’Humanité nouvelle. Fainéant !
Reçu 16 ex. de Coopéat.
Chaleur intense, temps orageux, pas de pluie, ou si peu !
Dans l’H. N. du mois prochain, je critique !!! ton opinion, si tu vois.
Je suis menacé d’une traduction espagnole. Plus de succès à l’étranger qu’en France. La faute en est à Grave ; il est, je crois, plus à plaindre qu’à blâmer; car ce n’est pas, mais là pas du tout, un économiste. Il aggrave son ignorance en la faisant partager aux autres.
Le Girard a été au dessous de tout dans son compte-rendu du n° 8 de cette année. P. Leroy-Beaulieu est plus fidèle que lui. Si c’était de sa part de la mauvaise foi, ce serait ignoble; j’opine pour l’ignorance, et alors !!!... Mais, nom de Dieu, on me comprendra dans ma brochure, je l’espère.
Comme je dois envoyer la préface au Volné Listy et à un traducteur espagnol qui va partir le 18 pour Buenos-Ayres (pour cause de police encore), je te prie de m’envoyer 2 ex. de ce n° de La Plume.
A ce propos, envoie aussi La Plume du 15 mai à la dépositaire de Montpellier. Elle m’a prié de te dire que vers le 4 ou 5 aôut, elle sera à Paris et viendra te voir à La Plume. Comme les montpelliéraines sont ardentes, je conseille à la Patrouillote de surveiller celle-ci (comme Mle C. F.) sous peine de voir sa tête enguirlandée. Ele est irrésistible… d’ailleurs tu verras.
Rien d’Abyssinie; attendons le 11 juillet. Dans le cas où il n’y aurait rien à faire de ce côté, un médecin de marine, de retour du Haut-Niger, Congo, Dahomey, réformé par suite de la maladresse d’un pékin (acide phénique pur dans l’œil au lieu d’un collyre), m’a promis de me faire pénétrer dans l’engrenage colonial.[1] Espérons-le. De ton côté, vois à Paris. Si d’un côté ou de l’autre, rien à faire, c’est une boite au village, et alors… quelle vie !...
Il y a 3 semaines, allé en bateau à vapeur de Cette à Aigues-Mortes et retour, avec la Société littéraire de Cette. L’organe en est La Harpe, sous le haut-patronage de F. Coppée, A. Daudet et qq vieilles brisques (Bornier aussi) et aussi L’Harmonie de Cette, et qq douzaines de félibres. Promenade épatante; les félibres gueulards seulement, poésie sans poésie. Le plus enragé était Caslelnau[2] (il n’y avait pas l’Arabi[3]). J’espère toutefois que celui-ci est plus intéressant que l’autre. Amitiés de lui. Et aussi d’Oechsner de Conink[4], vu à Balaruc-les-Bains dimanche.
Photos par Maurin. L’avocat, Thomas; le soldat, Galleppe, et[udiant] en droit; l’expert, Camus, pharmacien à Cette; le criminel, moi.
Quel est ce Snabilié[5] dont tu m’as parlé ? Son adresse ? s’il faut envoyer.
J’espère que Patrouil[lote] trouvera eau de Cologne très-bonne; je l’ai soignée.
Amitiés à elle, à Daniel et à toi, de ton ami tout dévoué,

A. A. Daudé





[1]  - Est-ce Paul  Vigné d’Octon ?
[2]  - Joseph Henri Castelnau, né à Montpellier en 1848, est un très prolixe félibre sétois.  Il préside l’Escolo de Ceto et fonde Las Abelhas cetorias en 1896. Il signe Lo felibre dau Ratatet dans La Campana de Magalouna. Mort à Ganges en 1902.
[3]  - Albert Arnavielle dont la voix a traumatisé des générations de félibres.
[4] - William Oechsner de Coninck  né en Seine Maritime (à Icheville) en 1851, est professeur de  chimie à la Faculté des sciences de Montpellier, où il mert en 1916.
[5]  - Snabilié ?? Un poète symboliste javanais ?






 
Les folles nuits de Sète
Fernand Pelloutier veut des exemplaires de Les Coopérativismes


Montpellier, vendredi 6 août 97

Mon cher Redonnel

De retour de Cette, après 2 bains, un orage formidable, une nuit passablement orageuse dans un autre ordre d’idées. Je trouve La Plume et tes vers; très chics; tous mes remerciements.
Je n’ai pas encore reçu Les Coopérativismes. De plus, Pelloutier m’en demande un, subito; je n’en ai pas. Comme il me demande un dépôt qu’il vendra, dit-il, je te prie de tenir prêts 10 exemplaires qu’il prendra ou que tu lui enverras, avec le prix le plus réduit possible, car c’est un chic type. Il paiera après vente.
J’attends de tes, de vos nouvelles avec impatience. Mon frère et ma sœur sont là, impatients. Je vais les suivre, pour accompagner un malade chez Vigouroux[1].
Amitiés à Daniel, à la Patrouillote. Quid novi de l’enfant de Pontich ?
Je te serre la patte.
Votre ami dévoué,

A. A. Daudé.

S.T.P. : l’envoi des Coopérativismes.





[1]  - Grande pharmacie de Montpellier.

A reçu ses brochures
Demander des exemplaires à Hachette
Misère des pharmaciens
Projet d’une pharmacie à Lansargues
Projets pour l’Abyssinie, le Harrar et le roi Ménélik.
Missions françaises en Abyssinie
Conséquences des folles nuits de Sète



Montpellier, 9 août 1897

Mon cher Redonnel,

J’ai bien reçu le colis postal et fait passer, par ma sœur, (car j’étais souffrant) les 5 exemplaires à Léautaud. Ce matin, j’ai pu sortir; il y en a un de vendu. Décidément, mon gosse marche ici.
Comme Pelloutier en avait besoin urgent d’un, que tu ne pouvais sur l’heure lui fournir les 10, je lui en ai envoyé 2. Mais dans le cas où il t’en faudrait pour La Plume, pour lui et pour ici, ne vaudrait-il pas mieux que tu demandes à Hachette de ramener vers toi mes agnelets blancs (c’est, dans un autre ordre d’idées, l’expression de ton presque compatriote, par la femme, l’abbé Gayraud). Vois et agis au mieux.
Quand les pharmaciens te disent qu’ils mangent leur gain de cet hiver, n’en doute pas, c’est vrai . Aussi, je me demande si je pourrai jamais venir là-bas.
Quand je te proposai de t’envoyer de la braise, c’est que j’étais à peu près sûr d’une gérance ici, avec facilité de filer chez les noirs, s’il y avait lieu. C’était la noce, en tout cas la vie assurée pour un an auprès des miens. Le sot-bougre d’étudiant acheteur s’est dédit au moment de signer le contrat et me voilà à nouveau Jérôme Paturot, à la recherche d’une position sociale. Donc, j’use de la latitude que tu me donnes et je ne lâche la monnaie que difficilement.
Pas de remplacement, pas de gérance. Il faut vivre. Mère m’a proposé une pharmacie à relever à Lansargues. On l’aurait eue pour pas cher. Malheureusement, 2 autres sont concurrents; où nous conduira, en ce cas, la loi de l’offre et de la demande? Dans une vingtaine de jours, nous le verrons. En attendant, l’ami Servant me signale M. Robert Wurtz, beau-frère de M. Oechsner de Coninck qui ira en mission en Abyssinie. Ceci ne m’engage pas beaucoup, je vais lui écrire pour qu’il m’utilise. Ce serait un an de gagné ou de perdu?
Naturellement, je préfèrerais rester auprès de ceux qui me sont chers; malheureusement, cela n’est pas possible, il faut donc se remuer. J’ai eu la bonne fortune de trouver la semaine dernière M. Jean de Fesquet, de retour d’Abyssinie[1]. J’avais pour lui une lettre de recommandation. Accueil épatant. Il m’a dit qq vérités sur le pays et les habitants. Pays ignoble, c’est à dire d’abord le désert, avec sa végétation rare; puis, des marécages; puis 50 km avant Harrar, des plateaux sains. Harrar, 25° de température (ici, 35 et même 39° à l’ombre).
Ménélick et ses ras, autocrates absolus. À ses côtés, Chefneux, concessionnaire des chemins de fer, type épatant d’aventurier charmant. Mondon, conseiller à l’Instruction publique, ne conseille rien du tout en cet ordre d’idées, car il n‘y a là-bas aucun vestige d’instruction et les indigènes sont absolument rebelles à la civilisation; Mondon est, en réalité, le représentant officieux de la France (car Ménélick n’en veut pas du tout d’officiel – en cas de complications). Mondon touche 15 000 fr par an. Un M. Clochette 10 000 fr, puis un autre autant.
M. de Fesquet a rencontré la mission Lagarde, dont faisait partie un rédacteur au ministère des colonies pour lequel il m’a donné une carte. Si leur rencontre dans le désert a produit bon effet sur ce rédacteur (M. Vigneras), je peux espérer être casé qq part ou ailleurs par lui; sinon, non.
Quand j’eus ces tuyaux mardi dernier, je fus tellement navré que je lâchais tout et que, dégoûté, j’allai auprès de Thomas et de Fournier et des femmes et de la mer, me détendre les nerfs. Je revins, je pris froid, je fus malade; me voilà d’aplomb et je recommence à monter mon calvaire colonial.
Je prévoyais bien ce résultat pour Patrick. Thomas me les remis, (ces pensées) sans enthousiasme; incidemment, je lui en parlai (surtout de 2 mauvaises) à Cette; il convint de leur sécheresse. Je lui dirai de glisser cela, en douceur, à ce brave Patrick. Si tu as la copie encore, adresse-la à Thomas, si tu n’es pas trop esquinté. Ça fera plaisir au père, pour qui ses enfants sont beaux, même quand ils sont laids.
Lantoine est à L’Humanité Nouvelle; moi aussi; je critique… sans enmieller le peuple, mais tu ne dois pas goûter ces exercices.
Les miens vont bien. Si j’allais en Éthiopie, naturellement je viendrais à Paris. En tout cas, en septembre, nous nous verrions.
Bonsoir à tous de votre ami tout dévoué,

A. A. Daudé

D’après l’ami Villaret à Sousse, j’aurais peut-être qq chose à faire. Mais voilà, de la braise ?




