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NOTES de VOYAGE en LANGUEDOC, Leipzig, 1870 : LE LIVRE MAL VENU, MOROSE et CACHé DE LA HAINE DU PAYS NATAL

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NOTES DE VOYAGE. Languedoc, Roussillon, Provence, Dauphiné. Leipzig, 1870


Notes de voyage : Languedoc, Roussillon, Provence, Dauphiné. Leipzig, Cornélius Blüm,  (Toulouse, impr. A. Chauvin et fils), 1870 - 161 p.

                Un livre sans nom d'auteur, que seule la Bibliothèque municipale de Toulouse donne à Frédéric Leblanc du Vernet. La dédicace A la mémoire de ma chère sœur C. de B., morte à Toulouse le 6 mars 1866 confirme l'attribution puisque l'état civil de Toulouse enregistre ce jour-là la mort de Clémence de Bernard Seignerens, née Leblanc du Vernet.
                Pourtant, Marie Véronique Martinez dans un article de 2006 sur Perpignan au XVIIIe siècle n'hésite pas à attribuer ce texte à l'éditeur : Ainsi, Cornélius Blüm, alors qu’il séjournait dans la capitale roussillonnaise au milieu du XIXe siècle
                C'est bien sûr astucieux, mais encore faudrait-il prouver qu'il existe un Cornélius Blüm éditeur à Leipzig, ce qui est au dessus de mes forces. Je reste perplexe sur cette adresse d'autant plus exotique que, puisqu'elle dispense du dépôt légal, nous ne savons pas si l'édition s'est faite avant ou pendant la guerre de 1870.
               Quant à l'imprimeur, on dirait un gag en ces années de patriotisme exacerbé : "Toulouse, imprimerie A. Chauvin et fils" si l'atelier n'avait bel et bien existé rue Mirepoix.
NOTES DE VOYAGE par Frédéric LEBLANC DU VERNET. 1870

               Mais alors, pourquoi Frédéric Leblanc masque-t-il autant sa brochure? Pas d'auteur, éditeur peut-être (sans trop de doute) fictif, pas de dépôt légal, diffusion minimaliste (3 exemplaires seulement dans les bibliothèques françaises) : pourquoi?
               Ah! Si le contenu était égrillard, polémique, scabreux, ragotant ou mystérieux ! Non, il est tristounet.
               Notre auteur, toulousain et méridional n'aime pas le Midi, condamné à un incurable marasme. C'est sa première phrase, Le mouvement industriel et l'essor intellectuel, si ardents dans le Nord, y languissent de consomption. Aussi est-ce un pays peu exploré ou dédaigneusement traité par les chroniqueurs du sport et les dandies du tourisme.
              C'est vrai que si les journalistes sportifs (en 1870!) et les touristes chics boudent une contrée, comment y survivre?
              Leblanc du Vernet se dévoue donc, il va la visiter avec la rapidité fabuleuse du railway, mais on sent bien que ce n'est pas de gaieté de cœur, comme une vieille tante moustachue et revêche.
              Lugubre itinéraire. Parti de la gare à peu près cryptique de Toulouse (L.F. Céline en dira autant), on traverse Carcassonne dont la ville basse est insignifiante (et la Cité ne vaut guère mieux), puis Minerve, bourgade languissante avec ses maisons ternes et lépreuses, et sa montagne d'Alaricnue, grise et triste
             Par chance, on grille les stations insignifiantesde Trèbes, Capendu, Lézignan, mais c'est pour être déçu par Narbonne  : Pas un seul monument qui atteste de son ancienne splendeur. 
            Ah! Quand même, voici Perpignan qui émoustille (c'est un euphémisme) notre voyageur. Là, tout est sexe et volupté. D'abord, le Moresque Castillet auquel un architecte érotique donna, du temps de Charles-Quint, la forme d'une gorge de femme. Puis la rue de la Main-de-Fer et sa corniche, avec les sujets licencieux… qu'on croirait échappés aux imaginations pornographiques de Pétrone et de l'Aretin. Il ne reste plus qu'à évoquer le serment catalan, qui consistait à jurer par la barbe et par ce que les ciseaux du chanoine Fulbert enlevèrent à l'infortuné Abélard.  Mais l'évocation de cette luxure catalane suffit-elle à  renvoyer le livre au cabinet secret et à le publier sous le manteau ? Bien sûr que non.
            D'autant que le reste du voyage retombe en pleine neurasthénie. A Béziers, le chameau est tout simplement une peau empaillée. A Sète, Les eaux bleues de la Méditerranée consolent un peu des vins frelatés que l'on y fabrique.Maguelonne est une grève éplorée de l'Etang de Thau. Montpellier : même pas la peine de s'y arrêter. Saint-Guilhem-le-Désert, seul, est aimable (loin) d'un monde où nous nous dévorons en attendant la mort! Leblanc quitte cette vallée tranquille, comme on quitte une patrie : le cœur serré. Nous aussi


                Heureusement que la campagne de Lunel est triste et silencieuse comme les steppes, qu'Aigues-Mortes est une morne cité en proie au marasme de la malaria,  et que, s'il se dégage de Saint-Gilles une grâce indéfinissable et indescriptible, la mesquine églisen'est qu'une médiocreéglise gothique (sic!!) de style insignifiant, dont la façade (le portail de Saint-Gilles) est un programme décevant.
               Bref, ce voyage, qui se poursuit jusqu'à Valence, où l'auteur a de la peine à comprendre que Bonaparte ait pu y rester trois ans est, d'un bout à l'autre, rempli à ras bord d'un spleen bas et lourd.
               L'auteur connaît personnellement, et aime Baudelaire. Une anecdote, autour d'un exemplaire des Fleurs du mal est révélatrice. Le 2 juillet 1866, Mme Aupick et le peintre Alfred Stevens vont à Bruxelles pour ramener à Paris Baudelaire, victime d'une grave crise due à la syphilis. Le 8 juillet, les deux frères Stevens rendent visite au poète à la clinique du Dr Duval, en compagnie de leur ami, Frédéric Leblanc du Vernet et de Lecomte de Lisle. A la mort de Baudelaire, le 27 août 1867, Mme Aupick offre à Joseph Stevens en souvenir de cette visite, un exemplaire des Fleurs du malque le peintre lèguera à sa mort (en 1892) à Leblanc du Vernet. Maladies et morts en série jalonnent le pedigree de cet exemplaire : ce ne devait pas déplaire à notre Leblanc du Vernet.
               Mais l'anecdote nous révèle bien plus  : notre ami à la triste figure est un intime des poètes parisiens et des impressionnistes.
               On pourrait presque dire que sa savante publication d'un Recueil de pièces historiques relatives aux guerres de religions de Toulouse (Paris, 1862) est une erreur de jeunesse.
               En 1879 paraît chez Lemereson grand'œuvre : Le Japon artistique et littéraire. Frédéric Leblanc est un des pionniers du japonisme en France.
               Notre Voyage en Languedoc est chronologiquement entre les deux. Il parle encore du Languedoc, mais de façon tristement, pesamment péjorative (on dirait parfois du J.K. Huysmans ou du Georges Rodenbach). Il n'a pas encore découvert le pays du soleil levant où une vie plus gaie serait enfin possible.  A la fois morose devoir de mémoire (la dédicace d'un pays perdu à la sœur morte?) et manifestation de haine envers le pays natal.
               On comprend mieux tous les voiles qui cachent comme un linceul cette brochure mal aimée

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : Jean COCTEAU, "A Shelley" illustré par Karen THOMAS. Editions LUIS CASINADA

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Frontispice de A SHELLEY, de Jean COCTEAU, par Karen THOMAS. Editions Luis Casinada, 1998
                   Les éditions LUIS CASINADA vont reprendre du service.
                   Il est donc sans doute temps de rappeler les épisodes précédents, c'est à dire présenter les livres d'artistes publiés par ces éditions que j'ai créé au début des années 1990.
                    Sans souci d'ordre quelconque tous les titres parus seront donc présentés ici.
                    Voici donc en premier, un texte, inédit jusqu'alors, publié grâce à la courtoisie de Pierre Bergé, propriétaire du manuscrit, et de Pierre Caizergues, l'incontesté spécialiste de Cocteau :

JEAN COCTEAU
A SHELLEY
ILLUSTRE PAR KAREN THOMAS
Editions LUIS CASINADA
Montpellier, 1998. 

Page de titre 
                  Le texte de Cocteau date des années 1910-1912, antérieur au Potomak, qui marque une césure dans l'oeuvre. Le manuscrit en était resté inconnu, jusqu'à sa redécouverte et son rachat par Pierre Bergé. Il est en vers irréguliers et très caractéristique de la merveilleuse facilité de Cocteau
                   Le livre se présente sous la forme d'un volume oblong, d'environ 35 cm sur 15. Il est relié par un ruban de soie rouge. La reliure en papier brut blanc est protégé par un papier cristal, et par des gardes de papier indien.

Page de garde, ruban de reliure et frontispice vu par transparence: A Shelley, de Cocteau
                  Le tirage est fait sur deux papiers différents pour jouer sur la transparence.
                  Le texte est imprimé sur du papier Japon Sanmore qui a la particularité d'être très solide, d'un toucher doux et crémeux, et surtout d'être relativement translucide. Cette transparence a deux objectifs :
                  * Montrer, en sous-jacence sous le texte, les magnifiques illustrations de Karen Thomas, qui apparaissent de plus en plus nettement au fur et à mesure que les pages de texte se tournent, jusqu'à être, seules, sous les yeux du lecteur.
                  * Evoquer, par une métaphore bibliophilique, la clarté même du texte.
                  Les illustrations sont tirées et peintes sur du Japon Dosabiki, qui, lui, est un très fort papier (120g) très blanc et très opaque, crémeux et granuleux, auquel on a, ici, laissé toutes ses barbes.

Justification de tirage de A Shelley de Jean Cocteau et Karen Thomas
                     Le tirage est limité à 45 exemplaires, dont 20 réservés aux éditeurs et auteurs. Tous les exemplaires sont signés par l'illustratrice et l'éditeur (Luis Casinada, id est Guy Barral).

Un fragment du texte sur Japon Sanmore, laissant apercevoir l'illustration de Karen Thomas
                     Le livre comporte quatre illustrations pleine page (dont le frontispice) par Karen Thomas. A partir de dessins de l'artiste, ces illustrations ont été tirées en noir. Puis, chacune a été colorisée à la gouache par le peintre elle-même. Tous les exemplaires sont donc différents, les choix chromatiques variant de l'un à l'autre.

Jean Baniel, enfant de choeur et chanteur de la Sixtine 

                    Karen THOMAS est une artiste anglaise qui vit et travaille à Montpellier et qui a exposé un peu partout en Europe. Elle était, par ses origines et surtout par son style, prédestinée à illustrer ce texte.

A Shelley de Jean Cocteau. Editions Luis Casinada. 1998
                   Ce livre est actuellement exposé au Musée Fabre de Montpellier, et figure sur le catalogue et le CD-Rom qui accompagnent cette exposition des Fonds Cocteau de l'Université Paul Valéry.

La barque de Shelley
          Renseignements supplémentaires : Editions Luis Casinada,  barral.guy@neuf.fr
ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
http://editionsluiscasinada.blogspot.fr/

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE OCCITANE : Isabelle MARSALA illustre Max ROUQUETTE. Editions LUIS CASINADA

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Vue aérienne de Una nuòch de luna plena de Max Rouquette et Isabelle Marsala. 

Suite de la présentation des livres publiés par les éditions LUIS CASINADA à Montpellier.

MAX ROUQUETTE
UNA NUÒCH DE LUNA PLENA
illustré par 
ISABELLE MARSALA
Editions LUIS CASINADA
Montpellier, 2002


Page de titre de Una nuòch de Luna plena de Max Rouquette et Isabelle Marsala
             Le livre ne manque pas de surprises.
             D'abord, il est en occitan, comme il se doit pour un livre de Max Rouquette. Mais (il y a un mais), la traduction française est dessous le livre, dans un petit livre attaché sous le serpent.
             Si on fait le comte des ingrédients de ce livre, nous trouvons :
              1°) Un livre sous couverture verte imprimé sur papier Japon DOSABIKI 120 g. à toutes barbes, format 20 x 17 cm, reliure à la chinoise, contenant le texte (inédit par ailleurs) occitan de Max ROUQUETTE et 5 illustrations originales d'Isabelle MARSALA.
                     Ces illustrations sont tirées d'après des dessins au trait noir et réhaussées par l'artiste elle-même de couleurs acryliques. Ces couleurs peuvent varier d'un exemplaire à l'autre, chaque exemplaire étant donc unique.
              2°) Un autre livre, format 15 x 7 cm relié en rouge, "dissimulé" sous le corps d'ouvrage du livre, contenant la traduction française du texte de Max Rouquette
              3°) Un support en bois circulaire, de 26 cm de diamètre, qui est là, bien sûr, pour évoquer la pleine lune, accessoirement les trous du poinçonneur du métro. Le livre lui est relié par un cordon vert.
              4°) Et le clou du spectacle, c'est un serpent de 1mètre 25 cm de long, en latex ou caoutchouc, enroulé sur ou sous le livre, comme vous voulez. Ce serpent est sensé être une de ces immenses couleuvres de Montpellier qui tient une si grande place dans le texte.
          
Serpent, lune, pour Max Rouquette 

             Le tirage du livre est de 70 exemplaires (en fait, au bout de 60, j'avais épuisé ma provision de serpents et celle de mon fournisseur, le tirage réel est donc de 60).
Justification de tirage par Max Rouquette et Isabelle Marsala (celui-ci, ex. d'éditeur, non signé)

              Le texte de Max Rouquette est un condensé de tous ses thèmes favoris. On y retrouve un historique et une topographie du Mas de Gardies (son haut-lieu mythique), avec son occupation pendant la guerre de 14 par des prisonniers allemands (Voyez la peinture d'Isabelle Marsala ci-dessous), puis des réfugiés de la guerre greco-turque.

Prisonniers allemands au Mas de Gardies (Hérault) vus par Isabelle Marsala
           L'histoire commence alors, qui va conduire le jeune T*** d'Argelliersà Paris et retour. Il y est question de chasse au lapin et à l'engoulevent, de couleuvre de Montpellier (qui est peut-être le personnage principal, en tout cas le deus IN machina), d'exil, de métro parisien et de café concert.
Les images d'Isabelle Marsala parlent d'elles-mêmes.

Chasser ou dormir au clair de lune??
Attaque de la couleuvre de Montpellier
"J'étais poinçonneur dans le métro!... Métropolitain..."

Trois étapes d'une vie.

           Pour plus de renseignements : Editions Luis Casinada  barral.guy@neuf.fr
       
 Pour le peintre Isabelle MARSALA : www.isabelle-marsala.fr/ 
ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
http://editionsluiscasinada.blogspot.fr/



              Pardon à Marie-Jeanne Verny pour avoir fait siffler des serpents à ses oreilles.

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : DANIEL DEZEUZE illustre LES ROYAUMES COMBATTANTS de SKIMAO. Editions LUIS CASINADA

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Suite des livres édités par les éditions LUIS CASINADA, à Montpellier
Les Royaumes combattants de C. SKIMAO illustrés par Daniel DEZEUZE
CHRISTIAN SKIMAO
Les Royaumes combattants
illustré par
DANIEL DEZEUZE
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1998
g
Page de titre de Les Royaumes combattants par Skimao et Daniel Dezeuze
                Le livre se présente en format vertical, 21 x 10 cm.
                La reliure est constituée d'un rideau de lamelles vertes cousues entre elles, évoquant les travaux de Daniel Dezeuze, soit à l'époque de Supports / Surfaces, soit ensuite.
                La couture est, bien sûr, effectuée avec un fil de soie blanc à la chinoise.
                L'impression est faite sur papier pur coton du Moulin de Riom, gardes papier cristal gauffré.

Justification de tirage des Royaumes combattants par Skimao et Dezeuze. 
                Le tirage total est de 50 exemplaires, dont 25 pour les auteurs et l'éditeur. Tous signés par les deux auteurs.


Les Royaumes combattants de Christian Skimao. 
                 Christian Skimao est connu comme critique et théoricien d'art, fondateur de la revue Le Chat Messager avec Bernard Teulon-Nouailles et collaborateur de bien d'autres. C'est ici son écriture poétique qui est mise en évidence. Son texte suit les diverses périodes des Royaumes combattants (période de fondation de l'Empire chinois) et se calque sur les péripéties de la guerre et sur les variations stratégiques et culturelles.
                 La typographie et la mise en page évoquent les calligraphies chinoises.

Dessin de Daniel DEZEUZE pour Les Royaumes combattants de C. Skimao
                Les dessins de Daniel Dezeuze, à l'encre de chine, ont été imprimés en noir. L'artiste les a ensuite parachevés manuellement de touches de gris, et a fait un encadrement à l'or de la page.

Illustration de Daniel Dezeuze
Troisième dessin original de Daniel Dezeuze

              Pour plus de renseignements : Editions Luis Casinada,    barral.guy@neuf.fr
ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
http://editionsluiscasinada.blogspot.fr/

BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE OCCITANE : François DEZEUZE illustre L'Opera de las Sidoulas de L'ESCOUTAIRE

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Deuxième (et pour le moment dernier) livre en occitanédité par les Editions LUIS CASINADA.
Lou Grand operà de las Sidoulas de François Dezeuze (L'Escoutaïre)  illustré par François Dezeuze
             Encore un livre à la présentation assez étonnante publié par Luis Casinada :
L'ESCOUTAÏRE (François DEZEUZE)
LOU GRAND OPERA DE LAS SIDOULAS, farcejada
illustrat per
François DEZEUZE (soun pichot-enfant)
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1996

             Le tirage total a été de 45 exemplaires, signés par l'illustrateur et l'éditeur. 

Page de titre 
          François DEZEUZE est un des écrivains occitans majeurs de la première moitié du XXe siècle. Il est le chantre de la vie montpelliéraine, le philosophe du mazet, mais son style, reconnaissable entre mille, déborde largement ces clichés sans les démentir. Disons en deux mots que ce papetier imprimeur (rue de l'Aiguillerie) a été l'âme de LA CAMPANA DE MAGALOUNA, une revue qui pendant quatre décennies a diffusé un occitan populaire dans toute l'aire occitane, et qu'il a été un des auteurs de théâtre les plus joués du Bas-Languedoc. Une dizaine de ses farces étaient jouées, chaque dimanche, aux quatre coins de la province par des troupes de joyeux amateurs. 
            C'est une de ces pièces, dont la première représentation a eu lieu à Frontignan le 7 octobre 1900, qui est ici rééditée. 
            Même les non-occitanoliseurs comprendront tout ce vocabulaire "simple et efficace" (comme on dit pour parler des guitaristes rocks). 
Une scène du Grand Opera de las Sidoulas de François Dezeuze.
            L'intrigue est simple : un peu comme dans Les Copains de Jules Romain, un groupe d'hommes (que des hommes) se réunit dans un mazet (pour celui qui ne saurait pas : petite maison de campagne le plus souvent d'une seule pièce). Ils vont manger, et boire, et parler, et manger, et boire, et parler... presque jusqu'à la mort. Presque... 
            Les spectateurs se tordaient de rire, les acteurs essayaient de retenir le leur. 
            C'est qu'il y a là-dedans A LA FOIS la grosse farce et le petit sel de l'esprit fin
            C'est cette association de finesse et de robuste rigolade qui motive la présentation de l'oeuvre par l'éditeur. 
Couverture du Grand Opera de las Sidoulas en céramique de Saint-Jean-de-Fos 
                  Les deux plats de reliure, son écorce, sont brillants et rugueux. Deux rectangles de terre cuite vernissée, issus la poterie de Saint-Jean-de-Fos, sont lisses et vernis à l'émail vertà l'extérieur, bruts de terre cuite à l'intérieur. 
                   Ils mesurent 18 x 11 cm. 
2eme plat et gardes du livre 
                    Une corde, une simple corde, relie l'ensemble. 
                    Par contre, le texte est tiré sur un papier japon Liaxuan vergé pelure le plus fin imaginable : 16 grammes. (Imaginez les difficultés du tirage!)
                    Ce contraste entre pulpe et écorce résume tout. 
                    Les illustrations ont dû être faites sur un pur coton vergé "normal", c'est à dire de 80 grammes.
Illustration de François DEZEUZE
                     Il était en effet impossible de travailler à l'aquarelle sur un papier pelure. Quand je dis "aquarelle", c'est une question de parler, puisque les roses et les mauves sont issus des meilleurs cépages (Saint-Chinian et Saint-Georges d'Orques) du Languedoc. 
                      En effet, les dessins ont été exécutés à l'encre de chine au trait, tirées en noir, et chaque exemplaire colorié à l'aquarelle et à la "vin-arelle" par François DEZEUZE. 
                      Il y a 5 illustrations par volume.
Illustrations de François Dezeuze
               Finalement, je crois que je vous ai embrouillé. 
               Je ne vais pas dire que je l'ai pas fait exprès, mais je vais réparer ça : il y a François Dezeuze et François Dezeuze. 
               Je ne vais pas vous faire la généalogie complète de la famille DEZEUZE, mais voici la situation des principaux protagonistes de l'histoire. 
               Au commencement, il y a FRANCOIS DEZEUZE, alias L'ESCOUTAÏRE, dont je parlais au début. Ce François a eu un fils Georges DEZEUZE, peintre fort connu à Montpellier, collègue des Beaux-Arts de Montpellier de Dubout et de Germaine Richier. Ce Georges a eu, lui, deux fils. Daniel Dezeuze, celui qui a illustré Les Royaumes combattants de Skimao pour les éditions Luis Casinada (et fondateur de Supports/Surfaces) et FRANCOIS DEZEUZE, professeur aux Beaux-Arts d'Avignon, et donc, ici, illustrateur de son grand-père. 
               Le Grand opéra de la famille Dezeuze. (Et ça continue dans les nouvelles générations...!!!) 

               P.S. : Le livre n'est pas garanti incassable, il est juste beau et solide. 

             Plus de renseignements : Editions Luis Casinada ;   barral.guy@neuf.fr

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BIBLIOPHILIE CONTEMPORAINE : Hervé DI ROSA illustre Joël JACOBI aux Editions LUIS CASINADA

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Menteur ! de Joël Jacobi illustré par Hervé Di Rosa

            Suite de la présentation des éditions LUIS CASINADA à Montpellier.

MENTEUR ! 
3 textes de Joël JACOBI
4 linogravures réhaussées de gouache et signées au crayon rouge de HERVE DI ROSA
Editions Luis Casinada
Montpellier, 1995

             Joël JACOBI, connu aussi pour ses chroniques taurines sur FR3, a écrit 3 textes, et Hervé DI ROSA a gravé une linogravure pour chacun. 