[1] - Le Bulletin de la Société languedocienne de géographie publie au 1er trim. 1898 un compte rendu du voyage de ce montpelliérain au Harrar, en Abyssinie.
  






A séjourné à Lodève et à Saint-André-de-Sangonis chez Gaubert
Projet de remplacement à Aix-en-Provence
Projet de pharmacie coopérative à Nîmes
Qui est Joachim Gasquet ?
Sévérac se propose pour une chronique de philosophie dans La Plume
La presse montpelliéraine et la nlle édition des Chansons éternelles de Redonnel
A envoyé du Kola-Coca à Ferrer
Peut-on être socialiste et pharmacien ?


Montpellier, dimanche après-midi  (fin sept. 98?)

Me voilà, depuis qq jours, de retour de Lodève et de St André[1]. Qq jours de flanelle, et depuis hier, ici, chez Viguier, place Carnot, qui se marie après-demain. Je le remplacerai pendant 5 jours. Après, j’irai à Bancel et à Nîmes, où j’agiterai la question des pharmacies coopératives .
De là, ici, jusqu’au 10 octobre, époque à laquelle j’irai très probablement à Aix-en-Provence, pour y rester 1 mois ou 1 mois ½. De retour, je reprendrai les nîmois et j’espère que la 1ère pharmacie coopérative s’élèvera là. D’autres suivront probablement à Paris. En tout cas, cela pourrait bien nous rapprocher, et plutôt peut-être que nous pensons. J’en serais enchanté.
À Aix il y a, paraît-il, des types chics, exemple : Joachim Gasquet[2], connais-tu et vaut-il la peine d’être visité ?
Tu n’as pu voir le jeune Séverac[3]. Il t’a relancé jusqu’à Lamalou, et tu étais parti! Il voulait te proposer d’écrire chaque mois une revue philosophique pour La Plume. Qu’en penses-tu, de son projet? Doit-il le réaliser? Que fais-tu de son topo?
Tu as dû recevoir il y a une semaine une coupure de L’Indépendant de Lodève. C’est le jeune Ernest Gaubert, de L’Aube Méridionale[4], Saint-André-de-Sangonis qui me l’a procurée. Tu as dû recevoir un n° de L’Écho de Lodève, et aussi du Progrès de Lodève. Envoie ta carte à chacun des trois directeurs.
Je t’envoie aujourd’hui notes de La Vie Montpelliéraine et de La Démocratie indépendante. Ai proposé la même à Fadat et Roche du Progrès de l’Hérault; le Fadat a équivoqué. Je le retiens! Il me demandait 2 exemplaires!!!
Le jeune Gaubert espère, par Reboul, arriver à une note dans Le Petit Méridional[5].
Je te demande qq ex. de La Plume où est mon topo dernier. Pas le frontispice de 1897.
Je ne vais pas plus mal, sauf la toux qui me reprend un peu. Je serais heureux si je pouvais être toujours comme actuellement. Car c’est ennuyeux de ne pouvoir pas compter sur soi.
Je liquiderai, dès que possible, ma bibliographie pour L’Humanité Nouvelle et pour La Plume.
Je voudrais bien avoir 2 ans de plus, car alors je serais fixé sur mon compte.
Pas eu de nouvelles des Ferrer, quoique j’aie écrit. Je pense que Lucie a reçu mes granulés de kola-coca. Quant à Mme Ferrer, c’est rudement embêtant de ne rien pouvoir.
J’ai montré ton gosse à un ami, Olivier, étudiant en médecine de Sommières (Gard); dans le cas où, en se grattant il aurait 15 fr, lui enverrais-tu un exemplaire ?
J’en parlerai dans H.N. en priant Hamon d’insérer tout le morceau. Mais je serai limité, car la bibliographie y est excessivement chargée.
Enverrai note à Tribune Libre, à Ouvrier des Deux-mondes, à Miscarae sociala et puis bonsoir !
Fais-moi part de toutes les critiques adressées à mes productions, car ainsi je pourrai me perfectionner.
Amitiés à la Patrouillote, à Daniel et à toi, de votre ami tout dévoué,

A.  A. Daudé

P.S. – Mère et Vigouroux me vantent la pharmacie Petitot, rue Sérane. On me la vendrait à l’œil. Seulement, il ne faut pas que j’écrive une seule ligne, afin que la police ne m’inquiète pas[6].
Zut !!!



[1]  - Saint-André-de-Sangonis, où réside Ernest Gaubert, fondateur (en janvier 1898) de L’Aube méridionale.
[2]  - Joachim Gasquet : (Aix, 1873-1921) : Fondateur de la Pleïade méridonale qui regroupait Anna de Noailles, Paul Valéry, Fernand Mazade, Pierre Camo, Charles Derennes, Xavier de Magallon et lui. Fondateur à Aix  (de 1892 à 1894, il a alors18 ans) de la revue La Syrinx, de tendance naturaliste où publient Valéry, Souchon, Devoluy, Signoret, Jaloux, puis Les Mois dorés. En 1901, il publie  L’Arbre et les vents puis Les Chants séculaires (1903),  Le Printemps (1909),  Le Paradis retrouvé (1911), tous poèmes de forme pure et classique. Son roman, posthume Il y a une volupté dans la douleur, sera le 3e des Cahiers verts chez Grasset, avec préface d'Edmond Jaloux et portrait par J.E. Blanche (1921). Mais les attaches de Gasquet à la Provence restent fortes et sa femme (fille du félibre Girard) sera reine du félibrige de 1893 à 1900, sa fille (Marie) sera une "provençaliste" active, inventeuse de la tradition des 13 desserts.
Paur Redonnel connait bien Gasquet qui a écrit dans Chimère.
[3]  - Qui est ce Séverac ? Soit Henry Séverac, étudiant en médecine et collaborateur de L’Aube méridionale de Gaubert.
Soit : Jean-Baptiste Séverac : Né à Saint-Guilhem-le-Désert (ou à Montpellier selon J. Sagnes) , Fils d'un juge au Tribunal de commerce, il est en 1896 élève du Lycée et des Beaux-Arts. Ce qui lui permet à la fois d'écrire des poèmes dans Montpellier républicain(1896) et d'exposer au Salon de Montpellier de 1896 une peinture : Les bords du Lez..
Mais dès cette époque, il découvre sa vraie vocation : le socialisme. On lit dans la préface de Le Parti socialiste, ses principes et ses tâches, lettres à Brigitte. (P., Ed. de la Bataille socialiste, 1933) : "J'étudiais la philosophie à l'Université de Montpellier... J'étais alors pourri de prétentions littéraires et artistiques. Je venais pourtant de renoncer à la carrière des arts plastiques... J'entendais souvent réciter à la maison les ves languedociens qu'un aïeul, tonnelier et viticulteur, avait écrits... Il y a quelques trente ans, j'eus l'audace impardonnable d'écrire une brochure heureusement introuvable, que j'intitulai Le Socialisme moderne...".
[4]  -  L’Aube Méridionale : Comité de rédaction formé par : Fernand Couderc, Ernest Gaubert, Pierre Hortala, Adolphe de La Hire, Achille Maffre de Baugé, Eugène Métour, Henry Séverac, Jean Montagnier, Albert Signoret, Maurice de Viau, Marc Varenne.
L’Aube Méridionaleest une revue de “jeunes” et non l’organe exclusif d’une école, toutes les opinions y ont droit de cité. L’Aube Méridionale n’a qu’un but : le Bien, le Beau.
Le 7 juin 1908, Ernest Gaubert, rendant compte de  La Source claire, de Marc Varenne dans La Vie Méridionale écrit :  Il y a 10 ans, ... c’est dans la cour des grands du Lycée de Montpellier que Marc Varenne me dit ses premiers poèmes... Dès qu’un poète rencontrait un autre poète, en ce temps, ils faisaient une revue. Pour ne pas nous singulariser, nous suivîmes cet exemple, et, avec le concours de Pierre Hortala... et de quelques autres, parût d’abord à Béziers puis à Montpellier, L’AUBE MERIDIONALE. Ces détails appartiennent désormais à l’histoire, et le groupement qu’on a nommé l’Ecole de Béziers était fondé.... Nous avons fait lire les poètes nouveaux, ces symbolistes alors fort attaqués et devenus depuis les maîtres de l’heure. Nous avons publié des vers de M. Charles-Henry Hirsch, inconnu alors aux jours de L’Aube Méridionale. Nous avons publié des vers de M. Rémy de Gourmont. Nous nous enorgueillissions du patronage de MM. de Régnier, Pierre Louys et bien d’autres. Nous discutions à présent de M. Maurice Barrès et de M. Jean Moréas... Lorsque nous avons composé la première anthologie des poètes du Midi, nous nous sommes montrés d’une sévérité qui me surprend encore...
[5] - Il s’agit de l’annonce et des compte-rendus de la somptueuse 2eédition illustrée des Chansons éternelles de Paul Redonnel,  publiée en juin 1898 par la Bibliothèque artistique et littéraire.
[6]  - La mère de A.A. D. lui demandera d’écrire sous pseudonyme.





 
Daudé publie toujours et partout
Projets à Madagascar ou en Tunisie
Sa prochaine brochure tirée à 10 000 exemplaires
Projet de livre sur les Coopératives


Bessan, Hérault, pharmacie Paloc, mardi (7 déc. 98)

Mes chers amis,

J’ai attendu une lettre de vous; rien encore. D’autre part, l’envoi d’un colis postal de 38 Coopératismes et de 2 ici me prouve que vous devez avoir un sacré travail, à La Plume; car cela me fait pressentir un inventaire. Néanmoins, si le travail cesse un peu, écrivez-moi donc.
Je m’embête consciencieusement ici. Car il n’y a pas moyen de bien travailler. L’Humanité Nouvelle a commencé la publication de mon petit topo. D’un autre côté, Pelloutier en a publié un autre auquel il a adjoint une note, et nous voilà en polémique affectueuse.
Grâce à Hamon, j’ai décroché un travail de 175 p[ages] sur le coopératisme; bon pour 360 fr. On va m’envoyer la feuille à signer pour l’éditeur (Schleicher frères – Reinwald) et je remettrai le topo en juin.
Qu’à fait le gosse[1]? A-t-il donné pour payer mon abonnement à La Plume (1898)? Si oui, tant mieux, si non, dis-le moi. Comme les 10 000 brochures me coûteront au moins 300 fr, j’ai besoin de battre le rappel de toute la braise.
Mes démarches entrent dans une phase nouvelle. Néanmoins, si tu vois Éon, demande-lui de quoi il retourne sur mon compte. C’est très important.
Toutefois, il se pourrait bien que je n’aille pas à Madagascar et que j’aille plutôt à Sousse (Tunisie). J’examine les propositions reçues il y a peu de temps. Je n’ose encore croire à la bonne tuile que cela paraît devoir être.
Un juif, élève en pharmacie, pas fort en style, m’écrit. C’est celui qui alla à Kairouan à ma place cet été. Il monterait la boite, il aurait les médecins juifs et moi, par un ami du Dr Gazel, de Gigean, les français. Lui, la braise et l’influence; moi, l’influence et le diplôme. Ça marcherait sûrement. Et vous pourriez venir me voir en toutes saisons, excepté l’été parce qu’il y fait chaud; à moins que la chaleur !...
Si ça tenait, il vaudrait mieux que Madagascar ne tienne pas. Néanmoins, dans le cas où ça ne tiendrait pas, ne lâchons pas Éon. Toute ma smala me suivrait à Sousse.
Ma brochure sera sans doute réduite aux proportions d’un in-18[2]; il paraît que ça économisera du papier sur le format de H. N. . Et puis, ce sera plus commode pour la distribution. Thomas a donné une villanelle dans le dernier n°. Tu recevras qq exemplaires de la brochure en son temps. J’ai envoyé à Hamon des compte-rendus de livres.
L’éditeur casque-t-il dès réception du manuscrit? ou à l’apparition du livre? La collection s’appelle Les Livres d’or de la science; Hamon y étudiera le Socialisme; Pelloutier les Syndicats; moi, les Coopératives. Et ton homme illustré[3], que fait-il ? Je ne le vois pas annoncé encore. Tu sais que j’en parlerai dans H.N. si Lantoine, qui est plus qualifié que moi pour cela, ne le fait pas.  – Seulement, je te soumettrai la tranche avant, car je ne voudrais pas dire des hérésies.
Les Ferrer m’ont écrit. Mme F. va mieux; Lucie va mieux de son abcès; Ravacholette[4] a la coqueluche. Ils vont aller à Béziers.
Je vous serre la pince, votre ami tout dévoué,

A. A. Daudé,
36 rue du Pont de Lattes, Montpellier

Les miens vont bien.




[1]  - Sa brochure.
[2]  - Sans doute in-8 , peut-être in-16.
[3]  - Métaphore pour Les Chansons éternelles, édition illustrée. 
[4]  - Significatif prénom ou surnom de la petite Ferrer : Ravacholette !!!





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Envoi d’articles et de vers
Projet de travail à Fez
Remplacement à Balaruc ?
Pas de préface d’Elie ni d’Élisée Reclus


Cavaillon, Vaucluse,  mercredi.  Pharmacie Azéma

Mes chers vieux,

Bien reçu ce matin votre envoi. Miscarea Socialade Bucarest. J’ai promis au directeur de lui envoyer tes vers de la Revue d’art. Peux-tu lui expédier le n° de La Plume où Thomas éjacule son Idée de mérite? Le directeur demande l’échange avec La Plume ; voici son adresse.  Le Volné Listy demande aussi; je transmets demandes sans espoir.
Dimanche, je file d’ici. À Marseille voir mon musulman. C’est pour Fez – 250 km de Tanger, 5 à 8 jours à dos de mulet après la mer. –
Pour diverses raisons, Elie Reclus ne peut se charger de la préface demandée. Élisée Reclus non plus. Tant pis.
Ça passera 1° dans L’Humanité Nouvelle mois prochain et 2° après.
Dimanche, lundi, mardi, mercredi, à Marseille ; départ pour Cette par vapeur; 3 jours à Balaruc probablement en remplacement. Puis Montpellier
As-tu vu Éon ?
Pendant mon séjour à Marseille, adresse : A.A. Daudé, poste restante Marseille-Colbert. Après, Montpellier.
Amitiés, hâte

A.A. Daudé





Compte-rendus des Chansons éternelles de Redonnel
Termine son livre sur les coopératives
Lit toute les publications avant d’écrire
Études sur Louis XVII et Naundorff
Envoie des vers d’Ernest Gaubert
Gasquet a vu Devoluy


Aix-en-Provence, pharmacie Laurens, place de l’Hôtel de ville,  26 novembre 1898

Mes chers amis,

Encore ici, pour peut-être encore 1 mois – si le hasard favorise mon patron à son 1erexamen (sur les 2 qu’il doit passer). Sinon, pour 10 jours peut-être. Après? Nîmes ou Saint-Gervais-sur-Marre, à côté de Ferrer. Il m’a encore écrit hier. Magali a pu prendre l’air devant la rue; mais…!
Je vais relancer les nîmois pour voir si oui ou non je peux compter sur eux. Sinon, Saint-Gervais!
Le Pays de Franceannoncera ton gosse. Bien reçu le Noury oublié. Merci.
L’Aube Méridionaleparlera, par Gaubert ou par moi, de ton gosse. Hamon m’a fait des relations un peu partout. Miscarea Sociala est morte. Mais, en revanche, j’aurai d’autres revues, Cienca Social (Buenos-Aires), Espagne, Italie, etc, où je pourrai envoyer un topo.
Pas encore répondu à Rocher. Tu sais que je lis avant de parler sur quoi que ce soit, j’espère qu’il m’excusera.
Je suis très surmené. Néanmoins, la carcasse doit être bonne. Je ne sens rien.
Je suis très absorbé par l’illustration de mon bouquin. Et combien je comprends ton surmenage pour le tien!!! Il m’a été payé la semaine dernière. J’ai, de mon côté, bouché un trou de 300 fr à d’autres !
J’ai bien réfléchi devant les documents que de chics étrangers m’ont envoyés. Je n’écrirai pas encore La Méthode coopérative pour La Plume, car, cela avalé, cette étude sera meilleure. Donc, je prends du temps.
Gasquet m’a conseillé d’écrire dans La Volonté, de Paris, des topos coopératifs, un ou deux par mois. Je verrai s’il y a moyen.
As-tu répondu à M.M. Cuillé et Demolnis pour le n° des Naauerdoffs[1]? Donne moi l’adresse du secrétaire de rédaction
Je t’envoie des vers de Gaubert. Il a écrit déjà à L’Ermitage. Vois. Si tu les acceptes, fais-lui passer les épreuves : bureau de L’Aube Méridionale, 10 rue du Four Saint Eloy, Montpellier.
Autres vers, de M. Aubinaud, élève en pharmacie à Aix, signés : Raymons. Vois encore.
Amitiés à tous de ma part.
Ton vieux copain,

A. A. Daudé

Gasquet a vu Devoluy il y a qq temps. Devoluy doit m’écrire.




[1]  Orthographe hasardeuse, reprise plusieurs fois par la plume de Daudé. Paul Redonnel publiera aux éditions de La Plume un recueil collectif : La question Louis XVII, étude historique. Et bien sûr, toute la problématique tourne autour de Karl-Wilhem Naundorff, qui prétendait être Louis XVII.




 
Compte-rendus et articles en cours
L’Émancipation, journal de l’Hérault


Aix

Mon cher Redonnel,

Je songe que Hamon m’a dit qu’il avait fait passer mon c. rendu de son gosse dans le Journal de Charleroi (Belgique). Je me dis que, peut-être, par son canal, nous pourrions arriver à l’y loger. Vois si ça te va. Si oui, envoie le gosse, avec ma carte à Hamon, 3 bd Berthier, Paris, pour qu’il l’adresse lui-même au susdit journal. Je crois qu’on l’insérera par lui.
La Tribune Libre a 3 articles de moi sur le marbre. Aussi je viens de recopier ce topo pour un canard qui va paraître dans l’Hérault et l’Aude ; ça s’appellera : L’Émancipation[1]. C’est Antoine Bénézech[2] qui en est le secr. de la réd. ; aussi j’espère qu’il passera dans un mois environ.
Sans préjudice des revues étrangères où j’espère que je pourrai le faire passer.
Bien à vous tous,
pressé,

A.A. Daudé

Aix-en-Provence. Pharmacie Laurens, Place de l’Hôtel de ville.  1  2  1899


[1]  - Journal mal identifié. Il ne semble pas qu’il s’agisse du journal radical-socialiste paraissant à Toulouse.
[2]  - Un collabrateur assez obscur de La France d’Oc, à l’époque où cette revue était dirigée par Paul Redonnel. 