             L'ANE : 
Linogravure d'Hervé Di Rosa pour L'Ane de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

OPPOSUM :
Linogravure d'Hervé Di Rosa pour Opposum de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

 LA FAIM DU TORERO :

Linogravure d'Hervé Di Rosa pour La Faim du torero de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)

 Plus le TITRE et le FRONTISPICE en deux couleurs

Linogravure d'Hervé Di Rosa, frontispice de Menteur! de Joël Jacobi (Editions Luis Casinada)



Coffret ouvert + une des linos gravés

           Un coffret en plexiglas cristal réunit les trois fascicules. Le frontispice forme le premier plat coulissant en couvercle de ce coffret.
            Format : 15,5 x 15,5 cm


Dos et 4e de couverture

             Le papier est du Dosabiki Masashi aux bords frangés. 
              92 pages non chiffrées, soit 23 folios doubles en feuilles. 
             Le tirage est de 25 exemplaires, chaque fascicule signé par l'auteur, chaque illustration signée au crayon rouge par l'artiste.
Justification de tirage
           Le livre est répertorié dans le catalogue des "multiples" d'Hervé Di Rosa publié en 1996 par l'Artothèque du Limousin sous le titre : "Hervé Di Rosa, livres, estampes et voyages. Editions 1981-1996".
Hervé Di Rosa, livres, estampes et voyages. Editions 1981-1996


A suivre... 
Renseignements complémentaires : Editions Luis Casinada,  barral.guy@neuf.fr

ET SURTOUT, VOIR LE BLOG SPÉCIALEMENT DÉDIÉ AUX ÉDITIONS LUIS CASINADA QUI ONT REPRIS LEURS ACTIVITÉS : 
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Des REVUES, des JOURNAUX pour maintenir et sauver la LANGUE D'OC. Stratégies éditoriales, publics cible, choix divers... (1850-1950)

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                  A Norwenn Ansquer avec son sourire et son rire dans le déluge. 

Cansou lengodouciéno in L'Almanach des Muses 1767

                  Ce dimanche 10 juin je suis allé, dans le cadre de Total Festum, et sollicité par le LR2L (Languedoc-Roussillon Livre et Lecture), à Chanac , en Lozère (dans le superbe château du Vialard) , donner une conférence sur les diverses stratégies utilisées par les REVUES LITTERAIRES OCCITANES au temps du félibrige, disons 1850-1950.

                  Voici le synopsis de cette conférence, comme des cailloux sur lesquels j'ai sauté à grands pas pour traverser, près du Lot, une heure de bavardage.

                  En ce temps-là, aucune institution ne songeait à aider les langues régionales à survivre.
                  Le seul espoir de sauver la culture "occitane" reposait sur LA LANGUE et LA LITTERATURE. 
                  LE LIVRE fut largement mis à contribution, et plus particulièrement MIREILLE, "LE" livre de la renaissance provençale par excellence (1859).
                  Mais  notre sujet d'aujourd'hui concerne un 2e média : LES REVUES.
                  Leur nombre fut innombrable : la seule lecture des centaines de titres de revues publiées en occitan épuiserait largement mon temps de parole.
                  Elles couvrent tout le territoire occitan, et prolifèrent même à Paris.  
                  Leur prolifération et leur importance dévoilent le sentiment partagé par tout le monde de l'importance de la presse !

                 Mon histoire commence en 1854, le 21 mai. Ce jour-là, 7 jeunes hommes prennent en même temps deux décisions :
                      * fonder un mouvement pour la défense et l'illustration de la langue provençale : le félibrige.
                      * créer un almanach pour diffuser largement la langue restaurée et sa littérature : L'ARMANA PROUVENCAU.
                 C'est dire que, pour eux, l'un ne va pas sans l'autre.

                  Mais quelle presse et quel rôle?
                  Ma causerie va essayer de caractériser les choix qui ont présidé à la création et à la diffusion de ces revues occitanes, et les diverses stratégies adoptées, souvent en toute conscience, par leurs créateurs.

1 *** La plus simple, celle le plus utilisée avant le félibrige, c'est d'utiliser les supports existants.
L'Almanach des Muses publie à la fois Voltaire et de la Langue d'Oc

                  *** C'est le cas au XVIIIe avec le plus célèbre almanach parisien : l'ALMANACH DES MUSES, où, presque chaque année,  par exemple ici en 1767, deux chansons languedociennes voisinent, sans traduction avec Voltaire. A noter qu'on parle alors de "languedocien" et non de "provençal" ou d'occitan.
Le Mémorial du Vaucluse chronique Joseph Roumanille 1847

                 *** C'est surtout le cas de tous les journaux régionaux qui accueillent, en Provence surtout, des textes en langue d'oc. Voici L'INDICATEUR d'AVIGNON où en 1843 est imprimé pour la 1ère fois le nom de Roumanille (à 25 ans, à propos de logogryphes), ou le MEMORIAL DU VAUCLUSE de 1847 où paraissent, pour la première fois des extraits des Margarideto du même (paru en librairie la même année), bien avant l'existence du félibrige, dont on voit par là qu'il ne naît pas de rien.
                 Ceci se passe au XIXe principalement en Provence qui est plus en pointe que le Languedoc et surtout que la Gascogne.
                 C'est, disons, le reflet de la vie occitane : une langue minoritaire ayant sa (petite) place dans la société française. Il n'y aura que bien peu de quotidiens régionaux qui ne laissent une rubrique à l'occitan (et ce jusqu'à Midi Libre, La Dépêche…).
On pourrait aussi citer l'apparition de Robert Allan dans la revue DIRE de Montpellier dans les années 60. Mais cette revue fait l'objet d'un article à elle toute seule. 
                  C'est la portion congrue accordée au folklore local.

              *** Autre utilisation de supports existants : les revues parisiennes, surtout littéraires.
              Il arrive aussi en effet que "Paris" fasse un effort pour accorder une place à cette littérature exotique.
              Deux exemples : LA PLUME, "LA" revue symboliste de la fin du XIXe avec le numéro de JUILLET 1891 consacré aux félibres par Charles Maurras (ici, un exemplaire avec envoi de Maurras. au Prof. Antonin Glaize). On y trouve des oeuvres des "grands félibres", des extraits des autres, et une analyse de tous les écrivains de la nouvelle génération, de 1890.
N° de LA PLUME de 1891 consacré aux Félibres. dédicace de Charles Maurras

              La NRF en 1930 se fend d'un numéro spécial pour le centenaire de Mistral. Textes de Mistral, mais aussi de Folco de Baroncelli, de Joseph d'Arbaud ou d'André Chamson. (De nos jours, Le Magazine littéraire, ou Europe, voire Le Monde des livres font parfois de même). Le corps de la revue est toujours en français, seules les citations sont occitanes, les textes sont en 2 langues.
1930 La NRF célèbre le centenaire de Frédéric Mistral

               *** Toujours et pour terminer cette rubrique  "vu de Paris", il ne faut pas négliger les divers organes des Méridionaux de Paris.
               Paris reste la capitale où il faut être présent (Philippe Martel a étudié la réception de MIREILLE qui passe forcément par Paris: Maillane-Paris-Maillane).
               Le Mois cigalier organe de La Cigale, association des méridionaux de Paris. On y retrouve des gens comme Jean Aicard, Henri de Bornier, Alexandre Cabanel, Alphonse Daudet, Ferdinand Fabre  ou le ministre Maurice Faure et même Jean Jaurès qui n'ont souvent jamais écrit un mot occitan, à côté de quelques très rares félibres exilés comme Joseph Loubet . L'occitan n'apparaît que dans des citations , mais  on y parle beaucoup des félibres, et trop des tambourinaïres. Comment dit-on "pagnolade" quand on parle d'Alphonse Daudet?
Les cigaliers de Paris en goguette dans le Midi

                Dans le même cas on peut citer Lou Viro-Soulèu, La Revue félibréenne de Paul Mariéton  ou La France latine autour de Jean Lesaffre

                MAIS REVENONS AU FELIBRIGE FELIBREJANT pour la  2e option stratégique.

2*** L'Armana prouvençau et la forme "Almanach" 
               Il est créé le même jour de 1854 et dans le même mouvement que le félibrige. Joseph Roumanille le prend en charge, l'édite et le distribue.
               Le premier paraît fin 1854 pour l'année 1855.  En 1870, son tirage est de 7000 exemplaires.
               Avantages de la formule "ALMANACH" :
               *** La formule existe déjà  et a déjà fait ses preuves : les almanachs de la bibliothèque bleue (imprimés surtout à Troyes) sont distribués dans les campagnes par les colporteurs depuis le XVIe siècle
              *** Il est annuel,  bon marché, (le prix de 3 timbres poste) sert de calendrier et est repris en main très souvent, parfois lors de réunions ou de veillées.
              *** Surtout : on peut le garnir avec n'importe quoi : petites poésies, musique, histoire et historiettes en prose, blagues (lou cascarelet) , infos pratiques ("annuaire" ou recettes ) ou infos tout court : liste des médaillés…
ARMANA PROUVENCAU publié chez Roumanille 

             En fait, sous le nom d'almanach qui n'effraye pas les milieux populaires, CE SONT DE VERITABLES REVUES LITTERAIRES.
             Il mêle les vers à la prose. Paradoxalement, si les vers sont une manière populaire spontanée d'écrire, la prose est un des grands apports félibréens : le langage courant peut s'écrire!
Tous les grands noms de la littérature  provençale seront publiés par L'Armana.  Les textes de Mistral seront recueillis et édités : Proso d'Armana en 1927 .
             L'armana prouvençau continue à paraître.

LES AUTRES ALMANACHS
            On ne compte pas les almanachs qui paraissent dans la foulée.
            Le plus souvent, il y a un écrivain à l'origine qui est maître d'oeuvre.  Par exemple, L'ARMAGNA CEVENOU QUI DEVIENDRA ARMANA DE LENGADO quand Albert Arnavielle quittera Alès pour Montpellier.  Ou encore L'ARMANAC SETORI de Joseph Soulet . Reparaît depuis quelques années.
           ARMANAC DE LOUZERO (depuis 1903 ? )
Scission et polémique en Rouergue : deux Armanacs Rouergas concurents 

           Son caractère bon enfant n'exclue pas les engagements politiques ou les violentes polémiques idéologiques.
            Ainsi, L'ARMANAC ROUERGAS, du Grelh Rouergat qui se scinde en deux en 1939 avec d'un côté MOULY-SEGURET et de l'autre Pierre Miremont-Joseph Vaylet.
            Ou encore LA LAUSETO (1877- 78) sous la direction de Louis-Xavier de RICARD qui se dit "Armanac dal PATRIOTO Lengodoucian", et est édité "MITAT FRANCES MITAT LENGO D'OC" . C'est l'époque du président de la République royaliste Mac Mahon. Il y a là pas mal de "félibres rouges".  Mais il ose publier aussi des textes des troubadours  Peire Cardinal ou Marcabrus en "version originale".
La LAUSETO, un almanach "ROUGE" 


             En fait, la formule "ALMANACH" est la meilleure pour faire entrer de la littérature dans les milieux populaires. Et TOUTE la LITTERATURE : populaire ou savante (Mistral, Aubanel, Troubadours…)


3 *** LA PRESSE POPULAIRE, la voie royale de la presse occitane
             Lou Bouil'Abaïsso  (1841) - Lou  Tambourinaïre  (1843) avaient montré la voie dans la mégapole provençale Marseille.

             *** ELIMINONS tout de suite le gros du peleton, celui qui fait gonfler les chiffres de l'édition des périodiques occitans. J'ai nommé  cette presse de proximité immédiate composée de bulletins ultra locaux, laïques ou paroissiaux qui fleurissent par centaines dans les plus petites bourgades d'occitanie.
           Certes, ce bulletin parle patois.
            Certes, le rimailleur, l'érudit ou le notable du coin l'alimentent abondamment.
            Certes, il est lu et attendu avec plaisir par la communauté à laquelle il s'adresse.
            Mais il est bien difficile, même avec l'empathie la plus grande de lui trouver des qualités littéraires. Et c'est là son danger : accréditer l'idée que le patois est synonyme de médiocrité (car ces bulletins ignorent superbement syntaxe et orthographe mistraliennes et patoisent à qui mieux mieux). Ils accréditent aussi l'idée que le patois est ultra régional, inconciliable d'un village à l'autre, qu'il n'a ni littérature ni syntaxe et qu'il ne sert qu'à parler "entre-soi", cet entre-soi étant des plus limités.

           *** MAIS CERTAINS JOURNAUX LOCAUX parviennent à avoir un véritable contenu littéraire et une audience régionale assez large.
La BUGADIERA de Nice en 1876

           C'est le cas à Nice de LA BUGADIEIRA de Jules BESSI, (1876) Du TRON DE L'ER de MARSEILLE (même époque),  de LA BOUTS DE LA TERRE (La Voix de la terre 1909-1914 Simin Palay avec Michel Camelat, voisine de RECLAMS DE BIARN 1896)
           Ou de la très célèbre dans tout le Midi CAMPANA DE MAGALOUNA (437 n° parus de 1892 à 1933 : 40 ANS, avec des éclipses) de Edouard Marsal et François DEZEUZE.
LA CAMPANA DE MAGALOUNA 

           Max Rouquette y débute, en prose  en 1927 (19 ans) avec Lou paure ome e la Crous sous le pseudonyme de Max Cantagril qui intrigue Dezeuze soucieux de le rencontrer.
Le premier texte de Max Rouquette . L'Escoutaïre veut rencontrer Max Cantagril

           On y trouve bien sûr tous les montpelliérains et héraultais, mais aussi de nombreux provençaux et même gascons, mais presque tous sous pseudonymes.
           Canevas d'un numéro type :  Une Crounica de la campana assez échevelée par L'Escoutaïre, quelques poèmes narratifs ou burlesques, un texte sur l'histoire littéraire ou anecdotique du midi, parfois une chanson, des devinettes ou des bons mots, parfois un classique occitan (style Curé de Cucugnan, Sermou de M. Sistre…) des publicités, le plus souvent en occitan comme par exemple, N° 357 du 15 avril 1926 : "Lou milhou regiounalisme es lou de l'oustau"… conclusion : achetez vos meubles chez Arnavielhe à Montpellier…
             C'est sous la forme du journal hebdomaire ou mensuel, le même contenu, à peu près, que celui des almanachs.
           Tout cela dans l'occitan le plus populaire, qui ne recule pas devant les gallicismes…

          *** Ce rayonnement est aussi LE CAS DES REVUES SPECIFIQUEMENT FELIBREENNES : Dominique, La Cigalo d'Or  et L'Aioli
         Dominique créé en 1876 devenu La Cigalo d'Or en 1877  finit la même année pour reparaître de 1889 à 1895 (52 + 133 n°)  A noter donc que La Cigalo dort pendant 12 ans, puisque, liée à la vie tumultueuse de Louis Roumieux, elle cesse de paraître entre 1878 et 1889
Louis ROUMIEUX : Dominique, puis La Cigalo d'Or 

        Anecdote : Dominique, fondée par Louis Roumieux à Nîmes voit son titre unanimement critiqué : "Dominique es pas de la lengo. " Elle décide de s'appeler Lou Felibre. Mais officieusement, le félibrige tique et renacle.  Finalement, le nouveau titre sera : LA CIGALO D'OR. N'empêche, d'avoir voulu s'appeler LOU FELIBRE indique bien l'orientation  de la revue. D'ailleurs, les responsables seront toujours des responsables du félibriges : Hyppolithe Messine ou Alcide Blavet, syndic, Albert Arnavielle, le "félibre intégral". D'ailleurs, à  partir du 1 janvier 1890, LA CIGALO D'OR devèn l'ourgano ouficial de la Mantenenço de Lengadò.
         Son contenu est littéraire, mais avec de belles disparités de niveaux ou de qualité entre les différents textes.
          A noter, pour montrer la porosité des séparations entre les revues littéraires françaises et occitanes à la fin du XIXe qu'une polémique engagée contre DRUMONT à propos de son antisémitisme et de son anti-méridionalisme (au sud de la Loire, que pourriture répétera aussi Céline)  commence dans LA CIGALO d'OR et se poursuit dans la revue CHIMERE. Il est vrai que les 2 revues ont le même rédac chef : Paul Redonnel (voir sa notice sur ce blog).
La CIGALO LENGADOUCIANO de Béziers ignore Marcelin ALBERT, lou Cigalou 

          Le titre, qui évoque l'emblème des majoraux du félibrige fait florès puisqu'au XXe siècle nous aurons LA CIGALO NARBOUNENCO et LA CIGALO LENGADOUCIANO de  Béziers. Cette CIGALE là sera tellement poétique, tellement félibréenne, tellement mistralienne en un mot que, créée en mai 1907, au plein feu des manifestations viticoles (Féroul et Marcelin Albert), elle n'en dira jamais un mot, pas même une allusion.
          Quant à L'AIOLI, il est créé et dirigé par Frédéric Mistral en personne et paraît de 1891 à 1899, à peu près remplacé  par la revue d'un autre capoulié, Pierre Devoluy : PROUVENÇO (puis VIVO PROUVENÇO) de 1905 à 1914.  On ne peut plus officiel ni plus félibréen.

           *** On pourrait citer dans la même rubrique des revues destinées à un large public  LES REVUES "EVENEMENTIELLES" , créées à l'occasion d'un événement littéraire (LE CENTENAIRE DE l'abbé FABRE), politique (LA CAPELETA, journal électoral : voir ma notice dans ce même blog) ou plus grave : la GUERRE de 1914 avec LOU GAL (voir le journal de guerre de Louis Bonfils dans ce même blog) ou LA GAZETTO LOUBETENCO polycopiée par Joseph Loubet.

             Après  les revues "Populaires", les revues "d'idées"

 4 *** LES ANNEES 30 VOIENT L'INTELLIGENTZIA OCCITANE ESSAYER DE DEPASSER LE FELIBRIGE tombé dans un folklorisme pittoresque et désuet, barbut et capellut dit Max Rouquette.
             Il s'agit de créer dans le domaine occitan des grandes revues pleines d' AMBITION
             Il s'agit, en utilisant uniquement la langue d'oc (dans tous ses dialectes), de donner une colonne vertébrale intellectuelle forteà l'action félibréenne
CALENDAU : peu spectaculaire, mais revue efficace !! 

             CALENDAU (1933-1940-1944, 100 n° ) va être la grande revue de cette remise en cause.
             Rien ne distinguera CALENDAU de revues françaises comme La Revue des deux Mondes, Europe, Les Temps modernes, Etudes, etc…
             Son sous-titre "Revisto felibrenco"ne lui interdit aucune liberté.
             Qu'on en juge : Le premier article (page 3 du N° 1°) est du mistralissime Léon Teissier : sous le titre  "Lou Capoulié" c'est une critique acerbe du capoulié Marius Jouveau opposé au Capoulié de l'action, Pierre Dévoluy (1902-1909 ) : "Mistral èro pas un capoulié, mai un dieu qu'aviè meme pas un det à leva…" "Mistral vouliè plaire en touti"…  l'article finit par : "Ço que Devoluy aviè de mai que Jouveau,… es que son pople l'amavo, l'escoutavo et l'aurié segui sabe pas mounte. …" Le grand homme de Calendau, c'est Devoluy.
             On ne peut être plus libre.   ….   Ce qui n'empêche pas cette espèce d'édito d'être suivi d'un brinde de Jouveau, ni celui-ci de faire en 1935 la réclame pour la revue et de la définir fort bien :
"Es mens uno revisto d'infourmacioun qu'uno revisto d'ensignamen. .. Acò vòu pas dire de negligi li publicacioun de soun endré…." (Et il y en a beaucoup!)
             Revue félibréenne, donc, d'enseignement (on dirait de recherche ET d'Opinion) aussi, et transcendant les particularisme régionaux.
             Ses auteurs viennent de Nice (Fontan), de Bordeaux (Boussac), de Béarn (Camelat) ou d'ailleurs.
             Fière de son MISTRALISME INTEGRAL (édito,), il va explorer tous les domaines de la COUNCIENCI NACIOUNALO  dòu pople nostre.
             "La lengo es la marco la mai seguro de la persounalita  mouralo d'un pais". Mais  l'ounour dòu félibrige es d'avé de longo uni li dos revendicacioun, lenguistico e soucialo…" (es Calendau que dis acò).
             Nous trouverons donc au fil des 30 à 60 pages mensuelles des articles de fond, des polémiques, des études historiques ou littéraires, des récits, des poèmes, des compte-rendus de livres et de revues, bref tout un reflet de la vie intellectuelle sociale et politique de l'époque.
             Pierre Azéma et Léon Teissier seront les forces de la nature de cette revue jusqu'à l'automne 1940 où Azéma quitte la direction pour la laisser à Marcelle Drutel  (L'Aubanelenco) jusqu'au n° 100,  octobre 1943 (un n° 101 en juin 1945)
Quant à  Léon TEISSIER , puisque nous sommes à Chanac, notons qu'il est né en 1883 à Vialas en Lozère et est mort à CHANAC en 1981.  Oncle de Janine Bardou (maire et présidente du Conseil Général de Lozère).  Il quitte la revue  en mai 1942 (lors de l'invasion zone libre)
            Pierre Azema sera, en 1957-59 A LA FOIS PRESIDENT DE L'I.E.O et Majoral et syndic du félibrige.  Cela permet à Calendau de publier à la fois les félibres orthodoxes et les jeunes contestataires comme Max Rouquette dès 1933.
            L'attitude de Max Rouquette dans ces années 30 est symptomatique de la variété des stratégies occitanes pour occuper tous les terrains.
            Publiant régulièrement dans CALENDAU, il donne aussi des textes à LA CAMPANA DE MAGALOUNA , revue populaire s'il en est, tandis qu'il fonde en parallèle (avec Barthes et Lesaffre)  LE NOUVEAU LANGUEDOC où il va contester les fondements mêmes du félibrige au nom d'une action "occitane" intégrale.
            LE NOUVEAU LANGUEDOC a à peu près les mêmes objectifs que Calendau, mais s'inscrit uniquement dans la FUTURE mouvance OCCITANISTE, en rupture avec un félibrige folklorisant.
Le mouvement, créé en 1928, sort son premier numéro annuel en 1931, et le dernier, N° 3  en 1932. Il ne survit pas aux départs de Rouquette et Lesaffre.
            OC, créée en 1923 à TOULOUSE par Ismaël GIRARD, et qui continue à paraître de nos jours a sous couvert de REVUE LITTERAIRE stricte, l'ambition DE REVOLUTIONNER TOUT LE MOUVEMENT OCCITAN.  D'abord en adoptant la graphie "classique" de Fourès et Perbosc.  Puis en sortant la littérature occitane du REGIONALISME. La Littérature d'oc est une des littératures mondiales.
C'est OC qui publiera le SECRET DE L'ERBA en 1934, le 1er texte publié en monographie de Rouquette. Mais je  considère arbitrairement que OC sort de mon sujet.

            Même ambition pour TRENCAVEL, fondé en 1937 (->1944) par Jeanne Barthès (Clardeluno) et Léon Cordes à Olonzac dans l'Hérault  : Revisto poupulario mesadièro per toutes, gavaches e pais-bassols . Trencavel privilégiera le théâtre.