 
Redonnel préside la Ligue [occitane ?]
Ernest Gaubert
Pierre Hortala, un chic type
Compte-rendus des Chansons éternelles à l’étranger
Pas de service de presse pour ce livre à tirage limité
Le torchon brûle entre Gasquet et Daudé
Proposition d’ue chronique socialiste dans La Plume
Les lecteurs « avancés » délaissent La Plume, trop timorée
L’Humanité nouvelle désire l’expertise littéraire de Redonnel



Ma chère Poire,

Laisse-moi d’abord te féliciter de ton adhésion à La Ligue et surtout de ton choix comme président[1]. Pour un poète, c’en est un !
Ton métier de ligueur – un joli métier – doit te laisser peu de loisirs, puisque tu ne daignes pas, depuis des mois, te rappeler que j’existe. J’ai de tes nouvelles par Gaubert à qui tu as écrit, paraît-il. Il paraît qu’il t’a envoyé d’autres vers que ceux que je t’adressai d’abord en son nom[2].
Aujourd’hui, je t’en fais passer d’autres de Pierre Hortala[3], un chic jeune type de L’Aube [méridionale]. Tu as dû voir que je les ai priés d’imprimer une annonce pour La Plume; car ils doivent te faire le service. Aujourd’hui, ils me demandent d’obtenir le service d’une revue sociale, l’Humanité Nouvelle si possible. Si ça dépendait de Hamon, je le lui demanderais, mais depuis qu’il n’a plus la revue à sa charge, depuis que ce sont les éditeurs, il ne peut pas disposer facilement de cela. D’ailleurs, les éditeurs sont tellement chics envers moi, c.à.d. m’envoient tellement de livres publiés chez eux que je n’ose plus. Je préfère venir t’enmiéler toi pour eux. Veux-tu te charger de les servir?
J’ai envoyé un peu partout le c. rendu des Chansons éternelles, mais comme les revues étrangères sont plutôt rats, je ne sais ce qu’il en est advenu. Moi, j’ai fait ce que j’avais promis.
Hamon a reçu de M. des Essarts, directeur du Journal de Charleroi[4]une carte postale promettant l’insertion de mon topo et demandant un exemplaire. Il m’a communiqué cette carte. J’ai écrit à des Essarts et lui ai expliqué qu’il n’y avait pas de service de presse, ni d’amis; ça a dû être publié, et le Courrier ou l’Argus ont dû te l’apporter. Voici la lettre du Belge.
J’ai envoyé le même topo à L’Émancipation, journal soc. et dreyfusard (Hou ! hou !), paraît-il, de Montpellier. Mes parents ont ordre de me communiquer cela.
Le torchon brûle entre Le Pays de France[5] et moi. Tu sais que lorsque je vins ici, le dir. de cette revue me sauta dessus, pour me tomber d’une chronique sociologique mensuelle. Je l’écrivis, elle fut jugée très bonne par lui. Qq temps, après, le sieur Demolins, son ami, celui qui t’a écrit à propos de Naundhorff et à qui tu n’as pas répondu – ce qui n’est pas bien, puisqu’il t’adressa, paraît-il un timbre pour réponse – devint le principal casqueur de sa revue. J’eus le malheur de lui déplaire à cause de mes idées et des explications que j’ai eues il y a qq jours avec Gasquet[6], il résulte que ma chronique est devenue très mauvaise, parce qu’il a dû choisir entre Demolins et moi. Cela prouve que le sieur Demolins est un crétin et Gasquet une pantoufle.
Je réponds de ma chronique, puisque Merlino, mon adversaire, lui a donné asile dans sa Rivista critica del socialismo.
Grâce aux promesses de Gasquet d’insérer dans chaque n° de sa revue le sommaire de la Revue Socialiste et d’annoncer les exemplaires de la collection des Livres d’or (où paraîtra mon gosse), ça n’a pas marché.
Pourquoi ne doterais-je pas La Plume d’une chronique socialiste où j’exposerais de temps à autre le mouvement socialiste dans ses manifestations diverses, de même que tu l’as dotée d’un mouvement provincialiste. Je pourrais développer là mes opinions, animer peut-être un peu La Plume et la relever probablement auprès de ses lecteurs avancés de la foutue impression que Deschamps, toi, et qq collabos lui avez acquis. À moins que votre vilaine attitude ne lui ait amené la considération et l’estime des bonnets à poil. Ce dont je me garderais de vous féliciter.
Vois, question d’amitié et de dreyfusisme à part, ce que tu penses de mon projet. Pour cela, rapporte-toi à l’impression produite par ma réponse à Eraste. Et, si tu m’approuves, bien; sinon, tant pis.
J’oubliais : Hamon tient beaucoup à avoir ton opinion sur la partie littéraire de L’Humanité nouvelle. Dis-moi ça carrément, afin que je puisse le lui communiquer le plut tôt possible.
A. A. D.
Si tu daignes te rappeler que j’existe : Aix en Provence, pharmacie Laurens, place de l ‘Hôtel de ville.




[1]  - La Ligue des Droits de l’Homme a été fondée en février 1898 par Ludovic Trarieux, ancien garde des sceaux, qui la préside jusqu’en 1903. Je ne sais à quelle présidence aurait été élu ou nommé Redonnel.  Je penche plutôt pour une allusion à la création, par Redonnel, Jean Charles-Brun et Henry Ner, de La Ligue Occitane,à laquelle succédera en 1900 la Fédération Régionaliste Française, toujours avec Jean-Charles-Brun.
[2]  - Gaubert est publié par La Plume, et poursuit une carrière d’homme et lettres et de journaliste de presse régionale qui le mènera à un grand engagement dans la collaboration sous Vichy.
[3]  - Pierre Hortala : Né à Béziers le 1 septembre1881. Un des piliers, avec Camille Serguières (au piano), Crassous (dit Chevalier (Tout Béziers 62) du Cercle de la Graisse à Béziers, vers 1897. Fonde, avec Marc Varenne et Ernest Gaubert, Labarre et Henry Rigal la revue biterroise Le Titan
Puis, à Montpellier où il étudie le droit, L'Aube méridionale. Recueils : Dans le soir ; La Grande aïeule. Il collabore avec Ernest Gaubert pour des pièces de théâtre :  L’Heure du satyre ; La Corinthienne. Le 1 janvier 1904 (il n'a pas 25 ans), La Vie Montpelliéraine salue la nomination comme Officier d'Académie de ce "biterrois, un des meilleurs poètes de l'Hérault".  Alors que son poème lyrique  Le Meneur de Louves (tiré de l’œuvre de Rachilde, musique de Jean Poueigh) allait être joué à Monte-Carlo, il se suicide en 1926 dans sa ville de Narbonne en se jetant dans le canal.  Son portrait paraît dans Septimanie (de Duplessis de Pouzilhac) du  25 janvier 1926.
[4]  - Jules Charles Louis Bufquin des Essartsest né à Charleroi en 1849 au sein d'une famille d'origine française de conviction républicaine qui s'était réfugiée à Charleroi durant la Monarchie de Juillet. En 1880, il succéda à son père Louis-Xavier comme directeur du Journal de Charleroi. Il donna au quotidien une orientation libérale progressiste, puis socialiste. Choqué par la répression des grèves de 1886 par le gouvernement qui utilisa l'armée contre les grévistes, notamment la fusillade de Roux des 26-27 mars qui fit près de 20 morts, des Essarts démissionne en avril de ses fonctions de secrétaire de l'association des maîtres de forges de Charleroi et met son journal au service du mouvement ouvrier.
Ce journaliste, directeur du Journal de Charleroi, évolua au cours des années 1886-1894, du libéralisme progressiste au socialisme, via le rationalisme, et via l'Union libérale démocratique (1890) et la Fédération démocratique de Charleroi (1893).
Président (à partir de 1882) de la société de Libre Pensée L'Émancipationà Charleroi et de la Fédération rationaliste de Charleroi (1883), fondateur du Temple de la Science (1893), il fut également actif au sein de la Fédération Nationale des Sociétés de Libres Penseurs et de la loge carolorégienne la Charité.
[5]  - Le Pays de France, revue d’Aix, créée en 1899 par Joachim Gasquet.
[6]  - Joachin Gasquet n’est effectivement pas très à gauche à cette époque. Après avoir été dreyfusard, sa rencontre avec Maurras le convertit au nationalisme, au monarchisme, et même au catholicisme.







 
Envoie une chronique socialiste à La Plume
Concurrence entre les revues parisiennes
La coopération est l’avenir du socialisme
Darwinisme et coopérativisme : accord pour la vie
Pharmacie à Saint-Gervais-sur-Marre



Aix-en-Provence, pharmacie Laurens, place de l’Hôtel de Ville. 22  2  99.

Mon cher vieux

Je t’avais promis, il y a qq jours, de t’adresser une chronique socialiste (sans dreyfusisme); je te l’envoie sous pli recommandé. J’ai jugé bon de ne pas t’adresser l’autre article, auquel je travaillais et auquel j’avais fait allusion parce que très long, trop long. Je ne l’ai pas, d’ailleurs, terminé. Il sera certainement plus travaillé que la chonique adressée aujourd’hui.
À ce titre, je te l’aurais envoyé, mais, voilà, je parle là encore des brochures de Lagardelle[1] et de Sorel[2] qui, à mon avis, sont excessivement importantes au point de vue de l’évolution du socialisme. Quand elle sera terminée, je l’enverrai à Hamon, quoique celui-ci n’aime pas les études paraissant être des ripostes à d’autres études. Or, je réponds à une étude de la Revue socialiste en reprenant la thèse que j’esquissai (n° 226 de La Plume) à propos de la Révolution.
Si Hamon n’en veut pas, je l’enverrai (si tu as des amis là) au Mercure [de France] ou à la Revue Blanche. Je t’en parle, quoique je comprenne d’après ce que je sens (et d’après ce que tu m’en dis) qu’à Paris, la question de « boutique » sévit avec intensité. Cela ne prouve pas, d’ailleurs, en faveur de la sincérité (pratique) des hommes et m’engage à persévérer dans ce que je te disais récemment : « à part qq vieux amis, je serai un sauvage si je viens à Paris ».
Pour moi, il est clair comme le jour que les socialistes vont vers la coopération. Je lis le Journal du Peuple et je vois, au Mouvement social, des notes tendant à unir (comme je le préconise) les syndicats aux coopératives de consommation. Je pense que c’est Pelloutier qui rédige ces notes. Il n’est pas coopérateur officiellement, mais il l’est officieusement. Je sais qu’il m’a défendu au groupe des Étudiants soc. et révol. de Paris, où on me secouait comme un « bourgeois », et « bourgeois » parce que coopérateur.
Cela étant, je conclus qu’en 1900, nous serons, au Congrès de 1900, une honnête minorité de coopérateurs socialistes très secouée. En 1904, nous le serons moins, et, en 1908, les socialistes seront presque tous avec nous. Ce qui ne nous empêchera pas d’être en retard de 60 ans sur les Anglais.
Avant 1908, il y aura des articles apologétiques sur la coopération dans le Journal du Peuple.
Mais, nom d’un chien, il faut du travail pour faire admettre une idée. Et, sans toi, Hamon et Pelloutier, à un moment donné, je me voyais sans organe pour exposer mes idées.
J’ai prié L’Aube [méridionale] de t’envoyer ses n° parus déjà; je les ai prié 2 fois.
Hier, reçu carte postale du Dr Francesco Paresce, dir. de la Rivista moderna di cultura, Florence. Ma bibliographie, donc ton compte-rendu passera ce mois-ci. J’ai préféré le donner là qu’à la Rivista critica del socialismo, parce que c’est plus général qu’à la 2e– un peu trop spéciale.
Pas de nouvelles de L’Étudiantà qui, sur recommandation de Hamon, j’avais envoyé le même c. rendu.
Par L’Aube, j’ai reçu Rivista Blanca, de Madrid; je ne m’y vois pas. En principe, je n’ai pas à me louer des Espagnols.
Je n’ai pas fait de c. rendu spécial pour le Parasitisme organique et par[asitisme] social, j’en parlerai en même temps que de Darwin, de C. Fages et de Kropotkine, ces deux derniers réformateurs de la théorie darwinienne ayant montré qu’à côté de la lutte pour la vie, seul l’accord pour la vie a pu permettre aux hommes et à certains animaux faibles de résister, de survivre aux batailleurs – même forts.
À la fin de ma chronique, tu verras une note pour revues et ouvrages. Maintiens-là si tu penses que cela ne puisse pas gêner l’harmonie de la revue. J’ai fait exprès, au N.B. de dire, « s’il y a lieu », car j’estime que le critique doit être libre d’agir à sa guise. Je te prie de me signaler mes défauts. Si ma chronique ne te plaît pas, renvoie-le moi, car l’amitié ne doit pas influencer l’insertion de topos. Elle doit les faire examiner avec bienveillance. Si celle-ci passe, je consacrerai une chronique au Parasitisme, l’autre à la Coopération, etc, etc…
Pour les bouquins, ne te tracasse pas. Car Hamon m’en envoie pour c. rendu. Or, pour H.N., il faut faire très court, et, alors, on ne peut pas critiquer à souhait. Tandis que, avec ma méthode, on peut englober un tas d’ouvrages. Ainsi, pour le Parasitisme, on peut (et on doit) parler d’un tas de livres ou d’articles, une douzaine environ. Dans ces conditions, la critique porte, parce que nourrie.
Je ne comprends pas ce qui se passe à Béziers. Magali doit être plus malade, car Ferrer ne m’a pas encore écrit sur St-Gervais[3]. Je vais le relancer. Pour les renseignements dont j’ai besoin, il voulut me servir d’intermédiaire. Mais tu sais, à défaut du tracas de sa femme, combien il est « méridional ».
Or, il faut que j’aie ces renseignements précis; car Hortala, qui a une propriété à St-Gervais, n’était pas si enthousiaste que lui, pour le point de vue pratique – quoiqu’il fût content de m’y voir aller, parce qu’il y passera ses vacances.
Si ce n’est pas St-Gervais, peut-être Les Martigues; peut-être Lodève. Ici, le cas est curieux. Le jeune homme à qui je prêtais mon nom « faisait » moins en hiver que moi en été! De plus, il voudrait bien aller à Montpellier. Et alors, j’ai compris, à sa façon de parler que si je voulais aller à Lodève (dans le cas où il achèterait à Montpellier), il m’y « déléguerait » volontiers. Attendons. Je préfèrerais St-Gervais (naturellement); mais je ne perdrai pas de vue les coopérateurs de Paris ou de la banlieue. Et ça viendra! 2, 3, ou 4 ans au plus. Seulement, je ne viendrai là-bas qu’avec une situation sûre. Car Ferrer insiste beaucoup sur cette nécessité.
Je ne sais pas encore combien de temps je resterai ici – 20 jours, 1 mois. Tu peux donc, si ma copie doit passer, m’en envoyer ici les épreuves. D’ailleurs, ça suivra et je te ferai signe, à mon départ.
J’ignore si tu as suivi mon conseil vis-à-vis du sieur Demolins. Je pense que oui. Je te conseille vivement de lui envoyer ses 3 sous; Quoiqu’il en soit, il me regarde furieusement de travers. Cela se comprend d’ailleurs, car il a la prétention de faire marcher les gens et je l’ai fait marcher… vers sa place !
Amitiés à la Patrouillote et à Daniel.
De ton vieux copain,

A. A . Daudé




[1]  - Hubert Lagardelle (né au Burgaudle 8 juillet 1874, décédé à Paris le 20 septembre 1958) est un penseur français du syndicalisme révolutionnaire. Il a participé à la revue Planset a été le cofondateur de la revue Prélude, puis ministre du Travail du régime de Vichy.
[2]  - Georges Eugène Sorel (Cherbourg, 2novembre1847Boulogne-sur-Seine, 29août1922) est un philosopheet sociologuefrançais, connu pour sa théorie du syndicalisme révolutionnaire. Il peut être considéré comme un des principaux introducteurs du marxisme en France.  Mais son évolution pose de nombreux problèmes.
[3]  - Projet de pharmacie à Saint-Gervais-sur-Marre (Hérault).









 
Pharmacien à Sisteron, Avignon, Frontignan…
Devoluy, un grand cerveau
Rencontre inutile avec Frédéric Mistral, fumiste conservateur et centralisateur jacobin
Installation à Prats-de-Mollo
Projet de sanatorium
Peur de la tuberculose
Demande les Cahiers occitans
Maurras, Barrès et L’Aïoli
Projet d’excursion dans les Pyrénées à dos de mulet
Daudé édité par le parti ouvrier tchèque



Prats-de-Mollo, 19 juin 1899

Mon cher vieux,


Si je t’ai laissé sans nouvelles depuis février, ce n’est pas par négligence, car bien souvent j’ai pensé à vous tous. Ferrer aussi que j’ai vu, lors de mes pérégrinations à travers le Midi à la recherche d’une boite.
Je ne t’ai donc pas raconté tout cela. Mon remplacement à Sisteron après Aix; de là, Avignon, où j’ai vu Devoluy qui me paraît un homme très bien, et un grand cerveau. J’ai discuté avec lui un tas de questions, sans oublier les questions économiques qui l’intéressent beaucoup, dit-il, et qu’il voit, avec regret, les fédéralistes (et surtout les provençaux) dédaigner. Il m’a recommandé d’aller voir Mistral, car je voulais m’installer à Graveson, de façon à desservir Graveson et Maillane (mais, n.de D., je t’ai écrit cela depuis !).
Mistral me désapprouva, à cause de mes idées. C’est, là-bas, plein de croix, de statues de la Vierge !! De plus, un docteur nouveau débarqué me promit la guerre.
Je me repliai sur Lamalou, d’où avec Ferrer nous allâmes à St-Gervais, où je trouvai 2 docteurs contre moi (pharmacien). – Départ.
Un remplacement à Frontignan et puis ici où me voilà depuis le 6. Mais encore tout n’est pas installé; car la boite fut négligée depuis la mort de M. de Peretti, mon prédécesseur. Le Dr Maire et conseiller général essaie d’abord de m’intimider, je résiste; maintenant il est correct en façade; il m’a même vendu ses médicaments. Il y a un autre Dr (jeune et tuberculeux) qui est ici en vue d’un sanatorium pour tuberculeux que des Drs de Bordeaux veulent créer ici. On lance cela par actions en ce moment. J’ai un grand besoin de cette création. Car ici, la population est plutôt pauvre. Et les recettes sont maigres avec les tuberculeux : ce sera bien, mais voilà, ce n’est que futur.
À part cela, le pays est bien; de beaux paysages; bon air; agréble compagnie (les tuberculeux déjà ici). À un moment donné, on entendait à l’hôtel où je mange de l’anglais, de l’espagnol et, naturellement, le catalan que je défie la Patrouillote et toi de saisir. Yes ! Il faut que l’étranger vienne ici.
Ferrer doit avoir beaucoup d’ennuis avec sa femme et son travail, car ils doivent être en pleine saison. Je te conseille de lui écrire. Tu ne dois pas très régulièrement recevoir ta correspondance, car, justement, il a dû t’écrire vers janvier ou février. La maladie suit son cours et cette pauvre Magali est bien à plaindre. Quant à moi, je t’affirme que mon état n’a pas été étranger à mon départ pour ici – 750 m. d’altitude. À Frontignan, j’ai senti sous l’effet des brusques variations barométriques un grand malaise au côté gauche. Quoique les docteurs prétendent que ma poitrine est saine, je n’ai pas été rassuré et j’ai filé sur les Pyrénées. C’est prudent, car la tuberculose, au début, trompe beaucoup de médecins. À part ce léger accroc, je vais bien, ainsi que tu pourras juger par 2 photos que je t’adresse et prises il y a qq jours : une avec la barettina catalane – qui me fait ressembler à un meunier ! –
Dès que la pharmacie sera en ordre, je travaillerai; j’aurai du temps d’ailleurs. Mais je ne puis rien te promettre avant le 15 juillet, car, depuis que j’écrivis Le Coopérativisme l’année dernière, mes livres, mes cahiers, notes, sont en grand désordre. Il faudra du temps pour faire de l’ordre; après, parfait !
Hamon est un peu comme toi, surmené. Je lui rappellerai sa promesse. Devoluy, un chic type; Mistral un fumiste conservateur et réactionnaire. Lui, le chef des fédéralistes m’a dit que la décentralisation, c’est très beau, en théorie, mais que, en pratique, il voit combien la centralisation est nécessaire. Zut !
Cahiers humains, ça se fait tous les jours; ça se fera davantage avec le temps. En attendant, tu ferais bien de m’adresser Les Cahiers occitans[1]. Ce qui ne veut pas dire que je considère autrement Brunet, Barrès, que j’étudie comme de curieux cas pathologiques… au point de vue sociologique.
De Devoluy : tous les bateaux fédéralistes (car le fédéralisme est pour lui un bateau) de Barrès sont extraits de L’Aioli[2] par Maurras et servis par lui à Barrès qui délaye !!!
J’ai commencé à gravir la montagne aux ¾. Elle a 1600 mètres; j’en ai avalé 400, c.à d. que j’ai grimpé à 1200 à dos de mulet. C’était très amusant, malgré une pelle (naturellement) à la descente à pied. J’ai encore un bleu au genou.
Cette ascension m’a suggéré l’idée de vous faire franchir la frontière par le même mode de locomotion. Le Col d’Ares doit être à environ 1600 mètres[3]. Il me plairait fort de passer par là en votre compagnie pour aller à Campredon (Espagne) d’où vous fileriez là où vous voudrez ensuite. Pour la Patrouillotte, nous aurons une mule avec selle de dame et ça pourra aller. La caravane sera originale. Mais pour ne pas râter les mules ou mulets, prière de m’annoncer votre venue qq jours avant.
Si vous veniez vers le 15 août, on pourrait gravir Sept-Hommes, un mont du Canigou à plus de 2000 m. d’où on voit la mer, l’Espagne, la France, etc, et d’où le ciel paraît noir, tellement il est bleu. À quelle époque viendrez-vous? Aurez-vous assez de temps pour le voyage à Campredon? Espérons que oui. Si Hamon était là, il pourrait profiter des ballades.
Je te prie instamment d’envoyer à M. Ph. C. Jaroslav Jirousck, Bohême, Prague, Kral Vinohrady Korunni tr. n° 7, le numéro de La Plume contenant la Préface à l’édition tchèque du Coopératisme dev. les Éc. soc. par P. Delsol[4].
Le parti ouvrier national tchèque va m’éditer. Jirousck est mon traducteur. Je te prie de ne pas oublier cet envoi rapide.
Mes parents vont bien ; je vais leur adresser ma binette.
Bien à vous tous, à vous lire et surtout à vous voir,
votre ami tout dévoué