5 *** UN COMPROMIS : Une revue que je n'ai pas su où caser :  Marsyas 1921-1942 et 1946-1961
MARSYAS de Sully André Peyre. Denis Saurat, l'ami infidèle

           Marsyas est liée à un seul homme : SULLY ANDRE PEYRE (1890-1961), associé à son épouse anglaise AMY SYLVEL .
           La revue publie en français, en provençal et en anglais.
           Je dis EN PROVENCAL, puisque c'est sa seule intransigeance : la langue est STRICTEMENT CELLE DE MISTRAL.
           Par exemple, PEYRE et Denis SAURAT qui a publié depuis 1921 dans Marsyas se brouillent lorsqu'en 1954 SAURAT publie Encaminament catar en dialecte ariègeois et en graphie classique dans la collection MESSATGES de l'IEO contre le "Droit du chef-d'œuvre".
           Littérairement, la revue est de très haute qualité. Elle édite une littérature "intemporelle", issue des courants littéraires de la fin du XIXe : Parnasse, symbolisme, naturalisme, 50 ans après. Mais c'est de la littérature de haute tenue.
           Peyre est un esthète, un dandy de l'écriture… Il m'évoque, humainement, Rainer Maria RILKE.
           La revue tirée à  1000 exemplaires, n'a aucune tendance régionaliste, et place la littérature occitane dans un courant littéraire universel.
           Elle diffuse les textes occitans d'excellents écrivains : Max Philippe Delavouet, Jean Calendal Vianès, Charles Galtier, Joseph d'Arbaud, etc..; et Denis Saurat
           Donc : à la fois très forte ambition littéraire, ouverture au monde, mais repli sur une orthodoxie grapho-linguistique mistralienne. Une stratégie troublée.
           La revue disparaît avec son créateur en 1961.
        
           Avec CALENDAU , MARSYAS et Le Nouveau Languedoc, nous avons quitté les revues les plus populaires.  Faisons un pas de plus et découvrons le vaste pays des :

6 *** REVUES SAVANTES

          Les félibres cohabitent très bien avec la REVUE DES LANGUES ROMANES créée en 1870 par des universitaires et des érudits : Charles de Tourtoulon, Achille Montels, Anatole Boucherie, etc…
          La RLR combine la philologie, l'édition de textes anciens et modernes, l'histoire et la critique  littéraire.
          Elle est rédigée en français, mais édite des textes occitans.
          Dès le premier numéro, en 1870, il publie à côtés de textes médiévaux des textes majeurs de Frédéric Mistral, Théodore Aubanel et chronique le 1er livre d'Albert Arnavielle (qui a 25 ans).  Donc anciens et modernes, voire très jeunes auteurs réunis.
Premier numéro de la REVUE DES LANGUES ROMANES en 1870

          A propos de l'Armana Prouvençau, Achille Montel parle dans ce même numéro de "cette mignonne Revue, qui, ne s'adressant qu'à la foule, a été acceptée par elle avec un si vif empressement, si bien qu'il s'en édite, pour toutes les provinces du Midi, 7000 exemplaires apportant partout, ainsi qu'il s'en vante, joie, plaisir et passe-temps, joio, soulas e passo-tems". (p. 86-87). Les ponts ne sont pas coupés entre le plus savant et le plus populaire.
         Il s'agit donc pour la Revue des Langues Romanes de réaliser 2 objectifs
         * Inscrire la littérature occitane de toutes les époques dans le cadre des études et de l'érudition internationale.
         * Comme on est en 1870, il s'agit aussi de contester le leader-sheap des universitaires allemands sur les études littéraires des troubadours.
         La Revue des Langues romanes est encore de nos jours publiée par l'Université Paul Valéry de Montpellier

        LE FELIBRIGE LATIN, lui, essayera plus modestement de contester la prédominance provençale et d'ouvrir le provençal vers la Langue d'Oc, puis l'occitan, dans toutes ses aires géographiques. La lutte d'Alphonse de ROQUE-FERRER contre le félibrige (et réciproquement) sera terrible, mais c'est une autre histoire
Alphonse Roque-Ferrier se rebife au nom du Languedoc(ien) 


         Je termine par un CONTRE EXEMPLE PARFAIT, comme moi qui fais cette conférence en français (mais c'était différent en 1890) : LA FRANCE D'OC (de Montpellier, années 1890)d'Achille Maffre de Beaugé qui, sous le patronage (quémandé et difficilement accordé) de Frédéric Mistral décide à la fois de s'appeler La France D'OC et de n'imprimer aucun mot d'occitan. Même Mistral n'y est publié qu'en français.

         Je termine, vraiment cette fois-ci, par une information capitale : IL Y A ENCORE DES REVUES OCCITANES EN 2012 !!!

LA FRANCE D'OC. Le félibrige sans la langue. Une revue littéraire à Montpellier en 1894. Encore et toujours Paul Redonnel

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La France d'Oc avec sa devise Auzor! Auzor!  Montpellier 1894


Dans notre série Passage de revues, voici une étrangeté : une revue se réclamant hautement de Frédéric Mistral et du félibrige et portant sans équivoque un titre occitan, mais qui, tout au long de sa parution, ne comporte pas un mot écrit en langue d'Oc. Une revue aussi qui, fondée par un militant de la future Action française, prend en cours de route une tonalité pro-dreyfusarde, et polémique vertement contre Drumont.

La France D’Oc  
Organe régionaliste hebdomadaire illustré.

Un numéro specimen parait en septembre 1894, suivi sans transition par un N° 2 le 21 octobre 1894.  
Après le n°8 du 2 décembre 1894, les parutions ne sont plus datées,  et le 19ème et dernier numéro doit avoir vu le jour dans l'été 1895.

Rédaction et administration : 19 faubourg de la Saunerie, Montpellier.
Directeurs : Rédaction, Achille Maffre de Baugé ; Administration , Louis Ferrer.
Secrétaires de rédaction : Baron Pierre de Tourtoulon, Louis Berthomieu..
Imprimerie J. Rascoussier, Montpellier.
Devise : Auzor! Auzor!
28 x 39 cm.
Paul Redonnel est rédacteur en chef du n°5 à la cessation de parution.
Paul REDONNEL prend la direction... et change de cap

Présentation
C’est d'abord une revue luxueuse, sur beau papier fort, richement illustrée, bénéficiant d’une mise en page très aérée. Mais ce luxe disparaît vite, dès le n°4.

Tonalité
La France d’Oc est un journal français et régionaliste. Il n'a jamais publié un seul texte occitan. Quand les textes originaux sont “en provençal”, il les traduit, l'auteur fut-il Mistral lui-même. Cela justifie les réticences initiales de celui-ci, dont le patronage est pourtant sans cesse invoqué. Il est vrai que l’enthousiasme de Maffre de Baugé finit par lui arracher sa bénédiction. La ligne générale est donc celle qui, déjà, commence à être théorisée par Charles-Brun : un régionalisme portant, à l’intérieur de l’espace français, sur l’ensemble des activités humaines. Mais très curieusement, Jean Charles-Brun ne figure pas parmi les collaborateurs.
Fidèle à cette ligne, La France d’Oc publie aussi bien des textes littéraires que des essais théoriques ou des analyses historiques ou économiques.
Finalement, après la reprise en main par Paul Redonnel et Louis Ferrer, la revue a une excellente tenue intellectuelle, avec des articles de fond remarquables. En pleine affaire Dreyfus, elle prend des positions clairement dreyfusardes, et se veut (sans toujours y parvenir), une revue prolétarienne. 
Il va sans dire que ces orientations éloignent définitivement Achille Maffre de Beaugé.
Achille Maffre de Baugé et le "Provincialisme international". 1896, à Sète

Responsables
Achille Maffre de Baugé(1855-juillet 1928 ) est l’initiateur de cette revue. Ce mousquetaire fort Louis XIII, remuant et “apolitique à la Maurras” est un agité de la tradition. Il a la plume facile, publie sur tous les sujets, se fait voir aux quatre coins de l’Europe, rimaille à propos de tout et de rien. Il larde ses adversaires de vers plus ou moins acérés. En 1908, il publie chez Grasset son recueil Terre d’Oc et en 1927 le (trop) luxueux Promontoire aux éditions de la revue Septimanie. 
Je reviendrai sans doute, à propos de curieux manuscrits, sur ce curieux personnage dont le curieux petit-fils, Emmanuel Mafffee-Baugé évoque les frasques dans son roman sur Jean Maffre.  
Il disparaît totalement de la revue dès le n°5. 
Achille Maffre de Baugé un an avant sa mort par Chevet (ill. tirée de son livre Le Promontoire).
Paul REDONNEL aura, à partir du numéro 5, la lourde tâche de canaliser la revue : “Paul Redonnel, l’écrivain remarqué, de vieille souche languedocienne, dont le passé littéraire affirme le talent incontesté...” devient Rédacteur en chef.  On rappelle qu’”il fut le secrétaire particulier de Jules Simon, secrétaire de rédaction de  La Plume et collaborateur de L’Ermitage,  de  L’Etoile, etc... Il dirige actuellement la revue provinciale  Chimère et la Maintenance de Languedoc l’a chargé du secrétariat de direction de  La Cigalo d’Or”.   En fait, il  dirige simultanément les trois revues littéraires de Montpellier !!! 
Globalement, il est plutôt "de gauche", dreyfusard, franc-maçon, ésotérique et rose-croix.
Pierre de Tourtoulon est certainement un parent du baron Charles de Tourtoulon, un des créateurs de la Revue des Langues romanes  et de la Revue du monde latin 
Louis FERRER  tient les cordons de la bourse, mais agit aussi très énergiquement sur le contenu de la revue.

Grands invités
La première page du numéro spécimen est réservée à la liste des “principaux collaborateurs” (futurs ou espérés),  parmi lesquels on relève :
Jean Aicard, Folco de Baroncelli, Berluc-Perussis, Valère Bernard, Maurice Bouchor, Paul Bourget, François Coppée, Docteur Ferroul, Jules Gariel, Félix Gras, José-Maria de Hérédia, Clovis Hugues, Pierre Loti,  Charles Maurras, Achille Mir, Frédéric Mistral, Raoul Ponchon, Emile Pouvillon, Louis-Xavier de Ricard, Paul Verlaine, Paul Vigné d’Octon...
Cette liste surprend. On y rencontre bien sûr le ban et l’arrière-ban du félibrige : Mistral, Gras, Bernard, Berluc-Perussis, Mir, Baroncelli.
Mais un deuxième groupe, celui des “politiques” (parfois aussi félibres) réserve quelques surprises : Maurras y côtoie Ferroul le futur héros des manifestations viticoles de 1907, et les très socialistes De Ricard ou Vigné d’Octon, et même le radical franc-maçon Jules Gariel, très puissant directeur du Petit Méridional.
Enfin, la troupe des écrivains rassemble sous la bannière du ponte François Coppée des gens comme Verlaine, Paul Bourget, M. Bouchor, Hérédia, Loti, Ponchon, avec un seul vrai régionaliste (en plus de Vigné d’Octon) : Emile Pouvillon.


Le problème, c'est que  ni Jean Aicard, ni Folco de Baroncelli, ni Berluc-Perussis, ni  Valère Bernard, ni Maurice Bouchor, ni Paul Bourget, ni François Coppée, ni le Docteur Ferroul, ni Jules Gariel, ni José-Maria de Hérédia, ni Clovis Hugues, ni Pierre Loti,  ni Achille Mir, ni Raoul Ponchon, ni Emile Pouvillon, ni Paul Verlaine, ni même Paul Vigné d’Octon... n'écriront jamais une ligne dans la revue. 
Mais cette liste, concrétisée ou non par des contributions effectives, a le grand mérite de montrer l’ecclectisme voulu et affirmé de  La France d’Oc. 
 
Voyons donc ceux qui réellement y ont participé :

Quelques locaux
Ne relevons que quelques curiosités. Les “locaux” ont le monopole de l’illustration avec les sculpteurs Baussan et Injalbert et les peintres Edouard Marsal, Léon Galland, Léon Cauvy, Paul Grollier, Victor Faliès, Paul Coulet, Louis Paul... 
Certaines contributions sont très anecdotiques.

Jean Carrère : C’est surtout le grand reporter du Matin. En 1900, il est à Johannesburg pour la guerre du Transvall, et en tire deux livres chez Flammarion :  En Pleine épopée et  Le Pays de l’or rouge. puis toujours en 1900, il rencontre le Pape à Rome. En 1907, c’est  La Terre tremblante sur la destruction de Messine. etc... En 1893, la Bibliothèque de La Plume  réédite ses Premières poésies.  En 1909, c’est un petit roman sur les gardians de Camargue  La Dame du Nord, qui parait chez Grasset.
Léopold Dauphin (1847-1925) : ce biterrois est poète et musicien. C’est aussi le père de Jaboune et le beau-père de Franc-Nohain. IL s'ennorgueuillit à juste titre de l'amitié , bien réelle, de Mallarmé.
Achille Mir (1822-1901) : Lou sermou dal curat de Cucugna est paru en 1884. C’est la dernière version du conte, sans doute la meilleure. Cet audois est un hôte de choix pour la revue.
Louis-Xavier de Ricard (1843-1911) : Félibre rouge, communard, journaliste et patron de presse, ami de Jules Guesde, indéfectiblement attaché à Mistral qui le lui rend bien, il est aux côtés d’Arnavielle et Maurras pour un félibrige radical.
Louis Vernhes : Ce fils de relieur est encore très jeune. Il sera félibre et gérant de Calendau (1934).
Ajoutons encore Gaston Jourdanne, Fernand Troubat ou Joseph Loubet.

Réseaux
Plusieurs réseaux semblent mis à l’œuvre : le félibrige est bien sûr sollicité. Mais plus que des affinités culturelles ou artistiques, il semble que ce soit l’entregent des directeurs qui ait noué les collaborations.
Pourtant, à y bien regarder, on retrouve au moins 7 des 17 membres du  Caveau du Dix  de Montpellier parmi les collaborateurs de  La France d’Oc. auxquels on pourrait rajouter Redonnel qui le soutenait sans en faire stricto-sensu partie, et le père de l’un d’eux, Albert Arnavielle. Avec le  Caveau, nous sommes bien en présence d’un noyau activiste. 

Programme du CAVEAU DU DIX à Montpellier en 1895

Aire géographique
La revue prend très rapidement une implantation qui correspond à son titre.
Par exemple, Johannès Plantadis et Sernin Santy  représentent le Limousin,  Vaschalde l'Ardêche,  la Catalogne et Perpignan sont souvent évoqués, Paul Mariéton est à la fois parisien et lyonnais, et Raoul Lafagette les Pyrénées.

Sommaires
Numéro spécimen septembre 1894.
La première page est réservée à la liste des “principaux collaborateurs”.
Suit un portrait de Frédéric Mistral (encore jeune) par Marsal.
Textes de : Pierre de Bandinel, Ulysse Coste, Pierre Ludo, Achille Maffre de Baugé, Francis Maratuech, Henri Mazel, Marc Milhau, Paul Redonnel (sur la Sainte-Estelle, dédié à Louis-Xavier de Ricard).
Collaborateurs aux numéros 2 à 4  : Emile Bourdelle, Robert Bernier, Auguste Baussan (ill), Maurice Bouchor, Antoine Bénézech, Louis Berthomieu, A. Courties, Léon Cauvy (ill), Paul Coulet (ill), Victor Faliès (ill), Henri Fortuné, Froment de Baurepaire, Jean Fournel, Edmond Fontan, Léon Galand (ill), Paul Grollier (ill), Félix Gras, Joseph Loubet, Jean Lebon, Jean Magrou, G. Michel-Quatrefages, Frédéric Mistral, G. Mathieu-Marto, Camille Mondou, Henri Ner, Louis Paul (ill), Paul Redonnel, Séverine, Pierre de Tourtoulon.
Numéro 5, 11 novembre 1894 (Premier n° signé par Paul Redonnel)
Textes de : Louis Berthomieu, Garrigue-Plane, Félix Gras, Joseph Loubet, Pierre Ludo, Achille Maffre de Baugé [polémique galante avec Séverine], Francis Maratuech, Louis-Xavier de Ricard.
Dessins de Carles Dauriac, du Caveau du Dix, qui sera critique parisien sous le nom d’Armory


 N° 6 (18 nov. 1894) : Paul Redonnel (à propos de l'Affaire Dreyfus : Eloge du traitre) ; Gaston Jourdanne, Jean Rameau , Antoine Bénézech, Fernand Troubat, Pierre Ludo.
N° 7 (24 nov.) :  Camille Mauclair (surprenant dessinateur) , Abel Platon, Paul Redonnel, Edmond Fontan, Pierre Dévoluy, Armand Sylvestre, Joseph Loubet, A. Crillon, J. B. Michelet (l'écrivain ésotérique).
N° 8 (2 déc. 1894) : Ary de Saint-Pol (?), Paul Redonnel, Jean Philibert, Paul Fagot, Léopold Dauphin, Félix Gras, G. Michel-Quatrefages.
N°9 (sans date) : Raoul Charbonnel, Paul Redonnel, Jean Fournel (une vieille connaissance qui débute ici), Charles Ratier, Georges Richard, Fernand Troubat. 
N°10 (s.d.) : Jean Carrère, Jean Guilhem (Pierre Azéma) , William Vinson, Alber Jhouney.
N° 11 : Georges Bidache-Gael, Elie Fourès, Juan B. Ensenat, Léon Cauvy (un poème et une illustration), William Vinson, Paul Redonnel, J.F. Malan.
N°12 : J. Félicien Court, Paul Redonnel, William Vinson, Ch. M. Limousin, Henri Vaschalde, Jean Flore.
N°13 : Paul Redonnel, Charles Maurras, Louis-Xavier de Ricard (les deux à la suite, pour tenir la balance équilibrée), Paul Maréton ("LE" félibre de Lyon), Pierre Ludo, Joël de Romano, Carle Dauriac.
N° 14 : Victor Falliès, Louis Ferrer (sur l'interdiction des corridas), Jules Ronjat, Paul Redonnel, Horace Chauvet, Albert Liénard (futur Louis Payen), Fernand Troubat.
N° 15 : Paul Redonnel, Clovis Hugues, Johannès Plantadis, de Montredon, Sernin Santy, Fernand Troubat.
N° 16 : Jean Bourrat, Pierre Devoluy, Raoul Lafagette, Paul Redonnel (sous le pseudonyme de Ian Montgoï), Pascal Delga, Henri Ner.
N° 17 :Ferdinand Castets (maire de Montpellier, sur la décentralisation), E. Dandréis (député, voir notre article dans ce blog sur La Capeleta), Louis Ferrer, Auguste Marin, Paul Redonnel, G. Mathieu-Mario, Henri Ner. 
N° 18 : Paul Redonnel, Joseph Mange, Alfred Massebieau, Paul Redonnel  sous le pseudonyme de L'Abbé Vérus (M. Drumont et nos frères les juifs. Le titre dit tout.) , Paul Redonnel encore (pseud Ian Montgoï), Paul Fagot, Louis Ferrer.
N° 19 (annoncé pour être le dernier) : Louis Ferrer, Paul Redonnel, Henri Dagan, René de Saint-Pons (?), Horace Chauvet, Adolphe Pieyre, Noël Miser, G. Mathieu-Mario.
Paul Redonnel contre Edouard Drumont



Editions associées
Redonnel est aussi le directeur de la  Bibliothèque d’Occitanie qui se propose de publier les œuvres de Redonnel, Devoluy, Maratuech, Loubet, A. Arnavielle...

Dans  Septimanie du 25 mars 1925, Paul Duplessis de Pouzilhac déclare “La France d’Oc sombra stupidement, par la faute de son administrateur”. Mais Duplessis de Pouzilhac est l'ami indeffectible de Maffre de Beaugé, et partage très vivement ses positions extrèmement droitières, qui ne sont pas celle de l'administrateur Louis Ferrer. 

La seule collection recensée de la revue est celle de la Bibliothèque Nationale de France. 
LA FRANCE D'OC sabre au (Mau)clair par Camille... Mauclair




MOUNETTE et BERNARD GRASSET : l'incunable montpelliérain de 1908 aux origines des Editions Grasset

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Mounette, d'Henry Rigal, le premier livre des éditions Grasset
          Si on croyait le site desEditions Grasset(http://www.grasset.fr/historique/hist_fr.htm), l'éditeur serait né à Montpellier. En fait, c'est à Chambéry, le 6 mars 1881 qu'est né Bernard Grasset.
          Si on croyait Jean Bothorel, son biographe (de Grasset), Mounetteserait une grisette du Quartier latin. En fait, c'est sur l'Esplanade de Montpellier qu'Henry Rigal la rencontre :
          C'était en octobre, je me le rappelle.
          Un soleil usé faisait sa promenade d'adieux, peut-être, dans le vaste jardin recueilli où quelques fleurs, sentimentales affligées, allaient mourir de regret, roses pâles et chrysanthèmes poitrinaires. 
           Je vous regardais, petite fille jolie...
          ... Je me souviens aussi que le matin suivant, tu te réveillas dans mon lit qui sentait bon l'amour...
          Tout un livre de 92 pages tient entre ces quelques phrases qui le débutent.
[Choeur : De quoi il parle? Qui est Mounette ? Qui est Rigal? Pourquoi Grasset? ]
          Je devins éditeur parce que Henry Rigal avait besoin d'un éditeur [pour sa Mounette] qu'il n'en connaissait pas, et moi pas davantage.
          Voilà, vous avez compris. Bernard Grasset s'est fait éditeur pour éditer Mounette, le roman (?) d'Henry Rigal.
          Ils s'étaient connus à Montpellier. C'est le berceau de la famille Grasset et quand le père de Bernard meurt, en 1896, la famille y revient, chez l'oncle, le Professeur Grasset, monumental comme une avenue. Bernard fait son droit : il est avocat à 21 ans (c'est un surdoué) et s'ennuie. Il fréquente des écrivains. Il croit à la littérature sans la pratiquer. Sa mère meurt en 1906, il hérite un peu, file à Paris et se fait éditeur pour les beaux yeux de Mounette.
Bernard Grasset en 1905, à 24 ans
           Pour Henry Rigal, c'est plus compliqué. Bothorel le dit quinquagénaire en 1907. Or, quinqua, il ne le fut jamais. Né à Pignan (Hérault) en 1883, il y meurt en 1914, à 31 ans. Ceux qui en parlent semblent avoir un boeuf sur la plume : on sent qu'ils se retiennent d'en dire du mal. Ils évitent le sujet de façon fort agaçante. On se dit qu'il a du en arnaquer plus d'un. Financièrement ou intellectuellement.
          Dans Mounette (p. 74 ) : Je travaille, - car moi aussi je gagne mon pain à la sueur de ma plume, - assis à ce bureau. Ça, ça a l'air vrai ! La preuve :
          En 1901, à 18 ans, il crée avec Ernest Gaubert, Marius Labarre, Marc Varenne et Pierre Hortala (notez que tous ceux-là seront dans la bande à Grasset) la revue Titanà Béziers. A 20 ans, il a déjà deux recueils  son actif : Une syrinx aux lèvres et Sur un mode saphique.
          En 1908, il publie chez Ollendorff (Paris) une Anthologie des poètes du Midi
          En 1910, sa pièceLa Bonne saison, écrite en collaboration avec Sam Carasso est jouée au Théâtre Molière de Paris, et Le Miracle, en collaboration avec Périlhon est acceptée au Théatre AntoineLa même année, les éditions Nef (Nouvelles Editions françaises) publient son roman  Le Chasseur de Rossignolet lesHistoires fantasques et déconcertantes,écrites avec André Tudesq.
          Si on ajoute Le Laurier et les Roses, poèmes(212 p.) paru en 1909 chez Grasset (ils ne sont donc pas fâchés), ça fait au moins (il m'en a échappé, sans doute) 9 oeuvres publiées. Plus des dizaines et des dizaines de publications en revues, les dernières en 1912. Je rappelle qu'il meurt en 1914 à 31 ans.
Le Laurier et les Roses d'Henry Rigal, chez Grasset

          Voilà presque tout ce que je sais sur Henry Rigal.
          Et qu'il était terriblement frileux.  Lisez la préface de Mounette
            O Seigneur, je ne suis qu'un enfant brun et presque imberbe, aux yeux vifs, aux lèvres souriantes, frileux et de taille moyenne, que vous avez jeté sur une des cinq parties de ce monde parmi des hommes inconnus, des femmes aimables et des fleurs qui sentent bon à certaines saisons.
           Certes, je vous loue de toutes mes forces, de la présence de ces femmes et de ces fleurs, mais sans vous mentir, laissez-moi trouver ridicule et gênant cet encombrement ici d'hommes ordinaires et d'hommes de lettres.
           Il y en a tant que pour m'avoir ajouté à ce nombre, il fallait que vous me destiniez à une existence glorieuse : C'est pourquoi je viens d'écrire ce petit livre qui est un chef d'oeuvre.
          J'en écrirai de nouveaux assurément, pour continuer à vous faire plaisir, qui seront aussi des chefs d'oeuvre.
          Mais en récompense, ô Seigneur, quand ma tâche sera terminée ici bas et quand je me présenterai devant vous, pour le jugement dernier, tout nu, faites d'abord que ce soit à l'été afin que j'aie moins froid; puis encore, puisque vous paraissez avoir du goût pour la littérature, reconnaissez parmi la foule, à ses regards pénétrants, au pli spirituel de sa bouche, l'auteur de Mounette, et d'autres romans à cette heure en préparation, et faites-lui, je vous en prie, une place agréable, en votre paradis, en compagnie des Henri Heine, Jules Laforgue, Jean de Tinan, Tristan Bernard, Mark Twain, Maurice Donnay, Henry Bataille, Franc-Nohain, Georges Courteline, Jules Renard, Anatole France et de quelques autres que j'oublie, afin que je ne m'ennuie jamais durant toute votre sainte éternité.
          
          Et de Mounette? Que dire?

          C'est  sensé être un roman. Mais ça n'a que 92 pages. Il n'y a pas d'histoire. Il y a cinq noms de fleurs par page. Même Mounette elle-même est assez transparente. Belle et souvent nue.  
          Le cerveau de Mounette est simple, construit avec méthode et régularité. ... Petite enfant heureuse et charmante, innocente et câline, naïve et sans fièvres, amoureuse d'amour. A Noël, Mounette va visiter ses grands parents : ils habitent un village voisin de notre ville. Elle prend le train d'intérêt local, sans doute à la gare Chaptal de Montpellier. Ils la trouveront bien changée avec ses bottines élégantes et fines...
          Ce qui rend Rigal moins sympathique, c'est qu'on voit bien qu'il la trouve un peu bête. Il ergote, compare, discute, calcule :  
          Je l'aime beaucoup moins que moi-même, mais bien plus que toutes les autres. Elle n'est pas la moitié de mon âme, à coup sûr, mais elle en est une certaine partie.
          On était prêt à suivre Rigal dans sa bluette, on rechigne à chercher quelle partie de son âme précieuse est occupée par Mounette.
          J'oubliais. Comme Mounette n'occupe pas toute la place, le livre est entrelardé de petits chapitres de pensées et maximes et de proses à la Jules Renard sur les saisons, le chemin de fer d'intérêt local, les chevaux, le coq et les dindes...
         Avec tout ça, Bernard Grasset n'aurait vendu que 2 ou 300 exemplaires.
         Mais il était devenu éditeur.

         Votre oeil perçant a tout de suite vu (ne dites pas non) que son adresse avait changé. Entre Mounette  (1908) et Le Laurier et les Roses  (1909), la chambre bureau des Editions Nouvelles, 49 rue Gay-Lussac est devenue un trois pièces sur cour au rez-de-chaussée du 7 rue Corneille qui abrite Les Editions Bernard Grasset.
         Ce n'est que le 4 mai 1910 que les éditions Grasset s'installent rue des Saints-Pères,  où elles sont encore. On peut donc dire que les volumes portant les adresses de la rue Gay-Lussac ou de la rue Corneille sont les incunables de Grasset.
          Le logo aussi a changé avec la raison sociale.
          C'est que la clique languedocienne des amis écrivains a été mise en coupe réglée. Aidé du montpelliérain Louis Brun (qui sera assassiné par sa femme en août 1939), il a battu le rappel. Henri Mazel, Jean Carrère, Pierre Grasset (le cousin, fils de l'oncle Joseph), Paul Vigné d'Octon, Célestin Pontier, Marius Labarre, Pierre Jalabert, Achille Maffre de Beaugé, Kuhnholtz-Lordat (on y reviendra, sur celui-là), Ernest Gaubert, Jean Amade (le père de Louis), Louis Payen et Gabriel Boissy (les fondateurs des chorégies d'Orange) et d'autres, tous de Montpellier ou peu s'en manque, tous édités à prix d'ami, sont venus étoffer le catalogue, l'écurie... Et bientôt Valéry, Chamson et Delteil ...

Célestin Pontier est mort à 29 ans après la publication des Pourpres
          Pas que des languedociens dans ce catalogue, mais ils en sont l'immense majorité.

          Reste à parler de l'exemplaire photographié ici.
          Il fait partie d'une série à reliure uniforme, avec un dos toile olive, orné d'un fleuron d'or et d'une pièce de titre. Les plats en papier marbré, finalement, sobre et avec une certaine élégance.
            Les gardes, elles aussi soignées, nous apprennent le nom du relieur-doreur : Albert VALAT, qui s'est établi à Montpellier en 1900 1 rue Cambacérès (près de la Préfecture et des universités) et y restera jusqu'en 1954, quand Vaillant le remplacera jusqu'en 1979.
          Celui qui faisait relier toute la littérature contemporaine sur ce modèle, c'est Albert SIGNORET. Il fréquente depuis longtemps les écrivains locaux, à Béziers et Montpellier. En 1898, il a participé à la création d'une revue L'Aube méridionale qui, comme par hasard, publie  tous les auteurs publiés par Grasset dans ses premières années, Rigal compris. Aucun n'y manque de la liste donnée ci-dessus, si bien qu'on pourrait voir dansL'Aube méridionale la préfiguration du catalogue des Editions Grasset.
          En 1908, il est adjoint au maire (radical) de Béziers. Il sera maire lui-même de 1913 à 1919, avec, comme adjoint, Antoine Moulin, le père de Jean Moulin.
          Il ne cessera jamais de s'intéresser à la littérature, et sa bibliothèque contiendra des dédicaces de tous les grands noms (Gide, Louys, Valéry,  qu'il a connu à Montpellier, entre autres.)
          Pour le moment, ce n'est pas Rigal qui lui envoie le livre, mais Bernard Grasset lui-même.
          Une des toutes premières dédicaces de l'éditeur ! 

Profession de foi des élections de 1848 dans l'Hérault. Jean-François ROUANET.

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1848 / PROFESSION DE FOI DE J. F. ROUANET CANDIDAT DEPUTE DE L'HERAULT
        

             La révolution de février 1848 a déclenché une cascade d'élections .

             Le suffrage universel masculin est proclamé le 5 mars.
             Les candidats vont donc essayer de convaincre les électeurs de voter pour eux.
             Du coup, profusion de professions de foi. 
             Sur Montpellier et l'Hérault, quelques centaines de tracts sont imprimés en 1848 et 1849.
             C'est une époque bénie pour les imprimeurs. 
             Je vais essayer de présenter ici quelques uns de ces documents.


             Le premier est totalement atypique.
             Il n'est pas imprimé, c'est sans doute une copie fournie à un imprimeur, quoi qu'il soit certain que quelques professions de foi ont été affichées sous forme de manuscrit. Il y avait des candidats à la députation pauvres et isolés.

             D'abord je n'ai pas identifié ce candidat.
             Il existe bien un Jean-François Rouanet dans les dictionnaires de biographies héraultaises, mais voilà, à partir de 1846, il est aux Etats-Unis.
             Par contre, on ne compte plus les ROUANET qui, dans la région de Saint-Pons de Thomières, Bédarieux, Riols et autour se sont engagés contre le coup d'état du 2 décembre 1851 et en ont subi les conséquences : prison ou déportation dans les "colonies". Notre candidat est peut-être du lot.

Voyons donc ce que dit ce J.F. ROUANET. 

               Il se présente : Jeune écrivain sorti de la classe ouvrière, il a fait de fortes études. D'où son "éloquence naturelle".
               Il professe les opinions démocratiques les plus avancées. 

               Or, que veut-il ?
UN PROGRAMME ELECTORAL EN 1848 :  PRINCIPES ET ORGANISATION DU TRAVAIL

               D'abord des bons sentiments, bien généraux.
               Un projet de chemin de mer reliant Montpellier à son port de mer... 
               Le plus intéressant, c'est le volet économique de l'organisation du travail.
               Les travailleurs sont associés dans une entreprise. Ils élisent un COMITE DIRECTEUR, qui élit un PRESIDENT DIRECTEUR.
               Le qualité du travail est contrôlée par un CENSEUR.
               Le financement est assuré par un CAPITALISTE qui fournit aussi ses CONSEILS.  Naïveté ? On se dit que les "conseils" de ce capitaliste peuvent parfois un peu énerver les travailleurs.
                Et c'est là qu'intervient le GOUVERNEMENT : son rôle est de protéger les règlements, et l'autorité du Directeur, du Censeur et du Capitaliste.
                Finalement, J.F. ROUANET aurait pu être élu sans trop de danger.

                Heureusement qu'il a écrit des POESIES SOCIALES , dont le titre surprend quand même un peu : LE SPARTIATE.

PAN, revue littéraire de Montpellier, publie en 1908 APOLLINAIRE, SAINT-JOHN PERSE, MARINETTI, CARCO, et bien d'autres! En éditions originales, bien sûr...

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PAN, revue littéraire. Montpellier, 1908

1908  PAN, revue libre. Montpellier 
              Voici une revue littéraire publiée à Montpellier en 1908 et qui ne manque pas de panache.
               Sa présentation a fière allure. Format 25 cm, 120 pages environ sur papier vergé par numéro, couverture sobre et classieuse... 
               PAN, revue libre fondée par Francis Carco, Joël Dumas et Jean Clary. 
               Le sommaire est on ne peut plus prestigieux. 
On va y trouver des textes deGuillaume Apollinaire, le premier texte publié par Saint-John Perse, Filippo Tomasso Marinetti , Valère Bernard, Mécislas Golberg, Lucie Delarue-Mardrus, Pierre Grasset, Guy Lavaud, Louis Payen, Louis-Frédéric Rouquette, Jean Royère, Emmanuel Signoret, et bien sûr Francis Carco. 

Description:
PAN : revue libre paraissant tous les deux mois.
Direction : Joël Dumas, Jean Clary, Francis Carco.
Secrétaire administratif : Emile Pietrera
10 rue de l’Observance, Montpellier
Gérant : E. Montane
Impr. Firmin, Montane et Sicardi, Montpellier
Prix Un franc. 
16 x 25 cm. Couv. blanche, titre rouge, flute de Pan.
A l’intérieur, 4 pages de publicités montpelliéraines (et viganaise) sur papier couleur.
[D’après le n° 2]

Tables :
Dans le n° 6, table des 6 premiers numéros.

Variations :
Rédaction : Francis Carco disparait de la rédaction à partir du n° 5. Joël Dumas à partir du n° 6. Marcel Rieu devient alors co-directeur avec Jean Clary, qui est également rédacteur en chef.
Maquette : Changement total de couverture avec l’implantation parisienne au n° 1 et 2 de janvier 1909. Le sommaire figure désormais sur la première de couverture, la vignette est différente, l’adresse figure au bas.
Adresse : A partir du n° 6, la revue est domiciliée chez Jean Clary : 35 rue de Trévise, Paris.  A partir du n°1 et 2 de janvier 1909, une adresse administrative est donnée, celle de l’imprimeur, 25 rue Serpente, Paris.
Imprimeur : Alors que la revue porte une adresse parisienne dès le n° 6, il faut attendre le n° suivant, 1 et 2 de la 2e année pour qu’elle soit imprimée par l’Imprimerie du 20e siècle, à Paris.
Périodicité : A partir de 1909, la revue est annoncée comme paraissant chaque mois.
Publicités : Les publicités disparaissent avec le n° 1 et 2 de la 2e année, lorsque la revue devient parisienne.
PAN, nouvelle série après sa migration parisienne : 1909


Les Piliers de la revue :
Francis CARCO C’est à Rodez que Carco rencontreJean Clary, fils comme lui d’un receveur des contributions. En 1907, il tient le rôle d’un moine dans le drame de Roger FrèneLa Cathédrale joué sur le parvis ruthénois. Il collabore en 1908 au Cri de la terre, le journal éphémère du peintre-graveur Eugène Viala. Devenu parisien, il crée L’Ile sonnanteà Paris en 1909 toujours avec Frène et Michel Puy. Ce réseau des amitiés aveyronnaises est à la base de la revue Pan..
                  En ce qui concerne ses contacts avec Montpellier, rappelons qu’il avait déjà participé, de Rodez, en janvier 1907 aux Annales méridionales de Raoul Davray (nous l'avons déjà rencontré) avec “une élégie lamartinienne”. Pourtant, son séjour à Montpellier reste mystérieux... Louis Thomasécrit dans Les Nouvelles littéraires du 7 avril 1928 : Nous savions déjà par un article de M. Carco lui-même qu’il avait fait dans notre ville une période [militaire?] de 28 jours, et peut-être aussi son service militaire. Mais qui nous parlera en détails (horribles détails peut-être?) de son séjour à Montpellier?” Ni Clary, déjà mort quand paraissent ces lignes, ni Joël Dumas, les co-fondateurs de Pan ne semblent avoir parlé de cet épisode. Et Raoul Davray, pourtant fondateur des Annales méridionales qui accueillent Carco en 1907, ne dévoile rien non plus ni lorsqu’il revient sur cette revue dans La Vie montpelliéraine du 9 nov. 1929, ni en 1938 lorsqu’il écrit  La Chape de plomb, recueil d’articles et de souvenirs. Apollinaire, qui consacre le 1 juin 1914 une “Anecdotique” du Mercure de Franceà Carco, ne parle pas de la revue Pan. 
                Il semble n’avoir été pour la revue qu’un détonateur efficace et éphémère.
SES TEXTES PUBLIES ICI :Dès le n° 3, sa contribution est datée de Grenoble, où il fait son service militaire, et dédiée au peintre Charles Eymar, une des figures les plus curieuses et les plus attachantes du Montpellier de l’époque.

Jean CLARY  : (De son vrai nom Henry Rouquayrol, Saint-Genyés-d’Olt, 13 juil. 1880 - Neuilly, 27 juil. 1925) : Après son enfance aveyronnaise et son passage à Montpellier, il s’installe à Paris en 1909. Son livre D’or et de soleil est achevé d’imprimer le 15 mai 1908. Le recueil est dédié à Joël Dumas. Des poèmes le sont à Emile Cottinet, Marcel Rieu, René Rivière, Jean Tallez, Louis Vassal, René Collière, Louis Combe, Alexis Lauze, Marc Ollier de Marichard, Charles Eymar, Francis Carco, la plupart collaborateurs de  Pan. En 1910, paraissent aux Editions de Pan : Quelques lames de la mer sauvage. La revue publie ensuite dans ses pages Les désemparés, roman écrit en collaboration avec Marcel Rieu, qui ne sera jamais édité en volume. Jean Clary cesse définitivement d’écrire dès le début de la guerre de 1914.
                Il a incontestablement été la cheville ouvrière de  Pan, sans douteà la fois rédacteur en chef et secrétaire de rédaction.
                En 1995, les éditions Jacques Brémont publieront une étude de Jean Digot : Trois du Rouergue : Jean Clary, Roger Frène, Léo d'Orfer. 

Joël DUMAS : Né à Narbonne en 1885. Il publie chez Grasset, en 1908, un recueil de poèmes : Délicieusement dédié à Henry Rouquayrol, c’est à dire Jean Clary. Un des poèmes de ce recueil est dédié à Charles Lèbre, fils d’un marchand de vins viganais qui soutient la revue Pan en y insérant sa publicité. En février 1908, il file, selon L’Etudiant (n°128) le parfait amour sur les bords de la Loire avec une femme délicieusement  belle.
                En 1910, les Editions Pan, désormais 25 rue du Couedic à Paris, publient : Quatorze poèmes pour exalter mon désir. La Vie Montpelliéraine du 18 sept 1910 déplore : “Dans quelques autres [vers], Joël Dumas laisse entendre qu’il va s’enfouir - si ce n’est déjà fait - dans la sombre pénombre d’une étude notariale” à Versailles. Toute sa vie, il gardera des liens étroits avec Raoul  Davray, qui avait montré la voie à  Pan avec ses Annales méridionales. Il continue à collaborer à diverses revues :  Isis, L’Ile sonnante, Hélios, Le Divan... et publie régulièrement des textes dans La Vie Montpelliéraine, dont un Noël dédié à Toussaint Luca (un des rédacteurs de Pan).
               Il publie un texte daté de Bizerte, oct-déc. 1906, qui fait référence à L’Immoraliste de Gide.
               En juillet 1909, dans Le Dard, il reviendra sur l’aventure de Pan, et racontera ses rencontres à Paris en 1907 avec Apollinaire, Moréas, Marinetti;..

Emile Piétréra  : Une fois terminé son secrétariat administratif de  Pan, Emile Piétréra sera commissaire de police aux  Sables d’Olone. En 1920, il devient “commissaire de police à la gare Saint-Lazare, chargé de la police spéciale des souverains étrangers venant en France”. 
               L'équipe semble avoir des rapports chaleureux :  Le n° 125 du 1 février 1908 de L’Etudiant (de Montpellier) nous relate un banquet de thèse qui pourrait être bien anodin, si les convives n’étaient que joyeux étudiants. Mais les invités de MM. Lèbre et Albat ont nom : Marcel Rieu, Emile Piétrera, Jean Clary, Joël Dumas, et Francis Carco, tous de la revue PAN, avec Charles Eymar et Louis-Frédéric Rouquette.

Les auteurs phares de la revue PAN :
Toussaint-Luca parle d'Apollinaire. Pan, n°5, septembre 1908

Guillaume Apollinaire :
                En septembre 1908, Pan publie une longue étude de Toussaint-Luca sur Guillaume Apollinaire, qu’il a connu au lycée de Nice en 1897. Il y annonce la parution, demain, d’un recueil : Vent du Rhin, préfiguration des Rhénanes. Une comparaison avec Montaigne, au flegme serein et fantaisiste, bon et paradoxal, sincère et renaissant, le place au rang de fantaisiste le plus érudit de France. L’article consacre une large part au Festin d’Esope, la revue fondée par Apollinaire à laquelle Toussaint Luca a participé aux côtés de Han Ryner, André Salmon, John-Antoine Nau.                      L’évocation du poète dans sa maison du Vesinet au milieu de ses livres rares, de ses pastels, croquis, essais, tableaux des maîtres de la peinture... est savoureuse. Enfin, le rôle d’Apollinaire auprès de Matisse, Picasso, Laurencin, Derain, Friesz, Braque ou Van Dongen est souligné pour célébrer sa modernité. Toussaint-Luca est sans nul doute celui qui amène Apollinaire à Pan. : il est (ou sera) sous-préfet à Lodève.
               Dans le numéro suivant (n° 6, novembre 1908), PAN publie un long poème d'Apollinaire en édition originale  : Fiançailles. Dans Alcools, en 1913, le titre sera : Les Fiançailles et sera dédié à à Picasso
FIANCAILLES de Guillaume APOLLINAIRE. Pan, novembre 1908

FIANCAILLES de Guillaume APOLLINAIRE. Pan, novembre 1908

Valère Bernard: Peintre, graveur, poète et romancier (en français et en occitan). En 1908, il est déjà un maître consacré dans tous ses domaines d’activité. Ami de Rodin, Puvis de Chavannes, Huysmans, Jean Lorrain... Il fréquente Paul Souchon (du Caveau du Dix  de Montpellier qui traduit en français ses textes occitans lors de leur publication dans La Plume dès 1896 ou Le Feu d’Emile Sicard en 1905). Il correspond dès 1904 avec Marinetti qu’il a connu à Paris et qui publiera son adhésion au futurisme dans Poesia, à Milan,  à l’automne 1910. C’est un ami de Guy Lavaud et de Vielé-Griffin, autres collaborateurs de Pan.  Capoulié (président) du félibrige en 1909, il remplace alors Pierre Devoluy. Tous ces liens font que sa participation à la revue ne nous surprend pas.
Poèmes du capoulié VALERE BERNARD sur des dessins de RODIN 

Abel Bonnard: Entre 1909 et 1912, il collabore à la revue d’obédience maurassiene Les Guèpes qui édite aussi Carco, Roger Frène, Louis Thomas ou Guy Lavaud, que nous retrouvons dans Pan. Il est proche des courants de la poésie naturaliste de Léo Larguier et Maurice Magre.

Lucie Delarue-Mardrus (1880-1945) : En 1908, elle a déjà publié Occident (1900), Ferveur  (1902), Horizons (1904), et  La Figure de proue (1908) qui fait l’objet de la chronique de Jean Clary. En 1912, se retrouve avec un autre collaborateur de Pan, Louis Payen pour signer une comédie en 4 actes : La Monnaie de singe.

Filippo Tomasso Marinetti : Dirige la revue Poesia, à Milan. Son Manifeste futuriste sera lancé en 1909. Pour le moment, c’est Roi Bombance (1905, Mercure de France) et plusieurs recueils de poésies qui sont publiés à Paris. Il collabore régulièrement à La Plume.

John-Antoine Nau (1860-1918) : Lauréat du premier Prix  Goncourt avec Force ennemie en 1903. Avait en 1904 publié des poèmes : En suivant les goélands.

Saint-John Perse Alexis Léger signe ici Saint Léger-Léger. Les trois poèmes Des villes sur trois modes ne seront pas repris dans les œuvres complètes. Frédéric Jacques Temple m'a raconté avoir demandé à Saint-John Perse la possibilité de rééditer ces textes dans une de ses revues, autorisation refusée, le poète de la maturité ne se reconnaissant pas dans ces textes d'un adolescent de 16 ans ! 

Louis-Frédéric Rouquette : né à Montpellier le 19 août 1884, mort à Paris le 10 mai 1926. Il est admis en 1900 à l’Ecole des Beaux -Arts de Montpellier. Premières armes, son premier recueil, parait en 1901; en 1902, c’est A Mignonne toujours à Montpellier. Il quitte Montpellier pour Paris en 1907, et Paris pour... le monde en 1915. Mais la vie et l’œuvre du Jack London français sont de notoriété publique.  Son dernier livre sera La Chanson du pays.

Mécislas Golberg (1869-1907) : cet écrivain anarchiste polonais est un des maîtres à pensée de la première décade du XXe siècle. 