A.              A. Daudé





[1]  - Cahiers occitans : Paris, Comité d’action de la « Ligue Occitane », 2 numéros seulement ont paru : n° 1 - février 1899 et n° 2 – août 1899. Couverture illustrée par Edouard Rocher, illustrations en noir in texte, non paginés. Les Cahiers occitans ont été fondés par Paul-Redonnel et Jean Charles-Brun comme moyen d’expression de la Ligue occitane créée après leur rupture avec Maurras (1897). Ils n’auront que deux numéros et leur disparition précédera de peu celle de la Ligue. Le premier numéro contient une lettre de Paul-Redonnel à Barrès, la réponse d’encouragement de celui-ci, un manifeste de Charles-Brun intitulé Une Ligue Méridionale, un exposé des motifs de Paul Redonnel L’Orgueil nécessaire. Le second numéro contient Un plagiat posthume par Han Ryner avec des lettres de MM. Léon Daudet, Batisto Bonnet, Paul Redonnel. La BNF ne possède que le 1, la bibliothèque de Marseille que le 2.
[2]- Le journal de Mistral
[3]  - 1513, en fait.
[4]  - Thomas est P. Delsol dans La Plume ( ?) 







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Daudé écrit un article de propagande par jour
Il enseigne la pharmacie à un étudiant
Les habitants de Prats-de-Mollo sont très pauvres
L’Université populaire envisage de créer une pharmacie coopérative
Méfiance envers Jean Charles-Brun
Les socialistes Millerand, Waldeck deviennent mutualistes, syndicalistes et coopérateurs
Son frère se marie, Bancel sera vendu


Prats-de-Mollo, Pyr. Or., 17 octobre 99

Mon cher vieux,

Tu dois te demander ce que je deviens, pourquoi je ne t’ai pas adressé de copie et tout le restant. Voici :
D’abord, j’ai fait du lard – 1kg par mois – et des excursions, puis j’ai beaucoup écrit. 1 article de propagande par jour.
Puis, je me suis transformé en professeur jusqu’à l’examen d’un jeune homme qui veut goûter aux beautés de l’art pharmaceutique. Cela durera jusqu’au 25 octobre, date à laquelle le gosse ira se faire examiner. Après, je pourrai bouquiner et travailler. Je n’ai pas encore écrit le topo sur la Conférence de La Haye, parce que je n’ai pas en mains les documents suffisants. Dès que je pourrai, tu le recevras. Après viendront, le plus régulièrement possible, mes Chroniques socialistes.
Hélas, non! Les recettes et les bénéfices ont baissé du quart avec le départ des étrangers. Ce qui fait que c’est embêtant. Et puis, que c’est pauvre, ces gens-là!! Restent donc 2 alternatives : le départ ou rester. Si le sanatorium ne devait pas fonctionner, il est à peu près certain que je filerais. Mais, d’après les derniers tuyaux, la société serait près d’être constituée à 400 000 fr. Si je n’avais que 30 de ces malades qui ne prennent pas de médicaments officiellement, mais qui passent leur vie à se droguer!!!  Alors, oui, ce serait bien. Donc, j’attends.
D’ailleurs, si mes opinions me portent préjudice pour la future pharmacie de Nîmes – malgré l’appui avoué et officiel de Gide et de de Boyne – il y a mieux à l’horizon.
Voici de quoi il s’agit : tu as dû entendre parler par M. Charles-Brun de l’Université populaire de Paris. Eh bien, Deherme, le secr. gén. m’a écrit pour me féliciter d’un topo publié dans L’Émancipation. Nous avons renoué nos relations. Et, lorsque nous avons parlé de la pharmacie qu’on créera dans l’Université populaire, il m’a dit compter sur moi depuis longtemps pour ce service, car, a-t-il dit, là-bas, « il nous faut des hommes et non des fonctionnaires ». Par conséquent, même si j’avais une bonne situation ici, je n’hésiterais pas à aller à Paris où je vivrais la vie que doit mener un type de mon calibre. Car ce n’est pas tout de vivre (et même de bien vivre matériellement) mais il faut autre chose – pour le moral. J’ai demandé à Deherme 4000 fr par an. Nous verrons quand le moment sera venu.
Comme tu désires que je vienne là-bas, voici : demande, sans faire semblant de rien, à M. Ch. Brun (sic) qui est un pilier de l’Univ. pop. où en est la question de la pharmacie à l’Université, et dans le cas où Deherme m’oublierait, je lui rappellerais que j’existe. D’ailleurs, Gide – autre pilier – me pistonne beaucoup aussi. Auprès de M. Ch. Brun, je te recommande le silence puisque je sais ce dont sont capables les libéraux de sa façon. Et je ne veux rien lui devoir, pas plus qu’aux autres.
Sais-tu que cette propagande que j’ai entamée il y a 4 ans a porté ses fruits? Qu’au ministère (Millerand, Waldeck), chez les socialistes, on devient mutualiste, syndicaliste et coopérateur?
J’écrirai probablement une brochure là-dessus et ce sera une des bonnes illustrations du matérialisme historique – que l’apôtre de cette doctrine, Karl Marx, ne vît pas.
Plus eu de nouvelles de ces olibrius d’Aix-en-Provence – Gasquet et Demolins - . Le plus sale des 2, c’est Demolins; l’autre est une pantoufle… simplement. Parce que Demolins a casqué, il marche, même dans l’ordure.
Pas reçu le n° 2 des Cahiers Occitans.
À propos, hier, reçu une lettre de Marion m’annonçant le mariage de mon frère pour avril. Cela = dépenses. Heureusement, la vente de Bancel est décidée. On paiera le tout, je veux dire les dettes. Néanmoins, comme cela ne fera pas des sommes folles, je ne me permettrai pas de venir au printemps à Paris. Ce sera pour lorsque le sanatorium fonctionnera, ou bien pour la pharmacie de l’Un. populaire. Ce serait mieux, ce dernier cas.
Je ne me plains pas de ma santé. Tout va très bien, j’engraisse. Je souhaite que cela aille aussi chez toi, la Patrouillote et Daniel.
Ferrer doit m’en vouloir, je ne lui ai pas encore écrit! Et Magali?
Bien à vous tous, votre ami dévoué

A.  A. Daudé






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Daudé écrit un article de propagande par jour
Il enseigne la pharmacie à un étudiant
Les habitants de Prats-de-Mollo sont très pauvres
L’Université populaire envisage de créer une pharmacie coopérative
Méfiance envers Jean Charles-Brun
Les socialistes Millerand, Waldeck deviennent mutualistes, syndicalistes et coopérateurs
Son frère se marie, Bancel sera vendu