Francis Vielé-Griffin (1864-1937) : c'est l'ami américain des symbolistes et de Gide. Un écrivain reconnu en 1908. 

Jean Metzinger (1883-1956) a 27 ans lorsqu'il publie dans PAN n° 10  en octobre 1910 (à Paris, donc) une note sur la peinture qui théorise le cubisme : il en est un des fondateurs.


NOTES SUR LES AUTRES AUTEURS :
Charles Bordes : Né le 12 mars 1863. Musicien, créateur de la Schola Cantorum rue Saint-Jacques à Paris, puis, à partir de 1905 à Montpellier. Il allait mourir en 1909.
Léon Deubel  : proche du “synthétisme” de Jean de La Hyre, mais surtout ami de Charles Cros. Membre, vers 1900, avec Louis Pergaud,  du groupe  Le Beffroi,  à Lille. Il collabore, bien sûr, à L’Ile sonnante, la revue parisienne du ruthénois Roger Frêne.
André Du Fresnois : crée en 1909 la revue Le Nain Rouge, avec Louis Thomas.
Charles Eymar  (Montpellier 1882-1944) : poète, musicien, mais surtout aquarelliste (lorsque son bras blessé lui interdit le piano). Styliste curieux, proche de Toulouse-Lautrec et de Dufy. Ami de Carco, de Valéry Larbaud, de Joseph Conrad...Il était, dans la vie, greffier au Palais de Justice.
Roger Frène  (1878, Rodez - 1939, Espalion en Aveyron) : Pseudonyme de Emile-Roger Fraysse. Il signe aussi parfois Georges Tournefeuille.  Son père était consevateur des hypothèques à Rodez (comme celui de Carco). Il devint lui-même receveur de l’enregistrement à Saint-Génies d’Olt. En  janvier 1901, il fonde à Albi la Revue provinciale qui dure 5 ans.  En 1906, il avait publié : Paysages de l’âme et de la terre (Ed. de la Revue provinciale) et, devenu parisien en 1908, Les sèves originaires (Libr. Perrin). En 1909, il crée  L’Ile sonnante, revue à laquelle participent Francis Carco, Léon Deubel, Louis Pergaud, Tristan Derème. La revue finit en 1914.  Son poème Les Nymphes, publié dans cette revue en 1910, est édité en 1921 par Francis Carco aux éditions Davis, avec des illustrations d’Amedeo Modigliani. (Voir :  Revue historique et littéraire du Languedoc, 1946, article de Michel Puy et Guy Lavaud  et l’ article de Francis Carco, in Les Nouvelles littéraires du 27 janv. 1939).
Pierre Grasset : (1881-1958) Fils du professeur Joseph Grasset, cousin de l’éditeur chez qui il publie Le Conte bleu en 1908.
Tristan Klingsor (1874-1966) : Simultanément à sa participation à Pan, il publie Valet de cœur. Il est assez connu pour qu'on n'en dise pas plus.
Guy Lavaud  (1883-1958) : Aveyronnais. Publie en 1946 un article sur Roger Frène. En 1908, il est  Chef de Cabinet du Gouverneur général de Monaco, et correspond avec Valère Bernard dont il organise une exposition. En 1907, ce néo-symboliste a publié aux  Editions de La Phalange :Du livre de la mort. En 1909,  La Floraison des eaux., en 1910, ce sera Des fleurs pourquoi...,  et en 1918 Sur un vieux livre de marine.
Sébastien-Charles Lecomte : “Parnassien pour la forme et romantique pour l’inspiration.”
Fernand Mazade  (1861-1939) : Né à Anduze, fait partie, avec Valéry et Anna de Noaïlles de la Pléïade méridionale. Avant de publier Dyonisos et les Nymphes aux Editions de Pan (Paris, 1913), il avait donné : De sable et d’or (1889), Arbres d’Hellade (1912), Athéna (1912), et une pièce, Belle au bois rêvant (1893). Il est aussi l’auteur d’une grande Anthologie des poètes français des origines à nos jours.
Paul-Hubert :  Son premier recueil, Verbes mauves est publié à Montpellier en 1898. Aux Tournants de la route (illustré par Louis Guigues et Joseph Durand) suit en 1901. Il a eu, en 1906, le prix Sully-Prudhomme de poésie pour Les Horizons d’or, poèmes du Languedoc,  chez Ollendorf. Il publie en 1908, chez Fasquelle  Au cœur ardent de la Cité.
Louis Payen : Albert Liénard (Alès, 1875- Epinay, juillet 1927), plus connu sous le nom de Louis Payen deviendra un écrivain important après son départ pour Paris.  Ses premières oeuvres sont publiées en 1895 dans  Le Cavô du Dix, à Montpellier. Après la fermeture du Caveau du Dix, un cénacle avec Richard Wémau, Joseph Loubet, Coulet, Paul Grollier, Edouard Perrin et Liénard, se réunit pour fonder La Coupe. A peine La Coupe fondée, Liénard part à Lyon et signe désormais Louis Payen. A Lyon, il fonde Germinal. Puis, il se fixe à Paris. Il lance Messidor, avec J. Duchamp et G. Casella. En 1900, il dirige La Revue dorée. Puis, il collabore au Mercure de France, à l’Ermitage. En 1903, il instaure les Samedis poétiques des Bouffes parisiens, qu'il reprendra en 1920, lorsqu'il sera administrateur du Théâtre Français. Le 14 déc 1906, il fonde, avec entre autres Ernest Gaubert et Dauriac, le Nouveau Théâtre d’Art, au café Soufflet (Paris), inauguré par sa Tentation de l’abbé Jean. En 1908, il crée La Victoireà Orange, reprise aux Arènes de Nîmes en 1911, pièce éditée chez Grasset. Ami de Jean Lorrain. Secrétaire de Catulle Mendès. En 1912, il co-signe avec Lucie Delarue-Mardrus une comédie en 4 actes : La Monnaie de singe. Il a composé des livrets pour Massenet, et à sa mort, était secrétaire général de la Comédie française.   Au physique, "il ressemble à Balzac". Voir : Midi Mondain, 11 déc 1910 : Louis Payen.
Charles Phalippou : originaire de Béziers, installé à Toulouse où il est un des fondateurs du Salon des Poètes méridionaux.
Louis Piérard : Dirige , à Mons, la revue belge : La société nouvelle.
Michel Puy :  Aveyronnais. Rédige en 1946 un article sur Roger Frène.
Emile Ripert (1882-1948) : Né à La Ciotat, professeur de langue provençale à l’Université d’Aix. Majoral du félibrige en 1934. Recueils : Le Chemin blanc (Fasquelle, 1904), Le Golfe d’amour  et Le Couronnement de Musset (Ed. du Feu, 1908 et 1910),  La Terre des lauriers ( Grasset, 1912) qui obtient le prix national de poésie 1912,  La Sirène blessée (1920), Le Train bleu (Flammarion,1929). Romans : L’Or des ruines, Quand je serai bachelière, Le Dernier vol de l’Aigle. Auteur aussi de  plusieurs volumes consacrés à Frédéric Mistral et au félibrige qui en font un des chantres les mieux inspirés de la Provence et du Languedoc.
Jean Royere (1871-1956) : Fonde la revue La Phalange (1906-1914), où publient Apollinaire (Les Colchiques), et André Gide. Il avait précédemment dirigé  les Ecrits pour l’art (1887-1893), où avaient été publiés Marinetti et J.A. Nau. Il crée le mouvement “musiciste”, et le terme de “poésie pure”. En 1908, il n’a publié que trois plaquettes : Exil doré (1898), Eurythmies (1904) et Sœur de Narcisse nu (1908), dont Apollinaire fait une analyse enthousiaste. Suivront Par la lumière peints (1919), Quiètude (1922).
Paul Sentenac : Créateur du Salon des Poètes méridionaux, à Toulouse, en juillet 1907, qui publie la revue Tolosa. En 1911, il publie chez Grasset un recueil, Tout mon cœur par tous les chemins. En 1912, il fonde, à Paris, la revue Pays d’Oc, où écrivent, entre autres, Pierre Grasset et André Tudesq.
Emile Sicard: 1878-1921. Il crée et dirige la revue Le Feu en 1905.  Les voix qui chantent et les voix qui pleurent (1904), L’allée silencieuse (1906), L’ardente chevauchée (1908)... Ami de Paul Souchon, Léo Larguier, Emmanuel Signoret. Collaborateur des Cahiers du Sud (Marseille), qui en 1934 publient  son recueil : Le Vieux-Port.
Emmanuel Signoret : Dirigeait, et rédigeait seul, de Cannes, la revue Le Saint Graal, dont le numéro de mars 1898 est consacré à Gide et Vielé-Griffin. Gide lui consacre deux de ses “Prétextes”. En 1908, venaient de paraître au Mercure de France Les Poésies complètes d’Emmanuel Signoret, recueil posthume. Signoret était mort le 20 décembre 1900. Le poème publié par Pan est paru dans La Plume du 1 juillet 1900, dédié à Paul Souchon.
Paul Souchon (1874-1951) : Né à Laudun (Gard), études à Aix et, épisodiquement, à Montpellier où il est un des fondateurs du Caveau du Dix. Membre des revues La Plume et Le Feu.. Ami de Gasquet, Jaloux, Signoret... Publie Elévation poétique (1898), Elégies parisiennes (1902), Les Chants du stade (1923). Chargé de la chronique “Midi” du  Mercure de France. Il est ensuite conservateur du Musée Victor Hugo, et éditeur de sa correspondance.
Louis Thomas : (1885-?) Publie : Flûtes vaines (1906), D’un autre continent (1924). Crée en 1909 la revue Le Nain Rouge, avec André Du Fresnois
André Tudesq (Alès1885-Saïgon1925) : Publie un recueil La vie en 1905 et des nouvelles  Les Magots d’Occident en 1908. Fait partie du groupe Les Loups. Il est cependant plus connu comme correspondant de guerre du Journal et ses livres sur les conflits du Proche-Orient (Le Harem assassiné) ou la révolution du Mexique (La Hacienda en feu, Paris, Michaud, 1913). Il meurt d’ailleurs en reportage à Saïgon en janvier 1925.
EugèneViala : Peintre avant tout, il publie en 1908 : Paysages, chez Carrère, à Rodez.
Jehan d’Yvray publie en 1908 un court roman : Les Porteuses de torches (Ed. Albert Méricant).

Le réseau
Guy Lavaud (1883-1958) : Périgourdin et aveyronnais. Publie en 1946 un article sur Roger Frène. En 1908, il est  Chef de Cabinet du Gouverneur général de Monaco, et correspond avec Valère Bernard dont il organise une exposition. En 1907, ce néo-symboliste a publié aux  Editions de La Phalange :Du livre de la mort. En 1909,  La Floraison des eaux,  en 1910, ce sera Des fleurs pourquoi...,  et en 1918 Sur un vieux livre de marine.. Entre temps, en novembre 1912, il est devenu le gendre de Vielé-Griffin, ce qui permet à Apollinaire de lui consacrer une de ses chroniques au Mercure de France, écrite d'ailleurs dès 1908, l'année où tous deux participent à Pan. “J’ai connu Guy Lavaud il y a six ou sept ans...”
Toussaint-LucasEn 1897, il est le condisciple de Guillaume Apollinaire au lycée de Nice. En 1954 il publie aux Editions du Rocher à Monaco Guillaume Apollinaire, souvenirs d'un ami. En 1908,  il a cessé d'être avocat pour entrer dans l'administration préfectorale. Est-il déjà sous-préfet à Lodève? Est-il “en stage” à Montpellier ??

POSTERITE :
Il est inutile de revenir sur la carrière littéraire des divers auteurs.
Mais il faut noter qu’en Juillet 1909, alors que Pan est devenue une revue parisienne, une tentative de renaissance a lieu à Montpellier. Sous l’aspect d’un journal étudiant, Le Dard, organe des étudiants, dont un seul numéro sera publié regroupe, parmi ses six collaborateurs, 5 anciens de Pan : Clary, Dumas, Rieu, Cottinet, Sentenac. Joël Dumas, déjà parisien, y revient d’ailleurs sur la revue et évoque ses rencontres avec Apollinaire, Marinetti ou Moréas en 1907.

Sommaires :
n° 1, janvier 1908
Francis Carco, Jean Clary, Emile Cottinet, Léon Deubel, Joël Dumas, Jean Royère, Jean Sauclières, Emile Sicard, Paul Souchon, Louis Thomas, Eugène Viala.
[Sommaire rédigé d’après les tables du n°6]
PAN, sommaire du n° 2. 

n° 2, Mars-Avril 1908.
Abel Bonnard, Francis Carco, Emile Cottinet, Du Fresnois, Roger Frène, Mécislas Golberg, Alexis Lauze, Jean Pellerin, Michel Puy, Marcel Rieu, René Rivière, Louis-Frédéric Rouquette, Paul Sentenac, Pierre Vierge,
A noter : Un texte d’Abel Bonnard, qui servira au n° 5 de repoussoir dans une étude sur Apollinaire par Toussaint-Luca.
Une chronique sur Lucie Delarue Mardrus.
Une chronique sur Claudel, qui tente un bilan de l’œuvre.
Des souvenirs sur Zola, par Louis-Frédéric Rouquette.
Une chronique sur Les Magots d’Occident, d’André Tudescq, un écrivain régional qui est un des premiers auteurs édité par Bernard Grasset.
PAN, n° 3, 1908 . Avec quelques publicités de Montpellier et Le Vigan

n° 3, mai-juin 1908
Charles Bordes, Francis Carco, Jean Clary, Paul Delior, Joël Dumas, Roger Frène, Pierre Grasset, Alexis Lauze, Paul-Hubert, Louis Payen,  Jean Pellerin, Charles Phalippou, Louis Piérard, Marcel Rieu, Emmanuel Signoret, Paul Souchon.
A noter : Annonce de la parution aux éditions de la revue Pan du livre de Jean Clary : D’Or et de soleil, offert en prime aux abonnés.
n° 4, juillet-août 1908.
Charles Bordes, Emile Cottinet, Lucie Delarue-Mardrus, André Du Fresnois, Jean Florence, Guy Lavaud, Saint-John Perse [Saint Léger-Léger], Louis Mandrin, Filipo Tomasso Marinetti, Jean Pellerin, Nandor Sonnenfeld, Augustin Tivollier, André Tudesq.
[Sommaire rédigé d’après les tables du n°6]
PAN? sommaire n° 5, septembre 1908. Montpellier

n° 5, septembre-octobre 1908.
Gabriel Boissy, Jean Clary, Fabien Colonna, Emile Cottinet, Joël Dumas, Pierre Grasset, Marcel Rieu, René Rivière, Paul Sentenac, Pierre Tournier, A. Toussaint-Luca, Jehan d’Yvray.
A noter : Grand texte d’A. Toussaint-Lucas, avec larges citations, sur Apollinaire.
Critique, par Joël Dumas de La Vie charnelle, de Marinetti (publié dans le n° 4).
Annonce de la revue publiée à Agen par Tristan Derême : L’Oliphant.
Le texte de Pierre Grasset est extrait de Un Conte bleu, à paraître.
PAN sommaire novembre 1908

n° 6, nov.-déc. 1908
Guillaume Apollinaire [Fiançailles], Valère Bernard, Jean Clary, Emile Cottinet, André Du Fresnois, Serge Evans, Henri Guilbeaux,  Marcel Rieu, Emile Ripert, Emile Rochard, Pierre Tournier.
A noter : Chronique enthousiaste des Poèmes d’un riche amateur publiés par Barnabooth (Valéry Larbaud). Ce livre a été écrit à Montpellier, mais semble rester anonyme pour le chroniqueur Jean Clary.
Chroniques sur Eugène Carrière (de Rodez), sur Jean Royère (comparé à Valéry).
Les textes de Valère Bernard sont en français et dédiés à Rodin.
Critique de BARNABOOYH de Valéry Larbaud par Jean Clary 

2e année, n° 1 et 2, janvier-février 1909
Jean Clary, Fabien Colonna, Emile Cottinet,  André Du Fresnois, Roger Frène, Tristan Klingsor, Sébastien-Charles Lecomte, Legrand-Chabrier, Louis Mandin,  John-Antoine Nau, Marcel Rieu, Jean Royère, Pierre Tournier, Francis Vielé-Griffin.
A noter : Guillaume Apollinaire est qualifié de “notre collaborateur” p. 2.

[N° de sept-oct 1909. (Pan est désormais une revue parisienne). Joël Dumas en communique le sommaire à La Bohême : Mécislas Golberg (La Prison) , Georges Duhamel et Charles Vildrac (Extrait d'un carnet de notes sur le vers libre), Henri Hertz, Marcel Rieu, Fernand Mazade, Albert de Bersancourt, Fabien Colonna, René Arcos, Jean Clary, Emile Cottinet, Cécile Périn, Legrand-Chabrier... ]
Les éditions de PAN, E. Figuière éditeur, Paris, publient en 1913 : Dionysos et les Nymphes de Fernand Mazade.


Qui sont et que font les libraires aux XVe et XVIe siècles. Surprises de la librairie à Montpellier

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A vous, amis libraires, sans qui il serait inutile de publier des livres, ce billet est dédié.

                    Qu'est-ce qu'un libraire?
                    Qui sont les libraires à Montpellier aux XVe et XVIe siècle? Chaque fois que j'ai posé la question (je suis un peu curieux), on m'a répondu par des noms d'imprimeurs.
                    Or, à Montpellier, l'imprimerie ne s'installe qu'en 1594 et il n'est pas avéré que le premier imprimeur, Jean Gillet ait été libraire, c'est à dire qu'il ait vendu d'autres livres que ceux qu'il imprimait lui-même.
                    Et pourtant, on sait bien qu'avant 1594 les gens achetaient des livres. Les notables montpelliérains achetaient des livres. Les étudiants montpelliérains (quelques autochtones et beaucoup d'étrangers de passage comme Rabelais ou les si-connus frères Platter) achetaient des livres. Les touristes européens achetaient des livres (comme cet extraordinaire Hernando/Fernand Colòn, fils de Christophe Colomb dont nous reparlerons un jour et qui ne vient à Montpellier en 1535 que pour faire une véritable razzia chez les libraires ).
                    J'ai donc dépouillé les gros volumes (sans index) des Inventaires des Archives de Montpellier. 
                    Ça m'a donné des renseignements terriblement squelettiques.
                    J'ai quelques noms, mais pas tous, sans aucun doute.
                    J'ai quelques dates, dont je suis sûr qu'elles ne correspondent pas au début et à la fin d'une activité du libraire. J'ai juste des traces du moment où le libraire s'est fait flasher par le percepteur, ou de celui où il est devenu, parfois pour une seule fois dans sa vie, "fournisseur du consulat". Ce sont des épisodes, pas une histoire déroulée.
                    J'ai surtout, dans ces notes administratives, un seul aspect de leur activité, précisément celui qui ne m'intéressait pas.Dans toutes ces recherches fébrilement compilatrices, je n'ai jamais surpris un seul libraire vendre un seul livre. Ils font tout, sauf vendre des livres !
                    Alors que dans les comptes de Hernando Colomb, on voit au contraire en 1535 un acheteur acheter frénétiquement des malles entières de livres sans jamais apercevoir la silhouette d'un libraire. Le rapprochement de ces deux sources pourrait bien à la fin dessiner quelques contours du commerce des livres à Montpellier au XVIe siècle, ou avant.

                    Voici donc quelques traces de mon exploration de cette terra incognita. C'est le premier volet de cette quête. C'est ce que moi j'ai trouvé, de plus savants-patients en trouveront bien d'autres.

                     La première mention est celle d'un Raymond AUGIER (Augieri, Auger) , fesedor de libres qui en 1441, 1442, 1444 et 1446 fournit au Consulat (la Mairie d'alors) des livres, des registres, du papier, du parchemin et des fournitures.
                     A ce moment de ma collecte, mon coeur de bibliothécaire municipal palpite : mon libraire vend des livres à la ville! Hélas. Il ne me faut pas longtemps pour me rendre compte que le mot "LIVRE" est toujours et systématiquement employé pour "REGISTRE". Ce qu'AUGIER fournit à la ville, ce sont les registres vierges où on va, chaque année, inscrire les délibérations, les transactions, la comptabilité.
                     L'idée d'un Consulat achetant des livres (écrits, manuscrits ou imprimés) soit pour sa propre documentation, soit pour les mettre à la disposition du public (centre de documentation ou bibliothèque publique) n'a aucun sens au XVe ou XVIe siècle. Donc, dans tout le reste de ce billet, "Livre" devra être lu : "Registre" ou "Livre de comptes".
                     En 1444 et 1460, c'est Peyre (Pierre) MAMET, librier qui est sollicité pour le même office. Les Consuls font jouer la concurrence. C'est donc qu'il y a une concurrence, plusieurs librayres, libriers, fesadors de libres dans la ville.
                     En 1463 et 1464, c'est Barthélémy BRUNEL, librayre.
                     En 1470 et 1473, c'est Jean BOSON (ou BOZON), librier. Mais, ô surprise, nous retrouvons ce Jean BOSON en 1489, il fournit 3 registres de papier pour le Consulat, mais c'est en tant que MERCIER.
                     Les frontières des métiers, que je croyais si bien fixés par les murailles juridiques des corporations, s'avèrent flottantes. BOSON est LIBRAIRE-MERCIER, il tient en fait une librairie-papeterie-mercerie.
                     Mais certains libraires ne sont jamais sollicités par les Consuls. C'est le cas de Bernard de BETAL, librayre, qui figure au compoix (registre fiscal) du quartier Sainte-Croix (actuel quartier du Palais de justice) entre 1480 et 1518. Une longue carrière à l'écart des institutions.
                     En 1490, 1492 et 1493, Augustin NADAL est homme à tout faire. Mercier et libraire, il fournit 8 registres. Mais en 1493, il est payé pour les relier. Il est donc aussi RELIEUR.
                    Thomas AMALRIC fait une brève apparition en 1490 pour remettre 6 "remis" (rames?) de papier.
                    Etienne RAYMOND, libraire, fournit les registres de 1498 et 1503.
                     Mais ces registres s'usent.
                     En 1500, on constate que le PETIT THALAMUS (le livre de tous les faits notables de Montpellier) et l'inventaire des chartes se sont faits grignoter par des souris ou des rats (on ne sait pas trop lequel) : "Existentium archivis seu Thesora praedicti consulatus bina vice (?), causa comestiones prima coperture facte per mures sive ratz". Antoine BEAULAYGUE, religatori, est chargé des réparations pour 35 sous.
                      En 1508, Louis BELAMY fournit 4 douzaines de peaux de parchemin pour la provision du consulat et disparaît. En 1518, Pierre CHARELLI fait la même chose et disparaît aussi.
                      C'est alors qu'apparaît un personnage un peu flou, puisque même son nom est assez vague. D'abord nommé Jean de SULY en 1516 lorsqu'il fournit 5 rames et 2 mains de papier, c'est sous le nom de Jean de SASLY qu'il livre son papier en 1539 et 1540. 30 ans après, en 1547, les Consuls le connaissent mieux : c'est  Jean FORNIER dit DE SULY qui leur procure 7 rames de papier et 200 clous pour tapisser la Loge. Décidément, ces papetiers ont plus d'une corde à leur arc mercantile.
                       En 1519, Jean PIET, libraire, empiète pour une seule fois sur la fourniture des registres.
                       Thomas ROSSEL, lui, est qualifié de libraire dans le compoix de Saint-Firmin (actuel quartier Sainte-Anne) dès 1520. Après 1544, ce sont ses héritiers qui payent l'impôt. Entre temps, en 1530, il a fourni des registres blancs au Consulat, ce qui lui vaut la qualification savante et intimidante de BIBLIOPOLE.
                        Antoine CARRON ou CAYRON est enregistré comme libraire près de Sainte Foix (près de l'actuelle Notre Dame des Tables) de 1528 à 1544 au moins. A cette date, il partage sa maison avec un notaire, Maître Anthoine Quatuorbarbis, sans doute plus connu de ses voisins comme Quatrebarbes, à moins qu'il n'appartienne au groupe ancestral des Quatre Barbus. Antoine Carron n'a aucun commerce avec le Consulat.
                        C'est en 1528 que je rencontre pour la première fois Jehan LECOING. Je retrouve sa dynastie sur toute la durée que j'ai explorée, jusqu'en 1665. Sans doute va-t-elle au delà, peut-être est-elle née avant 1528. 150 ans dans le commerce du livre, c'est beau !
                         En 1528, 1544, 1567, donc Jean LE COING est libraire dans le quartier de Saint-Firmin.En 1549, 50, 52, il fournit des registres à la ville. Il en fournit encore en 1597. Mais on se doute bien qu'il s'agit de son fils homonyme, qui est recensé entre 1600 et 1614 au moins dans le quartier Saint-Mathieu. En 1665, un autre Jean LE COING sera encore libraire dans le même quartier. Trois, quatre générations se sont succédées dans le même commerce.
                          Gaspard BASTIDE, libraire, fournit en 1534, 35 et 36 des registres à 2 sous par main, compris la reliure et la couverture.
                          Les deux THALAMUS, le Grand et le Petit, sont reliés en 1540 par Jean SOLDARIE qui en profite pour leur rajouter des pages de parchemin vierges.
                          Décidément, c'est le moment où les Consuls, comme s'ils pressentaient les désastres archivoclastes des guerres qui se profilent (terribles à Montpellier, où il ne restera aucune église debout à la fin du siècle) entretiennent leurs archives. Loys LOMBARD, libraire autour de Saint-Firmin, relie et couvre (de parchemin?) les compoix de la ville.
                          C'est à ce moment qu'apparaît sur la scène montpelliéraine une nouvelle dynastie de libraires, portant tous le nom d'Estienne DEBLEAT, DE BLEAC, DE BLEA, voire DUBLEAT.
                          Le premier Estienne DEBLEAT figure au compoix de Sainte-Foix en 1544 comme LIBRERE. En 1563 et en 1567, il fournit des registres. Mais en 1569, c'est sa femme qui livre en tant que libraire 2 rames de papier et un cent de plumes. Il est probable qu'elle exerce en tant que veuve. On retrouve ensuite un Etienne DE BLEA, libraire en 1574, qui fournit des registres (parfois reliés) en 1577, 78, 80, 82, 83, 84 et 85. Cette année-là, il reçoit même la coquette somme de 7£ 20 sols (sic) pour avoir fait un gros livre de parchemin que l'on appelera le Second Petit Thalamus (Tallamus) pour ce que l'autre est tout rempli. C'est un gros morceau! Deux ans plus tard, 1587, surprise : le libraire DEBLEA fournit des ferrures pour la chambre du Conseil de ville. Qu'il s'agisse de fer forgé ou de serrures, c'est assez insolite pour un libraire. En 1588, c'est en tant que libraire et 5e Consul qu'il reçoit le loyer annuel (7£ 18s. 4 deniers, moins cher que le registre du 2e Petit Thalamus!) de la maison louée aux veloutiers, des fabricants de velours. Il figure encore en 1598 au compoix de Sainte-Foix. En 1603, Etienne DABLEA fournit les livres au Collège pour les prix de l'année scolaire.  Mais après 50 ans d'activité, sa trace se perd.
                        Jean MARTIN, libraire, s'est perdu avant, puisque la seule fois qu'on en parle, en 1544, dans le compoix de Saint Firmin, il est déjà mort. Mais en 1567, un autre Jean MARTIN, son fils a coup sûr a repris le métier de libraire, avec une discrétion qui le dérobe tout entier à nos regards. Je ne sais rien de lui.
                        Guillaume DEL TOR, ou DU TOUR, a une carrière plus agitée. Ce libraire commence de façon classique en fournissant les registres de 1556, 57, 60, 62, 63, 68 et 69. Mais cette année-là, il bifurque (ou au moins se diversifie) puisque, si on le qualifie toujours de libraire, c'est 4 bonnets de Mantoue garniz chacun d'ung cordon de crespe pour les 4 compagnons de la suite qu'il vend à la ville. En 1572, c'est toile de Bretagne et bonnets gris... On est loin du livre. Entre temps, il a été nommé 5e Consul, mais il refuse d'exercer sa charge. Du coup, les 31 £ et quelques de ses gages sont réparties entre les 5 autres consuls qui ont assumé son travail d'édile municipal. Curieux homme.    

                       Mathieu MAURIN ne nous est connu comme libraire en 1567 que pour avoir relié deux livres de comptes. Pierre BERNAT, toujours en 1567, par le seul qualificatif de "libraire" qui suit son nom.
                       C'est vraiment une époque troublée. En 1569, Amans NOVEL est assez libraire pour vendre une rame de papier et un carteyron de plumes. Mais en 1572 et 73, en pleine guerre civile, il se reconvertit : sa spécialité, c'est maintenant le suaire pour les pauvres de l'hôptal et les soldats morts. Pas folle la mouche!
                      Pierre ROUSSET ou ROSSET est plus constant : registres en 1571 et 1572.  Puis plus rien.
Il est vrai que c'est l'époque (les décénnies 1570-90) du règne d'Etienne DE BLEAT.

                     1591 : un nouveau monde se met en place. Certes, Pierre de SAINT-JEAN continue la tradition des libraires papetiers autour de l'église Saint-Firmin en fournissant les registres de 1591, 1598, ou 1600.
                     Pierre DEBUISSON est lui aussi marchand libraire vers Sainte Foix entre 1600 et 1614.
                     Paul ADVOCAT semble avoir une longue carrière après 1614, jusqu'à l'orée des années 1560.
                     En 1614, François MAROT est marchand libraire à Sainte-Croix , et on retrouve un autre François MAROT faisant la même chose au même endroit en 1738.
                     Pendant ce temps, les relieur relient.
                     En 1594, un inconnu (pour nous)  relie le Grand Thalamus et un "fondeur et lanternier" reçoit 9£ "pour y avoir fait quelques coquilles en fleur de lys par dessus". C'est joli...
                     Une grande place doit être faite à la famille CHOUET. Il existe en effet une livre dont le titre : Suetoni Tranquilli de XII Caesar. VIII libr. Is. Casaubon recensuit... porte l'adresse : Monspessuli, apud Jacobum Chouet, avec la date de 1597. 25 ans plus tard, en 1620, un autre livre : Varandaei ... opera omnia. Monspessuli, apud Petrum et Jacobum Chouet. Voici des libraires, Pierre et Jacques CHOUET, qui se lancent dans l'édition, sans être imprimeurs, et en oubliant même d'indiquer le nom de celui-ci sur ces éditions. Ces deux volumes ont été légués à la Bibliothèque de Montpellier par Calixte Cavalier. (Voir aussi l'Histoire de l'imprimerie, ouvrage inachevé imprimé à 3 exemplaires par Jean Martel vers 1860. p. 40)
                     En 1628, Loys PRUNIER est à la fois libraire et portier du collège. Il est aussi relieur. Il recouvre de neuf les douze compoix et cadastres de la ville qui étaient tous rompus. A savoir ceux de l'année 1544 avec de bazane verte et y met le papier nécessaire et les libvres que l'on se sert journellement avec de vache de Roussy (c'est quoi?) et fournit 6 grandes mains papier rezin pour mettre ausdits libvres. Louis PRUNIER est un homme précieux et dégourdi. Un vrai portier de collège. Il vend sans doute des brioches à la récré.

                     En 1665 est créée la communauté des imprimeurs, libraires et relieurs de Montpellier.            Lors de la 1ère réunion, le 6 mai, sont présents : Daniel PECH, imprimeur ; Pierre DEBUISSON   (doyen), François MARROT (élu syndic), Pierre RIGAUD, Pierre PERRONNET, François BOURLY et Paul MARRET, libraires et relieurs.  P. Avocat et Daniel Peronnet fils seront reçus quelques jours plus tard.
                     Le commerce des livres est désormais interdit aux merciers, fripiers et colporteurs, et aussi aux non-affiliés, comme ce Michel Duham qui, venu d'Aix en catimini ouvrir boutique est expulsé en 1667...
                
                     Mais la grande nouveauté, celle qui fait entrer Montpellier dans la Galaxie Gutenberg (un siècle et demi après), ce sont ces quittances concernant l'installation de Jean GILLET, imprimeur, à Montpellier en 1594.
1594 : Jean GILLET imprimeur, reçoit les 100£ accordés par les consuls précédents "pour faire porter ses hardes et meubles pour se venir remuer en ceste ville".
1595 : à Jean GILLET imprimeur, 6£ 30 s. "pour avoir imprimé le taux fait par Messieurs les consuls des esmolumens du greffe civil et criminel, que pour avoir imprimé beaucoup d'autres choses" (cette année Guillaume Ranchin est 1er consul)
1595 Barthelémy MASSOLIER, marchand, touche 175£ 37s. 6d. pour des fournitures destinées à l'imprimeur (des polices de caractères).
Quant au loyer de Jean GILLET, 20£ par an, il est pris en charge en 1596 et 1597 par la ville.

                   Mais ceci est une autre histoire : Jean Gillet n'était pas libraire, il imprimait sur commande, "à compte d'auteur".


                   Je sais que mon relevé n'est pas exhaustif.
                   Mais voici déjà 40 noms de gens qui se regroupent sous l'enseigne un peu floue des libraires, papetiers, relieurs et autres gens du commerce du livre.
                   Sur environ 200 ans, ça veut dire que si chaque carrière a une durée moyenne de 25 ans, nous avons à chaque génération 5 libraires installés à Montpellier.
                   La ville doit alors avoir environ 30 000 habitants.
                   Pas mal.

                   Montpellier, ville d'étudiants et de notables du tertiaire (juristes, marchands et Cie) attire les amateurs de livres.
                   Un jour prochain, nous verrons les achats du fils de Colomb à Montpellier.

Un imprimeur candidat aux législatives de 1848 à Montpellier : Jean-Antoine DUMAS

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Profession de foi de l'imprimeur Jean-Antoine DUMAS, imprimeur à Montpellier en 1848
Les révolutions sont toujours une aubaine pour les imprimeurs : le brassage d'idées noircit tant de pages !
Voici donc une profession de foi parmi tant d'autres imprimées à Montpellier à l'époque. Mais celle-ci a la particularité d'être signée par un OUVRIER IMPRIMEUR, Jean-Antoine DUMAS.

Sur ce personnage, Hélène Foucault a édité une petite plaquette biographique. Mais ce n'est pas mon sujet d'aujourd'hui, et je me contente d'évoquer cette vie en deux mots, tirés des Bibliographies héraultaises de Pierre Clerc :
Jean-Antoine DUMAS (Montpellier 21 février 1799-13 sept. 1873). Chroniqueur, imprimeur et journaliste. Rédacteur unique à partir de 1834 des Annales de Montpellier et du Département de l'Hérault.
Ouvrier imprimeur chez P.P. Bompar, 1 Place du Marché-aux-Fleurs, il lui succède en 1850. En 1853, il installe son imprimerie 12 Place Croix-de-Fer (actuelle Place de l'Observatoire).
Par manque d'activité, il ferme cet atelier, et reprend en 1859 l'imprimerie de Tournel aîné.

Mais quelles sont les motivations d'un ouvrier imprimeur pour se présenter à l'Assemblée Nationale?
Je vais suivre pas à pas sa proclamation Aux Electeurs du Département de l'Hérault.

Ça commence comme un discours du comte de Champignac, ou, si l'on redoute les anachronismes, de M. Prudhomme. On voit une noble et majestueuse phalanged'écrivains, de politiciens et de savants qui s'avance avec calme et résignation ...  Cette résignation surprend, mais si on pense que dans l'Hérault, une centaine de candidats se disputent 4 postes, on comprend mieux.
Mais la Société ne se compose pas seulement de millionnaires, de savants, ou de poètes... Il y a aussi des ouvriers. Il doit donc y avoir des candidats ouvriers pour que l'Assemblée Nationale soit le tableau vivant de la société. 
Ensuite, Dumas raconte ses engagements démocratiques, que tout le monde peut vérifier puisqu'il les publie depuis 14 ans dans las Annales de Montpellier et du département de l'Hérault.

Profession de foi de l'imprimeur Jean-Antoine DUMAS, imprimeur à Montpellier en 1848
Et de développer son programme :
— Liberté des cultes : Sans religion, point de société possible.
— "Je suis ouvrier imprimeur!... c'est dire assez que je veux la liberté de la presse.
— Pas de députés-fonctionnaires !
— Organisation des Prud'hommes pour régler les conflits du travail.
— Règlement des petits procès au niveau des juges de paix et non des cours d'assises.
— Suppression des ateliers de travail dans les prisons.
— Diminution de tous les salaires supérieurs à 2000 francs.

Profession de foi de l'imprimeur Jean-Antoine DUMAS, imprimeur à Montpellier en 1848
L'appel final est un pathétique appel à laisser une place pour l'ouvrier dans la représentation nationale, après, bien sûr avoir élu le commerce, les lettres, les sciences, la politique et le clergé.
C'est bien peu.

FREDERIC BAZILLE et l'évolution des espèces : des êtres plus parfait que l'homme peuvent naître du progrès. Un matérialiste de 19 ans en action.

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Frédéric BAZILLE. Photo de la période montpelliéraine.


Pour les "Bazilliens", vous pouvez sauter les premiers paragraphes. Quoi que...? 

                  Inattendues, souvent, les trouvailles, au bout d'une corvée de bénédicti

                  J'avais, depuis — quand ? toujours? — un dossier assez sinistre :
SOCIETE DE L'INSTRUCTION MUTUELLE

                  20 doubles feuilles format in quarto portant chacune 4 pages d'une écriture manuscrite polycopiée par je ne sais quel moyen : les compte rendus trimestriels (théoriquement) de l'activité de cette société.
                 Je me suis décidé aujourd'hui à lire tout ça.
                Au bout d'une quarantaine de pages péniblement lues, je me suis pris à écrire sur mes notes : "Ne tient pas plus que ce que ça promet".
SOCIETE DE L'INSTRUCTION MUTUELLE, MONTPELLIER

                Voici à peu près de quoi il s'agit.
                Le 9 mars 1850, un groupe d'hommes (que des hommes, comme tous ces clubs, sociétés et cercles sexistes du XIXe) crée une Société de l'Instruction mutuelle.
Ils en sont si fiers qu'ils font un tampon.
Il y a là des gens dont la chronique locale retiendra les noms, beaucoup ont leur nom sur une rue de Montpellier ou des environs.
Alfred et Gaston Westphal, d'une grande famille d'industriels "sociaux".
Des  Castelnau (famille du peintre Eugène Castelnau), des Leenhardt (famille du peintre Max Leenhardt) , des Cazalis, des Gachon : toute l'armada des notabilités protestantes.
Ajoutons Gustave Planchon, ce professeur de botanique et pharmacie qui signera la découverte du remède contre le phylloxéra et a, face à la gare de Montpellier, un square rendu célèbre par Valéry Larbaud.
Ajoutons : Armand Sabatier, Emile Bertin, Alfred Castan, Paul Cazalis de Fondouce (l'archéologue), Albin Figuier (le neveu de Louis Figuier, le "savant au foyer"), Jules de Seynes (médecin, mais graveur d'ex-libris à ses heures), Dunal, etc... : toute une brochette d'universitaires.
Au fil de la lecture, nous apprenons que ces garçons ne sont pas encore d'illustres professeurs, mais de brillants étudiants (si nous connaissions par cœur leurs dates de naissance, on s'en serait douté).
40, 50 membres...
UNE LISTE DES PREMIERS MEMBRES

Qu'est-ce qu'ils font?
Ils se prennent au sérieux comme des protestants. Je ne suis pas sûr de tous, mais disons qu'à 80 - 90 % tout ce monde est protestant.
Ils s'instruisent mutuellement.
Une fois par semaine, ils se réunissent 4 Boulevard de la Blanquerie (actuels Bd Louis Blanc et Pasteur). Au menu : soit une conférence de l'un d'eux (c'est le but du jeu), soit une ou plusieurs lectures (c'est le bouche-trou), soit une discussion (c'est l'anarchie).
L'objectif est de mutualiser la diversité des goûts et des aptitudes.
En fait de diversité, il faut reconnaître que ça diverge pas trop.
Lorsqu'en 1857  Planchon se hasarde à faire un éloge d'Alfred de Musset, il se fait taper sur les doigts : Rolla, c'est fort bien écrit, mais tout le monde se déclare "choqué par sa licence et son sensualisme". Les Fleurs du Mal viennent de paraître, mais ils n'osent même pas y penser.
En 1859, ils lisent Le Dernier jour d'un condamné, que Hugo a publié il y a 30 ans. Ils trouvent ça "pauvre en preuves sérieuses", "fort discutable", "plein d'arguments passionnés", bref, inacceptable.
Inacceptables aussi les notes prises à un cours de Claude Bernard (qui ne publiera son Introduction à la médecine expérimentale qu'en 1865) : c'est une pensée "organiciste", et ce mot, qu'ils opposent au "principe vital" cher à l'Université de Montpellier est pour eux une injure.
Autre sujet : Westphal qui "inventera" un jour avec Charles Gide (l'oncle d'André) la mutualité, se demande : "Le commerce peut-il se faire chrétiennement"? Tous ces fils de banquiers, industriels et commerçants répondent "oui" d'une seule voix.
Dernier exemple de débat, sur les races humaines. Ils ont nommé une commission pour étudier le problème, et le rapport de la commission conclut à la pluralité des espèces humaines. C'est à dire que tous les hommes n'appartiennent pas à la même espèce humaine. Ça va plus loin que l'inégalité des races : c'est dire qu'il y a des hommes qui ne sont pas des hommes (comme nous). Dit comme ça, c'est un peu gros, la Société se cabre, et "se basant sur les considérations religieuses et morales, elle reconnaît la nécessité de l'Unité de l'Espèce Humaine".

BREF, j'en étais là de ma lecture, pensant avec morosité que ces jeunes gens étaient sans doute bien gentils, à coup sûr pleins d'avenir, mais bien loin de mes préoccupations. Sexistes, racistes, conservateurs et même pas esthètes. Même avec le décalage spatio-temporel, ça fait beaucoup à digérer.

Mais, bonne bête de somme, je filais mon train, vaillamment léthargique : j'y suis, je vais au bout !
Et c'est alors que l'avant-dernière feuille me réveilla en sursaut.

"Enfin, nous avons eu  la satisfaction de nous adjoindre un nouveau membre actif, M. FRÉDÉRIC BAZILLE dont la VOCATION POUR LES SCIENCES NATURELLES nous promet un nouveau contingent de travaux de cet ordre. " 
Réception de FREDERIC BAZILLE
RECEPTION DE FREDERIC BAZILLE, suite

On est au début de 1860. Frédéric Bazille a 19 ans. En 1859, il a été reçu bachelier ES-SCIENCES. C'est le début d'une vocation. Du coup, il part en juillet, avec Gustave Planchon et Charles Martins, le créateur des serres du Jardin des Plantes de Montpellier, pour une excursion botanique et enthomologique dans les Alpes  : Grenoble, Uriage, la Grande-Chartreuse. Il y récolte beaucoup d'insectes.  C'est une autre vocation.
C'est l'époque où il se passionne pour l'identification des oiseaux, même exotiques. IL identifie — à distance — les oiseaux que son père croise en Algérie. Il fait même des expériences de taxidermie et remplit sa chambre d'oiseaux empaillés.  Oui, c'est toujours une vocation en marche.
En ville, on sait ça. Les chasseurs lui donnent des oiseaux rares, son père lui ramène des papillons de tous ses voyages. 
Oui, Frédéric a une vraie vocation pour les sciences naturelles. Son cousin Louis Bazille, son futur cousin Jules de Seynes qui président la Société ce trimestre, le savent.

Trois pages plus loin, nouveau bonheur. Non seulement Frédéric est admis dans la société, mais il parle. Et non solum il parle, mais il lâche une bombe et polémique ferme !!

INTERVENTION  DARWINIENNE DE FREDERIC BAZILLE

"M. Fréd. Bazille a déjà lu son premier travail sous le titre de L'Histoire de la Géologie jusqu'à Hooke. Ce travail appelle son complément promis par l'auteur qui reliera des faits à des généralisations nécessaires. M. Bazille a émis une idée qui a provoqué une assez longue discussion : celle de la possibilité d'un progrès pour ainsi dire indéfini d'où suivrait la possibilité de la création d'êtres plus parfaits que l'homme. Quelques membres sont d'avis que l'appropriation d'un milieu convenable à l'homme est plus évidente que la loi de progrès constant. D'autres, ayant surtout égard au perfectionnement graduel des formes pensent que la solution ne peut être cherchée dans l'histoire antérieure du globe que d'un autre côté. La question est insoluble au point de vue abstrait à cause de l'incompétence de l'homme à juger une perfection supérieure à la sienne et inférieure à Dieu."

Si on analyse.
Laissons de côté la référence un peu pédante à Robert Hooke. 
Frédéric Bazille est matérialiste et croit que le progrès et l'apparition des espèces donc de l'homme est un phénomène immanent.
L'espèce humaine est le fruit d'un progrès naturel, mais l'homme  est appelé à être dépassé par une espèce plus avancée.
Il s'agit d'un darwinisme totalement matérialiste. Aucune place dans les propos de Bazille pour la moindre transcendance. A la lecture de sa correspondance familiale (150 lettres), je n'ai en effet jamais aperçu la moindre présence d'un dieu,  fût-il caché.

On comprend le bafouillage du rédacteur du compte-rendu, et celui des opposants qui concèdent un peu au progrès, mais ne lâchent rien sur la création.  Curieusement, ils inventent quelque chose qui ressemble à du Theillard de Chardin. Ils n'excluent pas radicalement l'évolution, mais finalement, tout ça n'est qu'une longue marche pour se rapprocher de Dieu (l'Oméga). Finalement, disent-ils, les espèces humaines, post-humaines ou supra-humaines peuvent bien s'empiler, elles sont comme la tortue d'Achille : elles n'arriveront jamais à la divinité.

Dommage qu'il n'y ait rien d'autre dans mon dossier : Frédéric Bazille ne partant à Paris qu'en novembre 1862, il a dû assister à d'autres séances, peut-être intervenir, d'autant qu'il est élu secrétaire de la Société dans la foulée.