Prats-de-Mollo, Pyr. Or., 17 octobre 99

Mon cher vieux,

Tu dois te demander ce que je deviens, pourquoi je ne t’ai pas adressé de copie et tout le restant. Voici :
D’abord, j’ai fait du lard – 1kg par mois – et des excursions, puis j’ai beaucoup écrit. 1 article de propagande par jour.
Puis, je me suis transformé en professeur jusqu’à l’examen d’un jeune homme qui veut goûter aux beautés de l’art pharmaceutique. Cela durera jusqu’au 25 octobre, date à laquelle le gosse ira se faire examiner. Après, je pourrai bouquiner et travailler. Je n’ai pas encore écrit le topo sur la Conférence de La Haye, parce que je n’ai pas en mains les documents suffisants. Dès que je pourrai, tu le recevras. Après viendront, le plus régulièrement possible, mes Chroniques socialistes.
Hélas, non! Les recettes et les bénéfices ont baissé du quart avec le départ des étrangers. Ce qui fait que c’est embêtant. Et puis, que c’est pauvre, ces gens-là!! Restent donc 2 alternatives : le départ ou rester. Si le sanatorium ne devait pas fonctionner, il est à peu près certain que je filerais. Mais, d’après les derniers tuyaux, la société serait près d’être constituée à 400 000 fr. Si je n’avais que 30 de ces malades qui ne prennent pas de médicaments officiellement, mais qui passent leur vie à se droguer!!!  Alors, oui, ce serait bien. Donc, j’attends.
D’ailleurs, si mes opinions me portent préjudice pour la future pharmacie de Nîmes – malgré l’appui avoué et officiel de Gide et de de Boyne – il y a mieux à l’horizon.
Voici de quoi il s’agit : tu as dû entendre parler par M. Charles-Brun de l’Université populaire de Paris. Eh bien, Deherme, le secr. gén. m’a écrit pour me féliciter d’un topo publié dans L’Émancipation. Nous avons renoué nos relations. Et, lorsque nous avons parlé de la pharmacie qu’on créera dans l’Université populaire, il m’a dit compter sur moi depuis longtemps pour ce service, car, a-t-il dit, là-bas, « il nous faut des hommes et non des fonctionnaires ». Par conséquent, même si j’avais une bonne situation ici, je n’hésiterais pas à aller à Paris où je vivrais la vie que doit mener un type de mon calibre. Car ce n’est pas tout de vivre (et même de bien vivre matériellement) mais il faut autre chose – pour le moral. J’ai demandé à Deherme 4000 fr par an. Nous verrons quand le moment sera venu.
Comme tu désires que je vienne là-bas, voici : demande, sans faire semblant de rien, à M. Ch. Brun (sic) qui est un pilier de l’Univ. pop. où en est la question de la pharmacie à l’Université, et dans le cas où Deherme m’oublierait, je lui rappellerais que j’existe. D’ailleurs, Gide – autre pilier – me pistonne beaucoup aussi. Auprès de M. Ch. Brun, je te recommande le silence puisque je sais ce dont sont capables les libéraux de sa façon. Et je ne veux rien lui devoir, pas plus qu’aux autres.
Sais-tu que cette propagande que j’ai entamée il y a 4 ans a porté ses fruits? Qu’au ministère (Millerand, Waldeck), chez les socialistes, on devient mutualiste, syndicaliste et coopérateur?
J’écrirai probablement une brochure là-dessus et ce sera une des bonnes illustrations du matérialisme historique – que l’apôtre de cette doctrine, Karl Marx, ne vît pas.
Plus eu de nouvelles de ces olibrius d’Aix-en-Provence – Gasquet et Demolins - . Le plus sale des 2, c’est Demolins; l’autre est une pantoufle… simplement. Parce que Demolins a casqué, il marche, même dans l’ordure.
Pas reçu le n° 2 des Cahiers Occitans.
À propos, hier, reçu une lettre de Marion m’annonçant le mariage de mon frère pour avril. Cela = dépenses. Heureusement, la vente de Bancel est décidée. On paiera le tout, je veux dire les dettes. Néanmoins, comme cela ne fera pas des sommes folles, je ne me permettrai pas de venir au printemps à Paris. Ce sera pour lorsque le sanatorium fonctionnera, ou bien pour la pharmacie de l’Un. populaire. Ce serait mieux, ce dernier cas.
Je ne me plains pas de ma santé. Tout va très bien, j’engraisse. Je souhaite que cela aille aussi chez toi, la Patrouillote et Daniel.
Ferrer doit m’en vouloir, je ne lui ai pas encore écrit! Et Magali?
Bien à vous tous, votre ami dévoué

A.  A. Daudé








A reçu un encrier rigolo de Redonnel
Allusion aux attentats anarchistes
Il faut de l’argent pour bien vivre à Paris
J’ai besoin de bien manger
Apprens l’anglais
Ecrit son livre : le Néo-coopérativisme
Envisage toujours co-écriture avec Redonnel



Prats-de-Mollo, Pyr. Or.  15 nov. 99

Mon cher vieux,

J’ai bien reçu l’encrier. Il est en effet amusant et rigolo. Merci. Je me demandais d’abord de quoi il retournait. Quelque machine infernale pour me faire sauter[1]! Heureusement, l’envoyeur me rassurait. Je t’ai retourné les épreuves 2 heures après, c.à d. par le premier courrier. Tant pis pour L’Effort[2]. Merci pour ta note. Bonne affaire. Vois Deherme, mais ne le perds pas de vue. Gide est prévenu aussi et un copain ne lâchera pas l’affaire. D’ailleurs, je ne me ferai pas oublier dans la Coopération des Idées– par conséquent, pas de Deherme aussi. Que fait donc Brieu (Brien ?) là-bas? Il se déracine aussi? Oui, il me paraît un bon type. D’ailleurs, il y a des quantités de méridionaux qui émigrent par là-bas.
Oui, je voudrais bien être à Paris. Mais je veux y gagner 3600 ou 4000 fr par an en travaillant professionnellement, bien entendu. Sans ça, non. Car j’ai besoin de bien manger et de mener une vie sérieuse. Actuellement, je suis embêté, parce que je ne gagne pas assez : 6 fr par jour brut. – Je noue à peine les 2 bouts. Il est vrai que le citoyen maire et docteur me veut éliminer. Mais, comme il y a des chances pour que le sanatorium arrive, je tiens bon. Car alors, avec 40 malades, je gagnerais 15 à 20 fr par jour. En résumé, ma tactique est d’attendre. Si, à Paris, à l’Univ. Pop., on ne me pose pas de lapin, j’aurai mes 4 000 fr plus les bouquins – ce qui compte pour beaucoup. La boite d’ici aura gagné, je la bazarderai à bon compte. Si on me pose le pâle lapin, à Paris, je n’y mettrai les pieds qu’une fois par an. Ce serait même plus sage. Mais je le comprends fort bien, il faut pour agir sur les masses être à Paris. – Triste nécessité.
D’ici là, j’espère avoir appris l’anglais et avoir écrit mon bouquin : Le Néo-Coopérativisme pour la Bibl. internationale des Sc. soc. où sont des grosses légumes : Lombroso, Marx, Vandervelde, etc. Il faudra que je me tienne.
Non, j’ai encore qq exemplaires de mon premier né.
La patte à tous,
de votre ami tout dévoué
A . A. Daudé

P.S. : Recevras sous peu Chronique soc. Tu remarqueras dans L’Effort de janvier le paragraphe relatif au Fédéralisme et au Néo-Coop. Si tu veux bien que nous écrivions Les Fédéralistes français, fais-moi venir à Paris.




[1] - Période Ravachol
[2]  - L’Effort des jeunes







Envoie un article refusé quoique pas très féroce

Cherche des piges rémunérées à Paris
Publie des articles dans le Petit Méridional de Montpellier


Prats, 29 nov. 99

Mon cher vieux,

Je reçois aujourd’hui un topo qui a été refusé par un directeur de revue coopérative qui a eu peur de se fiche à dos tout le Comité Central à cause de lui.
Je te l’adresse – quoique pas très féroce, ni mauvais. – Si tu pensais ne pas devoir l’utiliser directement, je me tiens à ta disposition pour le fondre dans une Chronique socialiste. Lis, vois et donne-moi ton avis.
Ne connaîtrais-tu pas un canard, à Paris, où je pourrais, en attendant le sanatorium et la satanée galette –toujours ! – me faire qq vagues monnaies en écrivant des topos sur des sujets que je connais bien?
À ce sujet, et ceci inter nos, Gariel[1] est très chic. Il accepte de temps à autres de mes topos anonymes. J’en ai écrit 3 sur le Congrès soc. de dimanche prochain et sur les 2 principales fractions socialistes. Dès que j’en connaîtrai le résultat, du Congrès, je ne t’oublierai pas. Je rédigerai une chronique soc. dans laquelle, tu le verras, je serai sûrement obligé de taper sur les socialistes politiciens.
Reçu par Gallois la coupure de La Paix par Mme Maria Vérone.
N’oublie pas mes correspondants de Cette et Nîmes. Celui de Nîmes surtout. Je t’ai donné leur adresse par carte postale.
Donne-moi des tuyaux sur ton entrevue avec Deherme.
Bien à vous tous

A. A. Daudé

P.S. – Dans le cas où ce topo ne serait pas utilisable pour La Plume, envoie-le si possible, au bel Argyriadès[2] pour sa revue.




[1]  - Le directeur du Petit Méridional, Jules Gariel: homme de presse, né à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 18 juin 1851, mort à Montpellier le 4 mars 1913. Il sera successivement rédacteur du journal "L'Egalité de Marseille", de 1868 à 1869, au "Rappel de Provence" de 1869 à 1870, puis il entrera au "Frondeur" de Marseille (1876). C'est là qu'il dû faire la connaissance de Etienne Camoin et de Léo Taxil. "Le Petit Méridional" de Montpellier l'attend ensuite où il accède à un poste de rédacteur en 1876 pour en devenir, dix ans plus tard, le directeur général. Il a été décoré de la Légion d'honneur le 18 août 1898, puis officier le 14 septembre 1912, quelques mois avant sa mort. Enfin, il a été élu vice-président de la fédération radicale et radicale-socialiste de l'Hérault. C’était la principale figure de la « petite chapelle » radicale et franc-maçonne de Montpellier.
[2]  - Paul ArgyriadèsNé le 14 août 1849 à Kastoria (Péninsule hellénique, Macédoine), mort le 19 novembre 1901 à Paris ; avocat ; publiciste et militant socialiste à Paris. Sa revue est peut-être La Question sociale, quoiqu’elle semble avoir cessé de paraître en 1898.
 