BALIVERNES MERIDIONALES : une revue nulle et minable à Montpellier en 1867.

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BALIVERNES MERIDIONALES, journa, Montpellier 1867



Voici la collection complète d'une revue née des réformes libérales de Napoléon III en 1867 :  
BALIVERNES MERIDIONALES.
Il n'y a eu que deux numéros.

Le directeur-gérant est un nommé BOURGADE, domicilié, comme le journal et comme L'Eclair (cf. ci-dessous) au 10 rue Fabre à Montpellier.
Toute la revue se limite à l'énoncé de ses bisbilles avec le directeur  du théâtre de Nîmes qui, semble-t-il, refuse de programmer une de ses pièces, "Lionel Richard". 
A la fin du 2ème numéro, Bourgade met de l'eau dans son vin en offrant gratis aux Directeurs de théâtre la représentation de sa pièce "susceptible d'un grand succès".
Balivernes méridionales

Ce BOURGADE est par ailleurs un petit peu connu sous son pseudonyme de CHEVALIER Charles DE MAUCOMBLE. Le Clerc, dictionnaire de biographies héraultaises, sous ma plume (comme quoi, on peut toujours s'améliorer) ne sait pas que ce titre ronflant est un pseudonyme. Mais il cite de lui : Mémoires d'un supplicié, une éducation (Montpellier, 1861). Ce petit livre est un livre atrabilaire de quelqu'un qui semble, à tous points de vue, avoir souffert de son éducation. Mis en pension par ses parents, il subit les brimades de ses compagnons et de ses professeurs. Mais la description des faits donne la féroce impression d'être en présence d'un paranoïaque délirant.
Je présenterai mieux ce livre (lu il y a trop longtemps) dès que je remettrai la main dessus.

Mais revenons aux BALIVERNES MERIDIONALES.
L'édito du n° 1 est un lamento sur la censure effective des imprimeurs. En effet, "même en payant d'avance" et malgré l'approbation de l'autorité, les imprimeurs sollicités, peu confiants dans la libéralisation du régime, ont refusé d'imprimer la revue.
Celle-ci paraît donc sous forme de manuscrit lithographié par N. Arles, de Montpellier.

La revue est associée au journal L'Eclair, un journal "méridional, littéraire, commercial, charivarique et financier"édité à Sète , et dont il ne paraîtra jamais que 10 numéro. C'est donc la charité qui s'appuie sur l'hôpital. Le second article est une apologie du même Eclairà l'intention des Nîmois, qui d'ailleurs n'en ont pas voulu, et qui a dû se réfugier à Sète ! Montpellier, où sont officiellement domiciliés les 2 feuilles, 10 rue Fabre (l'adresse de Bourgade) , ne semble pas plus accueillant.

Les pseudonymes sont impénétrables : Bradamanti, Tortillard, Roderic-Ribérac, Castille, Lebrun de Roquemaur. A moins que tous ces noms soient des masques de Bourgade, seul. 

Ce que confirmerait un appel in fine du N° 1  : "On demande des écrivains"!  Le besoin est évident !!
Le contenu de la revue est désespérément nul, uniquement préoccupé de  l'apologie de Bourgade et de ses œuvres.
Même les dessins sont nuls !

Rien à en tirer, mais la revue est rare ! On comprend pourquoi. Mal vendue, minable, sans contenu, on se demande pourquoi quelqu'un l'aurait conservée.
Si c'est pour autoriser de telles platitudes que l'Empire s'est libéralisé, c'est à décourager toute velléité révolutionnaire ! 

Il fallait pourtant en dire deux mots.


Encore un imprimeur candidat aux élections de 1848 à Montpellier : Xavier JULLIEN, esprit confus s'il en est

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Xavier JULLIEN imprimeur de Montpellier candidat en 1848


Un nouveau tract électoral pour une élection de 1848.
Elle est signée par Xavier JULLIEN qui l'imprime lui-même. En effet, Joseph Eloi Xavier Jullien  est imprimeur Place Louis XVI, (actuelle place du Marché aux fleurs, derrière la Préfecture de Montpellier). Il a remplacé Jean-Germain Tournel comme imprimeur en 1822.  Il meurt en 1859, et sa veuve lui succède à la tête de l'imprimerie.

Sa proclamation s'adresse à tous les électeurs de la France, ce qui est le signe d'un esprit large. 
Le problème, c'est que ce qu'annonce Jullien est incompréhensible. J'ai beau lire et relire, à part quelques barbarismes, des phrases bancales une ou 2 fautes d'orthographe, rien, je ne comprends rien.
Peut-on lire, en filigrane, une histoire personnelle dans les récits d'enfants malheureux du début? C'est possible.
Mais le morceau de choix, c'est ce qu'il demande aux grands hommes candidats. C'est en fait de décrocher la lune ou de tout faire sans aucun moyen. L'embêtant, c'est qu'il est impossible de dire s'il s'agit d'un passage ironique ou sérieux.
La dernière demande, sur la comparaison du temps de travail (peut-être du salaire) des ouvriers comparé à celui des paysans est énoncée de telle façon qu'il est impossible de deviner ce qui, dans l'esprit de Jullien, est bien et ce qui est mauvais.
Le charabia du dernier paragraphe, c'est du Comte de Champignac.
Le problème, c'est que tout ça a l'air clair comme de l'eau de roche et bigrement important pour Jullien.

Pour nous, l'important, c'est que sur 6 imprimeurs à Montpellier en 1848, deux sont candidats aux élections, ce qui donne pour la profession une proportion qu'aucune autre n'atteint, si haut placée soit-elle dans la hiérarchie sociale. 
Les imprimeurs se sentent décidément faire partie d'une aristocratie du peuple.

LE DEVOIR DU PEUPLE EST D'OBEIR ! CHAPTAL et son CATECHISME DES BONS PATRIOTES , Montpellier, 1790 :

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Catéchisme des bons patriotes de Chaptal. 1790

Voici un livre qui n'est pas inconnu : 3 exemplaires sont recensés dans des bibliothèques publiques : Paris, Avignon et Montpellier.
C'est le
CATECHISME A L'USAGE DES BONS PATRIOTES,
par M. J.-A. CHAPTAL, Président du Club des Amis de la Constitution et de l'égalité de Montpellier.
Publié à Montpellier, chez Tournel, imprimeur du Club, M.DCC.XC.

Entre le titre et l'adresse, une devise, qui sera reprise en bandeau au début du texte :
LA NATION,
LA LOI
ET LE ROI.
Il s'agit d'une brochure in 12° de 90 pages, dont les cahiers B et D sont imprimés sur papier bleuté. 
Chaptal professeur de chimie à Montpellier

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En 1790, Jean-Antoine CHAPTAL est un jeune prodige (il est né en 1756). Docteur de la Faculté de médecine de Montpellier depuis 1777, sa réputation de chimiste est si bien établie à Paris que, pour l'attirer à Montpellier, les Etats de Languedoc créent pour lui en 1781 (il a 25 ans) une chaire de chimie à Montpellier.
Ses études de chimie appliquée à l'agriculture, et surtout à la viticulture et à l'œnologie l'amènent à proposer le sucrage des moûts, qui s'appelle désormais chaptalisation.
Anobli par Louis XVI en 1787, il sera aussi ministre de l'Intérieur sous le Consulat, sénateur et comte de Chanteloup sous l'Empire, pair de France, titre conservé sous la Restauration.
Industriel, il crée à Montpellier une des usines chimiques les plus importantes du Sud de la France.
En  mai 1790, il participe à la prise de la Citadelle de Montpellier, et crée la Société des Amis de la Constitution (sa noblesse ne date que de 3 ans). En 1793, il est arrêté à Paris pour fédéralisme, mais relâché aussitôt : c'est lui qui dirige la fabrication des poudres et salpêtre. Il est même nommé professeur à l'Ecole Polytechnique.
Georges Washington, son ami, le réclame plusieurs fois aux Etats-Unis. Il n'ira pas. Il meurt en 1832.
Qu'est-ce que Dieu?

Cet opuscule est le début de sa carrière politique. Sa faible diffusion, locale, est sans doute destinée à le faire élire administrateur de l'Hérault (objectif atteint en 1794).
Ce Catéchisme est une suite de questions-réponses.
La première, comme il se doit, est :
Qu'est-ce que Dieu?
Réponse : Dieu est le premier et le Souverain des êtres. Il a créé le ciel, la terre et tout ce qui existe dans cet Univers.
 La seconde question nous apprend que Dieu possède la toute puissance et la souveraine bonté.
Qu'il s'en contente et s'en réjouisse, c'est tout ce qu'on lui concède : Spinoza est passé par là, on n'entendra plus jamais parler de Dieu dans ce catéchisme.
Tout le reste du Catéchisme est un mélange de projet de Constitution et de traité d'économie politique, fortement influencé par les thèses agronomistes.
Voici quelques extraits des passages les plus riches et les plus savoureux :
La reproduction est une des fins de l'homme : "Le plaisir attaché à cette fonction, dans toutes les classes d'individus, invite  tous les êtres à se reproduire (p.11).
Pays et coutumes : Les hommes qui habitent ce globe sont tous frères… Ils ne devroient donc faire qu'une grande société : mais la différence des climats apporte des modifications infinies dans le physique et le moral des individus. On a donc établi des sections qu'on a appelées ETATS.. (p. 14).
Les lois doivent varier selon le temps, les circonstances, les lieux (p. 15).
Révolution industrielle et Révolution politique : Le peu de prospérité de la France pendant les siècles qui nous ont précédé  est due au peu d'harmonie qui a régné entre les divers membres de l'Etat  (Clergé, noblesse et roture d'une part, industrie,  agriculture et commerce d'autre part)  (p. 17).
Deux cent familles qui entouroient le trône s'emparaient de tout l'or, de tous les emplois, de toutes les grâces (p. 18).
On nomme des citoyens recommandables par leurs talens et leurs vertus… C'est cette élite de citoyens qui constitue l'ASSEMBLEE NATIONALE(p. 23).
Le despotisme le plus odieux : Chaptal
Chaptal ne refuse pas d'entrer dans les petits détails :
Les livrées domestiques :
Demande : Mais du moins, un seigneur étoit bien libre de marquer ses serviteurs par sa livrée ?
R : Lorsque les terres n'étoient cultivées que par des serfs, les seigneurs leur attachoient le sceau de l'esclavage, en les marquant à leurs armes. Mais du moment que l'homme a été déclaré libre, il n'est plus permis de le flétrir en lui imposant les marques de la servitude (p. 25).
Il abolit aussi les droits dechasse et de pêche du seigneur : Ces animaux appartiennent à l'homme… Bien sûr, Si tout le monde peut chasser et pêcher..; Il est très vrai que le gibier disparoîtra de nos plaines … (mais) les bois, les montagnes en conserveront toujours… si on réprime le braconnage ! J'exclus la pêche par le poison (p. 28)
Biens du clergé:Lorsque la société a des besoins, elle peut et elle doit disposer des biens des individus qui la composent. Plus loin, à propos des propriétaires fonciers ou des industriels, Chaptal dira le contraire, leurs propriétés étant sous la sauvegarde de la Nation… Il est vrai qu'ici, il emploie un syllogisme assez sommaire : Ces biens ont été donnés à l'Eglise. La réunion des Français forme l'Eglise. Donc…!
Ainsi dégagés des soins des biens temporels, les ecclésiastiques auront plus de temps pour remplir leur vrai mission d'éducation et d'exemplarité. Il y a là un certain cynisme.
Pour la désignation des ecclésiastiques, le peuple rechercher les bonnes mœurs et surtout la tolérance, qui s'accorde si bien avec l'évangile (sans majuscule),  la raison et l'humanité (p. 32).
Savant et matérialiste (il est aussi franc-maçon), Chaptal définit ainsi le rôle des ecclésiastiques (qui ont dû, à cette lecture, avaler l'hostie de travers) : La connoissance de tout ce qui intéresse son état (et on voit bien Chaptal balayer ironiquement ces occupations sacerdotales d'un revers de main) est sans doute indispensable ; mais combien seroient précieux des hommes qui, revêtus de ce saint ministère, auroient des notions précises sur l'agriculture, la médecine, l'histoire naturelle! ILS ENTRETIENDROIENT L'ORDRE ET LA PAIX ET ENRICHIROIENT LES CAMPAGNES (p.32). C'est moi qui souligne).
L'impôt, proportionné à chacun, doit être consenti par chacun. Même les propriétés inutilisées doivent être taxées. Ne pas semer un champ, ne pas louer une maison est un tort fait à toute la nation, et, en plus de la contribution normale, une amende doit être perçue. (Ceci est toujours d'actualité en 2011).
La dernière moitié de la brochure peut se résumer au choix (élection censitaire) et au rôle des représentants du peuple.
Si le peuple trouve un homme vertueux et éclairé qui se plaise, depuis long-temps, à servir sa patrie par tous les moyens qu'il a en son pouvoir… voilà l'homme qu'il faut députer (p. 41).
Si un citoyen administre ses propres affaires avec succès.. celui-là est digne de la confiance publique ((p. 68).
Le mandat impératif est interdit car si les députés étoient astreints à se conformer aux volontés de leurs commettans… il suffiroit d'envoyer des cahiers.
Et si l'Assemblée prend des décrets injustes, le peuple doit commencer par se soumettre et obéir … car il vaut mieux souffrir pendant 6 mois, que de donner le signal de la désobéissance et de manquer de respect et de soumission à ses législateurs. LE DEVOIR DU PEUPLE EST D'OBEIRcar les suites d'un moment d'insubordination sont incalculables  (p. 45).
In fine, apparaît la question essentielle :
D. SERONS-NOUS PLUS HEUREUX DANS CETTE CONSTITUTION?
R. SI NOUS NE L'ETIONS PAS, CE SEROIT NOTRE FAUTE(p. 73).
D. Que nous reste-il à faire pour affermir notre bonheur?
R. Ne point décrier les opérations de l'Assemblée Nationale, respecter nos représentans, se soumettre à leur décrets, ne pas soulever le peuple, ne point l'aigrir…
Si ça, c'est pas du bon esprit!
Le problème, c'est qu'en 1790, Chaptal considère que la Révolution est terminée et aboutie. Mais pour le "peuple aigri", elle ne fait que commencer.
Finalement, ce Catéchisme aurait fait un tabac sous la Monarchie bourgeoise de Juillet. Ah! quel malheur d'avoir 40 ans d'avance!
A Montpellier, Chaptal ne fut jamais élu député. 
Chaptal ministre

1625 : Rome s'inquiète des Protestants du Languedoc et des Cévennes. Récit d'un voyage sans pittoresque.

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François VERON: Voyage missionnaire en Languedoc et Cévennes en 1625
            Voici une petite brochure imprimée à Romeen 1625 par Lodovico Grignani. Elle a 8 pages, et est en fait un abrégé (orienté) d'un texte de 32 pages publié la même année à Paris sous le titre : Relation du voyage au Languedoc du P. Véron envoyé du Roy pour la réduction des dévoyés, ou combats victorieux pour la religion catholique contre les ministres de Nismes, Montpelier, Béziers, Alès. 
Breve relatione del viaggio del P. Verone in Languedoc e nelle Sevenes

          Son auteur n'est pas n'importe qui!
          François Véron a 50 ans. Il est devenu jésuite en 1595, à 20 ans. A cette époque, la Ligue venait de perdre la guerre contre Henri IV qui préparait l'Edit de Nantes de 1598. La guerre prenait une autre forme, l'heure était au polémistes. Véron serait donc "le" polémiste des jésuites. En 1620, la situation politique change. Le duc de Luynes, favori plutôt accommodant avec les Protestants, est remplacé auprès de Louis XIII par Richelieu, beaucoup plus belliciste. Montpellier sera assiégé en 1622, La Rochelle prise en 1628. La Paix d'Alès de 1629 organise couci-couça une paix précaire.
          Le fait est qu'à partir de 1620, le roi ferraille contre les Protestants : François Véron quitte donc les jésuites, et devient Prédicateur du roi pour la polémiqueet parcours la France. En 1638, il prend une semi- retraite en devenant curé de Charenton, une des places fortes du protestantisme.
          Il est l'auteur d'une centaine de publications, dont un Abrégé de l'art et méthode nouvelle de bailloner les ministres de France... qui est justement (ce n'est bien sûr pas un hasard) reédité à Montpellier cette même année 1625. Ce manuel du polémiste du P. Véron est connu à l'époque sous le nom de Véronique(si, si, comme la passe des toreros). 
          L'étonnant c'est pourtant que cette brochure soit traduite en italien et imprimée à Rome.
          Quel improbable lecteur de ce blog saura me dire si, avant la Guerre des Camisards (1702-1710 dates larges) on a publié à Rome d'autres textes sur les Cévennes?

Breve / relatione / del viaggio del P. Verone/ in Languedoc, & nelle Sevenes, man / datovi dal Rè Christianissimo per / la conversione de gli heretici.
Conferenze con ministri.
Conversione alla fede Cattolica delli baroni del Pouget, / Vendemian, &c. e d'altre persone principali, e altre / utilità di questo viaggio.
La Congregatione de Missionari, ò della Propagatione de la / Fede, fondata da i Stati generali di Languedoc; e propo / sitione di instituire una generale per tutta la Francia.
A l'Illustrissimo Cardinale Barbarino, nepote di Sua / Santità, Legato apostolico in Francia.
Per Francesco Verone, Predicatore del Rè per / le controverse, e dottore in teologia.
Ce qui se traduit en
Brève relation du voyage du P. Véron en Languedoc et dans les Cévennes, envoyé par le Roi très-chrétien pour la conversion des hérétiques. / Conférences avec des ministres [protestants] / Conversion à la foi catholique des barons du Pouget, Vendémian etc, et d'autres personnes principales et autres utilités de ce voyage. / La Congrégation des Missionnaires, ou de la Propagation de la foi, fondée par les Etats généraux de Languedoc, et proposition d'en instituer une générale pour toute la France. 

            Ce qui frappe à la lecture du texte, c'est son absence absolue de couleur locale. Aucun pittoresque, aucune anecdote, rien. La scène se passe n'importe où... 
Seuls quelques personnages émergent, ministres protestants en tête : 
Ministres protestants du Languedoc et des Cévennes combattus par François Véron en 1625
          Il y a là Jean Bansillon d'Aigues-Mortes, Jean Faucher de Nîmes, Jean de Croy de Béziers, Michel Le Faucheur, Daniel Pérols, Védrines et Delard de Montpellier, Courant et Desmarets d'Alès, Léonard Second de Vendémian (et Cournonterral), La Faye de Gignac, Chauve de Sommières et Hospitalis de Montagnac. Tout un synode! 

          Mais en l'absence totale de pittoresque, il nous reste quelques perles à ramasser sur les pas de Véron : 

            Ritornando carico di ricche spoglie de' nemici ... (Revenant chargé des riches dépouilles des ennemis de l'Eglise catholique)  : le premier mot est un cri de victoire. 
            Una conversione generale che si potria securamente sperare frà pochi anni de tutti gli heretici di Francia... (Une conversion générale qu'on peut surement espérer d'ici quelques années de tous les hérétiques de France...) : Cette conversion générale est le but exclusif recherché par les deux religions en présence. Pour les Protestants comme pour les Catholiques, il s'agit bel et bien de faire disparaître l'autre, de le tuer. Un roi, une loi, une foi : l'adage a été mis en oeuvre par les Protestants en Angleterre et dans les états d'Allemagne, par les Catholiques en Espagne et Italie. La France, elle, balance toujours. Bien sûr, les Catholiques ont une longueur d'avance. Mais l'Edit de Nantes tolère le bi-partisme religieux, et Henri IV, roi de droit, a dû se convertir pour devenir roi de fait. En le révocant, Louis XIV fera un pas de clerc qui relancera les guerres.
Méthode de conversion des Protestants
           Pericolosi e vari sono stati i combattimenti.  Il y a deux traductions possibles : à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, mais aussi : tout danger mérite salaire

           Quanto al politico, attaccai in Alès capitale delle Sevenne, Montpelier, Beziers, Aigues-Mortes, Gignac, e per tutto la Provincia, i pastori d'errore nel mezzo de i loro Tempi, in presenza di tutti i loro seguaci... (Quant au politique, j'attaquais à Alès en Cévennes, Montpelier, Béziers, Aigues-Mortes, Gignac et par toute la province, les pasteurs d'erreur au milieu de leurs temples, en présence de tous leurs fidèles...)
           Notons d'abord deux orthographes précieuses. Véron écrit Alès et non Alais. Il écrit aussi Montpelier, qui se prononce Montpeulier, et non Montpellier qui se prononcerait Montpélier. Il témoigne ainsi de la prononciation locale, qui a perduré, malgré 'orthographe jusqu'à aujourd'hui. 
           Cette parenthèse fermée, il reste à imaginer Véron au milieu du temple protestant défiant le ministre et ses ouailles. 

           Stava qualche volta attentissimo il popolo à questo sfido; altre volte mormorava : à quanti pericoli mi sono esposto! (Le peuple était quelques fois très attentif à ce défi; d'autres fois il murmurait : à quels dangers ne me suis-je pas exposé!). Là aussi on voit très bien la scène. 

           ... Rifiutando la predica del loro ministro, in un Teatro, che io faceva drizzare alla porta dei tempi, mentre ch'il falso pastore faceva la sua buggiarda predica. (... réfutant le prêche du ministre, sur un theâtre que je faisais dresser à la porte du temple, pendant que le faux pasteur faisait son abominable prédication). Voici donc l'apparition du théâtre! Comme tous les Jésuites, Véron adore et utilise le théâtre. Les trétaux sont dressés sur la place du village.

          Predicavo in questo Teatro due hore, più meno (Je prêchais sur ce théâtre environ deux heures).

           I ministri... havevano falsificato la Scittura sacra, mutando, scancellando, aggiongendo... E dimostrava questo per l'oppositione di 12 Bibie, ò mutate, ò falsificate in diversi anni, prese dalle mani degli Hugonotti dei luoghi ove predicava (Les ministres avaient falsifié l'Ecriture sainte, changeant, effaçant, ajoutant... Et je démontrais cela par l'opposition de 12 Bibles, ou modifiées ou falsifiées au cours des ans, prises entre les mains des Huguenots des lieux où je prêchais.)Spectacle de camelot de foire : Véron demande leurs Bibles aux réformés qui sortent du prêche. On le voit ensuite littéralement jongler avec elles. Du grand art! 
Conversion massive des Protestants ou vantardise du Missionnaire?
          Oltre questi esserciti, e sfidi così publici, feci spargere per tutta la Provincia doi ò tre mila di questi cartelli di sfido, o thesi, e mandai un messaggero in tutte le città, e luoghi principali, per significare à tutti i ministri, in particolare per atto publico di notaro, in presenza di buon numero di Cattolici & heretici lo sfido mio... (Outre ces exercices et défis ainsi publics, je fis distribuer dans toute la province deux ou trois mille cartels de défi, ou thèses, et j'envoyais un messager dans toutes les villes et lieux principaux, pour signifier non défi à tous les ministres en particulier par acte public de notaire, en présence d'un grand nombre de Catholiques et d'hérétiques ...) Texte précieux qui rassemble tous les éléments en une phrase. D'abord, le rôle de l'imprimé (qu'on aimerait tant avoir, mais qui les aurait conservés?) : 2 ou 3000 cartels de défi distribués comme des tracts, ça doit faire sensation. Ensuite l'usage de l'acte notarié, le sacro-saint témoin de l'époque. Enfin, la nécessité de la foule, Catholiques et hérétiques mélés.