 
 
A envoyé un article pour Les Partisans, la nouvelle revue de Paul Redonnel
Polémique avec Mlle Dick May qui jésuitise
Le Titan, revue d’Henry Rigal à Béziers.
Épidémie de santé à Prats-de-Mollo.
Le projet de sanatorium avance

Prats-de-Mollo, Pyr. Or. , 21 / 2 / 1901

Mon cher vieux,

Tu as dû recevoir un topo que je t’ai adressé hier soir. J’espère qu’il te plaira. Si non, retourne-le-moi. Je me propose de taquiner chez toi, dans un autre article, Mlle Dick May[1]qui, dans la Revue socialiste, « jésuitise » à propos de Deherme et des U[niversités] P[opulaires]. Ce sera pour un peu plus tard.
Tu fais le service des Partisans[2]à L’Éducation libertaire. Pas à La Coopération des idées, 157 fbg Saint-Antoine, XIe. Il me semble que tu aurais intérêt à faire le service à celle-ci. Si tu le fais, dis-le-moi. Je demanderai à Deherme de l’annoncer parmi les revues reçues par l’U.P. et de faire, de temps à autre, une annonce du sommaire dans le journal. À la suite d’histoire suggestives, L’Éducation libertaire fut fondée … pour faire pied à Deherme. Je l’ignorais.
Je te propose aussi l’échange avec une revue dont le besoin se faisait sentir ( !) : Le Titan[3]. Tu dois la recevoir. Le rédacteur en chef est M. Henry Rigal, Saint-Chinian, Hérault.
J’ai écrit en faveur de ta revue à M. G. Bourge, capitaine en second à bord de l’Iraouaddy, ligne de Madagascar, Messageries maritimes. Il a, je crois, un roman à placer. Je lui ai proposé, si tu l’acceptais, de le faire passer chez toi d’abord; puis de le livrer au public avec les mêmes clichés. J’ignore s’il t’a écrit. Il se peut que non, car son navire a été pincé par un typhon à La Réunion et il a reçu qq marrons. D’où retard.
Il y a ici une véritable épidémie de santé. C’est bien embêtant. Mais enfin, le terrain du sanatorium a été acheté. Il paraît que 370 000 fr sont déjà souscrits. Il en faut 500 à 600 000. Quelle noce, si je pouvais arriver à 50 ou 60 « bons » malades! Je pourrais venir passer un mois à Paris, chaque année – en attendant d’y habiter complètement si possible.
Excuse le retard que j’ai mis à te fournir mon topo. Mais, à la suite de combinaisons (peu intéressantes pour toi), j’ai eu un travail considérable pour seconder Deherme, au point de vue coopératif.
Coll va bien à Perpignan. Malheureusement, c’est pour lui la vache enragée. Il n’est pas le seul.
Ma belle-sœur est ici. Mais il fait presque aussi mauvais (comme froid, pas comme humidité) qu’à Paris.
Ma mère et ma sœur se rappellent à votre bon souvenir et moi je vous embrasse bien fraternellement, la Patrouillote, Daniel et toi.
Ton ami dévoué,
A.  A. Daudé


P.S. – J’ai gagné 10kg 600 depuis juin 1899.




[1]  - Jeanne Weill (1859-1925), qui avait choisi le nom de plume Dick May, était une romancière française, qui a fondé en 1900 l'EHES, notamment son école de journalisme, devenue l'École supérieure de journalisme de Paris. Dès 1889, à la mort de son père, elle officie comme secrétaire du comte Pierre de Chambrun ancien député de la Lozère et propriétaire de Baccarat (cristallerie), catholique, aristocrate et paternaliste, sensible aux idées de justice sociale, qui se pique de littérature, de politique et de beaux-arts, et finira par prendre la défense d'Alfred Dreyfus.
Le comte créé des prix récompensant les initiatives améliorant le sort des ouvriers, fonde en 1894 le Musée social, finance des chaires d’économie sociale à l’École libre des sciences politiques, à la Faculté de droit et à la Sorbonne, tout en étant mécène de l’Alliance coopérative internationalede Charles Gide. Dick May devient sa représentante auprès des sphères dirigeantes du monde universitaire. C'est ainsi qu'en 1899, aidée d'un groupe d'universitaires parisiens libéraux et laïques mobilisés à l'occasion de l'affaire Dreyfus, soutenus par le sociologue Émile Durkheim, ils posent les bases de ce qui sera l'École supérieure de journalisme de Paris. Parmi les premiers enseignants, des journalistes comme Henry Fouquier, Jules Cornély, membre fondateur du Syndicat des journalistes français, Adolphe Brisson et Jules Claretie.
[2]  - La nouvelle revue de Redonnel, fondée après la mort de Léon Deschamps en décembre 1899. 
[3]  - Le Titan de Béziers. Fondée par Henry Rigal et Marius Labarre pour remplacer L’Aube méridionale.
A  propos de Rigal : (Saint-Chinian 15 fév. 1883- 1914) : Fondateur, avec Gaubert, Labarre, Varenne et Hortala de la revue  Titan à Béziers, il sera ensuite à Toulouse, à Montpellier et à Paris. A 20 ans, il a déjà publié trois recueils, dont Une Syrinx aux lèvres et  Sur le mode saphique. C’est pour publier  Mounette que Bernard Grasset fonde sa maison d’édition. A noter que les premiers imprimeurs pressentis refusent l’ouvrage comme trop licencieux. Il est aussi, en compagnie de Raoul Davray, l’auteur d’une  Anthologie des poètes du Midi.  En 1910, sa pièce La Bonne saison, écrite en collaboration avec Sam Carasso est jouée au Théâtre Molière de Paris, et Le Miracle, en collaboration avec Périlhon est acceptée au Théatre Antoine.  La même année, les éditions Nef (Nouvelles Editions françaises) publient son roman  Le Chasseur de Rossignol et les Histoires fantasques et déconcertantes, écrites avec André Tudesq.













































































MERCURION, journal des étudiants de Sup de Co , Montpellier, 1961 : Molénat, André Pierre Arnal et des jeunes gens pleins d'avenir !

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Voici un journal dont dire : "il est rare" est un euphémisme.
MERCURION
Journal des étudiants de l'École Supérieure de Commerce de Montpellier. 
Il commence à paraître en janvier 1961, (ma collection commence au n°2) et semble s'achever au bout de 11 numéros en mai-juin-juillet 1963. 
Il est domicilié à l'École de commerce, 2 rue Saint-Pierre, et imprimé chez l'imprimeur voisin Causse Graille et Castelnau, 7 rue Dom Vaissette. 
Jacques MOLÉNAT, notre infatigable journaliste montpelliérain, en est le Directeur, et, à coup sûr le fondateur. 

Le format est de 44 x 30 cm, et il a en général 8 ou 12 pages. 
Prix : 0, 50 NF


Sa lecture réserve quelques surprises.

Les éditoriaux de Jacques MOLÉNAT sont ceux d'un rédacteur en chef. À la rentrée d'octobre, il sera Conseiller technique pour un numéro, laissant la direction à Jean-Pierre Amadieu (puis Maurice Boule).
En octobre, un article très personnel nous racontera la situation du Canada Français où notre reporter vient de séjourner.

 Mais dès le début, une signature attire l'attention :
André P. ARNAL
Renseignement pris auprès des intéressés, il s'agit bel et bien d'André Pierre ARNAL, dont la première exposition aura lieu à Montpellier en 1962. Quelques années plus tard, il participera au groupe SUPPORTS / SURFACES et, en 2018, nous aurons la joie de le revoir en exposition particulière à Montpellier.
Pour l'instant, il publie de la Poésie dans Mercurion.
Il est vrai qu'un ce ces poèmes est intitulé  PICASSO .




 Il publie aussi des chroniques consacrées à la musique classique : BORODINE, Bela BARTOK ... 

Notons à propose de Borodine, l'incipit de son article :
"La classification des artistes en groupe, qu'ils la revendiquent, qu'ils l'acceptent ou que la postérité en décide est toujours chose artificielle."  
On lit, nous en 2018, la question sous-jacente : André Pierre ARNAL est-il membre de SUPPORTS / SURFACES, compagnon de route, ou autre?


 En octobre 1961, ANDÉ PIERRE ARNAL revient de Berlin. Il y arrive précisément lorsque ce mur fut édifié, le 12 août 1961.  Le "trait rouge sur une carte" s'est matérialisé dans la nuit. Traumatisme !



 Le reste de l'équipe comprend : Paul Garboua ; Marc Law-Yee ; Bernard Lecuivre ; Jean-Luc Marcantoni, Sylviane Parisis ; Ewin Rosenberg ...
Cette équipe se renouvellera au fil des années universitaires et des corpos successives.



 Le n° 3 s'ouvre sur un article de ministre ! Joseph Fontanet, secrétaire d'état au commerce intérieur. Il contient aussi des interventions de Jean MORINI-COMBY, le directeur de l'École de Commerce, de François Delmas, maire de Montpellier, et des professeurs Etienne Antonelli et Gaston Galtier. Suivront, au fil des numéros René Maury (qui aura sa théorie personnelle sur la mort de Napoléon),


Le N° 5 pose à FREDERIC JACQUES TEMPLE (directeur de Radio-Montpellier) une vraie question :
FAUT-IL BRÛLER LA R.T.F. ?

Dans sa réponse, il cite Henry Miller, mais insiste sur le fait qu'il faut savoir NE PAS se servir d'un poste de radio. Il dit préférer Jean Witold à Bourvil et Max-Pol Fouchet à Jaboune (Jean Nohain). Son modèle est Jean Tardieu.
Finalement, au lieu de brûler la Radio Télévision Française (ce que certains essaieront 7 ans plus tard), il vaut mieux la passer au filtre de l'intelligence... 


Le n° 9, décembre 1962 est largement consacré à l'histoire de Montpellier et de son patrimoine.
C'est sans surprise qu'on y trouve la signature de Maurice CHAUVET, Maurice Boule ou A. CHAZAUD, conservateur des monuments historiques.



Et puis arrive le n° 11, demai-juillet 1963 avec son terrible édito de Maurice Boule : " Nous nous retrouvons deux, sans aucune illusion... Si vous saviez, vous lecteurs, comme Mercurion est décourageant..."
Ce sera donc le dernier numéro.



Cette déclaration finale  a pour voisine une publicité pour la librairie papéterie H. SAURAMPS. Si les adresses du 2 et 34 rue Saint-Guilhem ne me posent pas problèmes, le 5 place de la République ne m'évoque rien. Où est cette place, (quel est son nom actuel)? Quelle branche de Sauramps y siégeait-elle?  Des recherches le diront.

Mais sur ce même n°, un placard du SYNDICAT DES LIBRAIRES me laisse rêveur.
14 LIBRAIRIES y figurent.
Et encore, un simple coup d'oeil montre que n'y figurent pas certaines librairies, pourtant bien attestées. Par exemple JOSEPH GIBERT ou les autres librairies juridiques de la rue de l'Université. Pas non plus le bouquiniste de la même rue.
Pas la librairie de la place de l'Observatoire.
Pas la librairie BONALD, du 60 rue du Courreau.
Pas... et pas...
 Soit au moins 20 librairies à Montpellier...
Sic transit gloria libri...

















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