          La più numerosa parte de' ministri se n'è fuggita con gran vergogna (la plus grande partie des ministres s'est enfuie avec grande honte). En fait, les synodes protestants, conscients que les Catholiques avaient des possibilités d'édition très supérieure aux leurs, conseillent très souvent aux ministres de refuser ces joutes oratoires, dont la seule version orthodoxe risque d'être publiée. 

          ... per lo spatio di nove mesi in Languedoc e nelle Sevenes (durant l'espace de neuf mois en Languedoc et dans les Cévennes). Pendant 9 mois, dans cet espace limité au Gard et à l'est de l'Hérault, Véron n'a pas du passer inaperçu! 

          Molte migliaia hanno conceputo grandi dubbi della loro fede, e inchinano molto à ritornare alla Chiesa santa (Plusieurs milliers (de Protestants) ont conçu de grands doutes sur leur foi, et inclinent fortement à retourner au sein de la sainte Eglise). Il est vrai que durant les années 1620-1680, les effectifs protestants diminuent en France. Mais il faudra attendre (!) 1685 pour voir des "conversions" (!) par milliers.

           Tre altri baroni... alcuni Maestri de Compti in Montpelier... quasi tutti gli offitiali regi di questa camera... quaranta famiglie in Nismes... vinti ministri... (Trois autres barons... quelques Maîtres de la Cour des Comptes de Montpellier... presque tous les officiers royaux de cette Chambre... quarante familles de Nîmes... vingt ministres... [se sont convertis]).Y avait-il des ratons-laveurs à cette époque dans le sud de France? 

            Vinti ministri sono risoluti di abjurare l'heresia, pure che si dia loro qualche pensione (Vingt ministres sont résolus à abjurer l'hérésie, pour peu qu'on leur donne quelque pension). Ce moyen de conversion a été très largement utilisé au XVIIe, et avec succès! 
Une Congrégation pour la Propagation de la Foi en France ?
           Le reste du texte réclame la fondation d'une Congrégation française de la Propagation de la foi, avec, bien sûr, ses supérieurs et son financement. 
           On parie que Véron est candidat!
           Il existe un exemplaire de cette brochure à la BNF.

LE BULLETIN DE NARBONNE (1780-1782) : un curieux COURRIER INTERNATIONAL sur la GUERRE d'INDEPENDANCE des Etats-Unis d'Amérique

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Bulletin de Narbonne 1780

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Il y a des revues si rares que personne ne semble les avoir vues.

C'est le cas du très étonnant BULLETIN DE NARBONNE.
Voici l'intégralité de ce qu'en dit l'imposant Dictionnaire encyclopédique de l'Aude, de Gérard Jean (Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, 2010) :

Bulletin de Narbonne : Premier périodique audois, il paraît deux fois par semaine, de 1780 à 1782 et compte deux pages. Il ne donne aucune information locale, mais plutôt des nouvelles qu'il reçoit de différentes villes. Il propose même sur sa dernière page une énigme. Le périodique disparaît pour avoir contrevenu au monopole de La Gazette.

Un point c'est tout. Qui rédige ce bulletin, qui l'imprime, de quelle Gazette a-il piétiné les privilèges? On ne sait pas, mais on sait que les rédacteurs du Dictionnaire n'ont jamais vu le Bulletin de Narbonne.
       En 1980, Léon Bergon publie dans le savant Bulletin de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne un Essai sur le Bulletin de Narbonne, périodique de la fin de l'Ancien Régime. Il précise travailler d'après le seul exemplaire conservé, celui des Archives départementales de l'Aude. L'article est un recueil d'extraits, c'est bien. Mais Bégon ne connaît ni le nom du rédacteur Marcorelles qui est pourtant cité souvent dans la revue, ni celui de l'éditeur - imprimeur, Jean Besse, qui signe la plupart des numéros. Par contre, lorsqu'il dit que le directeur du Bulletin se nomme Décampe…, on se demande quelles sont ses sources, ce nom n'apparaît jamais dans le Bulletin. Certaines notices bibliographiques sont bien mystérieuses!

Et pourtant, dans notre exemplaire, l'éditeur a pris soin, à posteriori, de relier des collections complètes avec une page de titre on ne peut plus pédagogique :

Bulletin ou Gazette de Narbonne par M. de Marcorelles


Bulletins,
ou
Gazettes
de Narbonne,
depuis et compris le 18 août 1780, jusques
 et inclus le 26 septembre 1782
par M. de MARCORELLE, baron d'Escale, de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres de Toulouse; ancien secrétaire de cette Société; correspondant de l'Académie Royale des Sciences de Paris, de la Société Royale de Médecine de France; de la Société Royale des Arts de Londres, du Musée Toulousain, etc… etc…
A Narbonne
de l'Imprimerie de J. Besse, imprimeur du Roi et des Etats de Languedoc.

Et  Jean Besse nous donne à la suite le portrait de Jean-François de Marcorelle, dessiné par M. Bourgoin et gravé par L. Lempereur, poussant la gentillesse jusqu'à nous en décrire les accessoires

Jean-François de Marcorelles (ou Marcorelle) d'Escales


D'un côté sont des coquilles, des madrépores; de l'autre, sur un rocher où l'on aperçoit l'entrée d'une grotte, est un aigle fortement gravé, dont une aile est cachée, et dont l'autre est déployée. Au bas, et vers le milieu, l'on voit un tas de médailles antiques, parmi lesquelles on distingue celle de Marcus Aurelius Augustus.
C'est tout un programme qui résume la vie de ce féru de conchyliologie, et digne descendant de l'empereur Marc-Aurelle, comme son nom en témoigne. On hésite pourtant à savoir à laquelle de ses publications la grotte fait référence. Est-ce à son Mémoire sur le Fromage de Roquefort ou à ses Détails de l'accident funeste arrivé dans une fosse d'aisance de la ville de Narbonne, les 16 avril 1779
 Il y a grotte et grotte, il ne faut pas mélanger les fosses et les caves, même si l'odeur les réunit.

Bref, nous savons déjà pas mal de choses sur Marcorelle d'Escales.  Surtout si on ajoute qu'Escales est une commune près de Lézignan-Corbières, qu'en avril 1781, le baron d'Escales part en voyage et quitte donc la rédaction, mais qu'il la reprend le 25 novembre 1781, qu'en août 1782, il a été assez malade pour qu'une admiratrice se réjouisse de son rétablissement :
Il vit, l'Illustre Marcorelle
Ah! Puisse-t-il vivre toujours;
Il vit, et la Parque cruelle
N'a pu couper la trame de ses jours!

Nous savons par ailleurs que la Parque réussira son coup en 1787.
Nous ne savons rien par contre des comparses du Bulletin. Rien sur ce Raoux qui fournit la devise
Je n'aime que la vérité
Je plaide pour l'humanité.
Rien de cette famille Claverie, un abbé et ses deux nièces, sur l'architecte Figeac, sur Gastinel, professeur d'éloquence, sur ces Gousty, Postic, Janot, et autres Castans  qui monopolisent le courrier de leurs panégyriques croisés.
A peine plus de Cailhava, gendarme du roi, mais surtout rimailleur occitan qui envoie des vers dans cette langue au rédacteur, qui, lui, loin de connoître et parler toutes les langues, tous les idiomes , (il ne connaît même pas le parler de Narbonne) accepte pourtant, pour répondre de bégayer quelques mots patois.
Nous pouvons toutefois supposer, que, lors des absences  du "patron", c'est l'imprimeur Jean Besse qui reprend la rédaction : il se contente d'aligner les dépêches de l'étranger, quelques recettes médicales, et les fameux logogriphes des lecteurs, sans commentaire.
Tiens, nous voici arrivés en pleine analyse du contenu du Bulletin.
C'est quand même ça l'essentiel :  il ne suffit pas d'être rare pour être intéressant.
Qu'est-ce qui a piqué ce petit seigneur rousseauiste pour qu'il lance une revue qui ressemble plus au Courrier international qu'à une gazette provinciale? 

Bulletin de Narbonne (Aude) 1780
  

Le BULLETIN DE NARBONNE  est en effet presque exclusivement consacré à la guerre d'indépendance des Etats-Unis, vu sous son aspect européen et naval entre la France et l'Angleterre,  l'épicentre des opérations se situant à Cadix.
En effet, les énigmes et logogriphes d'une part, la rubrique de médecine pratique de l'autre ne sont là,  et c'est dit explicitement, que pour attirer des lecteurs.
Les nouvelles locales sont, elles, pratiquement inexistantes, et, de toutes façons, sans intérêt.
Qu'est-ce qu'un logogriphe, me direz vous? Eh bien, un logogriphe est une énigme où l'on donne à deviner un mot à partir d'autres, composés des mêmes lettres. Un logogriphe est présenté comme un animal, possédant des pieds, une tête, un coeur et une  queue :
Les pieds sont les lettres qui composent le mot à trouver. La tête est la première lettre de ce mot. Le cœur est la lettre centrale. La queue est la dernière lettre :
Sur mes quatre pieds
Je suis d'un animal, le petit
Si vous me décapitez
Aussitôt je me liquéfie
Solution: Veau (eau)


Logogriphe en forme de Calligramme

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Mais, globalement,  les 80% de la revue sont consacrés à la publication de correspondances reçues de Cadix, ou d'articles de gazettes espagnoles. 
Même la rubrique des "Petites annonces" reste lamentablement vide.
Y a-t-il, à cette époque, dans une autre ville française, une seule Gazette consacrée à la politique étrangère?  Pas évident !
A noter qu'il y a même des nouvelles sur le Ramadan à Constantinople.
Le petit relevé des sommaires qui clôturera cette notule ne rendra donc compte que des nouvelles ne portant pas sur la guerre.
En fait, ces Bulletins nous apprennent, à nous, bien peu de choses sur la guerre des Amériques. 



Mais ils nous apprennent pas mal sur la curiosité et la convivialité d'une petite ville de Province à la veille de la Révolution.
A Narbonne, l'homme fort, c'est Mgr Dillon, archevêque de Narbonne (sans doute le plus riche archevêché de France) qui est aussi Président de droit des Etats généraux de Languedoc.
Autour de lui, des foules d'abbés, de chanoines, de fonctionnaires et de nobliots. C'est cette population qui compose le lectorat, volontiers interactif, des Bulletins.
Tous ces gens sont des citoyens éclairés, qui s'intéressent à l'histoire du monde et soutiennent l'indépendance et la future démocratie américaine.
Ils sont, en général, plus rousseauistes que voltairiens.  Ils sont aussi passionnés de sciences naturelles et se situent volontiers dans la continuité du  courant agronomiste.
Modernes et éclairés, ils s'abstiennent de parler occitan, patois… Certains, comme Marcorelle  lui-même, prétendent ne pas le connaître du tout.
Or,  Jean-François Marcorelle, baron d'Escales est  né à Escales près de Lézignan-Corbières, dans l'Aude.  Comment aurait-il échappé à l'immersion linguistique occitane? Lui qui se veut seigneur bienfaisant , proche de ses sujets.  Il a construit une fontaine dans son village.  Il en déplace le cimetière pour plus de salubrité. A Narbonne, témoin de deux morts accidentelles dues aux fosses d'aisances, il écrit  : Détails de l'accident funeste arrivé dans une fosse d'aisance de la ville de Narbonne, les 16 avril 1779... et l'avis de M. de Réaumur pour les secours à donner aux noyés .
Il se pique de météorologie. Pendant ses études à Toulouse, il a calligraphié un beau manuscrit d'Observations météorologiques faites à Toulouse pendant l'année 1749, L'auteur a consigné précipitations, températures et pressions en indiquant les effets du climat sur les céréales, légumes, fruits, le vin, les abeilles, vers à soie et les maladies humaines. Quarante ans plus tard, c'est un Mémoire sur une trombe de terre qui parut sur Escales  le 15 juin 1785.
Entre ces propos sur le climat, il a publié en 1760 un Mémoire sur le Fromage de Roquefort qui sera curieusement édité dans la série des Mémoires de Mathématiques et de Physique de l'Académie Royale des Sciences.
 





DESCRIPTION MATERIELLE :
Chaque Bulletin  a 2 pages, sauf les n° 26 (1780), 1 (1781),  1 (1782) qui en ont 4.
24 cm. , soit un format de reliure in quarto.
 Il y a 31 numéros pour 1780, 104 pour 1781 et  77 en 1782, soit  212 numéros en tout . Ce n'est qu'à partir du N°7 que les bulletins sont numérotés. Le  dernier N° est manuscrit.
Mon exemplaire porte une reliure en veau, d'époque, assez fatiguée. 

 QUELQUES CONTENUS REMARQUABLES :
Le N°4 comprend une nouvelle narbonnaise (nomination d'un professeur), pour la 1ère fois.
Le N° 5 fait part de nouvelles expériences scientifiques transmises à M. Marcorelle.  Remède contre fièvres.  Termine par une énigme (le mot est donné au n°6).
le N°VII porte, pour la 1ère fois le nom de l'imprimeur et remplit recto verso le feuillet.  Le remède ayant été du "gout de nos lecteurs", en voici d'autres.  In fine : Logogriphe.
N° XI : Les vers, énigmes et logogriphes sont reçus chez Besse.
XII  : Exergue permanent : Je n'aime que la vérité / Je plaide pour l'humanité / Raoulx. (qui signe le 1er quatrain d'éloge de Marcorelle. De la doctrine chrétienne). Logogriphe de M. Figeac, architecte à Narbonne (et n° VIII, 28 1 1781) .
XV Polémique (suivie) contre les cloches de St Sébastien de Narbonne qui provoque des maux d'oreilles
XVII Abonnements à 12 sous par mois, ou 2 sous le bulletin qui paraitra tous les lundis et vendredis.
XXII Vers de M. Gastinel, professeur d'éloquence, Narbonne
XXIII Nouvelles du Ramazan (ramadan) à Constantinople.
XXV Le Bulletin reçoit les annonces payantes (ventes, fermes, louages)
XXVI La feuille passe (exceptionnellement) à  2 f°, 4 p.
XXVII Hostalot, notaire royal
XXX Castans, voir son panégyrique !!  Idem abbé Claverie, n° XXXI de 1780. Ces éloges deviennent un jeu :  Fournier n°1,  Mlle Claverie, n° 2,  Gousty, n°5 , Postic, 6 ;  Janot, n° 10, etc…
I, 1 janv.. 1781. La numérotation discontinue. 4p. , bandeau gravé sur bois  par Brunet repris le 3 janv. 1782 , pour une reliure annuelle.  Publicité, réclame pour Besse, libraire.
III, Vers de Mr Cailhava, en occitan   (Noter : la graphie  trouvax pour trouvatz) sous le pseud (dévoilé) de Guillat, Me charbonnier.  LE REDACTEUR BEGAYE QUELQUES MOTS PATOIS EN REPONSE.  Autre texte personnel dans n° VI : retour d'Escalle, près de chez Marcorelle. Il s'agit du frère de Calhava, l'écrivain.
VI Inondation de Narbonne à la une (11 janvier 1781)
IX Ode à Mgr Dillon par M. Simon, écolier de rhétorique.
XI Noyé sauvé à Narbonne
XV Première petite annoncepour une  vente
XVIII et  quelques suivants : sur papier bleuté.
XVIII Curieuse anecdote à propos d'un cousin de JJ Rousseau, né à Ispahan.
XIX Création d'une Académie à Narbonne (Marquis de Chef de Bien Saint Amans)
XXVII Publicité pour des tissus
XXIX, le 2 avril 81, tremblement de terre à Nîmes
XXX, Dernière feuille rédigée par Marcorelles qui part en voyage. Il est remplacé, on ne sait par qui.  A partir de là, beaucoup moins de fantaisie !! : guerre, médecine quand on peut, logogriphe.
 LIIX Encore une lettre de Rousseau, "illustre auteur qui, par ses écrits immortels a tant éclairé les arts, l'éducation, même la liberté et si fort contribué à tourner son siècle du côté de l'utile"
LXXXIII Publicité pour l'Anisette Gasc
XCIV  et suivantes "Cette feuille est toute de l'ancien rédacteur"  Qu'est-ce que ça veut dire?  Que Marcorelle est revenu? Oui, il y a plus de fantaisie et de nouvelles locales, ou de lettres de lecteurs.
XIV 17 02 82  Encart : Chanson sur la prise de Mahon. Avec même bandeau que ceux de début d'année. , 1f°
XXIII , publicité pour un Mémoire … pour neutraliser les fosses d'aisances… par Marcorelle, chez Besse à Narbonne
XXVII Abonnement annuel 7 livres 4 sols
XXX Une énigme typographiée en "calligramme".
XXXVII Acrostiche sur le nom de Marcorelle, par l'abbé de Claverie
LXVIII Lettre d'une "jeune, belle et vertueuse dame (Mme de B)  et de son digne, respectable et savant oncle (abbé de C.) " AU SUJET DU RETABLISSEMENT DE LA SANTE DE MARCORELLE :  "Il vit, et la Parque cruelle // N'a pu couper la trame de ses jours
LXXVII 26 sept 1782 Numéro manuscrit . In fine : "Nota : des raisons qu'il seroit inutile de déduire icy ont empêché l'impression et la publication de ce bulletin. C'est pourquoi on ne le donne que manuscrit et imparfait".









Une affaire de viol à Montpellier en 1785 : une histoire éternelle : la victime coupable, les accusés rigolards. De l'utilité du factum pour retrouver la vie vraie des siècles passés.

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FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785

1785, à Montpellier. Semaine du mardi-gras, mercredi des cendres. On s'amuse, on boit de la clairette, on danse. 
Quelques jours après, Marguerite CAVALIER, "qui a à peine atteint son adolescence", porte plainte pour  "VIOL DE PUDEUR". 
Les jeunes impliqués portent des noms de notables montpelliérains. Auzillion (marié, des enfants), Fajon, Astruc, Delon, Auguste Cambon, Ferrière, Allègre. Toutes ces patronymes se retrouveront un jour où l'autre sur les listes d'élus locaux ou nationaux. 
Marguerite Cavalier est apprentie couturière, ce qu'on nomme à Montpellier une "grisette". 

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785


LES FAITS  : 
Le bal se déroule dans un local du centre ville (qui est curieusement nommé p. 15 : le Temple). Au fond, sur une estrade, l'orchestre. L'appartement est vaste, plus de 100 personnes y dansent à l'aise.
Au moment où l'on allait terminer les Bacchanales,un groupe de jeunes hommes incite les Demoiselles à sortir : Allez vous en, retirez-vous, il ne fera pas bon ici pour vous autres. Nous allons éteindre les chandelles et faire la farce. Ce qu'ils disaient d'un ton à faire penser qu'il allait arriver quelque triste événement dont une fille devait être victime. 
A ce moment, les portes sont fermées, les chandelles du fond de la salle éteintes.
Et la fête commence....
Mlle Nougaret, une collègue d'atelier de Marguerite Cavalier déposera "qu'on lui avait seulement passé la main dans le sein, et même sous ses jupes et qu'on lui avait fait des attouchements".
Pour Marguerite CAVALIER,  "on lui a arraché avec violence les marques de la puberté"c'est à dire qu'on lui a arraché les poils du pubis et fouetté surtout certaines parties très sensibles.  On a porté des mains indiscrettes sur tous les endroits de son corps que les lois de la pudeur ne permettent ni de toucher ni d'exposer à la vue. 
Les libertins ont rassasié leur vue des objets que le sexe cache avec le plus de soin. 

Les faits sont attestés par des témoins : Joseph Mestre, Sébastien Lacombe et André Roux ont dit qu'on avait dépilé des filles dans le Bal et qu'on les avait fouettées. 
Autre témoin, Marie BERNARD, la maitresse couturière, à laquelle Marguerite Cavalier, en larmes, s'est confiée à la sortie du bal.
D'ailleurs, Il est public dans cette ville qu'une pareille aventure était arrivée une année auparavant. Les accusés et autres jeunes-gens de la ville en avaient été acteurs. On voulut la renouveler. La domestique de Me B... a été la victime de cette année-là.
A l'époque, personne n'a osé porter plainte. 


ATTITUDE DES ACCUSÉS : 
 Un de accusés d'abord se vante publiquement des faits et les renouvelle à l'instruction : "Quel délice, mon Dieu, que nous nous sommes bien amusés! Nous avons retenu deux filles, nous avons éteint les lumières, nous les avons fouettées, et leur avons arraché du poil.
Leur défense est de dire que c'est une tradition festive : La Jeunesse du bal était bruyante, elle était accoutumée à s'amuser de tout. C'est donc par amusement qu'ils ont commis un délit, ILS EN RIENT ENCORE. Lorsqu'ils seront punis, ils tourneront la punition en plaisanterie, elle leur fera passer un quart d'heure de récréation. 
 A ce jour, ils se sont bien amusés sur leur crime. On entend dans toutes les rues les rires immodérés qu'ils font éclater
Auzillon essaye d'acheter le silence de la victime : Le sieur Auzillion , en lui présentant son or : Tiens, voilà pour ton foutu poil. 

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785


LA CONTRE ATTAQUE DES INCULPÉS : 
Vos écrits sont remplis de récits obscènes. 
L'exposante cherche à faire fortune : c'est des dommages qu'elle réclame.
D'ailleurs, elle l'a cherché : Pourquoi donc aller au bal puisqu'elle ne savait point danser? ELLE S'EST EXPOSÉE AU DANGER ; ELLE L'A RECHERCHÉ.  

 CONTESTATION DES FAITS : 
Il n'y a pas eu de vérification. Le corps du délit n'est point constaté.


LA PLAINTE et L'OPINION PUBLIQUE SE RETOURNE CONTRE LA PLAIGNANTE : 
Je cite textuellement le factum (comme tout ce qui est en italique gras) : 
Une fille à qui on a fait un affront est souillée d'une espèce d'infamie; au fond du coeur on lui rend justice; mais ceux qui la plaignent le plus la méprisent. 
Lorsque la Demoiselle Cavalier résolut de porter plainte.. personne ne voulait prendre en main sa défense. Les accusés sont des gens bien respectables, toutes les bouches étaient muettes.  
 Son avocat (M. DE SEURAT, qui rédige ce factum), confesse même qu'il a fortement hésité : Il s'est adressé au Pasteur de cette fille, à ses voisins, à ses connaissances. Ce n'est qu'après les éloges qu'on lui a fait de son honnêteté qu'il a pris sa défense. La moralité de la victime conditionne sa position même en tant que victime.
Avant de se résoudre (du moins pour l'une d'elle), à porter plainte, les victimes gardaient le plus profond silence, crainte que l'aventure ne circulat de bouche en bouche.

FACTUM : UN VIOL A MONTPELLIER EN 1785

CONCLUSION : 
A travers un factum, on découvre une attitude constante face au viol dans les sociétés occidentales (chrétiennes? ) depuis des siècles. 

Je ne sais pas la décision des juges. 
Je ne sais pas ce qu'est devenue Marguerite Cavalier. 



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